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Quel potentiel du film "Détective Pikachu" pour un auteur de fanfics ?



À l’occasion de la sortie de Pokémon Détective Pikachu ce mois-ci, nous avons décidé de mettre de côté la série d’articles sur le réalisme pour passer en revue ce que ce nouveau film pourrait apporter à un auteur de fanfictions. Et il y a beaucoup à dire ! Il ne s’agit pas d’une review à proprement parler, ou alors d’une review très axée sur les éléments du film exploitables dans une fanfic — ou plus largement, qui pourraient concerner un auteur de fics.

Attention, nous allons nous baser sur des exemples précis : plusieurs spoilers seront donc présents dans l’article, vous voilà prévenus.

Les premiers éléments intéressants tiennent tout simplement à la nature de la prise de vue du film : en tant que premier long-métrage Pokémon en live-action, employant des Pokémon plus vrais que nature, Détective Pikachu est un excellent moyen d’appréhender l’univers d’un point de vue plus réaliste ne serait-ce qu’au niveau de la description.

Nous sommes tout d’abord confrontés à un nouveau regard sur nos monstres de poche : le studio s’étant occupé de la modélisation des Pokémon ayant bien fait son travail, nous sommes loin de l’aspect lisse des artworks et sprites que nous connaissons. La texture des pelages et peaux, particulièrement bien réalisée, peut devenir un élément de description central pour inscrire un Pokémon de fanfic dans un cadre réaliste. Ou pas forcément réaliste : devant les bande-annonces, certains se sont retrouvés déroutés par l’aspect un peu “sale” des Pokémon, parfois presque effrayant : en exacerbant ce genre de caractéristiques, on peut aussi parvenir à un résultat assez glauque, qui pourrait servir une fic recherchant une telle ambiance.

Enfin, de manière générale, on peut, pour décrire avec plus de réalisme, rapprocher le Pokémon concerné de l’animal ou de la chose sur lequel il est basé, ce que fait le film. De la peau d’Amphinobi à la surface de Golemastoc, en passant par les bestioles à fourrure, tout était imaginable à partir des simples designs et informations du Pokédex… il suffit d’avoir le cran de s’écarter des artworks que l’on connaît pour effectuer un véritable travail sur l’apparence des Pokémon. D’ailleurs, même si tout le Pokédex n’est pas représenté dans Détective Pikachu, le peu que l’on en voit suffit à se faire une idée du principe, applicable à n’importe quelle autre créature.

On peut même aller encore plus loin dans l’interprétation à ce niveau, et donner une plus grande part animale encore aux Pokémon d’une fanfic. L’Arcko du film va un peu dans ce sens, avec sa physionomie et ses attitudes. Certains comportements, comme celui de Snubbull, sont aussi plus “bestiaux” que ce que l’on pourrait soupçonner. Là encore, c’est à l’auteur de choisir le degré de réalisme de ses représentations, et il ne faut pas hésiter à partir loin dans l’interprétation si cela peut profiter à un récit ou à son ambiance.

D’ailleurs, un autre point sur lequel on aurait pu creuser le réalisme au sein du film : les différences entre individus d’une même espèce de Pokémon. Bien sûr, le travail accompli et les moyens mis à disposition sont déjà exceptionnels au niveau de l’adaptation des visuels de Pokémon, mais si on voulait vraiment râler, on regretterait que les membres d’une espèce soient des copies conformes les uns des autres (cela se voit notamment avec le groupe de Bulbizarre). Si l’on prend deux souris dans notre monde, par exemple, elles ne seront jamais strictement identiques : longueur et couleur du pelage, corpulence, forme des pattes, des oreilles, etc… ces éléments de différence peuvent être mis en œuvre dans une fic pour lui donner (toujours) une saveur plus réelle, ou même, dans une histoire prenant place dans un monde peuplé de Pokémon afin de distinguer les individus.

Outre l’aspect visuel des Pokémon, le respect des tailles attribuées à chaque créature renforce la cohérence de l’univers dans lequel le film nous plonge. En effet, il n’est pas souvent simple dans les jeux de se représenter efficacement les dimensions des Pokémon dans le monde réel, et ce en dépit des avancées des titres les plus récents (apparition de fumée à “l’atterrissage” des Pokémon les plus lourds sur le terrain, modèles 3D, présence de Pokémon dans l’overworld…).

La plupart de ces différences de taille sont rarement au premier plan (on peut citer les Rattata qui se promènent lorsque Tim et Pikachu vont rencontrer M. Mime, les Statitik sur un fil électrique, ou encore les Flabébé et Guérilande de la scène avec les Bulbizarre), mais elles permettent d’apporter une profondeur, un foisonnement de détails et d’anecdotes à ce monde, et donc à le rendre plus réel. Une adaptation en fic de ce procédé pourrait, par exemple, inclure des mentions de ces scènes de vie toutes simples et pourtant riches : votre personnage pourrait apercevoir des Poichigeon qui picorent des miettes de pain tombées au sol, ou un Miaouss se dorer la pilule sur un rocher… Ces tableaux n’apportent rien à votre scénario lui-même, mais en revanche, elles aident à étoffer votre univers, à rendre votre cadre plus vivant. Dans nos articles précédents, nous avons beaucoup évoqué de concepts globaux, d’idées larges pour étoffer l’univers de votre fic ; si ces éléments sont présents dans le film, le réalisme tient à quelque chose de beaucoup plus simple dans cette richesse du décor.

Le cas de l’évolution tel qu’elle est présentée dans le film mérite aussi réflexion. Si l’on voit effectivement Magicarpe et Évoli évoluer presque instantanément, la présence de bourgeons partiellement éclos chez les Bulbizarre pourrait suggérer une évolution progressive, ou du moins annoncer une évolution prochaine. Dans le cas d’une fic, il peut être intéressant de reprendre ce concept, afin de donner un indice à son lecteur. Un Wattouat pourrait se mettre à perdre de plus en plus de laine ; un Escroco, voir ses écailles rougir petit à petit ; une petite bosse pourrait commencer à poindre sur le front d’un Ponyta, etc... Il ne tient qu’à vous d’imaginer comment un Pokémon pourrait commencer à changer !

Bien que le Pokédex semble souvent rempli de descriptions exagérées, il est toujours intéressant de s’y pencher pour redécouvrir certains aspects de Pokémon que l’on croyait pourtant bien connaître… Ou pour justement jouer avec ces descriptions. Ainsi, si les migraines de Psykokwak sont bien connues parmi les fans, notamment grâce à celui d’Ondine dans l’anime, son utilisation dans le récit de Détective Pikachu donne une toute autre vision de son état. Là où l’anime traitait ses migraines de façon plutôt comique, le film décide de l’évoquer de manière plus sérieuse : si la scène de la voiture paraît effectivement drôle au premier abord, elle peut avoir différentes lectures. D’abord, le fait que sa Dresseuse ait conscience de la dangerosité de son Pokémon, et se retrouve obligée de passer des musiques apaisantes afin de lui éviter tout stress potentiel. Mais surtout, on est en droit de se demander si ce Psykokwak n’exagérerait pas volontairement une partie de son mal, afin d’obtenir ce qu’il veut (un massage des palmes de la part de Pikachu, par exemple)

Enfin, le film permet, plus encore que l’anime, de mieux se rendre compte de l’impact d’un combat Pokémon sur son environnement. L’affrontement entre Pikachu et Dracaufeu, notamment, montre non seulement le dynamisme des créatures (elles ne restent pas là sans rien faire en attendant un ordre de leur Dresseur ou partenaire, elles vont chercher à fuir, esquiver voire contre-attaquer) mais surtout le fait que ces combats font des dégâts sur le terrain, et que celui-ci peut devenir une véritable arme à utiliser au cours du match, à l’instar de la colonne de projecteurs qui entrave Dracaufeu pendant un moment. On peut aussi remarquer l’utilisation ingénieuse de certaines capacités, comme le Tortank qui combine son Tour Rapide et son Hydrocanon afin de dissiper les différents Reflets d’Ectoplasma et ainsi dénicher le vrai. Si vous cherchez de l’inspiration sur comment rendre vos combats plus énergiques, n’hésitez pas à sortir des sentiers battus en imaginant d’autres utilisations ou combinaisons d’attaques ! Cela peut être une Lame de Roc utilisée de manière défensive ou pour aider votre Pokémon à se propulser dans les airs, l’utilisation d’une attaque Eau sur le Pokémon adverse afin d’augmenter la probabilité de le geler avec une attaque Glace, bref, les possibilités sont multiples !

En plus de nouveautés visuelles, le film apporte de nouvelles choses à l’univers Pokémon d’un aspect canonique : à commencer par des lieux. Certes, Ryme City était déjà le décor du jeu Détective Pikachu, mais la ville que le film nous présente montre peu d’endroits communs avec son équivalent sur console. Raison de plus, d’ailleurs, pour ne pas imaginer une ville des jeux se limiter à ce que l’on en voit… le film en live-action ajoute ici des rues, une gare, un quartier malfamé et des cages d’escalier, entre autres. Ce sont autant de nouveaux éléments sur lesquels baser une histoire, ou dans le cadre desquels placer une histoire (d’autant plus que la prise de vue réelle nous donne une bonne idée de l’ambiance de chaque lieu, utile pour la description). Ou autant d’éléments qui nous permettent de réfléchir à adapter les petites villes de 200 habitants des jeux Pokémon en de véritables agglomérations semblables à celles du monde réel, pour plus de crédibilité.

Dans ce nouveau lieu prend aussi place un nouveau concept, inédit dans le canon Pokémon : une entraide humain-Pokémon exempte de toute Pokéball. Voilà une alternative exploitable à l’omniprésence des combats dans le reste du monde, et qui est d’ailleurs bien représentée grâce à des scènes de vie quotidienne (un Mackogneur aide à la circulation, par exemple). Ensuite, pour un auteur qui voudrait adopter cette idée dans une fic, de nouvelles pistes de réflexion s’ouvriraient. Quel est le statut de certains Pokémon dans une telle société : accompagnent-ils seulement les humains, ou certaines créatures intelligentes comme Alakazam pourraient-elles gravir les échelons d’une construction sociale humaine ? Quels sont les droits de ces Pokémon vivant en symbiose avec les humains ?

Avec cela, Ryme City présente une particularité dans l'univers Pokémon, celle d'y voir les Pokéballs interdites. Cela n'a l'air de rien dit comme ça, mais cela représente une différence culturelle énorme avec les autres régions connues du Pokémonde, car cela suppose une économie qui ne tourne pas autour du dressage et des combats. Ici, les Pokémon sont des partenaires. Si dans les fics on retrouve assez souvent des critiques du modèle proposé par les jeux (ouh, les vilains dresseurs esclavagistes qui séparent les pauvres Pokémon de leurs familles !), on n'a que très rarement la proposition d'un modèle alternatif comme c'est le cas dans le film. Pour les auteurs, cela ouvre de nouvelles pistes de réflexion : comment dépasser le paradigme social mis en place dans la licence depuis ses débuts ?

Au début du film, on voit bien l'importance du voyage initiatique avec l'ami de Tim qui lui conseille de partir, comme le reste de leurs connaissances. Notons au passage que ce départ pour les routes a lieu tardivement au vu de l'âge des personnages. Ce concept n'est plus évoqué dès lors que le protagoniste arrive à Ryme City, dont la philosophie n'est pas de grandir en allant à la découverte des monstres de poche, mais de permettre à l'humanité d'évoluer quotidiennement au contact des Pokémon. En plus de différences culturelles entre régions, qu'elles soient canon ou inventées, les auteurs peuvent imaginer des différences d'approche dans la cohabitation avec les Pokémon, des points de vue différents sur ce qu'humains et Pokémon peuvent tirer les uns des autres.

Ces prises de libertés vis-à-vis des jeux principaux ne se limitent pas qu’à des concepts abstraits. Le plot twist du film se base sur l'idée d'une symbiose entre un humain et un Pokémon allant au-delà de ce que Pokken Tournament puis l'animé proposaient avec la synergie d'Amphinobi. L'esprit humain fusionne véritablement avec celui du Pokémon afin d'assurer une compréhension totale entre les deux. Plus anecdotique, on trouve également des Torterra géants, trouvaille esthétique qui peut rappeler l'Onix de cristal du dessin-animé. Dans les deux cas, non seulement cela ouvre des possibilités approuvées par The Pokémon Company en termes d'intrigue pour les auteurs de fics, mais cela peut être vu comme une incitation à "jouer" avec l'univers mis en place pour proposer les idées les plus folles.

Pour ne pas encombrer le récit, il n’est jamais fait allusion à la table des types au cours du film. En effet, Détective Pikachu a été pensé pour plaire autant aux fans hardcore qu’aux non-initiés, ce qui est rarement le cas des fanfics. De ce fait, les auteurs oublient souvent de se poser une question capitale : à qui s’adresse leur récit ? Car même parmi les fans de la série, on distingue plusieurs paliers, allant de ceux qui n’ont plus touché un jeu depuis la énième génération à ceux qui connaissent tous les personnages secondaires des épisodes de l’animé.

D’autre part, cette absence de toute mention des types nous autorise aussi à questionner sa crédibilité dans un récit pour tout public. Pourquoi un Onix se tortillerait-il de douleur au contact de Bulles d’O quand un Yanméga peut encaisser Close Combat presque sans broncher ? Or, on touche ici un point sensible de la fanfiction Pokémon, à savoir comment se placer vis-à-vis des mécaniques de gameplay les plus importantes de la licence, tout en adaptant intelligemment le contenu de celle-ci, sans froisser les lecteurs ? La tâche est rude.

Au niveau canonique, Pokémon Détective Pikachu apporte peu de choses au final. Le film enrichit un peu la biographie de Mewtwo. Il est dit du Pokémon Génétique qu'il a été créé vingt ans auparavant à Kanto, ce qui d'une part inscrit le film dans la canonicité des jeux et de l’animé, d’autre part laisse à penser qu'il a été capturé au Village Pokémon de Kalos, à moins qu’un événement n’ait poussé Mewtwo à quitter ce lieu. À cela s’ajoutent quelques nouveaux personnages, comme Lucy Stevens, qui peuvent être réemployés dans des fics plus centrées sur la série principale ou l’animé.

En revanche, le film apporte son lot d'incohérences canoniques pour tout ce qui touche aux personnages de Tim Goodman et du Détective Pikachu. En effet, lesquels sont les vrais, ceux du film ou ceux du jeu vidéo ? Si jamais un auteur écrivait une fic narrant leurs aventures, il serait obligé de préciser sur quelle mouture il se base pour être compris des lecteurs. D'une façon plus tordue, on peut également imaginer que Tim Goodman et son comparse parlant sont deux archétypes propres à l'univers Pokémon et que chaque auteur peut se les réapproprier à sa manière, physique et âge inclus.

On note au passage que pour la toute première fois, le protagoniste n’est pas un enfant. Techniquement, c’est déjà le cas dans le jeu vidéo éponyme, mais il faut bien avouer que le chara-design de Tim Goodman prête à confusion quant à son âge. Ici, Tim a vingt-et-un ans, et non dix-huit, et travaille pour une compagnie d’assurances. On aurait pu espérer que cela ait un peu plus d’impact sur le film. En outre, il demeure que le jeune homme est clairement attiré par sa comparse journaliste et semble avoir connu un raté dans sa jeunesse en tant que dresseur, ce que l’on ne retrouverait pas chez Sacha par exemple. Mais cela ne suffit pas pour obtenir un protagoniste adulte qui apporte véritablement quelque chose à la franchise. Pour un auteur de fic, cela mène malgré tout à se poser deux questions : est-ce qu’un protagoniste adulte est crédible dans une fanfic Pokémon et en quoi le point de vue d’un protagoniste plus âgé serait-il différent de celui des héros traditionnel de la licence ?

Avant de terminer, revenons sur une des critiques qui a été faite au film, à savoir le nombre de Pokémon. Cinquante-quatre Pokémon sur huit cent douze actuellement, cela fait peu, mais on devine que la modélisation des créatures a dû être coûteuse en temps et en efforts. Néanmoins, malgré l’impératif de représenter chaque génération (et de survendre le Pokédex de Kanto), on constate que le choix des créatures est relativement cohérent. On retrouve beaucoup d’oiseaux, de félins et de canidés, qui collent assez bien à la vie citadine. On a des Frison à la campagne, des Capumain sur les toits, peu de Pokémon de type Eau en ville et du type Fée dans une forêt qui se veut onirique. Ce film est donc un bon exemple à suivre lorsque l’on écrit une fic pour ce qui est de choisir les Pokémon des différents personnages. En effet, il vaut mieux proposer des créatures adaptées aux lieux décrits, plutôt que de mettre en avant uniquement ses Pokémon favoris, a fortiori lorsque l’action prend place dans une région inventée. Dans ce cas, il est conseillé aux auteurs de déterminer le contenu du Pokédex local avant l’écriture de la fic et, à l’instar du film, ne pas mettre forcément trop de Pokémon. Ce serait oublier que dans les jeux, nous sommes souvent amenés à combattre les mêmes créatures.

Pour conclure cet article, si le film Détective Pikachu est loin de révolutionner le cinéma, ni même l’univers Pokémon, il présente des éléments intéressants à exploiter, ou sur lesquels réfléchir pour tout auteur de fanfic. Car au fond, le processus qui a mené à la conception de ce film n’est pas si différent de celui qui conduit un auteur amateur à l’écriture d’une fanfiction.

Pour une review plus classique du film, nous vous invitons à lire cette news sur le site.


Par Keeibuy, LunElf, Yûn et un anonyme


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