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Analyse d'auteur : PZ



PZ, venu à l’origine du forum Pokémon France où il publiait ses fanfics, s’inscrit sur Pokébip en 2014. Il ne poste sa première histoire sur le site qu’en 2016, à l’occasion du concours officiel Soleil et Lune, et réapparaît ensuite en 2018 pour nous offrir deux nouveaux textes, l'un plus ancien, l'autre récent. Sa production se compose exclusivement de récits courts, ne dépassant pas les six chapitres (pour l’instant...).

Indubitablement, une certaine qualité d’écriture est au rendez-vous : l’auteur a démontré au travers de ses différents textes une bonne maîtrise de la narration, que ce soit à la première ou à la troisième personne. Il gère également les scènes d’action, plutôt nombreuses dans son travail, ainsi que les dialogues : en somme, aucun obstacle ne s’impose pour apprécier sa lecture, le tout est fluide, posé, bien raconté.

Ses écrits se distinguent souvent par une construction temporelle particulière, puisque l’habileté avec laquelle PZ manie les ellipses et les flash-backs n’est plus non plus à prouver : il les multiplie afin d’amener son intrigue d’une manière originale, peu linéaire, ce qui ressort surtout dans Eter City et le trio d’O-S de Rayquaza. En articulant ainsi les fils temporels de son scénario, il parvient à intéresser le lecteur sans pour autant le perdre, et surtout, à le mener là où il le souhaite...

Une des forces de PZ est qu’il sait créer différentes ambiances pour ses différents textes. Dans le premier One-Shot du recueil Rayquaza, l’auteur déploie un registre comique : entre autres, il s’avère que Groudon mâche “nonchalamment” le crâne d’un Charkos — pauvre Pokémon — ou qu’un Rexilius meurt suite à un rejet gastrique du Pokémon Primal... Les dialogues entre Groudon et Kyogre sont tout aussi décalés, et une ou deux références culturelles anachroniques prêtent à sourire. Dans le chapitre suivant, la narration se fait bien plus sérieuse, notamment grâce à l’emploi de jargon scientifique, un thème et une atmosphère bien plus sombres. L’identité narrative d’Eter City, quant à elle, tient beaucoup au parler familier de son protagoniste ; et ainsi de suite… Les parti-pris vont cependant au-delà de la narration, et concernent aussi le genre littéraire du texte. Le premier chapitre de Rayquaza est écrit à la manière d’un conte, qui suppose des personnages archétypaux tels que Groudon et Kyogre.

Le dernier voyage initiatique emploie encore un vocabulaire précis afin d’annoncer un contenu plus sérieux et mature. PZ aime parfois à reprendre et adapter des termes politiques (Hoennxit, ou encore de la rhétorique raciste du Rassemblement National) afin que le lecteur saisisse la gravité de la situation politique à Kanto. En outre, cette fanfic est bien découpée et rythmée. PZ sait montrer la transformation complexe d’un système politique, phénomène qui s’étend sur plusieurs années, en une fic courte de cinq chapitres. Chaque chapitre est épuré et n’expose que le nécessaire, tout en s’attardant sur des moments de la vie de gens ordinaires, afin de pouvoir montrer le glissement vers le fascisme dans toute sa nuance — et avec un impact efficace.

Avec le second chapitre de Rayquaza, ainsi que dans ses deux fics courtes, PZ n’hésite pas à adapter les Pokémon à des sociétés très humaines, avec leurs hiérarchies et institutions (armées, gouvernements, classe ouvrière), voire à présenter des univers dystopiques. Le dernier voyage initiatique nous montre la façon dont le racisme, voire les mouvements anti-migrants, présent dans nos sociétés, pourraient se transformer en un rejet de “Pokémon étrangers” dans ces régions imaginaires. Il est aisé d’oublier toute question de sexisme ou de racisme dans le monde merveilleux des Pokémon, et peu de fanfics s’attaquent à ces thématiques, mais PZ les aborde sans gêne.

Il semble cependant que l’existence des Pokémon ne provoque pas forcément de divergence entre notre monde et celui où ces créatures magiques existent — du moins, cela dépend des fics, et le rôle de nos monstres de poche n’est pas le même à chaque époque dépeinte. Dans Le dernier voyage initiatique, les Pokémon sont plutôt assimilés à des animaux de compagnie. On ne constate aucune rébellion armée, aucune résistance contre le gouvernement, alors même que dans un monde où votre toutou peut cracher du feu, on pourrait estimer que la majorité de la population est armée et aussi dangereuse qu’une légion de soldats avec des kalashnikov ! Dans le second chapitre de Rayquaza, cependant, c’est l’autre extrême : les Pokémon se comportent exactement comme des humains occidentaux du dix-neuvième siècle, avec un système de classes sociales basées en partie sur les stades d’évolution.

Quoiqu’il en soit, PZ nous offre de la matière à penser sur des thèmes peu abordés sur Pokébip, et propose une approche novatrice du monde des Pokémon.

Cela tient aussi à l’ambiance globale de son travail, assez sombre : les thèmes sont souvent pessimistes (Le dernier voyage initiatique, le second O-S de Rayquaza), les personnages peuvent être malmenés (ce même One-Shot et les deux autres fics de l’auteur)... Et plus important et insidieux encore, beaucoup des lieux décrits amènent une ambiance noire dans le récit, du cadre de vie hostile des Mélofées de Rayquaza à la ville criminelle qui donne son nom à Eter City. Tous ces éléments contribuent à plonger le lecteur dans une atmosphère particulière.

Dans la même veine “un-peu-plus-sombre-que-dans-les-jeux”, l’écriture de PZ est aussi marquée par la volonté de décrire des combats Pokémon de façon réaliste, ce qu'il réussit avec brio. Cela passe par plusieurs aspects, notamment la physionomie des Pokémon, ce que Ahou le Mackogneur analyse avec pertinence au cours de ses différents combats. L'environnement est également traité, que ce soit l'espace disponible pour se battre, comme dans la scène de l'ascenseur d'Eter City, ou la météo, qui affecte la puissance du tonnerre de Pikachu dans Le dernier voyage initiatique. Mais surtout, PZ veille au réalisme des attaques employées, justifiant dans les commentaires de sa première fic que peu de Pokémon pourrait biologiquement résister à un jet de flammes, par exemple.

En lisant les descriptions de ses fanfics, on remarque d'emblée le choix de PZ de rassembler ses différentes intrigues dans le même univers partagé, ce qui est assez surprenant au premier abord. En effet, il semble assez difficile d'imaginer un recueil mythologique comme Rayquaza partager le même cadre que les deux autres fanfics plus réalistes. Mais cet aspect mythique est relégué dans un passé lointain, la troisième histoire du recueil s'intègre sans mal aux deux autres textes. On notera que le seul point commun des ces fics est l'existence d'une Union des Ligues, établie par la Convention des Ligues.

La lecture d'Eter City laisse d'ailleurs l'impression que les régions du Pokémonde sont assez proches les unes des autres dans l'univers de PZ. En effet, Eter City est décrite comme une île volcanique bloquée entre Unys, Hoenn et Alola, ce qui suggère une relative proximité de ces régions (qui se situeraient dans l'hémisphère sud, puisque Unys, la plus froide des trois, est également la plus méridionale).

Malgré tout, l'auteur essaie de rester le plus cohérent possible avec le canon. C'est surtout le cas avec son recueil Rayquaza, à la fin duquel commencent les événements de Pokémon ROSA et dont le véritable aboutissement serait l'épisode Delta. À ce titre, le lecteur ayant joué au remake de la troisième génération a l'impression de découvrir la face immergée de l'iceberg, comme si sa partie sur console mettait fin à une histoire débutée des millénaires auparavant. Eter City, bien qu'écrit avant la sortie de Pokémon S/L, a connu quelques modifications pour s'intégrer au mieux à l'histoire des jeux. Enfin, on peut considérer que sa dernière fic se déroule dans un futur proche, donc sans impact sur le canon.

L’utilisation du canon dans le fics de PZ passe aussi par ses personnages : variés, il y exploite différentes possibilités offertes par le matériau de base, du personnage purement canon (Pierre Rochard dans le dernier O-S du recueil Rayquaza) à l’archétype du dresseur en voyage initiatique (les deux jeunes filles du Dernier voyage initiatique), en passant par les inévitables Pokémon.

Ceux-ci sont privilégiés de PZ en tant que protagonistes. On le voit dans les deux premiers textes de Rayquaza, qui mettent en scène Groudon et Kyogre, puis la famille évolutive de Mélofée, mais surtout dans la fic Eter City dont le personnage principal est Ahou, un Mackogneur. À travers celui-ci, il nous parle des aspirations des Pokémon, procédant pour plus d’impact à un échange de rôles : le Pokémon se sert ici de son dresseur pour satisfaire ses ambitions, devenir une créature surpuissante et reconnue par le monde. L’auteur semble plus à l’aise avec les personnages Pokémon qu’avec les humains : même si l’exemple, isolé dans son cas, n’est pas forcément adapté, on note que Clémence, l’héroïne du Dernier voyage initiatique, est plutôt là pour amener un propos que pour être développée.

Malgré cette préférence pour nos monstres de poche, PZ fait montre d’une certaine tendance à les humaniser. Dans Rayquaza, Groudon et Kyogre, par caricature, tiennent une conversation des plus humaines, d’un ton volontairement civilisé ; la société des Mélofée est construite comme le serait une société humaine… et surtout, Ahou le Mackogneur, humanoïde qui plus est, narre à la première personne d’un langage familier qui n’a rien de celui d’un animal. Tout en marquant à plusieurs reprises sa différence avec eux, il présente néanmoins une pensée et un fonctionnement très proches de ceux d’un homme. Ces humanisations peuvent pourtant toutes se justifier par le contexte (Ahou est un vétéran qui vit depuis longtemps aux côtés d’humains, l’histoire de Kyogre et Groudon n’est qu’un conte romancé) ou par le message que l’auteur souhaite faire passer (le côté malsain de l’organisation des Mélofée).

Comme évoqué précédemment et toujours en raccord avec son univers sombre, PZ n'hésite pas à faire des renvois, au travers de ses fics, aux problèmes actuels de notre société. Pour cela, il constelle ses textes de références diverses. Cela se retrouve principalement dans Le dernier voyage initiatique, dont la trame se base sur le texte Matin brun de Franck Pavloff, datant de 1998, dénonçant les dangers d'une uniformisation de la pensée. Les lois sur les Pokémon non originaires de Kanto, contre lesquelles personne ne se dresse, montrent également les difficultés de se débarrasser d'un état totalitaire une fois celui-ci en place. Dans sa fic, PZ ajoute des éléments supplémentaires évoquant l'immigration, le Brexit ou les difficultés de l'État-providence, ce qui étoffe son message et augmente son impact.

Un peu mieux caché, on retrouve dans ses textes un aspect écologique, qui aura servi de point de départ à au moins deux de ses fanfics. En effet, le cadre du second O-S de Rayquaza, une lune désolée, grise et morte, résulte des dérives de la société industrielle des Mélo, Mélofée et Mélodelfe ; dans Le dernier voyage initiatique, la migration des "Pokémon Étrangers" est causée par des dérèglements climatiques dans d'autres régions.

Parmi ses fanfictions, on décèle aussi quelques références culturelles adaptées non sans humour à l'univers Pokémon. L'exemple le plus marquant reste la discussion entre Kyogre et Groudon, dans la première histoire du recueil Rayquaza, durant laquelle le Pokémon Bassinmarin offre une conclusion très actuelle au Jugement de Salomon. De même, on est assez surpris de découvrir un clin d'œil à Rimbaud après un combat à mort entre deux Pokémon dans Eter City.

Et parce que la culture ne se limite pas à la littérature, on est également très content de retrouver les memes de Twitch Plays Pokémon intégrés subtilement dans sa fic la plus récente. Car malgré le ton assez noir, on trouve quelques touches d'humour assez bien amenées. D'ailleurs, l'auteur semble prendre un malin plaisir à insérer des références à l'univers Pokémon lui-même via notamment certains nombres choisis. En effet, la station de radio 151 dans un Kanto replié sur lui-même ou le Virus 386 de la société lunaire prennent tout leur sens dans leurs intrigues respectives.

Vous l'aurez compris, PZ est un auteur original, possédant une vision particulière de l'univers Pokémon qu'il retranscrit à merveille avec un style efficace. En outre, ses fics sont courtes et se lisent facilement, ce qui ne risque pas de décourager d'éventuels lecteurs. Si ce n'est pas encore fait, nous vous invitons chaudement à découvrir ses fanfictions — celles que nous avons évoquées, ou plus tard, la nouvelle production qu’il annonce pour bientôt. À suivre !



Citations :

Eter City
Rayquaza
Le dernier voyage initiatique


Par Icej, LunElf et un anonyme

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