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La ligne de l'Entre-Vie de Kazumari



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» Auteur : Kazumari - Voir le profil
» Créé le 14/10/2019 à 20:05
» Dernière mise à jour le 29/12/2020 à 22:16

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Fantastique   Mythologie   Région inventée

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Chapitre 7 : L’héritière de l’épée sacrée
- Dis, tu veux pas me donner un peu de crème ? Être suspendue de la sorte finit par me donner faim… avoua Britfrith, toujours tout sourire.

La guerrière d’Aralon était ravie d’avoir un nouveau partenaire pour l’accompagner sur le tronc d’arbre déraciné où elle était ligotée. Le Charmilly qui accompagnait la demoiselle blonde qui avait tenté d’assassiner Taranis Helbator fut à son tour enveloppé dans une corde, sur l’espace laissé libre par Britfrith. Cette dernière, s’ennuyant ferme, avait aussitôt tenté de faire ami-ami avec lui mais ses tentatives ne rencontraient pas un franc succès.

Le Pokémon Fée était bien trop préoccupé par Ylliana pour se soucier des demandes de Britfrith. L’adolescente venait d’entamer une confrontation à mort avec le chef des Crânes Noirs. Son rêve depuis toujours, qui lui donnait une chance de rétablir la mémoire salie de sa famille sans nom. Mais comme il fallait s’y attendre, Ylliana ne faisait clairement pas le poids face à son adversaire, pourtant ayant plus de deux fois son âge.

Taranis ne l’affrontait même pas avec son arme de prédilection, sa fidèle hache qui demeurait dans son fourreau spécial attaché dans son dos. Le brigand usait d’Arithmédia au cours de la confrontation alors que le maniement de l’épée ne se révélait pas être sa spécialité. La lame dorée rencontrait régulièrement celle plus ordinaire d’Ylliana, qui faisait de son mieux pour tenter d’apercevoir une ouverture dans le style de combat de son opposant.

Britfrith ne fut s’empêcher de se montrer déçue de la performance de la jeune fille. Elle avait beau être celle qui avait provoqué cette suite surprenante d’évènements, elle ne semblait pas être aussi douée qu’on pouvait l’envisager en premier lieu. Il ne faisait aucun doute que Taranis se laissait aller avec elle pour faire passer le temps et se défouler, comme il s’interdisait d’attaquer la guerrière d’Aralon tant que les Crânes Noirs n’auraient pas rallié le royaume de Sindrélia.

- Alors gamine, c’est tout ce que tu as dans le ventre ? demanda le quadragénaire en réprimant un rire moqueur. Je croyais que tu voulais m’assassiner, pourquoi tu n’y mets pas tout ton cœur ?

- La ferme !

Ylliana tentait de trouver une ouverture mais toutes ses offensives se faisaient parer sans la moindre difficulté. Pire, comme elle multipliait davantage les attaques par rapport à son adversaire, elle fatiguait bien plus rapidement. Des gouttes de sueur tombaient de son front et sa respiration se faisait plus saccadée. Taranis aurait certainement déjà pu la tuer s’il le souhaitait et se contentait de retarder l’échéance. Il devait vraiment apprécier les combats pour vouloir les faire durer.

Ne manquant pas de montrer ouvertement son ennui, Taranis alla s’asseoir dans l’herbe pendant qu’Ylliana retrouvait son souffle. Il ne la comprenait pas. Pourquoi avoir tenté de le défier si son niveau était aussi faible ? Lui qui vivait sur les champs de bataille depuis plusieurs décennies ne perdrait jamais contre une enfant qui ne pouvait soulever une épée que depuis quelques années. La différence d’expérience entre les deux était aussi claire que l’eau de roche.

- Gamine, tu n’as pas l’étoffe d’une vraie guerrière, affirma Taranis en se massant la barbe. Tu affirmes que moi et mes frères avons pillé ton village et tué ta famille, c’est bien ça ? Si tu veux les rejoindre, on peut terminer ça immédiatement. Mais si tu veux réparer ton erreur, je te laisse une chance de filer.

- Vous faites dans la charité maintenant ? pesta Ylliana, le regard noir. Pourtant, quand vous avez sauvagement assassiné ma famille et mes proches, vous n’avez pas hésité une seule seconde. Même à moi, vous m’avez fait du mal.

Comprenant que Taranis n’allait pas l’attaquer dans l’immédiat, la jeune fille déboutonna sa veste pour montrer sa peau nue au chef des Crânes Noirs. Son corps était parsemé de cicatrices causées par les brûlures subies lorsqu’elle était retournée au village. Le fameux incident qui avait entraîné l’apparition des Yeux Sacrés de l’Entre-Vie qui ne la quittaient plus à présent. Ces maudits brigands étaient responsables de bien des choses.

Peu impressionné, Taranis se contenta de répondre que les cicatrices faisaient partie du quotidien des guerriers alors qu’Ylliana refermait de nouveau sa veste. Lui-même en avait plusieurs sur le corps. En aparté, Britfrith se contenta d’ajouter qu’elle n’en avait pas la moindre. Ses adversaires mourraient toujours sans avoir l’occasion de la scarifier. Non pas que cela la dérangeait, la combattante aux longs cheveux blancs ne ressentait pas l’envie d’être défigurée.

- J’ai attendu ce jour pendant dix ans, je ne peux pas saisir cette chance de m’enfuir. Soit ça passe soit ça casse, il ne peut pas en être autrement.

- Gamine, tu es toute jeune et tu as la vie devant toi. Je te ménage depuis le début mais cette fois-ci, je n’hésiterai pas à te tuer si nous poursuivons le combat, c’est ton dernier avertissement.

Mais en guise de réponse, Ylliana se contenta de charger dans sa direction, bien déterminée à profiter de la position assise de Taranis pour le transpercer avec sa lame. Vu la situation actuelle, elle n’avait pas le temps de jouer à la loyale. La fin justifiait les moyens après tout. Si elle prenait la vie du chef des Crânes Noirs, sa famille serait enfin vengée. L’adolescente n’entendit pas l’avertissement de Britfrith à son égard et s’apprêtait à le regretter.

Déçu, l’homme musclé se contenta de lever Arithmédia pour frapper un coup à proximité du visage d’Ylliana. Cette dernière, suivant ses réflexes, se révéla capable de faire un pas en arrière au dernier moment. Malheureusement pour elle, cela ne fut pas suffisant pour éviter le fer de l’épée qui l’atteignit à l’œil droit. Si Ylliana n’avait pas reculé, sa tête aurait certainement été coupée en deux par cette simple offensive de Taranis.

- Voilà ce qui se passe quand on ne m’écoute pas, je t’avais pourtant laissé une chance gamine…

Ylliana disposait d’une relation toute particulière avec ses propres yeux, qui lui provoquaient des douleurs constantes depuis dix ans à chaque fois qu’un fantôme ou Pokémon de type Spectre se trouvait à proximité. Mais rien n’aurait pu la préparer pour la souffrance qu’elle ressentait en ce moment. Le sang coulait de la partie droite de son visage alors qu’elle tombait à genoux, sa main ne tenant pas sa propre épée plaquée contre la blessure.

C’était toujours comme ça dans les combats singuliers. Il suffisait de saisir même la plus infime des opportunités pour frapper un grand coup qui permettrait de renverser la tendance. La jeune blonde le savait et s’était attachée à ce fait, espérant pouvoir vaincre Taranis malgré son manque d’expérience notoire. Mais dès l’instant où il était devenu sérieux, elle en faisait les frais. Des larmes commencèrent à couler de son œil gauche et dans sa position actuelle, elle était bien incapable de les essuyer.

Une véritable ovation retentit à travers le public, constitué des fidèles de Taranis qui attendaient avec impatience le bain de sang. Pour eux, peu leur importait que l’adversaire de leur chef soit une enfant qui n’ait même pas atteint la majorité. La vision de Charmilly s’était troublée à cause de ses yeux humides pendant que Britfrith commençait à se frotter discrètement contre le tronc d’arbre pour tenter de desserrer la corde qui la ligotait.

- J’ai tenté de retenir ma force, tu ne devrais pas en garder une cicatrice trop visible, affirma Taranis en observant la lame dorée d’Arithmédia, maintenant ternie par le sang d’Ylliana. En revanche, je pense que tu peux dire au revoir à ton œil droit. C’était ton dernier avertissement. Si tu souhaites toujours continuer, je vais me battre sérieusement.

- Maudits Crânes Noirs… marmonna-t-elle, grimaçant à cause de la douleur.

Avec l’adrénaline la traversant, Ylliana ne se préoccupait même pas de la perte définitive de l’un de ses yeux. Son champ de vision s’en retrouvait néanmoins réduit sur le côté droit où elle avait à présent un léger angle mort. Le sang cessa rapidement de couler de la plaie et elle put retirer sa main. Elle fixa alors sa paume et se rendit finalement compte de la gravité de la situation. Mais elle avait fait ce choix, partir maintenant ne ferait que la couvrir de honte.

Décidant de continuer, elle empoigna fermement son arme. Elle allait lui infliger la même blessure immédiatement et ainsi, peut-être comprendrait-il sa douleur. Taranis lisait néanmoins en elle comme dans un livre ouvert et comprit rapidement ses intentions. Sans trop se fatiguer, il para chaque attaque d’Ylliana, qui tentait de frapper à proximité du visage malgré la différence de taille entre eux. Même pas une minute plus tard, un simple coup du Crâne Noir suffit à faire voler l’épée d’Ylliana dans les airs.

La demoiselle cerna rapidement qu’elle venait d’être désarmée et fit un bond vers l’arrière pour éviter de se trouver dans la zone de manœuvre de Taranis. Mais en atterrissant brusquement, elle se foula légèrement la cheville, ce qui la força à poser le genou à terre. Comme si la souffrance de son œil perdu ne suffisait pas, voilà que d’autres parties de son corps commençaient à lui hurler de tout arrêter. Elle n’était pas prête, le plus judicieux aurait été d’attendre encore quelques années pour accomplir sa vengeance.

- C’est fini pour toi, gamine. Comme tu m’as passablement irrité, je pense t’envoyer rejoindre ta famille puisque tu as l’air de vraiment tenir à eux. N’hésite pas à chanter mes louanges à ton arrivée dans l’Outremonde, j’aime à me dire que ma réputation peut s’étendre au-delà du monde des vivants.

- Je suis une idiote… murmura Ylliana, vaincue.

Taranis s’approcha lentement d’elle, prêt à infliger le coup de grâce avec Arithmédia. L’épée qu’Aléandre avait recherché pendant la majeure partie de sa vie venait de lui prendre un œil et allait maintenant lui prendre la vie. Ylliana trouvait cela ironique avec du recul. Essuyant les larmes de son œil valide avec le poignet, elle ne put qu’attendre son châtiment pour s’être montrée imprudente. Au fond d’elle-même, Ylliana savait qu’elle le méritait.

Une autre épée fendit l’air et rencontra Arithmédia, déviant le coup qui devait mettre un terme aux souffrances de l’adolescente. Cette dernière, qui avait pourtant déjà accepté son sort, releva aussitôt la tête et ouvrit grand son œil valide. Un combattant extérieur venait d’interférer avec leur combat et repoussa Taranis. Si sa vision n’était plus des meilleurs, Ylliana reconnut aussitôt la coiffure blonde de l’explorateur qui l’avait pris sous son aile il y a dix ans.

- Dis-moi gamine, il ne t’a pas raté ! commenta Aléandre en voyant le visage affreux couvert de sang de sa petite protégée.

- Mais pourquoi… je croyais que tu n’avais pas l’intention de te frotter aux Crânes Noirs, balbutia son interlocutrice, décontenancée. C’est pour ça que j’ai pris la peine de partir de mon côté pour ne pas te mettre en danger.

- Je peux savoir à qui j’ai l’honneur ? demanda calmement Taranis, méfiant. Loin de moi l’idée de me plaindre qu’on m’apporte des nouveaux adversaires mais j’aime bien terminer ce que je commence.

- Aléandre Nertiloni, je suis le père de cette gamine, répondit aussitôt le concerné avec le sourire. Et je n’aime pas l’idée de la voir dans cet état donc je vais devoir te donner une petite correction pour compenser. N’y vois aucune rancœur, vos Crânes Noirs ne m’ont jamais rien pris.

Si les larmes s’étaient finalement arrêtées, Ylliana sentit qu’elles venaient de recommencer à glisser sur sa joue. Si elle ne doutait pas qu’il soit attaché à elle pendant toutes ces années passées à parcourir le monde ensemble, elle n’aurait jamais pensé qu’il accepte de mettre sa vie en danger pour la secourir. Surtout après avoir affirmé qu’il était un explorateur avant d’être un guerrier, et que les Crânes Noirs étaient donc hors de sa portée.

Taranis ne voyait pas d’inconvénients à affronter Aléandre avant de pouvoir achever Ylliana. Le quadragénaire avait très bien compris qu’elle n’irait nulle part à cause de sa blessure à la cheville. Elle avait tenté de se relever lorsque son compagnon de route avait fait son entrée mais fut contrainte de laisser le genou dans l’herbe. Elle ne pouvait même pas tendre le bras suffisamment loin pour atteindre son épée tombée à quelques mètres.

Les mercenaires, bien trop captivés par ce retournement inattendu, ne prêtaient même plus attention à leur environnement. Même les deux qui soulevaient le tronc d’arbre où Britfrith et Charmilly étaient ligotés en avaient assez d’être laissés sur la touche et le déposèrent avant d’aller rejoindre leurs confrères. La guerrière d’Aralon et le Pokémon Crème étaient solidement reliés au tronc, ils ne pourraient pas s’échapper. Britfrith ne manqua pas de se plaindre lorsque son visage entra en contact avec l’herbe humide.

- C’est le moment ou jamais, ils ne prêtent pas attention à nous ! déclara Kallan en dévalant discrètement la colline pour rejoindre le regroupement.

- Hé la femme ligotée, ce ne serait pas celle qui t’a bousillé en combat singulier l’autre jour alors qu’elle était complètement saoule ? demanda Rose qui venait de noter la présence de Britfrith. Elle a les mêmes cheveux blancs et noirs en tout cas, difficile de passer à côté.

- Tu me dis quelque chose, toi ! s’exclama la prisonnière à voix haute. On ne se serait pas rencontrés quelque part par hasard ?

- Absolument pas, déclina Kallan, qui ne comptait pas lui rappeler si elle avait oublié à cause de l’alcool. Par contre, tu ferais mieux de baisser d’un ton. Ils sont captivés par le combat mais ils vont finir par remarquer que nous sommes là.

Mais le mal était déjà fait. Britfrith, qui pouvait facilement être qualifiée de tête brûlée n’avait que peu d’intérêt pour le danger que représentait les Crânes Noirs. Les membres les plus proches retournèrent brièvement la tête à cause du bruit et identifièrent l’homme de vingt-six ans. Pendant l’espace d’une seconde, Rose hésita à se rendre visible pour les brigands afin de les pétrifier de peur mais elle n’eut pas besoin d’en arriver à de telles extrémités.

D’un simple coup de poignard, Kallan libéra Britfrith qui disparut aussitôt. Il eut à peine le temps de cligner des yeux que la guerrière d’Aralon avait attrapé son épée fétiche, les mercenaires la conservant avec le reste de ses armes, et avait commencé à assommer un à un les Crânes Noirs avec le plat de la lame. Elle allait bien trop vite pour que ses adversaires aient le réflexe de réagir, même ceux qui furent touchés par la vendetta en dernier.

- Je les aurais bien tués mais je n’avais pas envie de tâcher mes vêtements, soupira Britfrith alors que Kallan venait de libérer Charmilly. Bref, je suppose que vous voulez aller aider votre copain ? Ou alors je m’en charge peut-être ? Il me semble que la tête de Helbator est mise à prix, je peux récupérer la somme si je veux rentrer chez moi.

- Elle est aussi efficace que lors de notre dernière rencontre, nota Rose, profondément amusée.

Ne répondant toujours pas aux remarques de son épouse, Kallan tourna le regard vers le champ de bataille improvisé sur le sentier. Ylliana, impuissante, devait se contenter de regarder la confrontation entre son père adoptif et l’ennemi qu’elle s’était jurée de tuer de ses propres mains. Même sans plaquer sa paume contre sa poitrine, elle pouvait sentir son cœur qui battait douloureusement. Elle avait peur pour son compagnon de route.

Taranis devait l’admettre, ce nouveau venu combattait bien mieux que la gamine qui l’avait défié juste avant. Enfin un combat où il avait la possibilité de se donner à fond avec une chance de perdre. Aléandre avait beau se prétendre explorateur, il maniait habilement l’épée et savait user de ses méninges. Il réfléchissait déjà à la position des points faibles de son opposant. Le trentenaire ne comptait pas tuer Taranis mais simplement créer une diversion qui leur permettrait à tous de s’enfuir.

- La gamine m’a dit que toute sa famille a été tuée par notre clan. Et toi, tu m’affirmes être son père. Quelque chose ne tourne pas rond, dit-il après avoir paré un coup visant son épaule.

- Disons que je suis devenu son père après vos méfaits. Certes, nous ne sommes pas liés par le sang mais un lien tout aussi fort nous unis, affirma Aléandre, toujours concentré sur sa bataille.

Sentant ses muscles endoloris, Ixon fut le dernier à rejoindre la zone en descendant la colline. Le Pokémon Barrière réalisa alors avec déception que les membres des Crânes Noirs étaient presque tous assommés et que les rares encore saufs avaient bien trop peur pour s’approcher de Britfrith qui les observait avec un grand sourire. La guerrière d’Aralon attrapa l’intégralité de son arsenal, dont les différentes armes étaient rangés dans un fourreau spécial qui lui permettait de tout transporter en même temps.

Lorsque le silence s’installa, une étrange tension empoisonna l’air. Depuis le sommet de la colline, l’illusion de Shalkidalia observait la scène. Aléandre, Kallan, Rose et Ixon l’avaient mystérieusement rencontré dans leur quête du second Corvaillus et Ylliana. La véritable propriétaire d’Arithmédia leur avait alors demandé de la suivre sans dire un mot jusqu’à ce qu’ils arrivent jusqu’ici. Qu’est-ce que l’Impératrice de la Mort pouvait bien penser en apparaissant de la sorte ?

- Même Shalkidalia est de la partie on dirait… commenta Taranis, peu soucieux de voir ses camarades tomber les uns après les autres sous les coups d’une Britfrith déchaînée. C’est la propriétaire d’Arithmédia après tout. Maintenant que l’arme a quitté le sanctuaire, je me doute qu’elle soit curieuse de voir dans quelles mains sa chère épée est tombée.

A peine eut-il terminé sa phrase qu’il sentit un mouvement étrange au niveau de sa main empoignant la lame sacrée. Arithmédia lui échappa sans crier gare et sembla flotter dans les airs pendant quelques secondes. Avant de terminer juste devant Ylliana à la surprise générale. Est-ce que cela avait un rapport avec Shalkidalia ? Complètement perdue, la jeune fille empoigna l’épée divine et sentit alors une puissance inconnue traverser son corps.

Son œil valide, toujours considéré comme la moitié d’une paire d’Yeux Sacrés d’Entre-Vie, se mit à briller intensément. Incollable sur l’épée sacrée, Aléandre comprit aussitôt de quoi il en retournait. Comme Arithmédia était associée à la mort, il n’était donc pas surprenant que seule une personne capable de voir au-delà du monde des vivants puisse utiliser l’arme à son plein potentiel. Ylliana avait été choisie par Shalkidalia en personne. Cette dernière disparut aussitôt après son action.

Taranis ne resta pas désarmé bien longtemps, attrapant son hache favorite qu’il conservait précieusement sur lui pour les cas d’urgence. Profitant de la confusion générale, il fut en mesure d’asséner un coup fatal à Aléandre, malgré l’avertissement de Britfrith qui bondit en avant avec l’intention de s’interposer, malheureusement trop tard. Lorsqu’Ylliana s’en rendit compte, elle décida de prendre sur elle et d’ignorer la blessure de sa cheville pour rejoindre son deuxième père qui venait de s’effondrer sur le sol.

- Tu t’y mets toi aussi, Iscamord ? demanda Taranis alors que la guerrière d’Aralon repoussait avec aisance sa hache. Décidément, on ne peut plus livrer un combat loyal de nos jours.

- Tu t’appelles gamine, c’est bien ça ? questionna Britfrith sans tenir compte de la remarque, prenant même la peine de tourner légèrement la tête vers l’arrière pour observer la jeune blonde. A mon signal, tu prends la fuite. Endure un peu ta cheville le temps d’être hors de portée de ce type.

Kallan arriva aussitôt, inquiet pour Aléandre, et parvint à déplacer ce dernier avec l’aide Ylliana, qui ne parvenait toujours pas à tenir debout. D’un geste puissant, Britfrith repoussa Taranis de quelques mètres et manqua de lui faire perdre l’équilibre. Ces maigres secondes furent le signal pour que le reste du groupe puisse prendre la fuite. Rangeant aussitôt l’épée dans son fourreau avec les autres armes, la demoiselle aux cheveux blancs attrapa la main d’Ylliana et la força aussitôt à marcher malgré la douleur.

- Inutile de leur courir après, intervint Taranis en voyant ses camarades encore réveillés qui s’apprêtaient à les poursuivre. Si je doute que l’homme survive bien longtemps, j’ai le sentiment que ce n’est pas la dernière fois que nous allons croiser le chemin de la gamine.

- Mais... et la prime qu'on devait recevoir pour Arithmédia ?

- Aucune importance, le type qui nous a demandé de traverser le sanctuaire pour lui remettre l'épée me paraissait très louche. A mon avis, il ne nous aurait même pas payé, oublions cette histoire.



***


Ylliana venait de perdre l’usage de son œil droit, sa cheville la faisait souffrir terriblement à cause de la traversée forcée et maintenant, son poignet s’y mettait aussi à cause de la force incontrôlable de Britfrith Iscamord. Dix minutes s’étaient écoulées depuis le grand combat contre Taranis Helbator et le groupe s’arrêta dans une clairière, sachant pertinemment qu’ils ne pourraient pas y rester bien longtemps si les Crânes Noirs décidaient de les poursuivre.

Kallan, qui avait pris sur lui de transporter Aléandre sur son dos, le déposa aussitôt dans l’herbe pour s’étirer. L’explorateur trentenaire avait le visage pâle, du sang lui sortait de la bouche pour se mêler avec les poils de sa barbe et la blessure de sa poitrine causée par la hache de Taranis s’aggravait à vue d’œil. Profondément inquiète pour lui, Ylliana se libéra de l’étreinte de Britfrith et rampa pour se rapprocher de son père d’adoption.

- Ce type de blessures est irrécupérable, je ne lui donne pas cinq minutes de plus avant qu’il ne nous quitte, murmura la guerrière d’Aralon pour elle-même, comprenant que son statut d’étranger ne l’autorisait pas à participer à la scène qui allait suivre.

- Ylliana, c’est toi ? Je ne vois plus très bien… souffla Aléandre alors que la jeune fille lui prenait la main.

- Tu vas t’en sortir pas vrai ? On a récupéré Arithmédia comme tu l’as toujours rêvé ! On doit parcourir le monde et découvrir de nouveaux horizons, tu me l’as promis ! Nous devions visiter le royaume de Sindrélia ! s’exclama-t-elle, ne pouvant une fois de plus pas contenir les larmes qui coulaient de son œil gauche.

Kallan lui aussi savait qu’il serait inutile de prendre part à la conversation. Même lorsqu’ils se trouvaient encore sur le champ de bataille improvisé, il avait déjà compris qu’Aléandre ne survivrait pas bien longtemps. S’il avait fait l’effort de le transporter jusqu’ici, c’était pour que son compagnon de route des dix dernières années, et Ixon également, aient au moins la chance de lui dire au revoir. Rose elle-même se retint de faire une blague sur le possible statut futur de fantôme de l’explorateur.

Ylliana le sentait, la température corporelle de son second père diminuait de façon alarmante. Elle se mit à sangloter, réalisant que toute cette situation n’arrivait qu’à cause de sa propre stupidité. Si elle n’avait pas réagi au quart de tour au sein du sanctuaire en entendant le nom des Crânes Noirs, ils n’en seraient jamais arrivés là. L’homme qui lui avait sauvé la vie et avait pris soin d’elle tout ce temps s’apprêtait à la quitter pour de bon sans qu’elle ne puisse rien y faire.

- C’est une belle épée Arithmédia… je suis content de l’avoir vu au moins une fois.

- Ne parle pas, économise tes forces ! On va trouver un moyen de te sauver, je te le promets.

- Tu sais Ylliana… lorsque je t’ai sauvé la vie il y a dix ans, j’ai envisagé de te laisser tomber si cela me demandait de combattre des membres des Crânes Noirs… je ne t’en ai jamais parlé mais je m’en suis toujours voulu. J’ai pu me soulager la conscience en te sauvant de leurs griffes…

Ixon ne fut pas en mesure d’en regarder davantage. Si Ylliana avait connu l’explorateur pendant dix ans, dans son cas on parlait d’une durée bien plus grande. Personne ne connaissait Aléandre davantage que le Pokémon Barrage. Pour lui, voir partir son partenaire humain avant lui était un déchirement. Charmilly, toujours très émotif, fondit en larmes depuis l’épaule d’Ixon. L’un comme l’autre, les deux Pokémon ressentaient un profond sentiment d’impuissance.

- Ylliana, ne te laisse pas consumer par la vengeance… trouve-toi un but à accomplir et continue à découvrir le monde. On ne vit qu’une fois, ne te soucie plus des Crânes Noirs…

La main d’Aléandre qui touchait le visage humide et couvert de sang d’Ylliana finit par retomber sur le sol dans un bruit sourd. La jeune fille éclata aussitôt en sanglots en se serrant contre le corps d’Aléandre. Cette fois-ci, il n’y avait plus aucun retour possible. L’explorateur de trente-sept ans qui s’était mis en tête de dénicher l’épée sacrée Arithmédia, Aléandre Nertiloni, venait de s’éteindre avec un sourire éclatant au sein de la clairière.