Chap 34 Le calme avant la tempête
Après la fin de son match, Léopold était directement allé voir les médecins pour qu'ils s'occupent de ses pokémons. Ils n'étaient pas tous épuisés mais le dresseur voulait s'assurer qu'ils allaient bien. De toute façon, il n'avait pas prévu de les faire sortir pour combattre avant la finale. Il irait les sortir sur la plage durant la nuit pour qu'ils se dégourdissent les pattes, les ailes, les nageoires mais ils avaient bien mérité du repos.
Lorsque le finaliste sortit de l'enceinte du bâtiment médical, il fut assailli par toute une foule de journalistes qui se précipitèrent vers lui pour l'interviewer suite à sa victoire. Heureusement pour lui, son assistante Carla, vint s'interposer juste devant lui, finissant avec des micros collés au visage. Elle tourna rapidement la tête pour dire à Léopold de re-rentrer dans le bâtiment et qu'elle le rejoindrait juste après avoir fini avec les journalistes, puis elle fit à nouveau face à ces derniers en leur disant que le finaliste allait célébrer sa victoire puis se reposer et se concentrer pour la finale qui allait avoir lui dans deux jours. Les journalistes continuèrent de pousser pour forcer le passage, ce à quoi Carla s'opposa en les menaçant de porter plainte et proposa plutôt de noter toutes les demandes qu'elle soumettrait au dresseur plus tard.
Léopold remercia mentalement Carla, sans qui il aurait été happé et aurait dit des choses qui n'étaient pas forcément recommandées. Il demanda à la première personne qu'il croisa s'il y avait une autre sortie en dehors de l'entrée principale. On lui indiqua le chemin menant à la sortie la plus proche des hôtels des dresseurs. Le dresseur prit alors la direction de sa chambre.
Océane l'attendait assise sur la chaise près de la fenêtre. Elle se leva quand elle entendit la porte s'ouvrir et se jeta sur son ami quand il eut passé le seuil de la chambre.
- Eh ! Du calme, j'ai failli défoncer la porte de la chambre d'en face.
- Pardon, mais je suis trop contente que tu sois arrivé en finale !!!
- Oui, j'ai encore un peu de mal à réaliser que c'est pas uniquement dans ma tête.
- Je t'assure que c'est tout à fait réel. Pour fêter ça, j'ai privatisé une salle de restaurant de l'Atrium pour qu'on puisse célébrer ta victoire sans être trop déranger par les fans ou les journalistes.
- C'est super gentil de ta part mais j'avais plutôt penser à passer une soirée tranquille dans ma chambre.
- Allez, s'il te plaît, juste pour ce soir et promis je ferai la groupie avec mes caprices habituels, supplia la jeune femme.
Léopold céda face à ces suppliques et au regard enfantin qu'arborait son amie. Elle sauta de joie, le prit par la main, l'entraîna dans la chambre pour qu'elle puisse l'habiller pour leur soirée.
Avec ses parents plus que riche, Océane n'avait eu jamais de problèmes liés à l'argent mais n'avait été non plus une enfant gâtée. Par l'entremise de son majordome qui l'avait en grande partie élevée, ses parents lui avait donné tout ce dont elle avait besoin et plus modérément ce dont elle avait envie. Mais évidemment une fois adulte, elle avait décidé de faire ce qu'elle voulait de l'argent qu'elle avait en banque, notamment parce qu'il en rentrait plus que ce qu'il en sortait grâce à des placements très rentables que ses parents avaient fait pour elle.
Léopold était donc habitué à des repas très gastronomiques desquels il sortait avec l'estomac plus vide qu'en entrant tellement les portions étaient petites. Océane le traînait souvent faire les magasins pour qu'elle s'achète des affaires qu'elle ne porterait que quelques fois dans l'année. Mais il appréciait cette liberté et cette insouciance.
Une fois au restaurant, le personnel les accueillit et les guida jusqu'à leur table. Ils furent présents sans trop être envahissants. Ils avaient tous reconnus l'un des finalistes de la coupe du monde mais ils étaient restés professionnels. Léopold les remercia pour leur discrétion.
- Alors comme ça, tu vois quelqu'un en ce moment ? Demanda Léopold après que le serveur ait amené les desserts.
- Hein, de quoi tu parles ? Rougit Océane.
- De toi et de quelqu'un dont je ne sais rien.
- Comment tu sais ?
- Je n'étais pas sûr jusqu'à maintenant.
Océane s'empourpra plus encore et se cacha le visage avec ses mains.
- Oui, je vois quelqu'un.
- Je le connais ?
- Non, tu ne la connais pas, répondit-elle après plusieurs secondes de silence, la tête baissée vers son assiette.
- Oh... vous vous êtes rencontrées à la fac je suppose.
- Tu ne réagis pas plus que ça ?
- Réagir à quoi ?
- Bah que ça soit une fille.
- Le plus important, c'est que tu sois heureuse. Alors que ça soit avec un homme, une femme, seule avec tes pokémons perdue dans une forêt ou autrement je m'en fous.
Océane regarda son ami avec des yeux débordants d'émotions. Elle savait qu'elle comptait énormément pour Léopold mais elle ne pensait pas qu'il accepterait aussi vite son coming-out.
Le reste de la soirée fut essentiellement tourné autour de cette inconnue que Léopold apprit à connaître par l'intermédiaire d'Océane. Il lui proposa de la faire venir assister à la finale pour qu'il la rencontre. Proposition que la jeune femme refusa dans un premier temps mais accepta d'y réfléchir puisque Nora était adepte de dressage pokémon et était en lice pour tenter sa chance au concours donnant le titre de champion d'arène. Assister à la finale du tournoi mondial pouvait n'être qu'une bonne opportunité.
En entrant dans sa chambre d'hôtel, Léopold ouvrit son pokénav et vit une dizaine de mails de Carla. Tous contenaient des propositions d'interview pour tel ou tel média. Il se promit d'étudier plus sérieusement les propositions après une bonne nuit de sommeil.
Le lendemain, lorsque Léopold rouvrit son pokénav pour traiter les mails reçus la veille, il hallucina du nombre 250 ! Il ouvrit le dernier reçu et heureusement pour lui qui le fit. C'était Carla qui lui faisait une synthèse de toutes les demandes qu'elle avait reçu et des conseils sur lesquelles considéraient ou non. Elle lui précisait dans le mail que le finaliste pouvait supprimer tous les autres mails qu'elle lui avait envoyé et se concentrait uniquement sur celui qu'il était en train de lire.
Parmi toutes les propositions, finalement, il n'y en avait qu'une qui le faisait vraiment envie. Il appela Carla pour l'informer et elle prit le relais sur l'organisation. Léopold, lui, passa le reste de la journée dans sa chambre d'hôtel. Il reprit ses notes sur Aurore afin de voir s'il avait loupé quelque chose dans sa préparation. Il regarda également quelques programmes sur le téléviseur et se reposa en restant tranquille, simplement à regarder le paysage que lui offrait la vue depuis la terrasse privée de sa chambre.
Dans la journée, Carla frappa à sa porte pour lui dire que tout était prêt et qu'il avait donc rendez vous à 20h sur la place centrale de l'Atrium. Léopold fut impressionné par la rapidité d'organisation et remercia son assistante. Dans l'après-midi, elle vint le voir pour lui faire faire des essayages. Il devait respecter les codes et être un minimum présentable.
À 19h45, il sortit de sa chambre d'hôtel. Quelques minutes plus tard, il se retrouva encadré par des agents de sécurité afin de l'escorter jusqu'au lieu de rendez-vous. Tout lui paraissait disproportionné. Les agents des sécurité, les barrières métalliques pour bloquer certaines rues ou carrément créer un passage au milieu de la foule, même si la foule s'était rassemblé après la mise en place des barrières. Léopold vivait ce qu'une star pouvait vivre tous les jours. Il n'y était pas habitué et trouvait grisant mais ne pensait pas qu'il s'y habituerait un jour. Trop de bruit, trop de lumière, trop de gens tout simplement autour de lui. Il préférait la simplicité et la discrétion.
Quand il arriva sur la place centrale, il trouva toute une scénographie installée comme s'il était sur un plateau télé mais en plein air. On lui accrocha un micro sur le col de sa veste avec un relais gros comme un talkie-walkie qu'on lui fixa dans le dos sur la ceinture de son pantalon. Aurore était déjà équipée et attendait en face de lui. Elle ne semblait ni surprise, ni énervée. Simplement détendue et joyeuse.
Le caméraman fit un signe à la présentatrice qui comprit que le direct allait commencer dans quelques secondes.
- Bonsoir, mesdames et messieurs et bienvenue à cette édition spéciale pour la finale du championnat du monde pokémon. Suite à notre demande d'interview, les deux finalistes ont accepté de répondre à quelques unes de nos questions. Voici Léopold Henley et Aurore Joano, introduisit la présentatrice.
Les deux dresseurs furent légèrement poussés dans le dos pour avancer et aller s'installer sur les chaises prévues pour eux de chaque côté de la table en verre.
- Waouh, je suis entourée de deux champions. Comment allez-vous ?
- Un peu submergé par tout ce qui se passe, je dois avouer, répondit Léopold. Je ne pensais pas que cela aurait ces proportions en acceptant l'interview.
- De même, je n'ai pas l'habitude d'être autant le centre de l'attention.
- Et encore demain soir, l'un de vous sera sacré meilleur dresseur du monde. Que ressentez-vous à l'approche de cette finale qui sera à coup sûr mémorable ?
A ce moment-là, les personnes derrière les barrières de sécurité se mirent à crier voire à hurler comme pour encourager même si rien ne le justifiait vraiment.
- Du trac, du stress, je ne sais pas comment le définir mais c'est simplement l'excitation d'affronter un excellent dresseur que je n'aurai pas aimé affronté plus tôt, répondit Aurore.
La journaliste se tourna vers Léopold.
- Sensiblement la même chose. J'aurai aimé affronté Aurore plus tôt dans cette compétition lorsque nous étions encore au stade du tournoi régional. Mais nos choix ont fait qu'on se retrouve ici et maintenant, c'est pas forcément plus mal.
- Effectivement, vous avez été éliminé dès le premier tour du tournoi régional de Kanto, avant de faire partie des challengers de la ligue Mystère et de la remporter. Comment expliquez-vous cette évolution en si peu de temps ?
- Comme je l'ai déjà dit il y a quelques jours, c'est simplement de l'entraînement. J'ai eu un excellent mentor qui a réussi à repousser mes limites si loin que je suis finaliste ce soir.
- Que pensez-vous de l'évolution de votre adversaire, Aurore ?
- Il a montré de belles surprises, autant par son niveau que par ses pokémons. Mais je sais qu'il n'a pas encore tout dévoiler et je suis impatiente de découvrir le reste demain.
- Que voulez-vous dire ?
- Ce que je viens de dire, tout simplement. Il n'y a pas de messages cachés.
La présentatrice fut un peu chamboulée par cette réponse. Elle ne s'attendait pas autant de franchise et de non langue de bois.
- Dites-nous, Aurore comment allez-vous vous préparer demain avant le début de la finale ?
- Je n'ai rien à préparer. Je vais simplement profiter de la journée avec mes proches. D'ailleurs Léo, Nora arrive demain matin, tu viens l'accueillir avec Océane et moi ?
- Euh... oui pourquoi pas ?
- Attendez... vous vous connaissez en dehors du championnat ? Interrogea la présentatrice.
- Bien sûr. On est amis dans la vie de tous les jours. Je pensais que vous aviez fait votre travail de journaliste en vous renseignant sur nous, répondit Aurore.
Encore une fois, la présentatrice ne sut quoi répondre du tac-au-tac et resta muette quelques instants. A ce moment-là, les deux assistants des finalistes lui firent signe que le temps était bientôt écoulé et qu'ils allaient devoir partir.
- Eh bien, que de surprises. Deux amis s'affronteront pour savoir lequel des deux est le meilleur dresseur ou la meilleure dresseuse du monde. Juste une dernière question, la même pour vous deux, quel conseil donneriez-vous à votre adversaire pour demain ?
- Donne toi à fond, je ne te ferai pas de cadeaux, répondit presque instantanément Léopold.
- Tu m'enlèves les mots de la bouche, rétorqua en un sourire Aurore.
- Waouh ! L'ambiance du match de demain s'annonce électrique. Merci encore à vous deux d'avoir accepté notre interview et on vous retrouve demain pour la finale. Bonne soirée.
Plus tard dans la soirée, Léopold était assis sur le bord de mer d'Oliville. Il était sorti par la voie des airs depuis la terrasse grâce à Dracoraure pour éviter la foule, encore très nombreuses dans le hall de l'hôtel.
- Alors, c'est demain le jour J. Un peu de stress ?
- Tu n'as pas vu l'interview ?
- Si et j'espère que j'aurais pas été un coach trop insupportable.
Le regard de Régis était soudain plein de tendresse, et Léopold se rendit alors compte du chemin parcouru depuis qu'il était devenu le disciple de l'ancien champion. Les images de ses entraînements lui revinrent et une certaine nostalgie s'empara de lui.
- Non. C'est le résultat qui compte non ? Ton entraînement a été bénéfique, me voilà au moins Vice Champion du monde.
- A moins qu'on ne détecte des produits dopants dans tes selles.
- Quoi ?! Tu es un grand malade ! T'as pas fait ça, même pour une vanne ?
- Bien sûr que non. Tu es un grand dresseur, répliqua Régis du tac au tac, laissant Léopold bouche bée.
- Je…
- Allez, demain, ça ne sera qu'une formalité. Je connais ton niveau, et celui d'Aurore ne sera pas insurmontable. Bien sûr, c'est la meilleure que tu n'aies jamais affronté.
- Après Red bien sûr ?
- Mais, tu ne l'as jamais affronté mon petit Léo.
- Alors tu te fais vieux mon petit Régis, parce que je me souviens d'un tournoi d'arts martiaux et d'un match amical.
- Mais ce n'étaient que des entraînements mon petit Léo ! Un jour, tu l'affronteras pour de vrai, et on verra qui est le meilleur.
Régis l'entoura d'un bras amical.
- Je sais que je ne devrais pas dire ça, que ce n'est pas mon boulot d'entraîneur mais, demain, je te vois Champion.
- Merci
L'ancien champion s'éclipsa comme il était venu, sans un bruit. Léopold se retrouva à nouveau seul. Il avait été surpris par le comportement et les mots de Régis. C'était rare pour lui de parler comme ça à son disciple. La dernière fois qu'il l'avait fait, cela remontait à l'entraînement pour la ligue Mystère quelques mois plus tôt.
- Qu'est ce que tu fais là ?
- C'est demain.
- Vaudrait mieux que tu te reposes, ou du moins que tu essayes, non ?
- Je n'y arrive pas.
- Je n'ai jamais été confronté à ce genre de situation, mais je sais ce que c'est que d'avoir le trac. Si… si tu veux discuter, je suis là.
Océane rougit un peu puis ses grands yeux verts disparurent dans un profond et sincère sourire.
- Même si je pense qu'Aurore serait la personne la plus appropriée.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Parce que c'est ta rivale. Parce que c'est ton adversaire. Parce qu'il a des choses que vous devez vous dire.
- De quoi tu parles ?
- Je parle de LA conversation.
- Ah.
- Tu croyais qu'elle avait oublié ?
- Je sais qu'elle l'a pas oublié. Mais je ne sais pas quoi lui dire ni comment le lui dire.
- Arrête de trop réfléchir et fonce.
- Merci du conseil, ironisa Léopold. T'en as d'autres des comme ça ?
- Oui. Gagne cette finale mais ne perds pas ce que tu es.
Léopold tourna la tête et regarda sa meilleure amie. Elle le regardait aussi.
- Tu sais que tu es incroyable et j'ai énormément de chances de t'avoir dans ma vie ?
- Oui mais ne le répète pas trop demain devant Nora.
- C'est vrai qu'elle arrive demain. Pas trop anxieuse ?
- C'est pas moi qui joue la finale du championnat du monde. Ça devrait aller. Demain, tu ramènes la coupe.
Elle le poussa du poing.
- Je t'aime.
- Moi aussi.
Les deux amis se prirent dans les bras l'un de l'autre avant de se lever pour regagner l'Atrium.