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Shadows Avenged de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 25/07/2021 à 10:03
» Dernière mise à jour le 25/07/2021 à 10:03

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Policier   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 11 : Dans le viseur du poignard violet
Kalie avait passé le jour suivant à fuir, sans savoir où et pourquoi. Elle marchait, courrait et se dissimulait, comme si c’était elle-même qu’elle fuyait. Ça lui évitait de penser à ce qu’elle avait fait, à ce qu’elle était devenue. Elle avait beau se répéter que ces trois meurtriers et cannibales le méritaient, que le monde se porterait mieux sans eux, ça avait tout d’une piètre excuse qui sonnait faux.

Un fait seulement importait : elle avait ôté la vie à des gens, librement, et sur le coup, en avait tiré plaisir. C’était là la seule et cruelle réalité. Elle en était même arrivée à espérer que c’était elle et seulement elle qui, sous le coup de la pression et de la peur, avait perdu le contrôle d’elle-même. Mais elle se connaissait assez pour savoir qu’il n’en était rien. C’étaient bel et bien ses pouvoirs qui lui étaient montés à la tête : la preuve, s’il en fallait une, que les Rejetés étaient bel et bien destinés à perdre l’esprit et à faire le mal.

Une seule question lui taraudait l’esprit du coup : si vraiment elle était condamnée à la folie furieuse du fait de ses pouvoirs et à devenir une tueuse psychopathe, ne vaudrait-il pas mieux aller se rendre à son oncle Clovis, ou bien carrément se jeter du haut d’un immeuble ici même ? Elle avait sérieusement envisagé les deux durant sa course aveugle, mais avait fini par y renoncer. Retourner au 1er District signifie sûrement subir à nouveau les tortures de cette sadique de Jird. Elle n’avait aucun espoir à attendre de la part de Clovis. S’il avait pu sauver les Rejetés, ça aurait été fait depuis longtemps. Quant à se suicider, Kalie savait qu’elle n’en aurait pas le courage.

Restait donc la vie en recluse, en essayant de ne jamais plus se servir de ses pouvoirs. Le souci, c’était que ce district était tellement dangereux qu’y survivre en tant que jeune fille seule et sans défense allait sans doute se révéler impossible. Elle pourrait peut-être se trouver un Pokemon ou deux et les capturer. Ça lui procurerait un minimum de défense, et ça lui tiendrait compagnie. Mais à Ortris, la possession de Pokemon était strictement encadrée depuis l’apparition du Mur, justement pour la création et la préservation des ressources dans une ville coupée du monde. Les Pokemon aquatiques ou plantes, par exemple, valaient plus chers au marché noir que des kilos de drogue.

Elle tâcha, au bout d’un moment de marche sans but, à reprendre ses esprits et à se tirer de ses sombres prévisions. Elle venait de quitter la périphérie pour entrer dans le district même. C’était le matin, sans doute huit heures ou neuf, selon la position du soleil. Et il faisait frais. Kalie se rendit compte qu’elle grelottait. Quoi de plus normal en ayant passé la nuit dehors à errer sans but ? Il faudrait qu’elle se trouve une couche de plus, style un manteau, si elle voulait tenir ici le soir.

Pour l’instant, la seule chose à laquelle elle tenait, c’était de se rendre au chaud dans un bar et de boire un café, ou même trois. Bien sûr, il y avait quelques difficultés à ce plan. Une : elle n’avait pas d’argent. Deux : elle était recherchée. Trois : elle avait peur de faire brûler l’établissement et tous les gens dedans. Elle tenta ensuite de se rassurer : il n’y avait aucune raison qu’elle s’en prenne à des clients d’un café, si tant est qu’ils ne la menaçaient pas ou qu’ils ne consommaient pas de la viande humaine. Quant au fait d’être reconnaître, là aussi, peu de risque : Kalie ressemblait à une souillonne ayant vécu dans une benne à ordure, et certainement pas à l’héritière de la plus puissante famille d’Ortris.

Restait le problème de l’argent. Kalie n’en ayant jamais manqué dans sa vie, c’était nouveau pour elle, de ne même pas pouvoir se payer un simple café. Sa carte bancaire avait été confisqué en même temps que son portefeuille le jour où elle s'est rendue à la Tour Powergate pour tenter de trouver du réconfort chez Clovis. De toute façon, même si elle l'avait toujours, aller retirer du liquide aurait été le meilleur moyen d'avoir tout un bataillon du Black Shield à ses trousses l'heure d'après.

Faute de savoir quoi faire de mieux, elle marcha sans destination précise dans le district, la tête baissée, pour ne pas se faire remarquer, mais également pour espérer dégoter des pièces perdues par terre. Elle ne se sentait pas capable de faire la manche. De toute façon, tout le monde ici semblait tellement dans la misère qu'elle doutait que ça lui rapporte de quoi même se payer un café. Les seules personnes qui vivaient à l'aise ici, c'étaient celles qui s'étaient faites acheter par Purple Knife.

En parlant de la mafia... Kalie croisa à de nombreuses reprises des dealers de drogues qui ne prenaient même pas la peine d'être discrets pour vendre leur marchandise. À chaque fois, c'était de petits sachets avec le dessin d'un poignard violet dessus. La Somadream, ou SD en abrégé. Une drogue nouvelle, synthétique, dont Purple Knife avait le monopole, aussi bien de la fabrication que de la vente.

Elle circulait encore plus que les cigarettes dans le 9ème district. Kalie avait entendu son père en parler et avait vu des reportages à la télévision. Il paraît que cette drogue vous plonge dans un rêve éveillé, où vous revivez les meilleurs moments de votre vie. Il paraît aussi, selon les chimistes qui l'ont analysée, qu'elle était produite avec du liquide cérébro-spinal de certains Pokemon en particuliers ; ceux capables d'hypnotiser ou de manipuler les rêves.

Avec dégoût, Kalie s'approcha discrètement d'un coin de vente de cette merde blanche en poudre. Faute d'avoir trouvé des pièces, elle allait se rattraper avec quelque chose ayant plus de valeur. Tandis que le trafiquant discutait et négociait avec deux potentiels clients, Kalie se servit de son attaque Lévikinésie, celle de base de tous les Désignés de type Psy, en ciblant l'une des poches du dealer. Elle souleva et attira à elle un des petits sachets, sans que ni le trafiquant ni les clients ne le remarque.

Après quoi elle s'éloigna, chercha un coin sans dealer, et entreprit de trouver, parmi les passants, un client potentiel. Juger au faciès était contre tout ce que lui avaient appris ses parents, mais en l’occurrence, ça s'avéra efficace. Au troisième essai seulement, elle tomba sur un jeune homme qui avait l'ensemble du corps tatoué et des dreadlock énormes. Quand elle lui proposa un sachet de SD à moitié prix, 100 Pokédollars à la place de 200, il n'hésita pas longtemps avant de sortir deux billets de cinquante qu'il tendit à Kalie.

C'était facile. Facile, mais honteux, et dangereux. Même si Kalie n'était pas du coin, elle savait parfaitement que tous ceux qui écoulaient de la SD le faisaient au nom de Purple Knife et devaient leur verser une partie de leurs bénéfices. Heureusement, elle avait eu la présence d'esprit de faire ça loin de potentiels dealers, mais elle espérait que le mec au dreadlocks n'allaient pas crier sur tous les toits qu'une gamine à l'allure misérable lui avait vendu un sachet moitié prix.

Et puis... elle avait utilisé ses pouvoirs pour ça. De la simple télékinésie inoffensive, certes, mais elle avait donc déjà rompu sa promesse de ne plus s'en servir dès la première difficulté. Si elle continuait avec cet état d'esprit, c'était sûr qu'elle n'allait pas garder sa sanité mentale très longtemps, et allait se faire vite consumer par ses pouvoirs.

Il n’empêche... Elle avait cent Pokédollars à dépenser maintenant, et elle avait l'embarras du choix pour cela, toute démunie qu'elle était. Elle alla d'abord s'acheter un immense sandwich dans la première boulangerie venue, avant d'aller dans un magasin de vêtements miteux où elle se dénicha un manteau peu cher. Il était très moche, et jamais, ô grand jamais, elle n'aurait porté ça dans sa vie d'avant, mais elle n'était plus si difficile désormais. Il lui tenait chaud, c'était le plus important.

Et enfin, avec ces quelques achats, elle eut de la petite monnaie pour aller se prendre ce café chaud tant désiré. Elle se mit en quête d'un bar accueillant et réchauffé où elle pourrait s'asseoir confortablement et ne penser à rien pendant quelques minutes. Elle prit soin tout de même, par mesure de sécurité, d'en choisir un avec déjà pas mal de clients. Pour ne pas trop se faire remarquer, mieux valait se fondre dans la masse, et pas être quasiment seule.

Elle trouva son bonheur dans une allée fréquentée, quoi que présentant bien. C'était un petit café à l'ancienne, avec un écriteau suspendu en forme de Théffroi, ce Pokemon Spectre ressemblant à une tasse de thé. Il y avait sept clients à l'intérieur, et la patronne était une vieille femme généreusement enveloppée et toujours souriante. Kalie entra donc et se chercha une place, toujours prudente malgré tout, évaluant chaque personnes présentes comme une menace potentielle. Mais après un seul coup d’œil, personne ne sembla plus s’intéresser à elle.

Kalie s’efforça de se détendre et de paraître comme une personne normale… bien qu’elle n’ait aucune idée de ce qu’était une personne normale dans le 9ème District. Là d’où elle venait, dans le 1er, il aurait déjà été bizarre qu’une jeune fille de son âge se trouve seule dans un café à l’heure de l’école. Et encore plus bizarre si elle avait été fringuée comme Kalie l’était actuellement. Mais elle se doutait qu’ici, sa tenue sale et négligée devait être tout à fait habituelle.

- Je te sers quoi ma petite ? Demanda la patronne qui était venue jusqu’à elle.

- Un café, s’il vous plait. Bien corsé.

La patronne n’acquiesça pas, l’observant avec des yeux ronds. Kalie fut immédiatement sur ses gardes, prête à bondir. L’avait-elle reconnu ? C’était pourtant invraisemblable ! Cette femme ne l’avait jamais vu en vrai. Comment aurait-elle pu faire le parallèle entre Kalie Warcelos et cette clocharde aux cheveux coupés à l’arrache à partir d’un seul avis de recherche ?

Mais non… ce n’était pas elle qu’elle regardait, mais derrière elle. Et plus que surprise, elle avait l’air effrayée. Kalie tourna la tête au moment même où la porte d’entrée s’ouvrit, et elle comprit ce qui faisait peur à la gérante. Trois individus venaient de rentrer dans le bar. Si celle qui marchait en tête était une jeune femme qui détonait avec son costume-cravate argenté, les deux hommes à ses côtés avaient tout de garde-du-corps, et surtout, ils avaient un petit poignard violet brodé au niveau de leur poitrine. Des hommes de Purple Knife.

Tous les clients arrêtèrent leurs conversations, la respiration en suspens. Kalie elle-même était figée. Qu’est-ce que Purple Knife viendrait faire dans un bar de bon matin ? Il y avait peu de chance pour qu’ils viennent simplement consommer un café. Ce ne serait pas quand même parce que Kalie avait vendu un de leur sachet de drogue sans autorisation, si ? Les deux gorilles en noir étaient parfaitement inexpressifs, mais la femme aux cheveux blonds et qui portait des lunettes fit son sourire le plus éclatant.

- Bien le bonjour, mesdames et messieurs, déclara-t-elle. Veuillez excuser nos manières un peu cavalières, mais nous aimerions réserver ce bar pour les… disons… trente prochaines minutes.

Ce fut comme une injonction divine. Tous les clients se levèrent d’un coup, rassemblant vite leurs affaires, laissant sur la table le prix de leurs commandes qu’ils n’avaient même pas terminées, et s’empressèrent de sortir. Avec un temps de retard, Kalie s’apprêtait à faire de même, quand la femme de Purple Knife l’arrêta.

- Pas vous, je vous prie… mademoiselle Warcelos.

Kalie resta figée face à l’aimable sourire de la jeune femme, avant de bégayer bêtement :

- Je… vous devez me confondre avec…

- Allons, inutile de jouer aux idiotes avec nous, mademoiselle. Et inutile d’avoir l’air si inquiète. Je souhaite seulement avoir un petit entretient avec vous. Soyez assurée que vous ne risquez rien et que vous pourrez repartir aussi librement que vous être venue une fois que nous en aurons fini. Nous ne sommes pas ces sauvages de la municipalité qui emprisonnent et exécutent froidement des êtres humains au seul prétexte de leurs pouvoirs.

Elle fit un simple geste de la main, et un de ses hommes alla lui prendre une chaise pour la mettre en face de Kalie.

- Deux cafés du coup, chère patronne, fit la femme de Purple Knife. Et nous apprécierons votre… discrétion.

- O-oui m-madame, balbutia la gérante. T-tout de suite madame !

Tandis que leurs cafés étaient préparés à une vitesse record, la femme de Purple Knife étudia Kalie avec un sourire aimable. Kalie fit de même, mais sans le sourire. Cette femme ressemblait à une secrétaire haut-placée, mais malgré son sourire, ses yeux gris étaient immensément froids et son regard tranchant. Elle remercia la patronne quand cette dernière posa leurs cafés sur la table, puis une fois partie, elle déclara à Kalie.

- C’est un immense honneur de vous rencontrer, mademoiselle Warcelos. Je me nomme Helena Oxrey. Je représente les intérêts de mon… employeur et de sa société. Il avait hâte de vous rencontrer. Il espère pouvoir le faire prochainement, dans un cadre plus… privé.

Kalie, malgré sa peur, décida de jouer le jeu.

- Et qu’est-ce que le Boss de Purple Knife me voudrait ?

- Simplement mettre en relation des intérêts communs. Nous trouvons votre situation des plus regrettables et des plus injustes. Le Mur de Feu - ou peut-être Faerios lui-même – vous a choisi en tant qu’élue au-dessus des élus, vous donnant le potentiel de dépasser les plus puissants Rejetés qui soient. Mais dans leur peur et leur ignorance, votre oncle et ses laquais ont décrétés que vous étiez une erreur. Je n’ose imaginer ce que vous avez dû subir entre leurs mains…

Même si Clovis n’était plus vraiment dans les bonnes grâces de Kalie, cette dernière ne pouvait accepter que ces… criminels ne médisent sur lui devant elle.

- Mon oncle est attaché à la justice et au bien commun, répliqua-t-elle froidement. Il a choisi de protéger le plus grand nombre d’habitants en sacrifiant une minorité dangereuse. Et même si je fais désormais partie de cette minorité, ça n’enlève rien à la justesse de sa décision.

Oxrey lui fit un sourire condescendant en portant sa tasse à ses lèvres.

- Continuer de faire preuve de loyauté envers votre famille malgré votre situation actuelle est admirable, sans aucun doute. Mais vous vous rendrez vite compte que, dans le 9ème, c’est le pragmatisme qui l’emporte. Mon employeur serait plus que ravi de vous accueillir dans son district aussi longtemps que vous le souhaitez, et même vous assurer sa protection contre les Désignés de la municipalité qui vous recherchent.

Kalie manqua s’étrangler d’indignation. Son district ?

- Il y a un prix je suppose ? demanda-t-elle.

- Nullement. Mon employeur ne souhaite que forger de bonnes relations avec vous. Je vous l’ai dit : il fait grand cas de vous et de votre potentiel.

- Mouais… Pour m’ajouter à sa collection de Rejetés ? J’ai beau être plus bas que terre désormais, il est hors de question que je travaille pour vous.

- Il est hors de question que vous travaillez tout court, mademoiselle Warcelos, rectifia Oxrey. Vous n’êtes pas de ceux qui travaillent, mais de ceux qui dirigent, de part votre sang, et de part vos nouveaux pouvoirs. Mon employeur voit les choses ainsi : tôt ou tard, le modèle de votre oncle va s’effondrer. Il ne pourra pas apprivoiser éternellement tous les Désignés, de même qu’il ne pourra pas faire disparaître tous les Rejetés dès qu’ils apparaissent. Vous en êtes la preuve vivante. Et vous n’imaginez pas le nombre de Rejetés que nous avons ici, dans le 9ème, prêts à se soulever. La gouvernance d’Ortris va bientôt changer de main, mademoiselle Warcelos. Mais elle n’est pas forcée de changer de famille qui la détienne.

Kalie bu un peu de son café pour rassembler ses idées, et quand elle posa sa tasse, les rouages se mirent en marche.

- Je vois. Vous voulez me mettre à la place de mon oncle ? Une belle et terrifiante Rejetée à trois pouvoirs qui soit soumise à votre Boss ?

- La soumission est toujours récompensée, mademoiselle Warcelos.

Oxrey déclara cette phrase d’un ton presque automatique, avant d’ajouter :

- Mais en ce qui vous concerne, ce serait plus un partenariat mutuellement profitable entre vous et mon employeur. En dépit de la propagande mensongère de votre oncle qui le fait passer pour un monstre, je puis vous assurer que mon employeur est une personne hautement civilisée et gracieuse.

Kalie se permit un petit ricanement. Ce n’était pas vraiment sage dans sa situation, ayant derrière elle deux gorilles probablement armés et devant elle femme haut placée de la mafia qui pouvait tout aussi bien être une Désignée ou une Rejetée. Mais Kalie était plus en colère que prudente, à l’heure actuelle.

- Et il est où, votre gracieux employeur si civilisé ? Demanda-t-elle. Pourquoi n’est-il pas venu me faire sa proposition lui-même, s’il m’accorde tant de valeur ? Et d’ailleurs, pourquoi personne ne connait son nom ou son visage ? Il a bon dos de critiquer mon oncle tout en restant constamment dissimulé !

- Mon employeur est sans arrêt la cible d’une campagne désobligeante de haine et de mensonge de la part de la municipalité. Maintenir son anonymat est indispensable pour…

- C’est bon, arrêtez les conneries ma vieille, l’interrompit Kalie. J’ai beau être née en tant que bourge dans la plus puissante famille de la ville, je ne suis pas une nunuche naïve qui ne sait pas faire la différence entre le langage officiel et la réalité. Laissons tomber un moment les histoires de Désignés et de Rejetés. La réalité, c’est que votre patron est un meurtrier, un voleur, un trafiquant de drogue et un esclavagiste. Il peut tant qu’il veut se présenter comme un opposant politique à Clovis ou comme un révolutionnaire, il n’effacera jamais ce qu’il est.

Oxrey ne modifia pas d’un iota l’expression de son visage, celle d’un professeur des écoles qui écoutait attentivement le discours un peu bébête et incohérent d’un enfant.

- Et vous, mademoiselle Warcelos ? Qu’êtes-vous, en réalité ? Demanda-t-elle.

- Moi ? Juste une fugitive paumée qui fera ce qu’elle peut pour vivre dans ce trou à rat, en essayant de ne pas perdre la raison et toute notion d’humanité. Mais une chose est sûre : je n’aiderai jamais, de prêt ou de loin, Purple Knife. Votre patron peut bien me faire assassiner ou me balancer au Black Shield s’il veut, car ça ne changera jamais.

Pour le coup, Kalie se sentit fière d’elle, quelque chose qu’elle n’avait plus ressentit depuis qu’elle avait découvert qu’elle était une Rejetée. Elle avait tenu tête à Purple Knife, alors que dans sa situation, nombre d’autre personnes auraient largement courbé l’échine. Et en dépit de sa promesse un peu plus tôt, elle n’aurait aucun scrupule à se servir de ses pouvoirs et même à se déchaîner contre les hommes de Purple Knife, et tant pis si ça la faisait devenir tarée. Oxrey soupira en finissant son café, mais ne semblait guère déçue.

- J’ai bien compris votre position, mademoiselle Warcelos. Et même si je la regrette, je vais la respecter, car je ne doute pas qu’elle soit amenée à changer bien vite au cours de votre nouvelle vie dans le 9ème. Nous nous reparlerons sans doute très bientôt.

- Peut-être bien, mais ma réponse n’aura pas changé. Ce qui aura changé, ce sera la façon dont je vous la ferai savoir.

Dans une attitude un peu puérile de se donner l’air menaçante, Kalie invoqua son pouvoir Acier pour transformer ses doigts en lames de rasoir et les mettre bien en vue devant elle. Immédiatement, les gardes du corps en noir derrière elle mirent une main dans leur costume, sans doute pour prendre leurs pistolets, mais Oxrey les arrêta d’un geste, un sourire amusé sur le visage.

- Que c’est fascinant… Bien sûr, vous avez survécu à un assaut en règle du Black Shield, l’unité spéciale de Désignés anti-Rejetés. Je ne doute pas que vous soyez déjà très puissante. Allez-y, impressionnez-moi.

Kalie fronça les sourcils. Oxrey cherchait de toute évidence à la provoquer.

- Facile à dire, avec vos gorilles…

- Je vous promet qu’ils ne feront rien, et ce même si vous me blessez gravement. Tenez… Messieurs, jetez-vos armes.

Sans discuter, les deux hommes de main prirent leurs pistolets pour les balancer machinalement derrière le bistrot.

- N’hésitez pas, mademoiselle Warcelos, l’encouragea Oxrey. Donnez-moi votre réponse de manière violente, histoire que je la comprenne bien. Vous pouvez même essayer de me tuer. Il n’y aura aucune répercussion à votre encontre si vous réussissez.

Kalie n’aurait sans doute pas dû céder à la provocation, mais le sourire condescendant d’Oxrey finit par la mettre hors d’elle. Elle se retint toutefois d’utiliser ses puissantes attaques spéciales dans ce bâtiment, et se contenta de balancer son poing en mode Griffe Acier sur le visage de la jeune femme.

Oxrey ne fit pas un seul geste, pas plus qu’elle ne cligna des yeux. Le fait est que le poing de Kalie n’arriva jamais à son visage, mais toucha une espèce de barrière invisible à quelques millimètres d’elle. Son poing fut repoussé comme par magnétisme, et Kalie tomba en arrière, emportant sa chaise avec elle. Elle se releva tout de suite sous le regard amusé d’Oxrey, avec l’impression d’avoir désormais de la guimauve à la place de sa main. Et pas seulement de sa main. Tous les muscles de son bras droit étaient devenus flasques, sans force. Bien sûr. Cette Oxrey était soit une Désignée, soit une Rejetée…

- Vous vous êtes retenue, constata Oxrey. Je n’ignore pas que Griffer Acier est l’attaque de base des Féreux. J’avais espéré quelque chose de plus impressionnant, comme votre Bombe Aimant… ou encore votre fameux Vortex Magma, avec lequel vous avez repoussé le Black Shield et anéanti cet entrepôt en périphérie hier.

Kalie lui jeta un regard noir en se massant le bras.

- Il y a encore quelque chose de moi que vous ignorez ? Genre, sur lequel de mes seins j’ai mon grain de beauté ?

- La connaissance est plus précieuse que l’argent, et pensez bien que nous n’avons pas le plaisir d’accueillir tous les jours une Triple.

- Triple ? Répéta Kalie sans comprendre.

- Les Rejetés à trois pouvoirs, précisa Oxrey.

- Vous n’avez pas trouvé ce terme juste pour moi j’imagine. Ça voudrait dire… qu’il y en a eu d’autre avant moi ? Des Rejetés avec trois pouvoirs ?

Le sourire d’Oxrey lui tint lieu de réponse. Kalie ne savait pas si elle était soulagée ou effrayée de ne pas être la seule dans son cas.

- Ne vous pensez pas déjà unique, mademoiselle Warcelos. Je sais bien que la municipalité de votre oncle fait tout pour dissimuler ce genre d’information, mais effectivement, des Triples, il y en a eu avant vous.

- Combien ? Demanda immédiatement Kalie. Qui ? Il y en a qui sont encore en vie ?

Oxrey haussa les sourcils, puis se leva tranquillement de sa chaise.

- Ça, ce sera pour notre prochain entretient, mademoiselle Warcelos. Si toutefois votre réponse à ce moment est un peu ouverte que celle d’aujourd’hui. Je vous souhaite une bonne journée.

Et alors qu’elle s’apprêtait à tourner la poignée de la porte du bar, suivie par ses deux protecteurs, elle se retourna vers Kalie comme si elle venait de songer à quelque chose.

- Ah, et une dernière chose, mademoiselle… Mon employeur serait heureux de vous verser de quoi vivre tranquillement chaque jour passé ici. Il vous serait alors inutile de voler de la SD à nos revendeurs pour subvenir à vos besoins.

Et avec un dernier salut de tête ironique, elle s’en en alla enfin. Kalie, rouge de honte et de colère, se retint à grand peine de lui faire un doigt d’honneur dans son dos. Elle posa rageusement de quoi payer son café sur la table. Elle en avait à peine bu, mais ça ne lui disait plus rien désormais. Elle passa devant la patronne derrière le bistrot, qui avait un teint blafard et qui s’inclina devant elle.

- Je n’ai rien vu ! Je n’ai rien entendu ! Je vous le p-promet, mademoiselle… Je serai muette comme une tombe !

Kalie secoua la tête, gênée qu’une personne normale soit si terrifiée devant elle.

- Je ne suis pas comme ces salopards, fit-elle. Vous n’avez rien à craindre de moi.

Elle sortit en se sentant plus légère, en un sens. Car elle savait désormais que se cacher ou se dissimuler ne servait à rien, car Purple Knife connaissait désormais ses moindres faits et gestes. Donc si elle n’avait plus d’efforts à faire pour se faire discrète, elle allait pouvoir les employer autrement. Du genre, en trouvant comment faire chier au mieux Purple Knife.