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Shadows Avenged de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 23/05/2021 à 09:55
» Dernière mise à jour le 23/05/2021 à 09:55

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Policier   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 8 : Le 9ème district
Clovis Warcelos, gouverneur d’Ortris, avait l’air grave et épuisé quand il prit la parole à la télévision, dans un message destiné à tous ses concitoyens. Pourtant très jeune, on aurait dit qu’il avait vieilli de plusieurs années en quelque jours.

- Mes chers amis, citoyennes et citoyens d’Ortris, commença-t-il. Depuis quelque jours, des rumeurs circulent. Vous les avez peut-être entendues, racontées d’une façon ou d’une autre. Des rumeurs qui mettraient en cause ma propre famille. J’ai jugé temps, dans un souci de transparence total, de vous raconter la vérité. Je vous la dois, et je la dois à cette ville, même si elle m’est insupportable.

Le gouverneur reprit sa respiration, et tout le monde, à travers son écran ou ceux exposés dans la ville purent voir la douleur qui se lisait sur son visage.

- Je pense que vous connaissez tous ma nièce, Kalie Warcelos. Une jeune fille brillante, qui désirait s’engager dans la politique et se mettre au service de notre ville. Vous l’avez souvent vue en ma compagnie, où elle tentait d’acquérir de l’expérience et une vision d’ensemble des fonctions qui étaient les miennes. Le 28 novembre, jour de ses seize ans, Kalie Warcelos a passé sa Désignation, et a été identifiée comme étant une Rejetée.

Clovis laissa un long moment de silence, histoire de laisser à tout le monde le temps d’enregistrer cette information. La plupart des habitants s’étaient doutés de quelque chose, oui. Des rumeurs avaient surgi ci et là. Mais au final, une grande partie des gens n’y avaient pas cru. Comment imaginer qu’une fille de si bonne famille, nièce du Sauveur d’Ortris lui-même, ait pu devenir l’un de ces monstres de Rejetés ? Impossible. Tout bonnement impossible. Aussi les gens avaient attendu avec espoir et crainte que le gouverneur réfute ces rumeurs absurdes. Alors qu’il venait au contraire de les confirmer, nombre de familles dans leurs foyers poussèrent des gémissements abasourdis. Certains même pleurèrent.

- J’imagine votre stupeur et votre horreur, reprit Clovis. Pour moi-même, c’est un crève cœur. Mais ce n’est pas le pire. Il a été révélé que Kalie Warcelos, non contente de pouvoir utiliser un second pouvoir de Faerios, peut également en utiliser un troisième. C’est un cas sans précédent et qui nous glace de terreur : un Rejeté avec trois types.

Là encore, les rumeurs avaient évoqué des choses de ce genre, mais quasiment tout le monde avait répliqué, ricanant : « Un Rejeté avec trois pouvoirs ?! T’es malade mec ? Ça n’existe pas, et Arceus merci ! ». Et pourtant... Quand le Gouverneur confirma cette rumeur, ce fut la peur et l’effroi qui succéda à la peine dans la plupart des foyers d'Ortris.

- Kalie, et un second Rejeté avec lequel elle s'enfuyait, sont responsables des dégâts colossaux qui ont frappé le sud du 8ème district la nuit du 7 décembre, continua Clovis. Arceus merci, le second Rejeté a été neutralisé. Toutefois, Kalie Warcelos court toujours, et se trouve aujourd'hui probablement dans le 9ème district. J'appelle tous nos concitoyens à faire preuve de la plus grande prudence. Si vous la croisez, n'intervenez surtout pas vous-même, et appelez les Bridages de Désignés. Son potentiel de destruction est immense. Elle représente une menace certaine. Ne voyez plus en elle la jeune fille aimable et souriante que j'ai tant mise en avant autrefois, croyant à tort à son avenir radieux. Kalie Warcelos est désormais la seconde criminelle la plus recherchée d'Ortris, après le chef du réseau mafieux Purple Knife. Tous ceux qui pourraient avoir des informations la concernant sont priés de...

- Yo, t'as entendu ça, Atalin ? Parait que la nièce du gouverneur se terre dans notre district, et que c'est une Rejetée puissance 3 !

Le dénommé Atalin ignora la remarque de son frère, tout occupé qu'il était à passer en revue la mise en sachet de plusieurs tonnes de Somadream. Les... employés, faute d'un meilleur terme, répétaient inlassablement les mêmes gestes de façon automatique, les yeux fixés sur leur tâche. Ils étaient environ une centaine dans ce grand entrepôt, et leur mission était que les immenses cartons de drogue soient vite transformés en milliers de petit sachets individuels, marqué du sceau de Purple Knife, prêts à être vendu 200 Pokédollars pièce.

On était pourtant en plein jour, dans un entrepôt absolument pas discret et pas spécialement en périphérie. Mais on était surtout au 9ème district. Ici, le trafic de drogue était une activité parfaitement habituelle, et si des individus comme les frères Rokfarnig pouvaient mener leur business sans se cacher d'un iota, c'était qu'ils travaillaient pour Purple Knife... comme 80% des gens du district. Ils n'avaient aucune crainte de voir les flics débarquer pour fermer tout ça, tout simplement parce que la police du district était largement payée par Purple Knife pour qu'elle ferme les yeux sur nombre de choses.

- Yo frangin, tu m'écoutes ? Insista Vasatory, le jeune frère d'Atalin, qui écoutait le discours du gouverneur sur son smartphone.

- Je t'écoute, mais qu'est-ce que tu veux que ça me foute ? Répondit Atalin. À moins que... elle est bonne, la donzelle ?

- T'as jamais vu la Miss Warcelos à la télé ?

- Contrairement à toi, je me nique pas la cervelle en écoutant la propagande de la municipalité.

- Et du coup t'es toujours à la traîne sur ce qui se passe dans cette foutue ville, lui rappela Vasatory.

Les deux trafiquants de drogue, à la solde de Purple Knife, étaient deux jeunes hommes d'entre vingt et trente ans. Atalin, l'aîné, avait bien le look du caïd de la cité, avec ses cheveux noirs en pétard, sa veste de cuir et son collier à piquants. Le cadet, Vasatory, était habillé plus sobrement, mais était tout aussi intimidant que son aîné en raison de sa taille et sa corpulence, du genre à lutter au corps à corps contre un Mackogneur.

Les deux frères ne se parlaient pas entre eux en utilisant la langue de la région Filnadi, où se trouvait Ortris, mais une langue plus rugueuse, qui collait plus avec leur look de délinquants en puissance. Les frères Rokfarnig n'étaient pas des filnadiens, mais des réfugiés de la Riluvi, cette immense région nordique, recouverte à 70% de neige. Leurs parents étaient arrivés à Ortris y'a une quinzaine d'années, quand les deux garçons n'avaient pas plus de dix ans. Mais ils se sont vite fait tuer par des agents de Purple Knife, n'ayant pu rembourser un prêt qu'ils avaient contracté. Les deux enfants avaient été obligé depuis à apprendre à survivre seuls, et bien qu'ils haïssaient l'organisation mafieuse qui leur avait pris leurs parents, survivre revenait ici, dans le 9ème district, à travailler pour eux.

- Alors, elle est chaude du coup, la princesse d'Ortris ? Redemanda Atalin.

- C'est encore une pisseuse. Elle vient juste de passer sa Désignation.

- Oh moi, tu sais, je fais pas de stigmatisation par rapport à l'âge. Je suis profondément égalitariste, comme mec.

- Ouais, bah j'suis pas sûr qu'elle soit très facile à prendre, si jamais elle se pointait. Elle a trois types, qu'ils disent.

- Elle pourrait avoir les quatre que ça changerait rien. C'est une bleue. Les pouvoirs de Faerios, ça se contrôle et ça s'affine avec l'expérience.

- Elle a pourtant fait sauter toute une partie du nord du 8ème...

- C'était l'autre qui était avec lui. Les rapports indiquent que des météores se sont écrasés sur place, et la nana Warcelos n'aurait pas justement le type Dragon.

Vasatory haussa les sourcils.

- Allons bon, tu t'es renseigné alors.

- Comme si j'avais eu le choix... Purple Knife était au courant de toute l'histoire dès le lendemain. On a pas attendu que le gouverneur daigne enfin sortir du silence pour s'informer de ce qui se passe chez nous.

Contrairement à son jeune frère qui n'était qu'un simple humain, Atalin lui était un Rejeté, ce qui en faisait, de fait, un des cadres de l'organisation mafieuse. Et le Boss faisait de l'information sa principale richesse. Il tenait à ce que tous ses subordonnés hauts placés soient au courant des moindres choses qui avaient lieu dans et autour du 9ème district. Et bien sûr, l'apparition d'une Rejetée à trois types, qui de plus se trouvait être la nièce du gouverneur de la ville, n'était pas anodin.

- Et alors, on nous a donné des ordres particulier concernant cette fille ? Demanda Vasatory.

- Juste de l'amener voir le Boss si jamais elle se pointait, mais sans la forcer ni la blesser. Sans doute qu'il espère la recruter. Ce serait un beau fuck envoyé à Warcelos, que d'avoir sa nièce adorée dans ses rangs.

- Et ça enverra un signal fort, comme quoi les Rejetés ne sont pas des psychopathes sanguinaires, et que tous les discours du gouverneur à ce sujet sont de la merde !

Atalin ricana.

- T'es naïf, petit frère. Si cette Kalie rejoint Purple Knife, ça ne fera au contraire que conforter la propagande de son oncle sur les Rejetés. Dans le 9ème, Purple Knife est le pouvoir alternatif, il est organisé et a ses propres règles, et l'ordre règne un minimum. Mais aux yeux de tous les autres ortrisiens, le 9ème est un district en plein chaos, où on ne peut pas sortir dans la rue sans se faire flinguer, et où les Rejetés aux ordres de l'organisation mangent carrément les humains normaux, ou un truc du genre.

- C'est débile... Les gens normaux arrivent à vivre ici, tant qu'ils n’embêtent pas Purple Knife. Tous les services publics sont à sa solde, c'est sûr, mais ce n'est pas l'anarchie. L'organisation a horreur du désordre. Limite, elle administre mieux son propre district que Warcelos ne le fait avec le reste de la ville !

- Ouais, et ça lui ferait une sacré mauvaise publicité. Voilà pourquoi il ne cesse de pointer le 9ème du doigt, avec les Rejetés qui y ont trouvé refuge.

Atalin connaissait le désir de son frère que les Rejetés soient enfin considérés comme des êtres humains de plein droit. Vasatory trouvait particulièrement injuste le sort de son frère, et l'image que les gens avaient des personnes comme lui. Il voulait le réhabiliter aux yeux de tout Ortris, et prouver qu'Atalin était un grand frère aimant qui avait toute sa tête, malgré ses pouvoirs de deux types. Mais Atalin se contrefichait de l'opinion des autres. Il connaissait celle de son frère, et ça lui suffisait.

Les deux frères étaient immensément proches. Ils avaient survécu à deux dans cet enfer qu'était l'Ortris pré et post-Mur, alors qu'ils n'étaient que des gamins. Ils étaient allés toucher le Mur tous les deux, alors qu'ils n'en avaient pas le droit aux yeux de la municipalité, vu leurs casiers long comme le bras. Ils avaient espéré les pouvoirs de Faerios, pour parvenir enfin à sortir de leur vie misérable, devenir des Désignés et avoir une vie tous frais payés dans l'un des district centraux, riches et sûrs.

Ils avaient bien eu deux pouvoirs, mais pas comme ils l'avaient espéré. Vasatory n'avait rien eu, et Atalin deux d'un coup, faisant de lui un Rejeté. Bien sûr, leur rêve de partir du 9ème avait pris un coup d'arrêt, mais Vasatory n'avait pas quitté Atalin pour autant, malgré tout ce qu'on disait sur le risque de fréquenter un Rejeté. Il n'avait jamais cessé d'aimer son frère et de lui faire confiance. Finalement, Atalin avait vendu ses pouvoirs de Rejeté à Purple Knife. Travailler pour l'organisation qui avait éliminé leurs parents leur donnait constamment la nausée, mais au moins, ils avaient désormais un toit, de l'argent, des hommes de mains, et surtout, ils s'étaient fait un nom. Pas grand monde au 9ème district n'avait envie de chercher des noises aux frères Rokfarnig.

- Kara !

Les deux frères tournèrent la tête en même temps. Ça, c'était leur Karaclée domestique, qui gardait la porte du hangar avec son collègue Judokrak. Les deux Pokemon patibulaires étaient légèrement lents d'esprit, ce qui faisait que les frères Rokfarnig leur avaient confié que trois tâches bien précises : empêcher d'entrer quiconque, prévenir leurs dresseurs si il y avait quelqu'un, et fracasser la gueule de ce quelqu'un s'il forçait le passage. Jusque là, ils s'en sortaient plutôt bien.

Quand Atalin vit la personne que Karaclée avait intercepté, il poussa un juron en riluvien, mais à voix basse, car il savait parfaitement que leur visiteur comprenait cette langue. En fait, cette femme – parce que c'en était une – devait connaître toutes les foutues langues de cette planète. C'était l'une des raisons – mais sans doute pas la seule – pour laquelle le Boss de Purple Knife en avait son assistante personnelle.

- J'm'en occupe, fit Atalin à son frère cadet en se dirigeant vers elle.

Comme c'était lui le Rejeté et le gradé de Purple Knife, c'était lui qui gérait les affaires administratives avec l'organisation... même si elles étaient souvent désagréables. Et vu le sourire de rapace que faisait l'assistante du Boss, celle d'aujourd'hui n'allait sans doute pas déroger à la règle.

- Monsieur Rokfarnig. C'est un réel plaisir, comme toujours !

Atalin ne pouvait pas en dire autant, mais se força à paraître aimable. Cette femme, Helena Oxrey, n'était pas quelqu'un qu'on pouvait traiter à la légère, car elle était les yeux, les oreilles et même la voix du Boss. Ce dernier ne se montrait quasiment jamais, chérissant et protégeant son anonymat. Personne au sein de l'organisation ne connaissait son véritable nom, à part peut-être cette femme. Il avait bien sûr plusieurs d'assistants et d'hommes de mains qui connaissaient son identité, mais quand c'était Oxrey qui était là, on pouvait considérer que c'était comme si lui était présent.

Helena Oxrey aurait pu passer, niveau look, pour la secrétaire personnelle du gouverneur Warcelos. Elle était toujours habillée d'un costard-cravate gris à paillettes argentées, elle portait des lunettes rectangulaires et coiffait toujours ses cheveux blonds en un chignon strict et méticuleux. Elle n'avait pas l'air bien âgée – la trentaine tout au plus – mais maniait la langue de bois aussi bien qu'un politicien avec cinquante ans de métier. Et surtout, elle cultivait le secret aussi bien que son patron. Atalin ignorait d'où elle venait, sa fonction réelle au sein de l'organisation, et même si elle était une Rejetée, une Désignée ou une simple humaine. Atalin fit signe de la main à Karaclée de retourner à son poste, avant de serrer celle que la femme lui tendit.

- Un plaisir partagé, m'dame, fit le jeune homme.

Il avait parlé dans la langue commune de Filnadi, qu'il maîtrisait très bien depuis le temps, bien qu'il ne puisse enlever son accent traînant et ses r roulés. Il voulait pas parler le riluvien avec cette fouine dévouée au Boss. Sa langue maternelle était réservée aux conversations avec son frère, et lui seul.

- Mon employeur vous envoie ses salutations, à vous et à votre frère, reprit Oxrey. Il est plus que jamais satisfait du bon fonctionnement de votre réseau de SD à travers tout le district, et des bénéfices que l'organisation en tire.

- Trop aimable à lui. Nous sommes heureux de nous soumettre...

Ça, c'était un peu le mot magique et la devise de Purple Knife. La soumission. L'organisation la vendait comme un état de bonheur absolue, à toujours rechercher. La soumission vous débarrassait de tous vos soucis. La soumission vous vidait l'esprit et vous apportait la béatitude. Et surtout, la soumission était récompensée. Ainsi, dans Purple Knife, quand un supérieur vous donnait un ordre, il ne fallait pas dire « à vos ordres » ou « oui monsieur », mais « je suis heureux de me soumettre ». Nul doute que ça devait venir du titre que le Boss s'était donné : le Soumetteur.

Bien sûr, les frères Rokfarnig étaient tous sauf des soumis. Ils versaient une part de leur bénéfice à Purple Knife pour avoir la paix et bénéficier de son soutient et de son nom, mais ils étaient absolument pas les larbins du Boss. Ils travaillaient avant tout pour eux, et quand ils auront amassés assez d'argent, ils se tireront de ce district de merde. Ils iraient peut-être dans le 5ème, qui avait une réputation de district totalement corrompu, où ils pourraient se monter une milice et se payer une tranquillité en versant des pots-de-vin au sous-gouverneur local.

- Bien sûr, approuva Oxrey. La soumission est récompensée. Cela étant, mon employeur s'inquiète aussi de vos derniers... accrochages avec Shadows Avenged. À ce qu'on en sait, ils auraient fait tomber une bonne partie de votre réseau dans les quartiers est et liquidé une dizaine de vos passeurs ?

Atalin garda un visage de marbre, mais intérieurement, il était furieux. Furieux que le Boss ait pu découvrir cela. Mais après tout, cet homme, qui qu'il soit, savait tout ce qui se passait dans ce fichu district.

- Il y a eu des... complications, admit Atalin de mauvaises grâces. Mais on gère. Dîtes à votre... employeur de ne pas s'inquiéter.

- Il ne demande que ça, mais une étude attentive de vos diverses opérations et des actions de Shadows Avenged semble démontrer quelque chose de fâcheux : ils connaissaient à l'avance l'heure et le lieu où il fallait attaquer. Conclusion : il y a une taupe chez vous qui leur livre des informations.

Encore une fois, Atalin ne pouvait pas nier. Il était lui-même plus que conscient que Shadows Avenged lui collait au train depuis quelque temps. Et le jeune homme savait ce qui arrivait aux maillons faible de Purple Knife qui se laissaient noyauter...

- Cela sera vite réglé, je peux vous l'assurer, insista-t-il.

- C'est bon à entendre. Songez toutefois que mon employeur a une méthode bien à lui, et très efficace, pour repérer les traîtres. Si jamais vous avez besoin de son aide, il sera plus que ravi d'intervenir, en échange d'une petite modification des termes de votre contrat avec lui...

Atalin dut maîtriser sa furieuse envie de cracher par terre. Ce qu'Oxrey voulait dire en usant de langue de bois, c'était que le Boss allait lui résoudre son problème et sécuriser ses affaires s'il voulait bien s’aplatir encore plus devant lui et lui céder les manettes de son trafic de drogue.

- Je vais garder cela en mémoire... marmonna-t-il.

- À la bonne heure, sourit Helena Oxrey. Le Soumetteur serait fort contrarié que votre merveilleuse entente avec lui se termine de façon... tragique.

En clair : dépêche-toi d'arranger les choses où le Boss te remplacera définitivement.

- Passez une bonne journée, monsieur Rokfarnig.

Elle quitta l'entrepôt de son pas rigide et gracieux à la fois, laissant Atalin fulminer de colère, de honte mais aussi de peur. Quand Oxrey fut assez loin, il renversa une table entière pleine de sachet de Somadream et poussa un juron sonore en riluvien. Vasatory revint vite à ses côtés, non sans avoir demandé à leurs salariés perturbés de reprendre le travail.

- Frère, qu'est-ce qu'elle t'a dit ?

- Des menaces à peine voilées... Par Arceus, ce que je peux détester cette femme ! J'te jure que quand on se barrera de Purple Knife et du 9ème, je la crèverai et je violerai son putain de cadavre d'abord !

- Calme-toi. Pourquoi des menaces ?

- Shadows Avenged. Le Soumetteur est au courant.

Vasatory se fit grave et hocha la tête.

- Je veux le salaud qui nous balance, ordonna Atalin. On interroge à nouveau tout le monde, nos employés comme nos passeurs, et même nos clients habituels ! Et à la prochaine grosse livraison, je serai là, si jamais ces enfoirés de Shadows Avenged osent se montrer !

Si le 9ème district d'Ortris était le territoire de Purple Knife, il serait inexact de dire qu'il n'y avait aucune concurrence. Depuis plusieurs mois, une nouvelle organisation avait vu le jour ici. Illégale, comme Purple Knife, et qui elle aussi rassemblait quelques Rejetés. Mais cette organisation se disait idéaliste, non intéressée par l'argent ou le pouvoir. Son but était la libération des Désignés qu'ils disaient asservis par le gouvernement d'Ortris, et la réhabilitation des Rejetés, accusés alors qu'ils n'avaient commis aucun crime à part celui d'exister.

Atalin n'avait rien contre ces gars là. Leur objectif était louable certes, mais totalement irréalisable. Qu'ils se réunissent entre eux pour parler de révolution et pour aider des Rejetés fugitifs, ça ne le dérangeait en rien, même si ça semblait déranger Purple Knife. Sauf que Shadows Avenged s'était mis en tête de saborder les opérations de Purple Knife, qu'elle accuse d'exploiter les Rejetés et d'être aussi nocif que le gouvernement. Et comme Atalin distribuait de la drogue marqué du sceau de l'organisation, forcément, il était devenu une cible. Et le jeune homme ne comptait pas devenir une victime collatérale de la guerre entre Purple Knife et Shadows Avenged.

- Je vais écraser ses salopards, grogna-t-il, en faisant luire ses deux mains d'énergie : l'une d'une aura grise acier, et l'autre d'une lueur violette.


***


La nuit était tombée sur le 9ème district, et désormais, seules six catégories de personnes se trouvaient encore dans les rues : les trafiquants (de drogue, d'armes, d'humains ou de quoi que ce soit d'autre), la police, les tueurs pour des règlements de compte, les prostituées, les SDF... et les alcooliques.
Les deux dernières catégories, qui étaient bien souvent conjointes, étaient celles dont le taux de mortalité était le plus élevé le soir. Il faut dire qu'ils étaient des cibles faciles. L'un d'entre eux, un clochard portant un imperméable et en dessous un costume-cravate noir qui avait connu des jours meilleurs, titubait dans l'une des ruelles désertes du district, une bouteille à la main.

- Hic ! A-a-allez vous faire foutre, v-vous toutes ! Balbutia-t-il à l'adresse de poubelles immobiles et pleines. Vous n'aurez p-pas ma beitoulle... ma boulletei... ma bou-bou-bouteille. Et... et arrêtez de bouger cooooooooomme ça. Vous espérez me... euh... hic... me faire peur ? Vous savez pas qui j'suis hein ? Uldrich Bakshee n'est pas du genre à se laisser impressionner par des gens comme vous, oh que non, hic !

Il trébucha et tenta de se rattraper à une poubelle pour conserver l'équilibre, mais ne réussit qu'à se vider le contenu dessus. Il resta affalé au sol, couvert d'ordure, mais ça ne l’empêcha pas de boire une gorgée de plus.

- Ah ah ah... si on était une dizaine d'années plus tôt, j'vous aurez toutes coffrées, pour sûr, hic ! Car voyez... j'étais le meilleur inspecteur de toute cette foutue Ortris, avant que ce mur à la con ne débarque ! Ils cre-cre-crevaient tous de peurs, les ordures du 9ème district !

Le dénommé Uldrich continua à déblatérer ses paroles sans queue ni tête à l'adresse des poubelles, alternant les souvenirs nostalgiques aux menaces de mort et aux chants paillards. Inévitablement, avec tout ce raffut, la ruelle ne resta pas déserte bien longtemps. De lourd pas se firent entendre, mais ils n'avaient rien d'humain. On aurait dit qu'une armure avait prit vie et se déplaçait toute seule. Mais c'était parce qu'à cause de l'obscurité, les yeux humains ne pouvaient pas voir la forme sombre et violette qu'abritaient ces pièces d'armures.

C'était un Pokemon Spectre et Acier du nom de Cuiraffré. Son armure métallique n'était composée que du heaume, du torse et des bottes, et le tout était relié par la véritable forme du spectre, qui avait matérialisé ses bras aux mains crochues, et dont on voyait les yeux dorés et luisants sous la visière de son casque. Il s'approcha de l'humain effondré et hébété par l'alcool, et produisit un soupir profond et métallique.

- Y'a du progrès. Au moins cette fois, je n'ai pas à te repêcher dans la rivière...

C'était bien le Pokemon qui venait de parler, d'une voix tout aussi sombre que sa masse spectrale, et qui résonnait du fait de son casque en acier. Uldrich Bakshee cligna difficilement des yeux, avant de jeter sa bouteille vide sur Cuiraffré.

- Dé-dé-dégage d'ici. Je... suis en train de raconter... à ces pé-pétasses de poubelles combien j'étais cé-célèbre et respecté avant... hic.

- Fascinant. Tu auras trouvé un auditoire à ta juste valeur alors. Tiens, bois ça.

Il jeta une petite gourde sur l'humain qui s'empressa de s'en emparer et de l'ouvrir avant d'en boire une énorme gorgée. Mais immédiatement après, il recracha d'un coup en toussant violemment.

- Du poison !

- Non, juste de l'eau. Tu sais, ce liquide qui tombe du ciel ? Parait que les plantes en raffolent...

- L'eau est ce qu'on boit quand on est en Enfer !

- Autant t'habituer alors. Allez, relève-toi, nettoies-toi et lave-toi la bouche pour qu'on ne devienne pas bourré juste en respirant ton haleine. Le Professeur a un boulot pour nous.

Uldrich grommela dans sa barbe, mais se releva avec difficulté. C'était un homme d'âge mûr, les cinquante ans bien dépassés, aux cheveux bruns épars. Il avait une haute stature, et bien qu'il ait pris un peu de ventre, dû au laissé-allé, à la vieillesse et à la boisson, on ne pouvait que deviner son physique musclé d'un homme qui s'était jadis beaucoup entraîné.

- C'est quoi comme boulot ? Je suis déjà en train de tirer les... hic... vers du nez du groupe des frères Rokfarnig.

- Je sais, mais ça c'est autre chose, et plus pressé. T'as pas écouté l'intervention du gouverneur ce matin ?

- Peut-être. Je sais plus. Comment tu veux que j'me souvienne d'un truc de ce matin ? Je suis rond depuis que le soleil s'est levé...

- La nièce de Warcelos. Il a officiellement confirmé qu'elle avait trois pouvoirs, et qu'elle se serait réfugiée dans ce district. Le Prof veut qu'on la trouve avant Purple Knife.

Uldrich cracha par terre, avant de forcer à boire à nouveau de l'eau à la gourde de Cuiraffré.

- Pourquoi ? Il veut parader avec ? Les Bridages de Désignés nous laissent relativement tranquilles car on se fait discret, et qu'on fait des misères à Purple Knife. Mais si on s'embarque une Rejetée à trois pouvoirs, qui plus est de la famille à Warcelos...

- T'es pas le cerveau de Shadows Avenged, Bakshee, et Arceus merci, le coupa Cuiraffré. Le Professeur a ses plans que nous sommes loin de pouvoir comprendre. S'il dit qu'avoir cette Kalie Warcelos avec nous est dans notre intérêt, c'est que ça l'est.

- Ouais, la belle histoire... Tu sais que j'ai jamais fait confiance à ce type masqué...

- Ça te regarde. C'est notre obéissance qu'il veut, pas notre confiance. Il nous a ramassé quand on avait plus rien, et il t'a promis la vengeance que tu souhaitais. Quelle importance qu'il se serve ensuite de nous, et même de cette Kalie, pour ses propre projets ?

Uldrich lui accorda ce point. Il n'avait plus rien à perdre, à part sa vie, qui ne valait pas grand-chose. Il avait fait allégeance à Shadows Avenged et à son mystérieux leader, surnommé le Professeur, et même s'il ne manquait jamais l'occasion de le critiquer, il faisait toujours ce qu'on lui demandait, que ça lui plaise ou non. Et il ferait ça aussi aussi bien sûr ; trouver la nièce du gouverneur. C'est juste qu'Uldrich Bakshee aimait toujours râler, pour tout et n'importe quoi.

- Très bien... soupira-t-il. Laisse moi décuver un peu et me vider la vessie, et je sonne mes contacts. De toute façon, vu d'où vient cette gamine, ça m'étonnerait qu'elle soit tentée de faire ami-ami avec les gus de Purple Knife...

- N'en jure pas trop vite, répliqua Cuiraffré. Quand on est au fond du trou, on peut facilement se vendre au plus offrant. Et je suis sûr que le Soumetteur a tout aussi envie que le Prof d'avoir une Triple avec lui, qui plus est une Warcelos...