Tourner en dérision des sujets sérieux et tabous.
"Ahah, tous ces jeunes faibles et fragiles qui se plaignent sans arrêt qu'on remette en question leur existence, franchement si vous voulez mon avis éclairé sur la question, ils ont qu'à arrêter de jouer les victimes. Nan parce que bon, hein, quand même, là ils demandent qu'on arrête de les tabasser, et puis ça va être quoi la suite ? Ils vont demander des droits ? Nan mais n'importe quoi... En plus à cause d'eux on peut vraiment plus rire de rien ! Que dirait Desproges !? Il se retournerait dans sa tombe, moi j'vous l'dit."
Trop marrant. Hilarant, même. Que des bonnes vibes, et évidement une généreuse dose de "bienveillance", hein ? Malheureusement pour les proto-fasho et les joyeuses merdes assumées (qui représentent quand même un sacré pourcentage de la population si on en croit les dernières élections), les pauvres attardés mentaux qui ont quelque chose à faire de ces misérables histoires de racisme, de handicap, de sexualité de l'individu et de tous ces joyeux sujets qui font monter au créneau ont de la gueule, l'ont déjà prouvés maintes et maintes fois, et sont là pour rester.
Voyez, ce magnifique mois de Juin que Allah nous offre chaque année est, dans ce qu'on appelle dans la langue de Jay-Z, le "pride month" (ou "Mois des fiertés", dans la langue de Jean-Chrysostome Dolto qui vous est si chère). Qu'est-ce que ça veut dire ? Pas grand chose, en vérité. C'est surtout une technique commerciale pour que le grand capital puisse s'adresser à une frange marginalisée de la population sous couvert d'ouverture. Et ça, c'est pas bien. Mais, y'a un effet de bord qui ne manque jamais de me faire mourir de rire, c'est que dans leurs pitoyables tentatives de paraître "bienveillantes" en s'adressant directement à nous, pauvres rebus de la société, les marques et entreprises qui surfent sur cette vague aliènent en même temps leur cœur de cible : les quadras bedonnants qui refusent de ne pas être le centre de l'attention pendant ne serait-ce que quelques jours par ans. Et ça, c'est très rigolo.
Enfin, voir des hommes qui n'ont jamais appris à partager ou exprimer des émotions plus complexes que "ahah le cul" être colère colère parce que deux autres hommes se tiennent la main ne cessera jamais de me divertir. C'est en partie pour ça que je fais l'effort conscient d'être de plus en plus gay à chacune de mes apparitions en public, c'est franchement des grosses barres et je vous recommande à tous.tes (écriture incursive tmtc) d'essayer au moins une fois.
Bref, ça rigole ça rigole, mais ça va nulle part, tout ça. Oui, c'est vrai. Mais j'pense que c'est aussi important de poser des bases comme ça, aussi konn soient-elles. Et c'est dont après cet aparté qu'on en arrive au vrai sujet :
Vous savez qu'en vrai la première pride c'était une révolte ? C'est à dire avec des gens dans les rues qui s'en vont, dans la bonne humeur et en brandissant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qu'ils ont volés à dieu, casser des trucs et tabasser des gros cons ? Là, d'aucun partisan d'un certain goblin s'en viendraient dire "on voit de quel côté est la violence" d'un ton condescendant qui ne traduit en vérité aucune supériorité morale, mais plutôt une hypocrisie et une ironie ridicule. Ce à quoi je répondrais "oui". Et le truc, c'est que même appropriée par le spectre du capital, la pride continue d'exister. Elle aussi spectre de ce qu'elle fût. Un peu comme un écho dans le temps qui dirait sans arrêt "On est encore là, vous ne pouvez pas nous faire taire, et il suffit d'un mot de travers pour qu'on revienne à nouveau brûler vos précieuses voitures et tabasser vos enfants".
Sauf que vous savez quoi, il y en a qui ont pris gout à cette journée, à ce mois où ils ont le droit d'exister. Si, si, j'vous jure. Et du coup, cet esprit de révolte qui habitait un instant, maintenant il habite des gens. Vous savez, des êtres humains. Des êtres humains qui, même s'ils sont différents et ne partagent pas vos valeurs républicaines (par exemple ils n'ont pas une fixation sur ce que font les autres de leurs zizis respectifs), sont déjà là parmi vous. Des gens qui se battent pour eux et pour tous les autres dans leur situation, des gens qui se battent pour avoir le droit d'exister sans craindre pour leur vie, des gens qui se battent pour qu'enfin les gâchis d'oxygène en tout genre ferment leur gueule.
Alors ouais, c'est pas cool quand quelqu'un vient vous dire "eh, ça me met vraiment mal à l'aise cette blague, tu pourrais arrêter de la faire s'il te plait ?" (Imaginez l'audace !), mais c'est mieux qu'un pavé lancé à grande vitesse en direction de votre occiput protubérant. Et pour assurer mes arrières, le premier qui invoque "ouiiiii mais la liberté d'expression blablabla, pourquoi j'ai pas le droit de dire que vous êtes des erreurs de la nature en paix blablabla" je le fume en direct sans aucune sommation. Oui, en effet Jean-liberté, tu as le droit de dire tout ça. Mais ça ne te protège pas des conséquences. De la même manière, les autres ont le droit de te répondre que tu n'es qu'une pathétique excuse à l'humanité, qu'ils n'ont pas envie de t'écouter ni même de te voir, et qu'ils préféreraient que tu disparaisse de la manière de ton choix (c'est ça l'inclusivité bb).
Voili voilou. Je trouve ça catastrophique qu'on doive encore avoir cette discussion en l'an de grâce 2022 (z'avez vu, j'ai même révisé ma bible et mon vocabulaire de droite pour montrer que quand même, je suis un peu comme vous ahah). Maintenant, à vous de découvrir si c'est que d'la gueule, ou si y'a quelque chose qui se cache là-dessous.
Des bisous. Non, vous méritez pas. Pas bisous. Gifle.
Article ajouté le Lundi 06 Juin 2022 à 12h22 |
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