Chambre5:54 a.m., la chambre à coucher.
Sa tête est comme un nid de frelons furieux - ou une piñata matraquée par de joyeux bambins.
Il hausse une épaule après l'autre, raide et mou à la fois sous son plaid, s'étire longuement.
À minuit, le carrosse est resté citrouille, à minuit son prince n'est pas venu le chercher. Cendrillon est rentrée chez elle nu-pieds, à s'en saigner la voûte plantaire, laissant derrière elle non une jolie pantoufle mais bien des perles... de sang - éparses au sol. Semées pas à pas par ses pieds ô combien délicats, martyrisés sans relâche.
Le clair jour se lève, pâle et un peu fade, et avec le soleil s'annonce l'ennui, la faim, les peines.
Il sait qu'il a passé presque deux jours dans cette doucereuse léthargie.
Ses yeux brûlent. Se gratter les paupières est une mauvaise option, mais il joue la carte de la douleur. Il préfère ressentir de l'inconfort que rien du tout. Ses cheveux sont propres d'hier au soir; il n'a pas envie d'avoir froid, pas maintenant. Ce trou à rats est trop haut perché pour acheminer l'eau sous pression suffisante, sans parler de l'absence de température. C'est même un petit miracle que d'avoir pu faire partir toute trace des autres sur sa peau.
Il se sent si fatigué. Dormir tout le jour le fatiguerait encore plus; son estomac vide n'aide pas et la laideur qui gratte dans sa poitrine, prête à en jaillir, n'arrange rien.
Roulant sur le ventre malgré la protestation de sa tête cisaillée de douleur, il s'efforce de secouer la langueur qui engourdit tout son corps. La main dans ses cheveux pèse lourd, les ongles grattant son cuir chevelu... et il lui faut un moment - juste assez long pour se sentir embarrassé - pour réaliser que c'est la sienne. Il émet un petit bruit triste. Aurait voulu les mains de quelqu'un d'autre, un peu de chaleur - une présence.
Se forçant à se lever, il jette un regard par la vitre. Rue sanglante des premières lueurs de l'aube. Vide comme le réfrigérateur de ce logis.
Il n'attend rien, ne veut voir personne. Et pourtant...
Vite, toilette sommaire, de chat, un coup de brosse et deux ou trois de pinceaux. L'odeur de la poudre solaire se mêle à celle de l'essence.
Un hoodie une écharpe des bottes un slim - la panoplie du gentil petit décrocheur scolaire, manque rien qu'un joint dans la poche de gauche et un baladeur dans celle de droite pour passer pour quelque étudiant à la ramasse mais tout cela est bien morne, commun, sûr qu'il aimerait mieux un joli fard, une chemise pétillante, et - et ô seigneur est-ce qu'il n'arrête jamais de penser autant ?! Il se donnerait presque la migraine tout seul tiens.
« Ferme ta gueule »
exhale-t-il, la voix gutturale - et sa langue est amère, chargée de trop de ces goûts-là.
Enfile un sourire et prépare-toi à affronter l'extérieur, petit garçon.
Il faut qu'il soit brave et prudent à la fois, sortir est une nécessité car il n'a plus de parfum à se mettre et personne ne fera son shopping à sa place.
Il inspire profondément -
Ouvre la porte.
6:28 a.m., même endroit.
Article ajouté le Dimanche 09 Janvier 2022 à 23h00 |
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