Analyse croisée : gagnants des quatre derniers concours de fanfics

Ce mois-ci, nous nous essayons à un exercice un peu particulier en lien avec le concours de fanfics lancé pour la sortie de Pokémon Épée et Bouclier. En effet, plutôt que d’étudier une seule fic ou les fics d’un seul auteur, nous allons tenter une analyse comparative des quatre fics ayant gagné les concours précédents pour tâcher de trouver des éléments communs expliquant leur première place sur le podium. Nous serons peut-être amenés à évoquer les fanfics arrivées deuxièmes et troisièmes pour étayer certains points. Le but de cette analyse croisée est avant tout de proposer des conseils aux auteurs qui comptent participer au concours de cette année.

De feu et de glace, de Lacrima (ROSA 2014)
Le Tueur du Serpentaire, de Lief97 (SL 2016)
R., de Deadlier (USUL 2017)
La dernière éruption, d’Onanar (Let’s Go 2018)

Bien entendu, il ne faudra pas prendre tout ce qu’on va dire ici au pied de la lettre. Depuis le concours ROSA en 2014, les membres du Comité ont changé plus d’une fois. Avec les départs de Khlass et Malak en début d’année, il ne reste plus que Cyrlight, la présidente, comme membre du jury commun à tous les concours. Malgré cela, on observe une certaine cohérence au fil des années dans le choix des fics gagnantes.

Ce qui frappe en premier, c'est leur taille en nombre de chapitres. Les règles imposent entre quatre et huit chapitres d'au moins 5 000 caractères, or on remarque que les fics gagnantes tournent entre sept et huit chapitres, et que la norme est plutôt au maximum réglementaire. Le fait d'exploiter au mieux la longueur permise par les règles du concours est donc valorisé : cela s'explique notamment par le fait qu'une intrigue est souvent mieux développée en huit chapitres plutôt qu'en quatre. Il est très important de savoir prendre son temps pour poser le cadre du récit, insérer des éléments perturbateurs et leur trouver une résolution satisfaisante afin d’obtenir une histoire qui se suffit à elle-même.

À l'inverse, il ne faut pas non plus chercher à en faire trop, mais trouver un juste milieu afin d’avoir le temps de finir d’écrire posément. Il arrive souvent que les participants soient soumis à un petit rush à la fin du concours, ce qui tend à faire baisser la qualité de leur fic : De feu et de glace souffre de ce problème, souligné par l’auteure elle-même, avec ses derniers chapitres. Ainsi, une intrigue complète, c’est bien, mais rester raisonnable par rapport au temps dont vous disposez pour écrire afin de la boucler sans forcer, c’est mieux.

Afin de conserver une unité globale de l’histoire en peu de chapitres, les auteurs des fics gagnantes ont plutôt privilégié des histoires se déroulant chronologiquement sur une durée assez courte. Ils sont généralement parvenus à développer une histoire prenante sur quelques jours, quitte à user de flashbacks pour étendre la temporalité de leurs fics. C'est notamment le cas de Lief97 pour expliquer les motivations de son personnage principal, et surtout d'Onanar pour insérer tous les éléments qui vont permettre le dénouement de l'intrigue. Seule Lacrima fait durer son scénario sur plusieurs années, ce qui fonctionne également ; cependant, attention à ne pas trop étaler votre récit dans le temps, afin d’éviter que votre histoire ne devienne une suite de scènes courtes dispersées sur plusieurs décennies et destinées à donner un maximum d’informations au lecteur au détriment de la fluidité.

Ceci étant, vous pouvez parfaitement atteindre le podium avec une fic de moins de sept chapitres, comme l’ont montré les deux dauphines du concours ROSA et la troisième place du concours Let’s Go.

On remarque également que les quatres dernières fics gagnantes sont de type action/aventure. Cela peut sembler assez logique : une histoire active avec deux-trois rebondissements a tendance à se révéler efficace, propice à mener à bien une histoire prenante en peu de chapitres. Par ailleurs, cela colle à merveille avec l’univers Pokémon qui invite les joueurs à partir à l’aventure. Néanmoins, si elle s’impose facilement, ce n’est évidemment pas la seule solution : en témoignent par exemple Dolasco avec sa fiction humoristique arrivée à la seconde place du concours de 2016, ou bien MissDibule et son histoire Slice of Life sur la troisième marche du podium 2017.

Le format court impose également des contraintes par rapport au personnage principal de votre histoire (ou les personnages principaux). Évidemment, vous aurez du mal à leur proposer une évolution très longue et complexe en huit chapitres maximum ; néanmoins, la fanfic de Deadlier se base bel et bien sur la progression psychologique de son protagoniste, mais dans une mesure assez modeste pour tenir dans une longueur réduite. Il a d’ailleurs bien réussi à développer ce personnage au travers d’épreuves concentrée sur seulement quelques jours. Sinon, quand l’histoire se base davantage sur une intrigue extérieure que sur le parcours mental du protagoniste dans les autres fanfics, celui-ci est souvent rapidement attachant afin de guider le lecteur de manière agréable et claire au travers du scénario — tout en restant bien construit, c’est le minimum.

On constate accessoirement que les auteurs ont tendance à jouer sur l'ambiguïté de leurs protagonistes en début de fic, comme pour amener les lecteurs à s’intéresser davantage à eux. Lacrima décrit longuement cet adolescent anxieux, battu par son père, qui fugue en quête de liberté, pour mieux révéler à la toute fin de ce chapitre introductif qu’il s’agit d’un des antagonistes du canon. Deadlier œuvre de façon similaire avec R. qui, même si on devine de qui il s’agit rien qu’en regardant l’image de présentation de la fic, laisse planer le mystère quant à son identité réelle. C’est surtout dans la fanfiction de Lief97 que le procédé est poussé le plus loin, puisqu’il n’hésite pas à suggérer dans le premier chapitre que son protagoniste principal est le tueur qui donne son nom à la fic, avant de le présenter comme une ancienne victime en quête de vengeance. Ce genre de méthode en début de fic est un bon moyen d’instaurer un peu de mystère afin de donner envie au lecteur de poursuivre, et cela jouera aussi dans l’intérêt que le jury portera à votre histoire.

Les fanfics dont nous parlons mettent peu de personnages en scène : encore une fois, le format ne permet pas tout, et notamment pas de pléthore de personnages secondaires. Deadlier et Lief se centrent vraiment sur un ou deux personnages, pas plus ; quant à Lacrima et Onanar, ils introduisent des personnages secondaires, mais peu nombreux et très effacés derrière le ou les protagoniste(s). Ajouter des personnages enrichit généralement une histoire, mais dans un format imposé, il faut parfois savoir se modérer, faire le tri pour ne pas introduire trop d’éléments à développer.

Les personnages canon de toutes les régions connues étant autorisés dans le cadre du concours Épée et Bouclier, il est intéressant d'étudier le traitement qui en est fait par les derniers auteurs gagnants aux concours officiels. Avec Max et Arthur, Lacrima remet en opposition deux personnages emblématiques de la 3G, et l’histoire tourne autour d’eux en développant leur histoire. Dans le cadre d’un concours, partir d’un personnage connu peut être moins intimidant et demander moins de travail que d’inventer un Original Character spécialement pour son récit, en plus de permettre déjà des pistes scénaristiques.

En revanche, il ne faut pas opter pour cette solution par paresse et utiliser Cynthia (parce qu’on l’aime bien) dans une histoire qui n’a rien à voir avec elle précisément, où elle aurait pu être remplacée par n’importe quel autre personnage. Choisir un personnage peu exploité (comme Onanar avec Auguste) ou bien montrer sous un autre jour un perso connu (tel Deadlier avec Giovanni) restent des façons efficaces de gérer un protagoniste canon. En tous cas, celui-ci doit rester un minimum en relation avec votre histoire.

Le thème de cette année portant sur des jeux qui ne sont pas encore sortis, il laisse certes pas mal de liberté, mais amène également des difficultés. Effectivement, le teasing autour de Pokémon Épée et Bouclier ayant été assez pauvre jusqu’à présent, cela laisse beaucoup de zones d’ombre, comme les noms des villes, des Champions d’Arène, l’apparence des lieux… sans compter que jouer aux jeux offre beaucoup de matière exploitable à travers les anecdotes des PNJs ou certains éléments du décor, par exemple. Il va falloir se débrouiller sans cela cette année, ainsi que cela fut le cas pour le concours de 2016 avec l’arrivée des jeux de la septième génération.

Afin de ne pas trop s’embrouiller ou s’embêter à inventer tout ce qu’on ne sait pas de la région de Galar, mieux vaudra se concentrer sur les éléments révélés jusqu’à présent. Il est tout à fait possible de baser son histoire sur le phénomène Dynamax, sur un des Champions révélés, ou sur l’un des nouveaux Pokémon, et ne pas beaucoup s’avancer sur le reste. L’exemple de Lief97 est parlant, puisqu’il a réussi à faire porter son histoire sur les légendaires emblématiques d’Alola, en inventant seulement leur rôle et une intrigue simple basée sur eux, et en brodant autour seulement pour décrire quelques lieux traversé à Alola. L’intervention de la nouvelle forme de Feunard donne plus de substance à sa fic, mais à part cela, il veille à ne pas trop s’aventurer dans ce qu’il ne connaît pas, et cela fonctionne très bien.

La spécificité qui distingue le barème d’un concours et celui d’une évaluation classique sur Pokébip est finalement l’exploitation du thème donné pour ce concours. Celle-ci a tout son intérêt à être originale afin de sortir du lot des participations et marquer le jury ; ou bien, à être suffisamment efficace et bien menée pour parvenir au même résultat. On peut s’intéresser au traitement que les dernières fics gagnantes ont offert à leurs thèmes respectifs. Lacrima qui devait mettre en scène un élément des jeux de la 3g a opté pour des personnages emblématiques (efficacité) ; c’était aussi le cas de Deadlier qui avait le choix entre toutes les générations et qui s’est décidé pour un perso complètement décalé avec l’ambiance d’Alola pour mieux faire découvrir cette région (originalité). Onanar devait également se décider entre les personnages canon de la première génération et s’est illustré avec Auguste en tant que Champion très peu présent dans les fanfics (originalité), en plus de gérer l’aspect “nostalgique” du thème par de nombreux flashbacks liés à l’intrigue. Enfin, comme dit plus haut, le thème le plus proche de celui du concours EB et le thème de 2016, que Lief a exploité avec une interprétation bien construite des légendaires locaux (efficacité).

Il est important de se souvenir de ce critère d’évaluation (exploitation du thème) lors de la mise au point de votre fanfiction, puisqu’il compte particulièrement dans la notation. Cela veut notamment dire que ce qui est richesse du style et fautes d’orthographe, par exemple, sont un peu moins mises en valeur. Quitte à tirer sur l’ambulance, la fic de Deadlier illustre bien ce dernier point. Attention, cela ne signifie pas que vous pouvez gagner en présentant un texte truffé de fautes, bien sûr, mais quelques coquilles ne devraient pas vraiment gêner à vous hisser dans le classement si votre histoire est très originale et respecte parfaitement le thème. Preuve en est, les précédentes fics gagnantes n’étaient pas forcément des bijoux de littérature, pas tout à fait dépourvues de fautes d’orthographe, et elles présentaient pour certaines quelques maladresses narratives.

Bien évidemment, aucun style d’écriture ne sera valorisé ou non dans la notation finale — fort heureusement, puisque chacun possède son style. Seule sa maîtrise va compter, et même si quelques erreurs restent acceptables en considérant le paragraphe précédent, votre fic a tout intérêt à présenter la meilleure qualité écrite possible. Relisez-vous attentivement voire prenez un bêta-lecteur, aérez votre texte en sautant des lignes entre chaque paragraphe, faites attention à la fluidité des actions, pensez à décrire un minimum le décor, bref, faites de votre mieux pour envoyer un rendu propre à Cyrlight. Malgré l’importance de la gestion du thème dans votre note définitive, une fanfic bourrée de fautes ou peu aérée peut laisser une mauvaise impression aux évaluateurs même si l’intrigue est bonne. À l’inverse, une parfaite maîtrise stylistique peut constituer un excellent atout.

Finalement, donc, les fanfictions choisies pour le sommet des podiums des concours précédents doivent la victoire à des qualités assez semblables : une bonne gestion de l’intrigue et du format imposé, un sujet original en raccord avec le thème, une intrigue efficace et des personnages bien construits. Même si l’évaluation par les membres du Comité de Lecture présente évidemment une part de subjectivité, cela n’est pas une fatalité et toute fanfiction exploitant bien le thème tout en possédant de réelles qualités narratives et scénaristiques devrait être en mesure de parvenir jusqu’au podium.

Nous pouvons ainsi répéter : bonne chance à tous !



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