Confrontations
Comme une turquoise. La lueur bleue devenait de plus en plus forte, au point que, bien qu'elle fût cachée derrière nombre de rochers, elle entra dans le champ de vision de Giovanni. Celui-ci ne réagit pas au début, trop occupé à considérer ce qu'il avait fait au dragon légendaire. Mais son regard finit par l'attirer vers cette lumière surnaturelle. Doucement, il s'approcha. De toute façon, au point où il en était, ça ne pouvait être pire. Plus il s'avançait, plus la luminosité augmentait, devenant presque aussi intense que celle de Rayquaza. Deux rocher, trois rochers. Le dernier était assez gros, il fallait l'escalader. Maladroit, et le cœur battant, Giovanni s'écorcha la main. Il paniqua. Où était passé son sang-froid légendaire ? Encore une prise. Ça y est, il était au sommet. Il lui en fallut de peu pour ne pas retomber immédiatement, lorsqu'il vit ce qu'il avait devant lui. Une sorte de rocher rond, un peu ovale même. Avec la forme d'un œuf de plus d'un mètre de haut. Il était gris, rugueux d'aspect, et paraissait incrusté de dizaines de turquoises plus brillantes les unes que les autres. Giovanni crut distinguer un mouvement. En effet, le rocher bougeait. Aucun doute : c'était un œuf. Un œuf du dragon légendaire ? Une sueur froide s'empara de lui. Non, ce n'était pas possible. Les Pokémon légendaire ne pondent pas d'œufs. Ça se saurait. Il sauta alors de sa plate-forme, afin d'arriver au plus prêt de l'étrange pierre. Sa main encore valide avança vers celle-ci, et la toucha, avant de s'en retirer au bout d'un quart de seconde, brûlée. C'était extrêmement chaud. Que pouvait-il y avoir dans ce caillou ? Giovanni, pour une fois prudent, décida finalement que rester près de cela n'était peut-être pas une bonne idée, et s'écarta. Mais ses mains abîmées l'empêchaient d'escalader les rochers, et il dû se contenter de garder une distance de quelques dizaines de centimètres avec cette « chose ». À nouveau, il regarda le ciel, et le dragon.
Lorsqu'il leva les yeux, Mathieu aperçut sa mère, un peu plus loin, rasant les flots sur le dos de son Helledelle. Qu'il était agréable d'aller à toute vitesse sur un Wailmer, au lieu d'être tiré par lui. Cela faisait une demi-heure qu'ils étaient partis, et les Pokémon ne semblaient aucunement fatigués. Le vent salé fouettait le visage des passagers. Léa bailla, puis, lassée, s'adressa à Lana :
« Tu crois qu'on est bientôt arrivés ?
— Étant donné que je ne sais pas du tout où est mon père, je ne peux pas dire grand chose... Enfin, ça devait être assez proche de l'endroit où on a recueilli Mathieu, vu la vague qui nous a submergés... »
Lana frissonna, repensant à son Poussifeu. Léa se rendit compte de son erreur et se mordit les lèvres, cherchant à détourner la conversation.
« Ton père connaît bien les Pokémon, je pense qu'il saura quoi nous dire, une fois qu'on sera arrivés. Et puis, Peter et le prof Chen sont avec lui. On ne risque pas grand chose.
— Espérons.
— Tu sais, moi aussi, j'ai quand même un peu peur... Rayquaza n'est vraiment pas n'importe quel Pokémon. Comment va-t-on survivre si il meurt ? C'est lui qui est censé protéger la couche d'ozone, non ?
— La nature a sûrement tout prévu. On s'en sortira, ne t'inquiète pas. »
Mathieu n'était pas de cet avis.
« Je trouve que Léa a raison, c'est quand même drôlement risqué. Il faudra se méfier.
— Vous avez peur ou quoi ? s'énerva Lana, si vous êtes venus, ce n'est pas pour vous plaindre ! Alors arrêtez de me faire peur, et laissez-moi me dire que tout ira bien. »
Personne ne répondit.
Quelques secondes plus tard, Raymond, qui n'avait pas dit un mot depuis le départ, se réveilla, et pointa du doigt le ciel.
« Je le vois. »
Il semblait devenir aveugle. Sa chorégraphie se faisait de plus en plus désordonnée. Ses cercles devenaient ovales, et même biscornus. Il lui arrivait de plus en plus de se laisser tomber, avant de se reprendre, de remonter, et reprendre ses grands cercles. Rayquaza mourait.
« C'est dangereux. »
Peter avait l'air grave.
« On ne peut pas laisser tous ces gens regarder. Même nous, on ne sait pas ce qui va se passer. On risque notre vie. J'ai peur. »
Seko et Chen le regardèrent. Le Professeur Chen baissa les yeux avant de répondre.
« C'est vrai. Il faut avertir Hoenn.
— Tout Hoenn ? »
Seko afficha un air désemparé.
« C'est si grave que ça ?
— Comme l'a dit Peter, on n'en sait rien. Et il s'agit d'un Pokémon légendaire, très ancien. Des légendes antiques parlent déjà de lui. Il doit être extrêmement puissant, on ne peut pas négliger ça. »
Des gouttes de sueur perlèrent sur le front des trois spécialistes. Chen s'éclaircit la voix, saisit le micro de l'hélicoptère, et remit son casque sur ses oreilles.
« Je souhaite prendre contact avec la chaîne 42.
Bip sonore.
« Oui, bonjour professeur Chen. Nous voici en direct de Pacifi-ville. Le Professeur Chen, ainsi que le professeur Seko, et le maître de la ligue Pokémon de Kanto, Peter, sont sur les lieux de cet évènement exceptionnel. Qu'avez-vous de plus à nous annoncer, professeur Chen ?
— Il faut évacuer les lieux. »
La journaliste parut choquée.
« C... Comment ? Évacuer ? Tout de suite ? Où ?
— Au moins les spectateurs qui arrivent par la mer avec leurs Pokémon, Pacifi-ville, Atalanopolis, et Algatia. On ne sait pas ce qui peut se produire, et le dragon semble s'affaiblir de plus en plus. Je vous ordonne donc de faire évacuer au moins toute cette zone. Peut-être que c'est inutile, mais je préfère prendre des précautions. Faites aussi diffuser ce message sur toutes les chaînes. Merci.
— Euh... Oui... D'accord. Bon, eh bien, comme l'a dit le professeur Chen, il est temps d'évacuer, alors... »
Chen s'effondra dans un fauteuil de l'appareil. Seko attrappa le haut-parleur qu'il avait posé derrière lui, et s'adressa à la foule, qui regardait le spectacle comme s'il s'agissait de feux d'artifice.
« Écoutez-moi, vous tous ! »
Silence.
« Le professeur Chen vient de faire diffuser un message sur toutes les chaînes. Suivez-le, vous aussi. Rentrez chez vous, immédiatement. Nous avons donné l'ordre d'évacuer toute la zone de Pacifi-ville à Algatia, c'est bien trop dangereux. Ne restez pas dans les parages si vous tenez à votre vie, et si vous croisez quelqu'un allant vers cette zone sur votre chemin, faites passer ce message. Ne laissez aucun ignorant par ici, je vous le répète, c'est trop... »
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Le dragon, dont la danse prenait un sens complètement hasardeux, s'était approché trop vite de l'hélicoptère. Dans un virage, il érafla son côté gauche, le poussant vers la mer. Seko fut renvoyé au fond de l'appareil et s'écrasa contre son autre paroi, sous le choc. Ils fonçaient vers les flots.