Dommages collatéraux
Adriano resta un court instant bouche bée. Il n'aurait su dire pourquoi, mais les paroles d'Iris venaient de résumer la pensée furtive qui l'avait traversé durant une minute. Le coeur battant à coup redoublé, il murmura:
- Mais alors... Qui a pu... faire ca?
- Aucune idée...
Ils se regardèrent, terrifiés. Puis à nouveau, tournèrent leur regard sur les cadavres. Ils étaient si affreusement mutilés qu'on avait du mal à penser qu'un humain puisse faire ca. Et puis, ces étranges griffures... Soudain, Adriano se redressa. Cette fois, plus de doûte. Il sentait une présence dans les environs. Une présence étrangement malsaine. Une brise glacée se mettait à souffler et tout lui parut d'un coup froid et hostile. Il regarda de nouveau autour... et soudain, il vit bouger quelque chose dans la pénombre. C'était une forme très sombre... non, il y'en avait plusieurs... et elles foncaient droit vers eux. Vers...
- ATTENTION!!! hurla-il brusquement.
Il plongea sur Iris et la projeta à terre en lui faisant un bouclier de son corps. Un coup de vent leur ébourriffa alors les cheveux et un bruit de déchirure retentit, suivi d'un bruit d'éclaboussure et d'un hurlement d'homme. Les agents de Blackice venaient d'être surpris par les étranges créatures. Iris et Adriano se levèrent d'un bond, glissant dans la mare de sang qui se formait autour d'eux. A leurs pieds gisait les trois agents qui avait la gorge ouverte et les yeux crevés. Mais les deux agents ne s'attardèrent pas sur ce genre de détail, assez courant dans leur métier, et se soucièrent plutôt d'essayer de sauver leur propre peau. Adriano se précipita vers sa Mercédés, entraînant Iris à sa suite. Il était affolé et au bord de la crise de nerfs. Il enclencha le moteur et écrasa le champignon. Quand il se jugea assez loin, il finit par l'arrêter.
- Nous avons eu de la chance, il n'y a eu que des dommages collatéraux...
- Des dommages collatéraux??? Trois cadavres, vous appellez ca des dommages collatéraux???
- Vous, au moins, vous êtes en vie, Lunel ne m'engueulera pas pour mes agents morts...
- Quel pragmatisme... commenta Iris en levant les yeux au ciel.
Adriano la regarda:
- Le pragmatisme voudrait au contraire que je vous tue quitte à prendre un savon pour en finir définitivement avec la plupart de mes emmerdes...
- Vous êtes toujours aussi aimable...
- Et vous, toujours aussi insupportable...
- De nous deux, je me demande qui est le plus naze, franchement! Mais réfléchissons plutôt à ce qui vient de se passer... Ce n'était pas des Absol, mais alors qu'est-ce que c'était?
Adriano réfléchit:
- On aurait dit... des spectres?
Iris le regarda:
- C'est vrai, ca y ressemblait drôlement... J'ai jamais vu un truc aussi effrayant de ma vie...
- En tout cas, c'est un problème. Il faudrait essayer de savoir si ces spectres ou je ne sais quoi ont un rapport avec les Absol de Sang... En tout cas, on ne peut pas lutter contre deux menaces en même temps...
- Et si on vous compte, ca fait trois, plaisanta Adriano avec un petit rire.
- Arrêtez ca, d'accord?
Elle ajouta:
- Vous avez risqué votre vie pour protéger la mienne.
- Si vous voulez me remercier, ne me le faîtes pas regretter, c'est tout...
Ils échangèrent un long regard puis se détournèrent. Les souvenirs de la dispute étaient toujours là...
- J'appelle Lunel, finit par dire le jeune homme. Il m'a bien fait comprendre qu'il voulait être au courant de ce genre de chose.
Il appella et raconta ce qui s'était passé au patron. Lunel réagit au quart de tour:
- Le Comte Van Mortis est effectivement réputé travailler aussi avec les sciences occultes, mais je n'aurais jamais pensé que ce soit vrai. Ecoutez! Il faut que Greengrass et vous vous dépêchiez de trouver tout ce sur quoi le Comte a travaillé ces dernières années! Tout est lié, j'en suis sûr.
- Ca ne va pas être simple...
- Vous avez carte blanche! Fouinez partout, comme vous voulez, je vous couvrirai! Van Mortis a déjà causé trop de dégâts dans ce putain de pays. Si on ne l'arrête pas bientôt, il mettra au point encore d'autres armes pires que les Absol de Sang pour nous soumettre à lui...
Adriano comprenait ce qu'il voulait dire. Lunel avait raison, Iris et lui devaient accélérer le mouvement... et éviter de se faire tuer. Il dit cependant:
- Je croyais que vous ne vouliez plus de Greengrass sur le terrain?
- A-on le choix? Je n'en ai pas d'autres comme elle... Mais ne la lâchez pas d'une semelle!
- Très bien.
Il raccrocha.
- Alors? Quelles sont les nouvelles?
Adriano la regarda:
- La bonne, c'est que vous allez pouvoir rester sur le terrain, ce qui devrait vous réjouir. La mauvaise, c'est que Lunel ne veut plus que je vous lâche d'une semelle!
Iris leva les yeux au ciel:
- J'imagine que je vais finir par m'habituer à votre charmante compagnie...
Adriano haussa les épaules:
- Et moi, je vais devoir résister beaucoup plus souvent à la tentation de vous assasiner pendant votre sommeil!
- Je posterai mon Noctali près de mon lit...
Ils se foudroyèrent une fois encore du regard, puis Adriano réenclencha le moteur.
Ils arrivèrent à un hôtel miteux et demandèrent la chambre la moins chère, qui était censé avoir des lits superposé, mais mauvaise surprise...
- Oh, le sagoin! s'exclama Adriano en ouvrant la porte.
En effet, il n'y avait qu'un lit double...
- Je dors sur le paillasson!!!! s'écria Iris avant de sortir à toute vitesse...
- C'est ca, oui... Et comment vous faîtes si on vous attaque?
Iris lâcha un soupir:
- D'accord, je prends le lit, et vous faîtes l'insomniaque!
- Je suis fatigué aussi, moi...
Ils se fourdoyèrent du regard. Personne ne voulait céder à l'autre. Bon. Il n'y avait plus qu'une solution...
- D'accord, lâcha-elle. Mais chacun de son côté, et je vous jure que si...
- Si je fais un geste déplacé? lanca Adriano en éclatant de rire. Rassurez-vous, vous ne m'attirez pas du tout!
- Dîtes tout de suite que je suis laide!
- Oh, le physique, ca va encore, mais votre caractère ferait fuir n'importe quel type, même le plus tordu d'esprit!
Iris soupira:
- Au moins, quand vous dormez, votre présence est moins chiante... Et maintenant, tournez vous deux minutes...
- Okay...
Elle enleva rapidement son jean et se glissa entre les draps.
- C'est ok.
- Bon. Et vous, fermez les yeux!
Elle obéit aussitôt et il enleva à son tour son pantalon avant de se glisser de l'autre côté du lit en prenant bien soin de ne pas effleurer d'un pouce le corps de sa jeune protégée. Il ajouta:
- Je laisse Givrali en faction devant la porte, comme ca, il nous protégera...
- Ok...
Enfin, il éteignit la lumière:
- Bonne nuit...
- Vous aussi, et laissez-moi de la couette, je vous prie...
Iris mit un peu de temps avant de s'endormir. Adriano garda lui aussi longuement les yeux ouverts. Ce fut uniquement quand il sentit que la jeune fille s'était endormie qu'il se laissa glisser à son tour dans le sommeil...
Un rayon de soleil vint s'infiltrer par la fenêtre pour éclairer les deux agents endormis... Durant leur sommeil, ils avaient changé de position et Iris était à présent collée contre le corps d'Adriano qui avait un bras passé autour d'elle... Comme pour la protéger... la garder...
Ils s'éveillèrent quasiment en même temps... et réalisèrent au même moment:
- Nom de...
- Putain!!!
Iris fit littéralement un bond hors du lit, comme si on l'avait brûlée. Puis, s'apercevant qu'il allait voir ses jambes nues, elle enfila en triple vitesse son jean. Adriano baissa les yeux, terriblement gêné.
- Désolé...
- C'est facile! rétorqua-elle d'un ton furieux. J'espère que vous n'avez pas passé la nuit à me tripoter, abominable profiteur!
- Je pourrais vous retourner la question! rétorqua Adriano d'un ton furieux.
Ils se toisérent du regard, elle, le chignon en désordre, lui, ses mèches noires ébourriffés et son regard de glace à faire peur à un Donphan. Tous deux étaient furieux. Iris décida de capituler avant que son ombrageux compagnon ne provoque une joute oratoire d'une heure et finit par dire:
- Bon, ca va, n'en parlons plus... Et maintenant, je prends la salle de bain, vu que vous semblez encore vouloir rester au lit...
- Hé, ho!
Trop tard, elle venait de claquer la porte.
- Pff! Elle est gonflée! Givrali, tu dors bien?
Il était agacé. Il venait de se rendre compte que le pokémon à qui il avait confié la garde de la porte était paisiblement roulé en boule au pied du lit. Il lui donna un coup de pied pour l'éveiller:
- On en dort pas en service, espèce de petit fainéant!
Le Givrali se réveilla en sursaut, comprenant que son maître était fâché. Pendant ce temps, la douche chaude avait apaisé l'humeur d'Iris qui sortit l'air plus joyeuse. Ses longues boucles brunes étaient lâchées sur ses épaules, encore humides. Adriano ne put s'empêcher d'être frappé par cette soudaine beauté qui se dévoilait devant lui. Il n'avait encore jamais vu Iris les cheveux lâchés. Il se précipita dans la salle de bains à son tour et eut une mauvaise surprise:
- Argh, elle est froide!
Il se dépêcha de sortir. Dehors Iris éclata de rire en le voyant les cheveux en bataille, le tee-shirt mouillé enfilé précipitament et le pantalon de travers. Il la fusilla du regard:
- Vous avez vidé le réservoir ou quoi???
Iris eut un mauvais sourire:
- Il était déjà presque vide...
Adriano poussa un juron puis sortit de la chambre. Ils payèrent leur nuitée et filèrent après avoir avalé un rapide petit déjeuner. Alors qu'ils étaient dans la voiture, une brise glaciale se mit à souffler... Une branche d'arbre tomba sur le pare-brise. Iris sursauta:
- C'est drôle, j'ai vraiment l'impression qui se passe un truc pas naturel...
- Moi aussi...
Au loin, sur les collines, douze ombres observaient. Agir. Agir vite! Tuer... Derrière elles, cinq cadavres de soldats gisaient dans une mare de sang. Ils avaient les yeux ouverts, mais ne pouvaient plus voir. De l'autre côté, un Absol au pelage noir-bleu observait:
"Non! Ils sont... là!!!"