Chapitre 32: Piège de roc
Alors que nous reprenions la route avec Lilian à nouveau à nos côtés, nous ne savions pas encore ce qui s´était justement passé de l´autre côté. Lilian calma nos ardeurs tout de suite.
"Du calme, je viens de sortir de deux jours de folie alors si vous voulez bien, on remettra ça à plus tard."
Je soupçonnais que les "deux jours de folie" n´étaient rien par rapport à la peine qu´il avait du avoir à laisser tout ce beau monde au milieu des batailles sanglantes. Même si je savais que pour le dialogue, nous avions tout notre temps ("Avec une ou deux distortions ... le temps est à nous..." me plaisais-je à penser), je sentais qu´il ne serait pas prèt à parler. C´est pourquoi nous avons continué vers le sommet du mont Couronné. Ma montre indiquait 19h30, le soleil n´allait pas tarder à aller se coucher. Je me rapellais que le blizzard soufflait sur les pentes de la montagne quasiment toute l´année, aussi il ne serait pas bon de se lancer dehors avant demain. Nous allions passer notre première nuit hors des villes.
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Depuis le début de l´après-midi (encore que, ces longueurs temporelles ne veulent plus rien dire.... disons plutôt depuis que Pierrick était avec nous), nous avions gravi deux "étages" de grottes, en plus de celui du tunnel Charbourg-Unionpolis.
Nous traversions la grande salle voûtée du second étage, encore plus grande que dans mon souvenir. De magnifiques stalactites nous accompagnaient durant cette traversée et, faute d´un dialogue vraiment constructif, Pierrick nous parla tout le long des roches qui constituaient ces colonnes de pierre, millénaires et superbes. Notre périple ne fut interrompu que par quelques Nosférapti reveillés par le bruit de nos voix mais le Nostenfer de Lilian les tint à l´écart. J´avais appris depuis quelques temps qu´un silence trop parfait est mauvais signe. Surtout à trois jours de la fin potentielle du monde et dans une grotte dans laquelle personne ne viendrait nous chercher avant des mois.
Nous avions peut-être eu tort de laisser partir les sbires mis à mal par Flora. Qui sait quelle fourberie ils inventeraient pour nous retenir ? Car s´ils n´avaient plus de pokémons valides, ils avaient toujours des idées... des idées malsaines même. Mon intuition ne me trompait jamais, elle eut encore une fois raison.
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A peine eus-je le temps de penser celà que je vis une brève lumière à nos pieds.
"Attention ! hurlais-je"
Trop tard, le pied de Pierrick tendit la corde de nylon que j´avais vu briller, ce qui déclencha simultanément deux explosions, une devant et une derrière nous. Dans un fracas assourdissant et sous un brouillard de poussière, plusieurs tonnes de pierres s´écroulaient autour de nous, nous piégeant dans un dôme minéral. A peine les pierres eurent fini de tomber que j´entendis Lilian pester...
"Et voilà, je suis à peine revenu qu´on est déjà dans une merde noire...."
Ce à quoi répondit une voix derrière la muraille de pierre:
"Et voilà ce qu´il en coûte de s´attaquer à la Team Galaxie. Ne vous inquiétez pas, nous viendrons vous libérer une fois les renforts arrivés, vous verrez la fin de cette épopée,... sous solide escorte bien sûr...
-Et vous croyez que l´on va rester là sans rien faire ? demanda Antoine sur un ton ironique.
-Vous savez, même en y mettant tous les pokémons du monde, cette muraille de roche ne saurait être abattue avant une bonne semaine, bien plus qu´il n´en faut pour revenir vous voir. Alors libre à vous d´essayer mais je pense bien que c´est la fin du jeu pour vous. Celà dit, vous remarquerez que nous ne nous avons pas mis hors-jeu, ce sera tellement plus gratifiant de savoir que dans l´ancien monde vous serez considérés comme des nuls ayant échoué.
-Imbécile commença à hurler Aurore, tu ne sais donc pas qu´il n´y aura plus d´ancien..."
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Lilian refit ce geste maintes et maintes fois utilisé, il leva sa main à hauteur de son épaule, les doigts joints. Tous, nous savions ce que celà voulait dire,... silence absolu. Aurore, bien que particulièrement peu d´accord par l'idée de se taire, finit finalement par obéir à l´ordre silencieux et à contrôler sa rancoeur. Le sbire profita du silence pour reprendre la parole.
"Oh, calmez vous, ce ne sont que quelques jours. Les piliers de pierre ont plus de mille ans, ils ne vont pas s´effondrer sur vous si vite. Je vous répète que nous ne voulons pas vous tuer.
-Tu devrais pourtant, s´emporta Lilian, car qui que tu sois, quand je te retrouverais, tu te mettras à genoux pour m´implorer de t´épargner. Je ne suis plus aussi sage qu´avant, transmets bien ça à tes chefs qui qu´ils soient, petit larbin.
-Oh, pour votre information, je ne suis pas un simple sbire, je suis le commandant Lionel, pour vous servir...
-Et bien Lionel, pars, pars vite, fit Antoine, se prenant au jeu de l´énervement, parce que si c´est pas Lilian qui te démolis, ca sera moi, et crois moi, la chute sera longue et douloureuse.
-Soit, qu´il en soit ainsi, mais je vous rappelle que pour celà vous devrez sortir de ce dôme. Alors au plaisir de vous revoir, messieurs et dames."
Après un dernier ricanement, nous entendîmes les sbires s´éloigner.
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Une fois que les derners bruits eurent disparu, Aurore se jeta sur Lilian, furieuse.
"Comment as-tu pu, comment as-tu pu m´ordonner de me taire alors que toi tu t´en donnais à coeur joie pour les insulter et le menacer ?"
Lilian la prit fermement par les bras et la secoua.
"Ecoute moi bien Aurore, si je t´ai demandé de te taire, c´est que contrairement à moi tu allais divulguer un secret vital. je te rappelle que jusqu´au bout, nous devons passer sous silence le fait que Sinnoh sera détruite. C´est certes assez frustrant mais ca pourra jouer en notre faveur au moment critique.
-Et qu´est ce qui t´empéchais de te taire au lieu de faire des menaces en l´air ? sanglota-t´elle à nouveau.
-Qu´est ce qui m´en empèche ? Tout simplement le fait que ces menaces ne sont pas jetées au hasard. Après avoir vu la mort de très prèt, je peux te dire que ce n´est pas une montagne de cailloux qui va me retenir ! Je te jure sur ma vie que nous allons sortir de ce tas de cailloux, c´est clair ?"
Alors qu´Aurore semblait se calmer, elle rejouta cependant une dernière remarque:
"Ce n´est pas parce que tu t´es battu pour sauver ta vie que tu dois devenir sourd et malpoli, on est toujours là nous ! Et même si on n'a pas risqué de tout perdre, c´est pas une raison pour nous ignorer."
La lueur de colère qui avait illuminé les yeux de Lilian disparut, à sa place, un profond remords, profond et sincère, apparut...
Il s´assit dans un coin du tumulus et nous murmura:
"Je le sais, Aurore, je le sais..."
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Après un silence qui sembla durer une éternité, Pierrick nous fit part de ces conseils d´expert en roches...
"Euh, je ne veux pas m´immiscer entre vous, mais je crois que vous devriez savoir certaines choses.
-Des "choses" à savoir ? demandais-je inquiet. Développe, je t'en prie.
-Et bien, le processus de formation des colonnes de pierre est long. Des stalactites se forment et l´eau calcaire qui en goutte crée progressivement une couche supplémentaire de pierre. Les gouttes d´eau qui ne tiennent pas tombent et forment les stalagmites. Lorsque les deux se rencontrent, il se forme une colonne qui s´épaissit avec le temps car les gouttes continuent à tomber et à se fixer.
-Et le cours de paléontologie c´est pour quoi ? demanda Antoine, manifestement assez agacé que son meilleur ami et sa petite amie se fassent mutuellement la tête.
-C'est de la spéléologie, pas de la paléontologie, corrigea Pierrick. C´est pour vous dire que les colonnes sont en fait du calcaire. Un dérivé de la craie si vous préférez. Et ce ne sont pas les colonnes qui tiennent la grotte comme l´a dit ce commandant inculte. C´est l´inverse. C´est grâce à de solides fondations que la grotte tient debout..."
Les yeux de Lilian se mirent à briller à nouveau. Il continua.
"Ca veut dire que vu qu´ils ont fragilisé la grotte...
-Oui, les piliers ne vont pas tenir, termina Pierrick, le plafond va s´effondrer sur nous incessament sous peu."
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La nouvelle de Pierrick fit des émules dans notre petit groupe.
"Combien de temps nous reste t´il ? demandais-je
-Vu comme tout le monde se crie dessus en ce moment, il est très dur d´entendre la pierre se craqueler, néanmoins, je pense qu´il nous reste entre dix et vingt minutes pour évacuer. Je ne peux pas être plus précis pour le moment, alors réfléchissez en silence aux moyens de sortir, s´ils existent et laisser moi écouter parler les pierres..."
Le terme "écouter parler les pierres" me surprit mais après tout, il se comportait comme façe à un être humain. Il relevait des intonations de voix qui indiquent si la phrase prononcée est une blague ou au contraire une triste vérité. Il faisait le silence et notait tous les différents bruits, telle une conversation à plusieurs. Je devais quant à moi me concentrer sur une idée pour sortir d´ici mais mon esprit ne voulait parler que de mort et de pierres qui s´effondrent, de mort brutale ou au contraire de lente agonie, enseveli sous les pierres mais épargné par un destin mauvais farceur, à souffrir le martyr, les côtes brisées et perdant doucement son souffle sous la poussière et les gravats.
Je ne parvenais plus à avoir des pensées cohérentes autres que celles là, autres que "Nous allons tous mourir et Sinnoh va disparaître... perdu ! Retente ta chance !"
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Antoine avait le don pour résumer à chaque fois de manière très simple les flots continus de pensée qui nous habitaient. Cependant, quiconque aurait été avec nous aurait pu dire la même chose, à savoir...
"On est mal, vraiment très mal..."