Proloque - Là où tout commence
« Laboratoire d'expérimentations du Nord, 10 novembre 1950, tard dans la nuit.
Cette nuit, l'Expérience a eu lieu. L'expérience qui était planifiée et minutieusement préparée depuis des mois – et même des années - a finalement abouti. Mais je ne saurai dire si c'est une réussite ou un échec.
En tenant compte des chances de succès de cette manipulation, on pourrait plutôt pencher pour la réussite. Après tout, bien que nous ne soyons pas les premiers à tenter cela, personne avant nous n'avait obtenu ce résultat... En voyant les choses sous cet angle, c'est sûr, on peut dire que nous avons réussi.
Mais tant de vies sacrifiées, était-ce bien nécessaire ? Pourquoi avons-nous mené cette expérience, au final ? Nous avions tout planifié jusque là, mais à présent, qu'allons-nous faire ? Je suppose que mes collègues y réfléchissent en ce moment même. Moi, je ne sais pas. Je n'ai aucune idée de la façon dont cela va se dérouler, maintenant...
Sur une cinquantaine de prototypes, seuls quelques-uns ont survécu. Les autres sont tous morts. Dans d'atroces souffrances. Je me demande franchement comment ont fait ceux qui vivent encore. Comment pourrait-on résister à une telle expérience ?
Maintenant, je me pose tant de questions. Avant le jour fatidique qu'est aujourd'hui, je ne me rendais pas bien compte de la situation, je crois. Je ne mesurais pas les conséquences de ce que notre travail allait créer. Je prenais peut-être cela pas très au sérieux. maintenant, c'est une autre histoire. Je me sens grandis, mais à quel prix... Nous avons sacrifié tant de vies pour ce résultat...
Les prototypes survivants doivent sans doutes se reposer. Se reposer... Attendre, plutôt. Mais attendre quoi ? Ils ne le savent pas, et je ne le sais pas non plus. Je devrais, pourtant. Je fais partie de ceux qui ont eu l'idée de cette expérience. Qu'est-ce qui m'avait pris ? Pourquoi donc avions-nous voulu cela ? Pour faire avancer la science ? D'ailleurs, je suis presque sûr que nous allons devoir garder cela secret. Si jamais quelqu'un d'autre que nous était au courant de ce qui se tramait ici, l'existence de ce laboratoire serait sans doute compromise. Ce que je ne souhaite pas.
Je suis allé voir les prototypes, sans savoir pourquoi. Peut-être que je m'inquiète pour eux. Il y a déjà eu tant de victimes.
Ils dorment. Enfin, je ne sais pas si ils dorment, mais en tout cas, ils sont inconscients et ont l'air reposé. On les a placés dans des cages. Je trouve cela presque horrible. Ils sont des êtres vivants, après tout. Même si je ne m'avancerais pas à dire que ce sont des êtres humains. Car cela, je ne le sais pas. Pour l'instant, personne ne le sait. Pas même eux.
Dès demain matin, nous saurons. Nous saurons si notre expérience a échoué ou bien si c'est vraiment une « réussite ». Dans le premier des cas, il faudrait évidemment tuer les quelques survivants de cette expérience. Ne pas les faire souffrir plus. Après tout, ils ont enduré déjà tant de souffrances... Dans le deuxième cas, celui pour lequel je prie de toutes mes forces, toutes nos recherches n'auront pas servi à rien.
Sur le chemin, j'ai croisé un de mes collègues, et il m'a informé de la tournure que prendront les évènements dans le deuxième cas que je citais plus haut. Nous mènerons des recherches sur les prototypes restants. Après tout, ce serait une première...
Nous avons tant travaillé, pendant ces cinq ans de recherches. Je me souviens encore du jour où tout a commencé. C'était en octobre 1942, un jour de pluie. Avec quelques amis, nous nous étions réunis dans un café en ville. A la radio, un journaliste énonçait les nouvelles, parmi lesquelles un énième échec d'une expérience. Avec mes amis, nous avions alors commencé à faire des calculs, à évaluer nos chances de réussite, et tout a pris forme. Tout est allé très vite, après ça. Nous avons obtenu l'autorisation de faire nos expériences dans le laboratoire du Nord, et après huit ans de recherches ardues, nous voilà. Dans l'incertitude. Dans l'angoisse de voir tous nos efforts inutiles. Dans l'espoirs que ceux-ci soient récompensés.
Nous avons dû trouver les prototypes. Pour cela, nous étions allés de ville en ville, avons parcouru tout le pays. Et rien que pour ce que nous avons fait là, nous méritons la peine de mort. Nos recherches étaient devenues secrètes.
Puis il a fallu préparer les prototypes, ainsi que l'Expérience. Ce ne fut pas une mince affaire, car il fallait maintenir les prototypes en vie, tout cela en restant dans le plus grand secret.
Mais demain matin, nous aurons la réponse.
Laboratoire d'expérimentations du Nord, 11 novembre 1950, tôt le matin.
Ca y est, nous le savons. Nous avons enfin la réponse à des années de travail.
Les prototypes qui restaient ont vraiment survécu. Ils se sont réveillés sans encombre ce matin, devant nous. Mais on aurait dit qu'ils n'appréhendaient pas les choses autour d'eux. On aurait dit des morts-vivants. Se rendaient-ils compte de ce qui leur arrivait ? Est-ce bien la peine de les faire souffrir autant ?
A présent, nous allons procéder à des tests, des expériences sur eux. Mais je me demande tout de même : où nous mèneront ces expériences ? Pourquoi faisons-nous tout ça ? Je suppose que Head l'a prévu. Le seul problème, c'est qu'il le garde pour lui, et nous travaillons dans l'ignorance du but à atteindre.
Je suis soulagé. Après huit ans de travail qui auraient pu s'avérer vains d'un coup, nous avons enfin abouti à une « réussite ».
Ca y est, nous sommes les premiers. Les premiers à avoir créé des... »
Mais le dernier mot du carnet avait été mystérieusement effacé.