Rêves de loup... de Yamiyo

Ookami se réveilla dans la blancheur de la neige. C'était le matin. Il trouva cela étrange : en effet, il n'avait pas le souvenir de s'être assoupi. Puis il se souvint. Ce petit corps sans vie, le sang sur sa corne. Et cette voix... Mais peut-être tout cela n'était qu'un rêve ? Il n'y avait aucune trace de sang autour de lui, et le corps avait disparu. Pourtant, il se trouvait toujours au même endroit, il en était certain.

Tsuki était à côté de lui. Depuis combien de temps était-elle là, à attendre son réveil ? Elle souriait. Avec ce sourire, cela fut comme si elle allumait une petite bougie dans le cœur d'Ookami. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas fait ce geste... Le loup se leva et s'ébroua, rejetant ainsi la neige qui était restée collée à sa fourrure soyeuse. Comme il se sentait bien ! Il avait l'impression de n'avoir plus aucun problème, que tout allait pour le mieux. Malheureusement, ce n'était pas le cas.

Il avait sans doute dû lui tourner le dos, car quand il regarda son visage à nouveau, le sourire avait disparu. A sa place se trouvait un visage apeuré. Mais par quoi ? L'Absol lui jeta un regard interrogateur.

« Ookami... Sur ton dos ! »

Qu'y avait-il de si effrayant, sur son dos ? Il essaya de tourner la tête afin de voir l'arrière de son corps, mais en vain. Soudain, une image apparut très clairement dans son esprit. C'était... son dos ? De la fourrure blanche. Mais... Tracé à l'aide d'un liquide rouge qui ressemblait un peu trop à du sang, on pouvait voir un cercle bordé de quatre petits traits. L'image s'effaça, mais Ookami resta encore figé quelques secondes avant de réagir. Cette marque... C'était celle que le revenant lui avait montrée. Celle qu'il avait également vue lors de la mort de sa mère, ainsi que sur le chemin menant à Groudon. Un bruit de détalage le fit sortir de ses pensées. La Noctali s'était enfuie...

Tsuki s'était réfugiée sur la plage. Les larmes avaient coulé puis séché sur ses joues. Elle était là depuis plutôt longtemps, depuis qu'elle avait détalé à la vue de la marque qu'Ookami avait sur son dos. Cette marque, elle la connaissait. Et elle avait peur. Peur pour Ookami, et peut-être un peu aussi pour elle. Combien cela faisait-il de temps ? C'était à l'époque où elle était encore à Atanalopolis, avec le grand frère qui lui restait. Quelques mois, peut-être. ce fut si terrible...

...

Atanalopolis. Tsuki et son grand frère, Yuuyake – qu'elle surnommait affectueusement Yuu – était parti de l'endroit où leur petit frère était mort, près de Nénucrique. Ils étaient montés clandestinement dans un bateau et avaient débarqué sur l'île. Cela faisait à présent quelques semaines.
C'était au crépuscule. Les deux Noctali se promenaient dans la fraîcheur du soir sur un plateau plutôt élevé de l'île. Ils jouaient, plaisantaient, sans se soucier du reste. Tsuki avait l'étrange impression que quelqu'un les observaient, mais n'en tint pas compte, c'était sans doute son esprit qui lui jouait des tours depuis que Kuroi les avait quittés... Devait-elle quand même en parler à son grand frère ? Finalement, elle décida que oui.
- Yuu... commença-t-elle.
Mais soudain, une silhouette sortit de l'ombre d'une ruelle étroite. C'était un beau loup blanc doté d'une longue corne noire, un Absol. Celui-ci n'avait pas l'air d'avoir toute sa raison. De ses yeux emplis de folie, il regarda les Noctali, figés de peur.
- Yuu ? répéta-t-il.
Il se jeta sur Yuuyake, qui repoussa Tsuki d'un coup de patte pour ne pas la mêler à tout cela.
- Yuurei ? demanda l'Absol, avec une voix à la fois apeurée et pleine de colère.
Le Noctali n'eut pas le temps de répondre que déjà l'autre commençait à le mordre sauvagement. Tsuki se précipita afin secourir son grand frère, le seul qui lui restait, elle ne voulait surtout pas le perdre. Mais Yuuyake l'en empêcha, lui criant de s'enfuir. Sa petite sœur hésita un instant.
Le loup, quant à lui, marqua une pause dans ses morsures, fixa le renard dans les yeux.
- Yuurei ? répéta-t-il encore une fois.
Yuuyake secoua faiblement la tête. Il avait déjà perdu trop de sang... Sa survie était à présent impensable. Tsuki le comprit, et s'enfuit, laissant ainsi son frère aux griffes du loup...

...

Par la suite, Tsuki avait apprit qui était ce monstre. C'aurait pu être un Absol tout à fait normal, s'il n'avait pas été possédé. Il avait simplement pris Yuuyake pour ce démon responsable de ce qui lui arrivait, tout ça à cause du début de son nom... La renarde se sentait coupable. Si elle n'avait pas appelé son frère avec ce diminutif, jamais tout cela ne serait arrivé. Mais aussi, pensa-t-elle, elle n'aurait pas rencontré Ookami... Cela devait être ce que son Maître appelait « destin ». On ne pouvait lui échapper.

Et cette marque. Quand elle était revenue là où elle avait laissé son grand frère, on aurait dit que rien ne s'était passé ici, s'il n'y avait pas eu cette marque au sol, tracée avec du sang : ce rond bordé de quatre petits traits. Ce symbole était, elle l'apprit plus tard, la preuve que ce démon laissait derrière lui, après son passage. On l'appelait la marque de Yuurei.

...

Tsuki avait quitté Atanalopolis. Encore clandestinement, par bateau Humain. Elle ne savait pas où elle était arrivée. Elle s'était mise à errer sans but, ne pensant plus qu'à survivre...
Cela s'était passé pendant une nuit. La renarde ne parvenait pas à trouver le sommeil, allongée sur le dos dans une clairière au beau milieu d'une forêt. L'ombre s'était approchée près d'elle, tout près, et l'avait fixée de son regard bleu perçant. Elle lui avait fait signe de la suivre, ce que la Noctali fit sans hésiter.
L'ombre l'avait menée dans un endroit des plus étranges. C'était une salle d'un grand manoir lugubre. Cette pièce était éclairée par quelques chandelles disposées sur les murs de façon régulière, mais le plus étrange était ce qu'elle contenait : des tombes. Grises, ternes, froides. De spectres transparents flottaient au-dessus. Et parmi eux... la silhouette d'un Noctali qu'elle reconnu comme son frère aîné. Elle aurait voulu se précipiter vers lui, le serrer dans ses bras, lui dire combien il lui avait manqué, mais elle se retint. L'ombre l'influençait fortement.
« Tsuki. »
La renarde sursauta en entendant l'ombre l'appeler. Comment connaissait-elle son nom ?
- Je peux tout te raconter. Mais tu devras alors m'appeler « Maître ».
- ... Pourquoi ?
- Vois-tu, c'est ce qu'on pourrait appeler le destin.
Tsuki hocha la tête, mais elle n'était pas sûre de comprendre.
« Tu comprendras. Un jour, tu comprendras. »