Crépuscule de Lucy

- Evoli ! Descend de mon lit tout de suite ! Tu vas mettre tes poils partout !
Une main se dirige vers moi, prête à me faire du mal.
- Evoli (Oui maîtresse) !
Je hais cette humaine.
Parfois elle me frappe lors des entraînements quand je ne réussie pas une prestation.
Je la déteste, elle me fait souffrir, pourtant, les autres n'ont pas à subir toutes ces remontrances.
Alors je veux oublier tout ce qu'elle me fait supporter et je m'en vais. Même si après elle me fait vraiment regretter mes escapades hors de la ville. Au fait, j'habite à Bonville, un village calme où il ne se passe jamais rien.
Où vais-je aller ?

Peut-être au café, j'irais demander du lait MeuhMeuh pour me soigner.
Un jour j'y suis allée parce que ma dresseuse m'a frappé très fort. J'en ai encore la cicatrice sur ma patte.
Mais j'ai peur que les clients me reconnaissent et me ramène à la maison. Ce serait la fin de mes petites balades et je subirais bien plus que des coups.
Elle me fait peur, très peur.

Je sais où je vais aller. La Tour Perdue. Là-bas, il n'y a pas même l'ombre d'un bipède. Ce sont eux qui ont peurs. Sûrement des spectres comme ils disent. Pourtant, mon amie Feuforêve ne ferait pas de mal à un Mimitoss.
C'est décidé, j'y vais.

Sitôt arrivée là-bas, je monte tout en haut. Les grandes tombes blanches me font un peu frémir, je l'avoue. D'habitude, il n'y a personne. Pas aujourd'hui.
C'est un Evoli comme moi. Enfin non, pas tout à fait. Son poil est blanc comme la neige.
Je le regarde.
Il me regarde.
Je passe près de lui sans lui accorder un regard. Il y a une seule fenêtre dans la tour, et elle se trouve ici. Je me plais à regarder la route où les dresseurs comme la mienne se battent entre eux. Ont-ils seulement une bonne raison de le faire ? Je ne pense pas. C'est juste pour accumuler les victoires.
Quand comprendront-ils qu'être le meilleur est un combat sans fin ?
Bonne question.

L'Evoli me regarde toujours. Je ne peux pas l'ignorer plus longtemps. Je me retourne vers lui.
- Depuis combien de temps es-tu là ?
- Je ne sais pas, me répond-il, qu'est-ce que ça peut bien faire ? Au fait, comment t'appelles-tu ?
- Je…on m'appelle Aurore, c'est mon amie Feuforêve qui me nomme ainsi.
- Aurore…
Il semble méditer sur mon nom.
- Moi c'est Shadow, dit-il.
- Drôle de nom, tu es pâle comme la Lune, m'esclaffais-je.
- Oui, c'est vrai.
- As-tu un dresseur ?
- Oui, et toi ?
Je baisse les yeux.
- Une dresseuse. Et tu...tu l'aimes bien ton maître ?
- Il est très gentil avec moi, je tiens beaucoup à lui.
Quelle chance ! Mon regard a du trahir mon mal à l'aise car il ne dit plus rien.
- Et…elle est gentille avec toi ? se décide-t-il à me demander.
- Non, pas vraimen enfin... elle n'est pas très... je ne sais pas vraiment. Elle me martyrise et me frappe. Regarde-les dehors. Ma dresseuse veut que je combatte comme eux. Jamais je ne la laisserais m'utiliser !
- Eh bien pars, enfuie-toi et je demanderais à mon maître de t'adopter.
- Merci beaucoup mais je préfèrerais rester sauvage. Libre et sans contrainte.
- C'est ton choix, me dit-il simplement, je dois y aller, peut-être à demain !
Je l'espère. J'aime bien cet Evoli. Lui au moins respecte mes choix.
Je jette un dernier coup d'œil par la fenêtre, zut alors ! La nuit tombe !
Je vais en avoir pour mes poils.

Les jours suivant, je monte en haut de la Tour Perdue pour rejoindre Shadow.
On passe les après-midi ensemble. Amis. Nous sommes amis. Mais parfois je surprends mon coeur faire des bonds dans ma poitrine ou encore mon incapacité à répondre quand il me fait un compliment. Ce pourrait-il que...non, ce n'est pas possible, pourtant...

Les jours passent les uns après les autres. Je continue d'aller voir Shadow.
Parfois nous partons sur la route nous balader ou encore visiter les Ruines de Bonville.
A chaque fois que je le vois, je me sens bien. Je suis rassurée. Comme si rien ne pouvait venir troubler notre relation. Même quand ce Racaillou m'avait attaqué l'autre fois, lors d'une de nos promenades.
J'ai une confiance aveugle en Shadow, je crois même que je pourrais…que je pourrais lui confier ma vie si je devais le faire. Et puis, il est si gentil avec moi…
Je ne sais pas vraiment pourquoi je réagis comme ça. C'est peut-être le fait que je ne me suis jamais entendue aussi bien avec quelqu'un... Peut-être aussi que c'est plus que... de l'amitié... ?
Mais, si c'est vraiment le cas, comment le lui dire ? Serait-ce réciproque ? Ca m'étonnerait...
Oh, que c'est compliqué...

Un soir, nous nous retrouvons pour discuter.
- Regarde l'horizon, Aurore, c'est le crépuscule.
Je souris. Son petit manège est clair et je sais quoi répondre.
- Ni tout à fait le jour, ni tout à fait la nuit.
- Es-tu heureuse ? me demande-t-il.
Je le lui dis. Je ne le lui dis pas. Je le lui dis. Je ne le lui dis pas.
Ne te plis pas aux autres, m'a-t-il dit un jour, toi et toi seule peut choisir.
J'ai choisi.
- Oui je suis heureuse…quand je suis avec toi…
Il me regarde.
Je le regarde.
Comme le jour où nous nous sommes rencontrés. Mais cette fois c'est un regard tendre qu'il me lance, pas surpris.
- Moi aussi…
Son corps scintille et le mien aussi. Une lumière dorée nous entoure. Je deviens plus grande, plus forte. Ma queue s'allonge et forme un Y. Mes poils prennent une jolie teinte rose et deviennent plus lisses. Un orbe couleur rubis luit sur mon front.
Je suis une Mentali.
Mais pas Shadow.
Il va bien porter son nom maintenant. Son pelage devient noir de nuit. Lui aussi devient grand, sa queue s'épaissit et des anneaux bleus saphirs se forment sur sa fourrure.
Il est un Noctali.
Il me fait un peu peur. Pourtant, dans ses yeux je vois toujours cette douce lueur qui m'aide à surmonter tout mes malheurs. C'est bien lui.
Il me regarde.
Je le regarde.
Nous sommes ensemble.
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Fin