Rêves de loup... de Yamiyo

Kirlia était revenue dans la pièce à la pénombre inquiétante, au milieu des tombes, face à la silhouette sombre et imposante qui la faisait tant trembler, apportant à la salle un peu de lumière, en plus des quelques chandeliers accrochés aux murs et dont la cire se consumait toujours aussi lentement, silencieusement. Un silence s'installa alors entre elle et son Maître, comme si ils communiquaient par la pensée, peut-être pour éviter qu'une oreille malencontreuse n'en vienne à écouter leurs propos. La silhouette face à Kirlia hochait la tête de temps à autre. Enfin, au bout d'un moment, leur concentration sembla se relâcher, puis le Maître brisa le silence.

« Je vois... C'est donc fait.
- Que faut-il faire, Maître ?
- Que veux-tu faire ? Rien.
- Mais...
- Laissons faire le destin.
- Maître... Est-ce bien raisonnable ?
- Va surveiller Yuurei, veux-tu ?
- Oui, Maître... »

Après avoir jeté un regard chargé d'appréhension un dernière fois à son Maître, Kirlia s'éclipsa, emportant avec elle la faible lumière qu'elle avait alors apportée. La silhouette lugubre balaya la salle de son regard perçant, comme si elle s'attendait à voir quelqu'un surgir de derrière de derrière une tombe. Puis, elle murmura quelques mots pour elle-même – ou bien à l'attention des tombes ?

« Ainsi, c'est la dernière fois que je l'ai eue face à moi... »

Des chuchotements s'élevèrent des pierres tombales, comme si les âmes des corps enterrés là refaisaient doucement surface, pour hanter la région ou se rebeller contre la mort... La silhouette n'y prêta pas attention. Les murmures finirent par s'estomper, mais l'atmosphère resta chargée d'auras mystérieuses.

...

Quand Ookami se réveilla, il n'aurait pas su dire combien de temps il était resté inconscient. Quelques heures, un jour entier ? Il eut juste le sentiment que quelque chose était étrange, sans savoir quoi... C'était la nuit. Un vent froid soufflait, annonçant l'arrivée de l'hiver. Tsuki se trouvait à quelques mètres de lui, au bord d'une petite butte, et, lui tournant le dos, semblait observer la plein lune qui brillait derrière elle, au milieu des étoiles. Il se leva avec difficulté, étant encore un peu dans les vappes, et le rejoignit. Elle eu un petit sursaut de surprise en se rendant compte que le loup se trouvait à côté d'elle. La renarde se coucha sur le dos, et Ookami fit de même.

« Ce serait bien, un peu de tranquillité, tu ne trouves pas... Ookami - Kun ? »

Dans le noir de la nuit, même avec les astres qui brillaient au-dessus d'eux, il ne pouvait pas le voir, mais les joues de Tsuki s'étaient teintées d'un léger rouge, malgré sa fourrure sombre. Troublé par le suffixe qu'elle avait ajouté à son nom, ce qui ne s'était plus produit depuis un certain temps, le loup la fixa longuement dans l'obscurité, avant d'apporter la réponse à sa question.

« Sans doute... »

Les joues de Tsuki virèrent au rouge flamboyant. A présent, elle se posait une seule et même question. Devait-elle le lui avouer ? Avouer ce qu'elle pensait, ce qu'elle ressentait par rapport à lui...Cela semblait facile à vue d'œil, mais quand elle ouvrait la gueule pour prononcer quelque chose, c'était pour la fermer aussitôt, de peur de la réaction de l'Absol...

Tsuki n'avait pas remarqué que quelque chose avait changé en Ookami. Son expression rêveuse et tranquille avait laissé la place à un regard froid et pénétrant qui se posa sur Tsuki. Celle-ci n'eu aucune réaction, n'ouvrit pas les yeux, toujours plongée dans ses pensées, comme endormie...

Enfin, elle se décida. Elle entrouvrit les yeux, et prit une voix qu'elle voulut naturelle pour lui parler, mais qui sembla un peu crispée, rongée par l'anxiété de la renarde...

« Ookami - Kun, je... Je... »

Elle tourna la tête vers lui pour continuer sa phrase. Mais... le loup avait mystérieusement disparu, tel une feuille emportée par le vent si brusquement que personne ne s'en rend compte. Elle resta comme figée pendant un court moment.

« Ookami - Kun ? »

...

La neige se mit à tomber dans le silence de la nuit, et couvrit peu à peu la ville de Nénucrique endormie, ainsi que la plage. La Mont Mémoria se couvrit d'un fin manteau blanc, qui s'épaissit peu à peu. Cette neige qui ne resterai pas bien longtemps blanche, cette neige qui sera dès l'aube salie non seulement par les déjections des Pokémon de la citée, par les traces des pneus d'automobiles, mais également par les Hommes qui jetteront diverses choses dessus et par les enfants qui jouerons dans cette matière douce et froide.

Et, au beau milieu de cette neige tombant sereinement dans la nuit à peine éclairée par quelques lampadaires, une ombre avançait, comme un prédateur traquant sa proie. Cette ombre marchait courbée, la tête basse et le dos rond. Cette ombre plaçait ses pattes l'un devant l'autre avec une grâce que l'on aurait pût difficilement imaginer en voyant la façon dont elle se tenait. L'ombre releva soudain la tête. A quelques mètres d'elle se tenait une présence... bénéfique. Cette présence brillait. Elle ne semblait pas avoir remarqué que l'ombre se trouvait tout près d'elle... L'ombre avança silencieusement, tel un chat s'approchant d'une souris... Elle bondit. Quand elle retomba, la présence lumineuse était morte, la nuque brisée. Mais l'ombre ne voulait pas en rester là, apparemment. Elle leva la tête, et se mit à frapper le corps de toutes ses forces, de part en part, brisant les os un à un, entaillant profondément la chair encore chaude, grâce à ce qui semblait être une lame. La neige n'était plus blanche et pure. Elle était rouge, tâchée d'un sang brillant sous les lampadaires. Lorsque l'ombre pensa avoir achevé son travail, elle se mit à lécher le sang de sa victime... Au bout d'un moment, elle se releva, repue. Elle s'éloigna du corps, mais chancela, et tomba dans la neige dans un bruit sourd.

Ainsi, l'étoile s'éteint, dévorée par l'obscurité...