Rêves de loup... de Yamiyo

Dans la pénombre d'une quelconque salle d'un manoir lugubre, à peine éclairée par quelques chandelles dont la flamme vacillante consumait doucement la cire, au milieu d'une douzaine de pierres qui semblaient être tombales, se trouvaient deux silhouettes, l'une massive, imposante, avec une aura qui dégageait du pouvoir ; la deuxième était petite et frêle, qui tremblait de tout son corps.

« Mais, enfin, Maître, vous ne pensez pas qu'il vaudrait mieux...
- Non.
- Mais...
- Laissons faire le destin, Kirlia, veux-tu ?
- Mais si ça se passait mal...
- Laissons faire le destin, je te dis.
- Mais, et Yuurei, Maître... ?
- Je sais ce que je fais. Préviens Tsuki.
- Oui, Maître... »

Kirlia disparut de la salle lugubre, téléportée, laissant son Maître seul au milieu des tombes. La silhouette soupira, puis jeta un coup d'œil autour de lui scrutant les tombes d'un regard désolé. La présence murmura quelques mots qui semblaient destinés non pas à elle-même, mais plutôt aux morts qui reposaient dans cette salle.

« Il ne serait tout de même pas souhaitable que son destin soit le votre... »

...

Le sommet du Mont Mémoria avait une forme à peu près ronde. Il était entièrement couvert d'herbe, mais celle-ci était sèche et terne, comme si la brume qui flottait et l'ambiance fantomatique qui régnait avaient rendu la terre trop aride pour que jamais rien ne puisse y pousser. Au centre se trouvait une table en pierre grossièrement taillée. Le sol était jonché de petits objets divers, peut-être abandonnés là depuis des années ; des jouets en mousse, des cartouches de fusil, du verre...

Les deux Absol se dévisageaient silencieusement, seulement séparés par la table en pierre, Ookami étant mentalement troublé, à cause de la voix glaciale du spectre et des mots qu'il avait prononcés, du trou dans sa corne translucide, et du souvenir dont il avait été témoin. Le fantôme ne paraissait pas loin de transpercer Ookami du regard tant celui-ci était insistant. D'une voix qu'il voulait forte, pour ne pas montrer sa peur, le loup parvint à articuler quelques mots, mais ces derniers étaient tremblants, hésitants, et sa question failli se noyer dans sa gorge.

« Qui... Qui es-tu ?
- Qui je suis ? Je suis ton plus beau rêve... mais aussi ton pire cauchemar. »

Le revenant avait parlé avec sa voix glaciale, mais d'un ton calme, posé, articulant bien ses mots comme pour les faire pénétrer au plus profond d'Ookami, le blesser par sa simple parole, aussi étrange et terrifiante était-elle. Le loup voulut paraître inexpressif, complètement neutre, après avoir entendu la réponse à sa question, en vain. La peur et l'anxiété se lisaient sur son visage, et le fantôme parut s'en réjouir. Alors, il se retourna complètement pour bien faire face à Ookami, malgré la table dressée entre les deux Absol. D'une griffe, il désigna le trou percé dans sa corne.

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Ookami se figea, il pressentait la suite, et cela lui faisait peur... Lentement, très lentement, il reposa sa patte au sol, fouilla un peu dans l'herbe grise, et après quelques secondes, il la releva, mais il tenait un objet entre deux griffes... Un rond en verre... Ookami essayait d'apercevoir quel était cet objet, mais il ne pouvait pas encore le distinguer. Même si, tout au fond de lui, il savait, il pressentait quelle était cette lamelle de verre... Il suivait chacun des gestes du revenant avec appréhension, et ce dernier semblait prendre du plaisir à faire monter la suspense, pour que la peur du loup soit totale après avoir vu et compris ce qu'il en était, et pour cela, il rendait ses gestes les plus lents possibles. Le fantôme fit glisser l'objet mystérieux jusque devant le trou percé dans sa lame. Ookami comprit. Un viseur de fusil.

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Etait-ce ce la signification de ce symbole ? Le trou dans la lame du fantôme associé au viseur de fusil ? Et surtout, que cela voulait-il dire ? Des dizaines de questions se posaient pour Ookami, qui en était tout retourné, sous le choc de la révélation. Ses pensées s'embrouillaient considérablement dans son esprit. Tout d'abord, il essayait de rassembler ses souvenirs concernant ce symbole, savoir où il l'avait déjà vu, peut-être cela l'aiderait-il à comprendre... La première fois qu'il l'avait vu, c'était au moment où sa mère était morte, sur une pierre, bien qu'il n'y ait pas porté une grande attention, trop affecté par ce qui venait d'arriver au dernier membre de sa famille qui lui restait. La deuxième fois, c'était sur le chemin de roche rouge qui menait à Groudon, sur un des nombreux rochers qui sortaient du sol. Et voilà qu'il le voyait pour la troisième fois...

Le revenant semblait avoir attendu avec impatiente la réaction d'Ookami. En le voyant ainsi perturbé par son acte, il ne put s'empêcher d'avoir un sourire... sadique ? D'un mouvement de patte, il jeta violemment le viseur de fusil par terre, et l'objet se perdit aussitôt dans l'herbe sèche mais assez haute. Il reposa sa patte à terre, et, toujours avec son petit sourire ironique, observa l'Absol en face de lui, qui était toujours proie à la plus grande confusion. Il avait l'air complètement absorbé par ses pensées... Le revenant finit par se languir de voir toujours cette même expression sur le visage d'Ookami, et décida de faire avancer un peu plus les choses. Il émit un petit rire, juste assez fort pour attirer l'attention de l'autre Absol. Cela ne rata pas, car Ookami leva aussitôt la tête, comme extirpé soudainement du flux incessant de ses pensées.

Ce qui se passa alors appartenait au domaine de l'étrange... Le fantôme devint de plus en plus transparent, jusqu'à ce qu'Ookami ne puisse plus le voir. On entendit un faible bruit de vent. A peine quelques secondes plus tard, le loup s'affaissa lourdement au sol, évanouit.

Pourquoi ?

Quelqu'un cria dans le silence de la nuit, sous les étoiles qui brillaient sereinement...