Sœur de cœur… Sœur de destinée ?
Mes muscles se relâchent soudain, c'est la délivrance… Je bondis et fuse vers lui… Ma rapidité est telle qu'en moins de deux secondes je heurte ma proie. Elle couine, se débat et s'enfuit. Je la regarde s'éloigner et prendre de l'avance… Ce sera plus drôle ainsi… Je compte mentalement puis me décide. Foulée après foulée je me rapproche dangereusement de lui… La créature crie, sachant très bien qu'il ne s'agit pour moi que d'un jeu et que c'est sa vie qui en est la mise… Je sens sa peur, hume l'odeur de son épuisement psychique et physique et m'en délecte voracement. Je gagne du terrain, le Spinda ne m'échappera pas… Il doit le savoir également car je sens sa volonté faillir… Brusquement, je tends la queue et l'envoi droit vers lui… Tel un serpent vicieux, elle se dirige inéluctablement vers la petite bête terrorisée qui s'écroule sur le sol et se relève avec précipitation… Ce petit manège dure quelques instants… Un rictus mauvais fend mon museau… Sa résistance est vaine mais tellement agréable… C'est un combat perdu d'avance… un combat à mort… Peut-être pourrais éprouver de la pitié pour lui et en finir rapidement mais ça m'ôterais tout plaisir… Des remords, pourquoi faire ? Ça ne servirais à rien, ça ne me remplirais pas l'estomac… De plus, c'est sa faute… la faute de sa faiblesse… Il ne tente même pas de lutter contre moi, préférant s'enfuir comme le couard qu'il est… qu'ils sont tous… Nous ne naissons pas tous avec le même potentiel, avec la même chance… mais au fond n'est-ce pas lui le plus chanceux des deux ? Ce soir, dans quelques minutes sa vie futile prendra fin… plus de souffrances, plus de désillusions, plus de cauchemars, envolée la solitude… Qui le regrettera ? Sa famille ? Qu'importe, il sera vite oublié… Nous le serons tous… Ils tourneront la page, et nous ne resterons qu'une vilaine tâche d'encre sur un cahier corné et jaunit pas le temps que plus personnes ne prendra la peine d'ouvrir… Les souvenirs s'effaceront des mémoires et notre image, suivant notre âme, sombrera dans les ténèbres pour ne plus jamais les quitter… …
La course folle continue, j'entends son souffle rauque et haletant à quelques mètres de moi… mais la joie, l'exaltation ont disparus, remplacées par des souvenirs lancinants, surgissant sans raison apparente… Sans doute est-ce cet endroit, cette atmosphère paisible que la chasse elle-même ne parvient pas à briser… … Dans mon poitrail, ça me brûle… J'ai si mal… Cette douleur, si elle m'est familière, n'en est pas moins fulgurante… …
Dis-moi… Dis-moi, pourquoi avoir fait cela ? Pourquoi m'avoir fait cela, à moi ? J'étais si jeune alors… si innocent… Et maintenant ? Je suis brisé par la cruauté de ton espèce… Regarde-moi, si tu l'oses, regardes-moi je suis ce que tu as fais de moi, je suis ton passé et ton présent et ton avenir, je suis le reflet de ta perversion et de ton insensibilité… Je suis la preuve vivante de ton inhumanité et de celle de tous tes congénères… Regrettes-tu seulement ? Peut-être, peut-être pas… Que sais-je ? Je suis le résultat des noirceurs qui t'habitent, de la monstruosité que renferme ton corps si vulnérable, si fragile auquel jamais je ne pourrais porter atteinte, de l'ombre qui se dissimule derrière ton visage angélique et tes traits si doux… Je ne t'oublis pas, quoi que je fasse, ça m'est impossible… Jamais je ne réussirais à t'effacer de mon esprit, alors comment y es-tu parvenue toi ? Suis-je capable de t'imiter et de ne plus me rappeler ? De tous ces pokémons que j'élimine, il ne me reste rien, pas une trace, pas une infime bribe de souvenirs mais de toi… de toi, chaque moments reste gravés, ancré en moi si profondément que les y déloger me conduirais à ma perte… J'en mourrais sans doute… Comme un poignard planté en plein cœur dont la lame tranchante lacère notre organe, et génère une douleur inimaginable, une arme qu'on rêve de pouvoir extraire pour que la blessure puisse cicatriser et se refermer à tout jamais mais dont on sait que l'absence nous serait fatale… Si je retire ce poignard, je me viderais de mon sang… Alors que faire ? Dois vivre ainsi, en souffrant perpétuellement ou devrais-je opter pour une solution plus radicale ? Mais je ne le pourrais pas… car oui, je tiens à la vie, cette vie qui ne m'a pourtant rien offert que désespoir et chagrin mais à laquelle je m'accroche comme un damné…
Je réalise soudain que je tiens fermement serré la gorge du fuyard… Il bouge à peine, conscient qu'un seul faux mouvement me pousserait à serrait plus fort la mâchoire et si ce n'est à lui briser la nuque, à l'étouffer. Tu auras sa mort sur la conscience, car la mienne n'avait rien demandé, tu m'as forcé à devenir ainsi… Ses crimes sont un peu les tiens, en vérité… C'est un peu facile ? Oui, sans doute que te rendre responsable de toutes mes fautes et de toutes mes erreurs est un signe de lâcheté et de faiblesse… Mais tu es responsable de moi, que tu le veuilles ou non et ce même si tu n'avais pas l'air de le réaliser… Car si je suis libre à présent, une partie de moi est toujours enchaîné et se terre toujours dans cette cage où tu m'es apparu pour la première fois…
Mon souffle se coupe brutalement, et stupéfait autant qu'incrédule, je me sens expulser un peu plus loin. Je me redresse prestement. Le Spinda n'a pas pu trouver assez de force pour se dégager de la sorte ! C'est impossible. Je regarde à droite, puis à gauche et remarque enfin le trouble fête… ou plutôt la trouble fête… Encore elle… Elle m'agace ! Pour qui se prends-t-elle ? Pourquoi m'interrompre ainsi ? Elle le paiera, d'une manière ou d'une autre mais elle le paiera ! Mes poils se hérissent, les siens aussi. Elle ne parle pas, moi non plus. Il n'y a rien à dire. Ma proie en profite pour s'échapper. Je lui jette un coup d'œil furtif et soupir… C'est trop tard maintenant… Et moi qui étais ravi à l'idée de pouvoir passer mes nerfs sur lui et d'oublier ainsi les pensées qui me torturent. Je constate simplement qu'elle m'a fait perdre mon souper. Elle rit, d'un rire glacial. Je fouette l'air de ma queue pour lui signifier que son comportement ne me plaît pas et qu'elle risque de le regretter très prochainement… Ma patience à des limites et elles sont très vite atteintes… Je lui demande finalement pourquoi elle a fait ça et si elle n'est pas folle. Elle répond qu'elle ne me laissera plus faire du mal sur ce qu'elle considère comme son territoire. Je lui rappelle que si je le voulais ce territoire serait désormais le mien puisque son clan m'avait gentiment proposé de prendre sa tête. Elle se raidit. J'en suis content. Il faut dire que déstabiliser cette Raichu n'est pas chose aisée… Elle me propose de me battre. Ça me laisse perplexe et je réplique bêtement qu'elle est une femelle et que je ne m'en prends pas volontairement aux femelles car malgré ce qu'elle peut croire j'ai un semblant de dignité et que je ne suis pas dénué de toute moralité. Elle ricane et en un sens ça me vexe. Elle me juge sans savoir… Si elle savait la malheureuse… Je n'ai pas le temps de rétorquer la réplique acerbe qui me monte qu'elle se jette, furibonde sur moi. Plus que perturbé, je recule avec hésitation pour l'éviter avant de bondir sur le côté pour éviter l'imminente collision. Je répète avec assurance cette fois qu'elle est folle.
Je n'ai en aucun cas peur d'elle mais l'idée de la défier me déplaît… Toutefois, elle ne me laisse pas le choix…
Déjà elle renouvelle sa tentative… Cette fois, je ne la laisse pas me troubler et en profite pour lui assener un violent coup de queue qu'elle parvient aisément à éviter… Elle est plus puissante qu'il n'y semble, sa parade en est la preuve… Soit, elle l'aura voulue ! Pour qui se prend t'elle ?!
Je me concentre… Comment m'y prendre ? Je ne pourrai certainement pas reproduire ma technique utilisé lors du combat contre son frère, aussi dois-je impérativement innover… Sous mes pattes, l'herbe humide me donne une idée… Il me faut juste trouver l'occasion de l'exploiter… Avant toute chose je dois la désorienter !
Sans lui laisser le temps de comprendre ce qu'il se passe, je me mets à courir, aussi vite que je le peux… La femelle bondit aussitôt après moi, me permettant d'évaluer nos deux vitesses. Je suis plus rapide, cela me sera fort utile… Je ralentis, elle se rapproche… Maintenant ! Je saute afin de ne pas subir l'Eléctacle qu'elle m'a préparé, oubliant sans doute la similitude de nos types… Je me concentre, toujours dans les airs, faisant jaillir autour de moi de petites étincelles qui, bien vite, se transforment en puissants éclairs dansant autour de moi pour me protéger de manière plus efficace que n'importe quelle armure… Je retombe sans ménagement sur ma congénère, en profitant pour la plaquer violemment au sol… Elle se libère sans trop de peine, à ma grande consternation. Elle n'a pas l'air fatiguée, comme si mon enchaînement ne l'avait nullement fait souffrir…
Je suis frustré. Ce combat m'agace. Je ne le voulais pas, elle m'y a forcé… C'est sa faute ! Pas la mienne !
D'une Vive attaque judicieuse, elle s'écarte au dernier instant, évitant de justesse le coup que j'avais l'intention de lui porter. Mon ingénuité m'ayant soufflé d'utiliser Reflet, son coup ne m'atteint pas, n'ayant pour seule conséquence que de dissiper l'un de mes clones.
Anxieuse, elle réitère son geste, sans plus de succès… Voilà, le moment tant attendu vient de survenir… Je profite de son désarroi pour me multiplier de nouveau. Mes reflets, obéissants, l'encerclent amplifiant sa rage et sa perplexité… Furieuse de s'être ainsi laissée duper, elle fonce et un à un mes « moi » intangibles se volatilisent… Et voilà, elle n'a pas vu le coup venir… Me tournant le dos, sans en avoir conscience, elle ne peut apercevoir ma queue qui, plantée dans le sol boueux, commence lentement à libérer mon énergie, comme je le fais régulièrement quand j'en sens un trop plein… Je n'avais jamais songé que cette étrange habitude puisse me servir un, jour en combat… Bientôt, je génère une décharge électrique de haut voltage qui s'immisce dans le sol duquel elle s'échappe bientôt, faisant disparaître mes reflets et touchant grièvement la malheureuse qui s'écroule alors… L'humidité, ayant accrue mon pouvoir déjà conséquent, avait largement joué en sa défaveur… Je m'approche. Elle semble légèrement sonnée mais son regard n'a rien perdue de sa vigueur ni de son mépris.
Elle me plaît. Dommage qu'elle m'est poussé à la combattre. Désormais, je dois finir le travail et achever cette imprudente… Mais en suis-je vraiment obligé ? Après tout, elle ne représente plus aucun danger, plus aucune menace envers ma personne ? … Non, ne pas réfléchir, ne pas la considérer autrement que comme une ennemie… Ses yeux ne me supplies pas, pas même lorsque la lame tranchante de mon membre caudal atteint sa gorge… J'apprécie son audace, sa bravoure…
Elle allait mourir dignement, et pouvait s'en vanter…
Je lui demande si elle a une dernière chose à dire, espérant secrètement qu'elle me demande de lui laisser la vie sauve… Mais c'était sans compter sur son indomptable caractère… Elle dit qu'elle me déteste, qu'elle va me tuer. Cette fois, c'est à moi de m'esclaffer avec dédain. Elle n'est pas en position de force, et je le lui rappelle d'une légère pression. Soudain, elle me questionne. Qu'est-ce que j'attends pour en finir ? Je l'ignore. Elle me propose de l'envoyer rejoindre son frère. Pour ma pars, je l'interroge. Etais-ce dans le but de mourir aussi qu'elle s'en ai pris à moi. Elle m'affirme que non, qu'elle devait le venger tout comme elle se devait de protéger ses frères. Ses frères ? Je ne comprends pas. Je lui fais part de mon incrédulité. Son frère n'est-il pas mort ? Elle hoche tristement la tête avant de m'avouer qu'il avait toujours agit comme tel mais qu'ils n'avaient aucun liens de sang. Je suis perdu. Pourquoi ? Je voudrais pouvoir concevoir ce qu'elle me dit mais j'ai beau essayer je n'y parviens pas.
Elle me dit qu'il y avait un lien fraternel entre eux, une chose que je ne peux comprendre, car je ne suis qu'un monstre… Le monstre qui lui avait volé son frère de cœur… Un lien ? Un pincement se fait ressentir. Ça fait mal. Moi, j'aurais voulu disparaître en même temps que ma mère et que mes frères et sœurs. Ne plus souffrir à cause de ce lien… Alors pourquoi des êtres en créaient volontairement sachant qu'ils risquaient d'en pâtir ? Un lien ne forge pas une destinée, je l'ai compris depuis longtemps. Aussi il vaut mieux s'en défaire au plus vite… L'amour, l'amitié, tout ça fait si mal… Il faut les bannir ! Il ne faut pas y succomber ! Elle reprend bientôt, m'avouant que sa véritable famille a disparue depuis bien longtemps déjà et qu'auprès des autres Raichu, elle en a trouvé une autre en même temps que la force de continuer à vivre… Que dois-je faire, à présent ? J'ai envie de fuir, de m'éloigner et d'oublier son discours… Moi… Moi, j'avais cru trouvé en Elle une famille, je l'avais aimé mais… elle n'avait entraîné que souffrance et désolation ! Non rien ne pourrait jamais remplacer mon clan ! Je dois respecter cette promesse que je me suis faîte de ne plus jamais m'attacher ! Jamais ! Je dois me préserver des méfaits de l'affection ! Cette Raichu en est la preuve vivante ! L'amour ne peut que nous nuire ! La voilà lancé à ma poursuite par amour et elle mourra par amour… Alors, quel intérêt peut-on voir en ce sentiment si douloureux ?!