Rédemption de Lilalou

Sous la pluie battante, alors que la nuit tombait rapidement, les Rockets se hâtaient vers les abris aménagés dans la vallée volcanique. Quelques-uns démantelèrent les murs d'une cabane afin de libérer un imposant hélicoptère privé. D'un pas rapide, Giovanni alla s'installer aux commandes ; puisque tous les liens avec le QG étaient coupés, il valait mieux revenir au plus vite près de Jadielle au cas où on l'y appellerait pour son poste « officiel ».
- Dès que l'orage sera terminé, commencez par dégager le tunnel et neutraliser les charges restantes, ordonna-t-il.
Puis l'engin décolla dans un vrombissement sourd.



Les escadrons de policiers s'étaient enfoncés dans la forêt de Jade et commençaient l'encerclement. La pluie leur était d'abord apparue comme une gêne ; mais ils s'étaient rendus compte que l'effet de surprise serait meilleur avec cette mauvaise visibilité ( ils étaient loin de se douter à quel point l'orage les favorisait aujourd'hui !). Ils avaient néanmoins préféré laisser leurs hélicos au pied de la montagne, prêts à décoller en cas de nécessité et si l'orage se calmait.
Le groupe qui avançait le long du flanc Ouest du Volcan était une des plus grandes fiertés de la police de Kanto : l'unité K9, des Caninos surentraînés accompagnés de leurs dresseurs, des agents K-You pour la plupart. Soudain, l'une des sœurs leva les yeux et s'écria :
- Là-haut ! Un hélicoptère des Rockets !
A la lumière d'un éclair, l'appareil de Giovanni était apparu, le R rouge brillant furtivement.
- Empêchons-le de s'échapper ! Caninos, lance-flammes tous ensembles sur l'arrière !
Les Pokémons canins se regroupèrent, se concentrant un bref instant. Alors un gigantesque jet de feu jaillit de leur gueule, pour aller s'écraser à côté du rotor. Cette manœuvre obligerait le pilote à sauter en marche.



Ressentant tout à coup une forte secousse, Giovanni se retourna et vit les flammes qui commençaient à dévorer la carlingue. Il jura, puis ouvrit la verrière et sortit de son veston une pokéball qu'il lança.
- Dark Dracolosse, go !
Une immense créature ailée, à l'allure reptilienne et d'une couleur orange sombre apparut. Le Persian bondit sur son dos et son maître fit de même alors que l'appareil commençait à piquer du nez. Ils s'écartèrent juste à temps pour éviter les hélices, puis plongèrent vers le cratère.



Non loin de là, Jessie jeta un coup d'œil de derrière un rocher, puis repoussa vivement ses deux équipiers.
- Attention, il y en a là-bas aussi !
Elle se retourna vers eux avec une grimace : ils avaient réussi à avancer jusque-là en se cachant, mais là, les groupes de policiers les avaient dépassés et leur barraient la route.
- On n'arrivera pas à les prévenir, et en plus, ça ne servirait plus à grand chose, maintenant…
- Tu as raison, James. On devrait peut-être partir pendant qu'il en est encore temps…
- Peut-être, oui, murmura Miaouss angoissé. Parce que bientôt, on, va avoir droit à la Berezina, Fort Alamo et Omaha Beach en même temps sinon…
Ils avaient déjà commencé à reculer à pas de velours, lorsque James perçut un grondement sourd, qui ne pouvait être celui du tonnerre. Il leva la tête, imité par ses équipiers…
- Oh gasp… L'hélicoptère du Boss…
- C'est pas vrai ! glapit Jessie. Le Boss est mêlé à cette affaire en plus !
- Ben… remarque, il devait être là par hasard ; et puis il va s'en tirer, comme toujours… La Team Rocket n'a donc rien à craind-
- Mais nous si, s'il nous voit ! le coupa Miaouss. Assez bavassé, à couvert tout le-
Il fut interrompu à son tour par une vive lueur, qui, elle non plus, ne pouvait être celle d'un éclair. Ils virent avec incrédulité une partie de l'appareil s'embraser, suite à une attaque lancée non loin d'eux. Et avant qu'ils ne soient revenus de leur surprise, le ciel s'obscurcit brusquement.



Au moment où l'hélicoptère s'était enflammé, de sombres nuages avaient tout à coup caché la Lune, empêchant l'unité K9 de voir autre chose que la lueur de l'incendie. Lorsque la visibilité fut redevenue meilleure et qu'ils eurent allumé quelques lampes, ils aperçurent l'endroit du crash. Une inspection rapide des lieux confirma leurs soupçons : le pilote avait quitté l'hélico avant qu'il ne s'écrase. Sans cette obscurité soudaine, ils auraient pu le repérer et peut-être même le filer jusqu'à une entrée secrète. Mais il était maintenant impossible de savoir où il pouvait se cacher.



Ayant réussi à atterrir discrètement en haut du cratère, Giovanni fut rejoint par Butch et Cassidy alors qu'il faisait rentrer son Dracolosse.
- Que s'est-il passé Boss ? demandèrent les sbires. Un incident technique ?
- Pire, cracha-t-il. La police !
De l'endroit où ils se trouvaient, ils avaient une vue d'ensemble sur les environs, tout en restant dissimulés aux personnes en contrebas. Ayant sondé le paysage d'un œil circulaire, Giovanni serra les dents de rage :
- Nous sommes encerclés, et depuis un moment déjà !
Livide, Butch lui demanda quels étaient ses ordres.
- Descendez mettre les autres au courant, et rassemblez tous vos Pokémons. Mais attendez avant l'attaque ! Il ne faut pas qu'ils sachent qu'ils sont en surnombre, ni où nous nous trouvons. Quand une partie d'entre eux sera à portée, nous tenterons une percée.
Pendant que ses deux laquais s'éloignaient, il se retourna vers le flanc du volcan, où les policiers progressaient prudemment. Il se frotta les paupières, un signe rare de nervosité chez lui, depuis son opération oculaire.
- Il faudra que je combatte. Mais coûte que coûte, ils ne m'auront et ne me démasqueront jamais !
Une lueur de combativité, depuis trop longtemps éteinte, renaquit dans ses yeux froids.



Dans l'équipe 34 par contre, l'heure était moins à la combativité qu'à la panique.
- Quelle histoire ! gémit James. Voilà que le Boss s'est fait prendre !
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu ne vois pas qu'il a réussi à se mettre à l'abri ?!
- Hein ?! Mais toi Miaouss, qu'est-ce que tu veux dire ? s'exclama Jessie. On n'a rien pu voir, avec ces saletés de nuages !!
- VOUS non, mais moi oui ! Les Miaouss voient parfaitement, même dans le noir. Il a pris un Pokémon volant et s'est mis à l'abri dans la vallée !
- Alors là, tu m'étonneras toujours… Hé, mais ( Jessie se reprit ), il est coincé dans ce cratère que les flics ne vont pas tarder à aborder, ET C'EST CA ÊTRE A L'ABRI POUR TOI !!!
- Nom de… Mais tais-toi, on va nous entendre à 10 km ! J't'en prie, calme-toi…
- Comment veux-tu que je me calme, James ?!
- Heu…et bien dis-toi que c'est le type qui veut nous-glups-tu-sais-quoi qui est coincé là-bas…
- Aheu…. T'as raison, ça marche… Finalement, il ne nous a pas sonnés…
Répondit-elle. Mais en fait, elle ne parvenait toujours pas à se calmer intérieurement. Pourtant, James avait raison, non ? Ce type pour lequel elle s'inquiétait pouvait manipuler sa destinée à sa guise, avec sadisme sans doute ; elle s'était déjà souvent demandée s'il ne la considérait pas comme un simple pion. Or, même si elle n'hésitait pas à faire la même chose aux autres, elle détestait être manipulée ; son ego était bien trop fort pour supporter cela. Seulement… comme à chaque fois qu'elle y songeait, ces sombres suppositions laissèrent la place à des pensées nettement plus positives, voire admiratives. Oui, elle était captivée par cet homme ; lors de sa première confrontation avec son supérieur, elle avait ressenti en lui un certain…charme. Non, ce n'était pas de l'amour, de la séduction ; seulement beaucoup de prestance et un fort magnétisme, qui faisait qu'on ne pouvait chercher à lui désobéir ou à s'éloigner de lui bien longtemps…
Ce que Jessie ignorait, c'est que, malgré ses paroles, James était lui aussi en plein dilemme. Le Boss le troublait, lui faisait peur même. Et pourtant, alors qu'il pouvait aujourd'hui prendre librement ses jambes à son cou, il pensait lui aussi à leur première rencontre. Ce jour-là, il avait été intimidé, mais aussi impressionné par son autorité et son talent. Lui qui avait pu tout juste se débrouiller pour subsister après sa fugue, il s'était trouvé fasciné par cet empire bâti autour d'un seul homme charismatique. Et, comme sa coéquipière, cela suffisait à le retenir inconsciemment de trahir ses engagements.
Quant à Miaouss, l'angoisse lui nouait la gorge. Il avait été plus proche de Giovanni que ses deux amis et connaissait bien son caractère, sa façon d'agir. Leur chef était un homme sans scrupules, prêt à employer tous les moyens ( dont certains que même eux n'auraient pas osé utiliser ) pour parvenir à ses fins. Il montrait jamais de sentiment envers quiconque, et pourtant… Miaouss rêvait parfois qu'une main familière se posait sur sa tête, et il se surprenait à ronronner. C'était une aberration, il le savait : il attendait de l'affection de la part d'un fumier qui l'avait rejeté sans pitié, lui, son favori, au profit d'un Persian frimeur et vicieux. Mais malgré cette humiliation, sans qu'il puisse se l'expliquer, il continuait d'espérer, d'espérer… et ne pouvait s'empêcher de rester fidèle à son bourreau.
Tous les trois, ils avaient pourtant essayé bien des fois de se détacher de la Team, en montant leurs propres coups, qui avaient foiré, comme tous les autres. Mais sans cette fascination mystérieuse, ils auraient sûrement réussi un jour ou l'autre à couper les ponts. Et maintenant ils se retrouvaient coincés dans une forêt remplie de flics, sous la pluie et en plein choix cornélien, un vrai cauchemar…
- Bon, finit par reprendre Jessie, essayant de ne pas montrer son trouble, je tiens quand même à rester dans la Team Rocket. Et si le Boss se fait prendre, c'est comme si nous étions déjà foutus dehors. Alors, plus que jamais, nous avons intérêt à aller le chercher, tu comprends ça James ?
James finit par acquiescer mollement :
- Je…ben…oui, finalement, c'est toi qui as raison. Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?
Cherchant depuis un moment, Miaouss repéra soudain des machines au pied de la montagne.
- Hé, la police a laissé des hélicos là-bas ! On pourrait peut-être s'en servir ?
- Pour qu'il nous abattent avec leurs Caninos ? objecta James.
- Tu vas continuer à nous casser le moral encore longtemps ? grogna sa compère. N'empêche, c'est vrai… Ces cabots tirent sur tout ce qui ……. ( Son visage s'éclaira ) Attendez… Mais oui ! A votre tour de m'écouter, maintenant. J'ai mon plan…



De son promontoire, Giovanni observait toujours la progression de leurs adversaires, lorsque Butch et Cassidy revinrent.
- Tout le monde est prêt, Boss.
- Parfait. Ils devront se rassembler sur le flanc Ouest, afin d'attaquer les premiers arrivants ; ensuite…
Il s'arrêta en regardant de nouveau ledit flanc ; l'unité K9 s'était arrêtée, puis avait changé de direction, comme s'il suivaient un signal. Le chemin n'était pas dégagé pour autant ; un autre cordon, moins rapide, avançait toujours en contrebas. Giovanni commença alors à descendre vers la vallée, talonné par les deux autres :
- Changement de programme. Nous allons nous cacher sur ce flanc, en attendant que ce groupe soit plus proche. Ils se sont divisés, c'est le moment d'en profiter !



Si l'unité K9 avait brusquement abandonné ses positions, c'est qu'ils espéraient toujours trouver un passage leur permettant d'investir rapidement la place, maintenant que la pluie s'était arrêtée. Or, une des sœurs K-You venait d'accourir à leur rencontre.
- Venez vite ! cria-t-elle encore toute essoufflée. J'ai trouvé une entrée secrète sur le versant Nord-Ouest !
- Génial ! En avant ! ordonna l'une de ses cousines.
Le groupe s'élança, la messagère en tête. En chemin, ils croisèrent un des groupes du côté Nord, qui se joignit à eux. Enfin, ils arrivèrent dans une clairière étendue. En face, une grande porte était encastrée dans le rocher. Les policiers s'avancèrent, tandis que leur guide se reposait un peu à l'écart.
- Nous touchons au but ! Mais méfions-nous, ils sont sans doute au courant de notre présence maintenant !
Comme pour confirmer ces paroles, une voix retentit soudain derrière la porte :
- Les flics vont arriver, alors magnez-vous ! Nous allons faire sortir l'escadron « plante-insecte » !
L'unité K9 ne mit pas longtemps à réagir :
- Les types plante et insecte craignent le feu ! Caninos, lance-flammes pleine puissance !
C'était le moment qu'attendait Jessie, cachée derrière la porte ( en réalité, un simple décor ). Elle ordonna :
- Qulbutoke, Voile Miroir !
Aussitôt, le Pokémon Bleu déploya un bouclier lumineux. Lorsque le jet de flammes défonça la porte, il se heurta au bouclier, sembla hésiter un instant… puis fut renvoyé aux envoyeurs à une vitesse incroyable ! Avant que les policiers puissent esquiver, l'attaque explosa au sol et l'onde de chaleur les repoussa tous à terre, blessant la plupart d'entre eux. Jessie prit alors un bazooka et leur envoya, dans une détonation, un énorme filet qui les immobilisa totalement. Puis elle enjamba les débris de carton-pâte et sourit triomphalement :
- Je savais bien qu'en vous provoquant, je vous aurais en renvoyant votre attaque !
Serrant les poings, l'agent K-You de Jadielle lui cria :
- Vous croyez avoir gagné ? Nos Caninos peuvent brûler ce filet ! Caninos, flammèche !
- Arrêtez !
Les policiers tournèrent la tête et virent que la K-You qui les avaient aidés n'avait pas été attrapée.
- Quelle chance ! Vite, occupe-toi de cette fille !
- Je veux bien m'occuper de quelqu'un… ( Leur guide sourit à son tour ) Mais de vous !
Sortant une pokéball de sa poche, elle en fit sortir un Empiflor… et se retrouva la tête coincée dans le gosier de l'énorme plante. Après s'être dégagé(e) avec un bruit de ventouse, « elle » cria :
- Empiflor, Para-spore !
Sans pouvoir réagir, policiers et Pokémons se retrouvèrent pris dans un nuage de particules paralysantes. Alors qu'ils suffoquaient, ils virent la fausse K-you envoyer valser son costume et dévoiler son identité ( que tout Pokéfan avait devinée depuis longtemps ) : James !