Chapitre 1 : Juste une pluie de météores
Cette grande histoire, comme toutes les grandes histoires, commença un lundi soir. Après une année scolaire éprouvante, nous pouvions enfin goûter à la détente que procurent les grandes vacances. Hé oui ! C’est l’été : il fait chaud, il fait beau, le Soleil se couche tard et surtout, il n’y a de stress ! Le temps est à la fête, il n’y a aucune dissertation à rendre le lendemain, pas de cours à réviser. Bref, c’est l’été.
Ce qui est bien avec l’été, c’est qu’on peut aller à la plage, qui a l'avantage d'être proche de chez nous. Cet endroit n’est pas vraiment mon préféré, le sable se colle à mes pieds mouillés et comme il y a peu d’arbres, le sable est brûlant. Mais bon ! C’est toujours un bon prétexte pour se retrouver entre potes. Les vacances étant déjà entamées, on se voit moins souvent. C’est pour ça que ces moments à trois sont précieux : après ces vacances-ci, nous entrons en terminale et une fois notre Bac en poche, les moments pour se voir seront vraiment beaucoup plus rares. Je redoute vraiment les études supérieures car la charge est, à ce qui paraît, gigantesque et moi, je suis quelqu'un qui a du mal à rester en place.
Mais il ne faut pas se biler ainsi ! Rien que cet après-midi, nous avons pu réunir la “dream team”. Je suis certain que rien ne pourra entraver notre amitié, et certainement pas des écoles différentes. Comme le veut la culture grecque antique, le trois est un nombre fort, même indestructible, comme le triangle, considérée comme la forme la plus solide de la géométrie.
Mais assez disserté sur mes deux meilleurs copains, de toute manière, vous les rencontrerez bientôt.
Cette histoire commence donc par une porte qui s'ouvre : celle de chez moi. Après avoir passé le hall d'entrée, je jette mon sac à moitié trempé et couvert de sable dans ma chambre. Je m'occuperai de nettoyer tout cela après une bonne douche. Je traverse le salon et allume la télé. En théorie, je n'aurais pas eu le droit de faire ça sans l'autorisation de mes parents mais là, ils ne sont pas là. Ils sont partis en voyage de couple à Lanzarote, une île des Canaries, ce qui m'arrange pas mal puisque je peux faire ce que je veux de mes journées et surtout, c'est moi qui dirige à la maison ! Enfin, ça a l'air impressionnant comme ça, mais comme je suis seul, mon domaine d'autorité s'étend de la télécommande de la télévision au four micro-ondes.
Pendant que je bois un verre d'eau, je m'assieds dans le canapé et regarde sans grand intérêt un reportage sur la chaîne numéro 6. Sur le plateau, le présentateur explique :
- D'ici cette nuit, des astéroïdes passeront près de la Terre. Tout le monde pourra ainsi regarder une pluie de météores passer dans le ciel, pour la première fois depuis deux ans. Mais comment la NASA fait-elle pour anticiper les chutes de météorites ? Un reportage de Sylvain Duraf et Leonor Warring…
Je repose mon verre sur la table et appuie sur le bouton d'arrêt de la télécommande. Je file ensuite vers la salle de bains parce que tout ce sel commence sérieusement à me démanger.
Vingt minutes plus tard, totalement propre et rhabillé, il me vient une idée. Ce serait sympa de grimper à la colline pour voir la pluie de météores ce soir. Un tel événement est si rare… Reste à savoir si mes copains sont disponibles, car, contrairement à moi, ils ont besoin de l'accord de leurs parents.
J'appelle d'abord Mathis, qui est généralement le plus compliqué à convaincre. Enfin, ça dépend pour quoi. Propose-lui une partie de Mario Kart, il se connecte dans la foulée. Par contre, lorsqu'il s'agit de mettre le nez dehors, c'est une autre affaire. On ne sait jamais si c'est un énorme manque de chance ou une excuse bidon inventée il y a trois secondes. Je commence à composer son numéro et maintenant, libre à vous d'interpréter la conversation qui suit comme vous le voulez…
- Allo ? Il y a un problème, Thomas ?
- Non, absolument pas. Je me demandais juste si tu étais libre ce soir.
- Ce soir ? Ça risque de ne pas être possible, là, je suis justement en train de promener Didier.
Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire en coin rien qu'en entendant le nom de chien. Pour que vous vous fassiez une petite idée, dites-vous que le nom du chien est au moins aussi drôle que l'animal en lui-même. Il s'agit d'un bulldog, un peu comme Ruben de la Pat Patrouille, mais tout noir et bien plus ventripotent. Rien que de l'imaginer, juste l'imaginer, gambader dans un parc et courir après les pigeons me provoque des fous rires incontrôlables.
- Et donc, c'est juste à cause du chien que tu n'es pas dispo ? lui demandais-je en essayant de ne pas trop rigoler.
- Bien-sûr que non, reprit-il avec tout le sérieux du monde, je dois également m'occuper de Valentin, tu sais, mon petit frère. Mes parents rentrent tard et tout, donc non, je peux pas.
Sinon, passe une bonne soirée et on se tient au courant pour samedi
- Bien entendu. A plus tard !
- Allez Didier ! Avance plus vite…
Et il raccrocha.
Finalement, je crois que, pour la première fois, je suis soulagé d’entendre son refus. Après réflexion, je n’ai peut-être plus assez de force aujourd'hui pour aller crapahuter en haut d’une colline tard dans la soirée. La journée a été fatigante, mine de rien ! Je décidai donc de ne pas appeler mon second ami, Fedi.
Ça me fera toujours bizarre quand l’excitation retombe et que l’on se sent complètement vidé de toute énergie. Je me dirige alors vers ma chambre. J’ai vraiment besoin de m’allonger quelques minutes, la préparation du dîner attendra. Je m’assieds sur mon lit quand j’entends un gros
- Plaf !
Une sorte de boule de poils dure atterrit au centre de la pièce avec un bruit peu ragoûtant.
Mais d’où cela provient-il ? J’ai beau regarder partout, je ne vois absolument pas quelle peut être la source de cette boule. Serait-ce une hallucination liée à la fatigue ?
- Hou ! Hou !
Ça y est ! J’entends des cris, je vois des choses irrationnelles. C’est sûr, je suis atteint d’une schizophrénie avec un stade avancé.
- Paf ! Houuuuuuu…
Cette fois-ci, j’en suis sûr, je n'hallucine plus. Il y a bel et bien une chouette qui vient de tomber de ma bibliothèque et qui s’est écrasé par terre, à côté de sa boulette de poils.
Et là, il faut avouer que je suis resté hébété : déjà, que fait un hibou dans un milieu urbain et de jour et surtout, pourquoi est-il venu dans ma maison ?
Mais bon, il faut quand même avouer que je suis un peu soulagé : je ne suis pas malade de la tête ! En effet, tout s’explique : comme ma fenêtre est restée ouverte toute la journée pour aérer la pièce, cette chouette a pu entrer et la boule de poils ayant atterri par terre n’est en fait qu’une pelote de réjection, qui correspond aux défections que déglutissent les hiboux.
La chouette se remet sur ses pattes et me regarde dans les yeux en tournant légèrement sa tête vers la droite. Je m’accroupis et tend ma main vers lui pour le caresser, mais cela n’a pas eu l'effet escompté. A l’aide de son bec crochu, la chouette me pince l’index, comme pour essayer de l’ingurgiter. Je parviens à retirer mon pauvre doigt endolori mais la chouette ne s’arrête pas là, convaincue que dévorer mes doigts est une bonne idée de repas.
Armé d’un courage quasi légendaire, je prends mes jambes à mon cou et m’enferme dans la cuisine. Bonne nouvelle, dans la cuisine, je peux rester confiné plusieurs jours car il y a beaucoup de nourriture. La chouette s’excite contre la porte, faisant claquer son bec et ses serres.
Mais en fait, cet animal a juste faim. Les chouettes sont carnivores ; elles se nourrissent principalement de mulots et de souris qui vivent dans les forêts.
Je me dirige vers le frigo, me munit d’une escalope de dinde et me rapproche de la porte de la cuisine.
Au menu du jour, pas de mulot, pas de souris mais quand même de la viande ! lui dis-je avant d’ouvrir brusquement la porte.
Je jette rapidement l’escalope crue au sol et la chouette, plutôt que d’attaquer mes doigts, avale goulûment le repas que je lui ai offert.
Après quelques minutes de bruits de déglutition incessants, la chouette, visiblement rassasiée, vint se percher sur mon épaule gauche mais surtout, arrêta de me pincer les doigts !
C'est vraiment particulier de savoir qu'un animal sauvage comme lui, puisse aussi facilement s'attacher à un être humain comme moi. Ça en dit long sur l'état déplorable de nos forêts !
Après le dîner, je décidai de me poser dans le canapé, devant la télé. J'allume sans grand intérêt sur BFM TV, une chaîne d'infos en continu. Épuisé par cette longue journée remplie de surprises, je m'endors rapidement, la chouette enfin apaisée sur mes cuisses.
Malgré tout, la télé continue de grésiller pendant mon sommeil…
- …Marcel, la NASA vient d'annoncer que les astéroïdes ont changé de trajectoire et se dirigent maintenant vers la Terre. Quelles sont les annonces que font les scientifiques ? Les populations doivent-elles être évacuées ?
- En effet, Philippe, alors que l'équipe de l'observatoire annonçait cet après-midi que les météores ne traverseraient pas l'atmosphère, il semblerait qu'ils soient revenus sur leur parole et annoncent que l'entièreté des météorites s'écrasera sur le sol terrestre, mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, leur vitesse a fortement diminuée de sorte à ce que la population mondiale ne coure aucun danger.
- Ah ! Nous apprenons à l'instant que la première…shhhhhhhhhhhhhhr…
Le signal fut interrompu.
A travers le monde entier, une onde se propagea. Rien ni personne n'y échappa. Mais tout le monde en sortira changé.
Étant en train de dormir, cela ne me dérangea pas vraiment.
Tout ce que je me rappelle est le fait que la chouette, que j'ai alors serrée contre moi, m'avait l'air plus “bouboule” qu'avant.
Et également, ce hululement anormal :
- Brindi…Bou !