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Derkomai's Mask de weivern



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» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 08/12/2024 à 09:53
» Dernière mise à jour le 01/02/2025 à 17:16

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Présence de transformations ou de change   Romance

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Elle n’imaginait pas les genêts si fourbes
Serena n’avait pas fermé l’œil de la nuit, et ce n’était pas uniquement dû aux inlassables cris de Georgie. Sacha était à Alola, à plusieurs milliers de kilomètres d’Hoenn et il était difficile de l’imaginer faire des allers-retours entre les deux régions.

- Hum…

Si Sacha était aux urgences, n’aurait-elle pas dû le croiser ? Elle voulait dire, de ce qu’elle en avait compris, elle n’était pas au mieux de sa forme à son arrivée et le garçon aurait pu repasser pour s’assurer que son amie, celle qui l’avait accompagné à travers tout Kalos, s’était bien remise. Et à la rigueur, tant pis s’il n’était pas venu la saluer en personne mais au moins… Elle avait eu beau interroger infirmières et aides-soignantes, aucune n’avait vu ou entendu parler de la visite d’un dresseur au pikachu. Alors oui, Sacha était un garçon optimiste qui devait avoir pleinement confiance dans le personnel de l’hôpital, mais quand même, c’était fou de se dire qu’un dracaufeu se montrait plus inquiet que...

- Dra, marmotta le dragon.

Serena soupira. Son ami pokémon était le seul à pouvoir l’aider à y voir plus clair, et il décidait pile à ce moment de rattraper toutes ses heures de sommeil en retard. Même l’infirmière qui était passée pour changer la perfusion n’avait pas suffi à le réveiller – bien qu’il ait luté un peu au début, clignant des paupières avant de les fermer sans penser à les rouvrir.

- Dracaufeu, l’appela-t-elle à contrecœur.
- Feu…
- Juste quelques minutes.

Il fit quelques mouvements de mâchonnement, les yeux encore clos quand il demanda :

- Dracau ?
- Non, je ne t’aurais pas réveillé si c’était juste pour aller chercher quelque chose.
- Cauuuuufeu, rappela-t-il en baillant.
- Toi aussi tu as besoin de repos, s’exaspéra-t-elle. Regarde-toi ! Tu arrives à peine à garder… Tu ne les as même pas ouverts en fait !

Sacha dodelina de la tête. Il lui fallait juste un petit temps pour s’adapter à la lumière, mais il était parfaitement… parfaitement…

- Dracaufeu !
- Dra ! se réveilla-t-il à nouveau après cinq bonnes minutes d’absence. Dra, dracau ?
- Ce que je voulais… Au moment où tu m’as amenée aux urgences, tu étais seul c’est ça ?
- Dracau, acquiesça-t-il en grimaçant.
- Et personne ne t’a aidé là-bas ? Ou même avant, quand tu te dirigeais vers l’hôpital.
- Caufeu ? mima-t-il.
- Je ne pensais pas particulièrement à un alakazam, plus à un humain.

Sacha croisa les bras et ferma les yeux pour s’endorm- Réfléchir ! Mais il ne voyait pas vraiment où sa dresseuse voulait en venir. Oui, il s’était retrouvé seul à se débrouiller avec les panneaux pour trouver l’hôpital et un peu d’aide n’aurait pas été de refus, mais réveiller Voltère qui ronflait… A l’impossible, nul n’était tenu.

- Alors ? redemanda la jeune fille.
- Feu, soupira le faux-pokémon. Caufeu dra cauuuufeu.
- Oh…

Elle était pourtant certaine que… Il te ment Serena, se rappela-t-elle les mots d’Amélia. Et effectivement, les papiers qu’elle avait trouvés indiquaient de toute évidence que Sacha avait été là à un moment ou un autre. Peut-être que Dracaufeu ne voulait tout simplement pas évoquer sa rencontre avec le dresseur qui pouvait lui piquer l’attention de sa dresseuse. Mais elle avait fait exprès d’éviter d’employer le prénom « Sacha » et il n’avait jamais vu à quoi il ressemblait donc… A moins que Sacha se soit, comme à son habitude, directement présenté, mais il serait alors étonnant que le reptile ne flanche pas dans sa réponse. Il te ment.

- Dra ?

Elle n’arrivait pas vraiment à y croire, le dragon lui paraissait trop honnête et de toute façon, quand vous piquiez du nez au moindre silence, vous n’aviez déjà plus de quoi mobiliser assez de neurones pour jouer la comédie. Bon, visiblement elle allait devoir se débrouiller autrement pour comprendre d’où venaient ces Post-It. Serena renvoya donc le dragon aux pays des rêves de quelques caresses et attendit que l’infirmière revienne la débrancher de sa perfusion, la prochaine dose n’aurait lieu que dans quatre heures mais cela restait relativement court si tout ne se passait pas comme prévu.

Et justement… Serena remonta sa chemise d’hôpital, grimaçant en sentant le cathlon bouger dans sa veine, alors que la secrétaire d’accueil des urgences consultait sans entrain le planning de ses collègues.

- Ah bah oui, trois semaines, affirma l’agent d’accueil des urgences quelque peu irritée – soit par Serena qui lui coupait un de ces rares moments de calme avant le prochain train de patient, soit par sa collègue qui ne s’était pas gênée pour poser plus de vacances qu’elle.
- Et vous n’avez pas de caméras de surveillance ?
- Je ne peux pas vous laisser les consulter comme ça et… Quatre semaines ? tourna-t-elle la page du calendrier. Elle a vraiment pris quatre semaines !?

Serena se recula par peur de se prendre les vacances de celle qu’elle cherchait en plein visage. ‘Quatre semaines’, consigna-t-elle hébétée dans le petit calepin qu’elle avait préféré garder avec elle. Elle ne pouvait pas rester autant de temps à Lavandia, pas avec le Grand Festival, les rubans qui lui manquaient, tous les efforts que ses pokémons avaient fait… Mais elle ne savait toujours pas comment allait Sacha, et il y avait eu cette lettre, et maintenant ça !

Les portes de l’ascenseur claquèrent. Serena avait beau penser au garçon, elle ne pouvait s’empêcher d’imaginer, en remontant vers le service, la tête énervée que le dragon ferait s’il s’était rendu compte qu’elle était partie sans rien lui dire. Sacha, Dracaufeu, ces deux-là réussissaient l’exploit de lui donner des migraines pour des raisons totalement opposées : l’un parce qu’il semblait tenir absolument à ce qu’elle ne le retrouve pas, et l’autre qui savait beaucoup trop bien attirer l’attention par des comportements complètements bizarres et étranges et pourquoi lui avait-elle montré Romance à Unys au juste ?

La porte s’ouvrit. Que ce soit Dracaufeu ou Sacha, elle ne comprenait plus aucun des deux. A croire qu’ils s’étaient entendus pour lui faire une mauvaise blague : Salamèche qui apparaissait presque au moment où Sacha disparaissait, Salamèche qui lui avait immédiatement fait confiance comme s’il la connaissait déjà, qui ne s’était jamais vraiment comporté comme un vrai pokémon, et sa manière de sourire comme s’il la narguait en imitant…

Il te ment.

Serena déglutit. Et si justement il ne mentait pas, si effectivement personne n’était venu l’aider aux urgences, si en fait il mentait sur une tout autre chose !
La jeune fille ouvrit le calepin à la page où elle avait inscrit ‘Les dracaufeus n’écrivent pas’ souligné de deux traits. Et c’était le cas, même s’il était différent, il y avait juste certaines choses qu’il lui était impossible de faire. Comme cuisiner presque aussi mal que Sacha.

Elle se mordit la lèvre et tourna les pages. Toutes les différences qu’elle avait consignées, tout ce qui l’éloignait des dracaufeus, et si, cette fois, elle décidait plutôt de se concentrer sur les ressemblances. ‘Le même sourire’, nota-t-elle. Toutes les fois où elle s’était dit qu’il lui rappelait le garçon, toutes les fois où elle avait cru le voir en lui, l’impression de le connaître, son regard, son énergie, la manière dont il frottait son nez quand il était gêné. Non, ça ne pouvait pas, il ne pouvait quand même pas être…Quoique ça expliquerait pourquoi il fuyait à chaque fois qu’elle se déshabi…

Nous ne disposons malheureusement pas d’images exactes des évènements. Cependant, à l’aide des témoignages recueillis et du travail minutieux de reconstitution de nos experts, nous pouvons supposer que les derniers mots de Serena, alors qu’elle prenait conscience d’avoir capturé, non pas un pokémon, mais bien le garçon qu’elle aimait, furent (sans pouvoir en attester la parfaite exactitude) ceux-ci :

- AAAAAAH !

***
Sacha aurait sans doute retourné la moitié de l’hôpital à la recherche de sa dresseuse disparue s’il avait eu le sommeil assez léger pour être réveillé par les cris des voisins de chambre. Cependant, il dormait encore à poings fermés quand la jeune fille revint, ne battant que légèrement des paupières quand elle ressortit presque aussitôt en claquant la porte.

- Dra ? demanda-t-il perdu.
- R-Rien ! bredouilla-t-elle au moment où il lui ouvrit.

Il frotta son œil sans remarquer la mine effarée de la jeune fille qui le dévisageait, une simple pensée en tête : Serena avait besoin de repos, or elle était debout, donc Serena devait se recoucher. Et si possible à côté de lui pour qu’il veille – même depuis les profondeurs de ce coma sans rêve qu’on éprouve après quelques nuits blanches – à ce qu’elle aille bien.

- Ah ! cria-t-elle au moment où il lui prenait la main et la rapatriait dans la chambre.

Ce ne fut qu’à ce moment qu’il constata que sa dresseuse était presque aussi pâle que le jour où il l’avait amenée aux urgences. De quoi lui donner une bonne décharge d’adrénaline et remettre d’aplomb son cerveau.

"Serena ?" siffla-t-il d’inquiétude.

Elle se détacha vite de la prise du reptile et heurta l’un des murs de la chambre en reculant. Serena avait les joues complètement rouges à présent au point de se demander si de la fumée n’allait pas en sortir. Un nouvel accès de fièvre ? Sacha était bien déterminé à le vérifier, mais elle s’écarta brutalement avant qu’il ne puisse toucher son front.

"Tu as tes règles ?" fut la seule chose qu’il trouva à dire.
- Non ! hurla-t-elle d’une voix suraigüe.
"C’est vrai que ça ferait un peu tôt," concéda-t-il en comptant les jours sur le peu de doigts qu’il avait.

Le petit râle que Serena émit à ce moment était un savant mélange entre l’égarement et l’agonie. Comment pouvait-il parler de ça si librement alors que si ça se trouvait il était… il pouvait vraiment être…

- Tu me le dirais ? demanda-t-elle presque au bord des larmes. Tu me le dirais si c’était toi ?
- Dra ? pencha-t-il la tête de côté.

Serena ramena les deux mains contre son cœur, incapable de le regarder en face.

- On a passé beaucoup de temps ensemble… Et c’est vrai que je me suis toujours dit que tu étais différent et en même temps tu lui ressemblais, beaucoup. Ah ! Je crois que j’ai encore de la fièvre, ça doit être pour ça que je pense que… eh bien…

Sacha plissa les yeux et pencha légèrement la tête vers elle, la faisant à nouveau sursauter.

- Je pense que… De l’eau ! siffla-t-elle. Est-ce que tu veux bien voire si tu en trouves ?
- Caufeu, montra-t-il la carafe d’eau posée sur la table.
- De l’eau fraiche, très fraiche même, précisa-t-elle en touchant son front brûlant.
- Dra, accepta-t-il finalement bien qu’il aurait préféré la voir sous les couvertures avant de la laisser… Quoiqu’un compromis devait être possible.

Serena lâcha le calepin, le souffle coupé lorsqu’il passa une couverture autour de ses épaules et qu’elle sentit son haleine chaude près de son visage.

"Tu te reposes, d’accord ?"

La jeune fille attrapa machinalement la laine, la ramenant un peu plus sur elle. C’est de la douceur, mademoiselle. Et si les écailles se flétrissaient et qu’à présent, avec cette même expression préoccupée et inquiète, elle imaginait :

- Sacha ?
"Hum ?" lui sourit-il doucement.

De la fumée allait vraiment lui sortir de la tête tant elle était rouge. Quand il disait qu’elle ne devait pas forcer et se reposer parce que la ménin-chose devait encore être tapie dans son corps et profiterait du moindre instant de faiblesse pour la…

- Dracau, répéta-t-il.

Les mains crispées, les épaules tendues, elle jetait des coups d’œil anxieux vers lui.

- Draaaa-cau ? dit-il plus lentement. Dra… CAU !?

Il faillit bien tomber en arrière voir même passer par la fenêtre tant il recula violemment, les yeux exorbités tandis que les traits de Serena se creusaient de plus en plus.

- C’est toi ? C’est vraiment toi !?
"Qui ? Sacha ?" hoqueta-t-il. "Jamais vu ! Et pas envie de le croiser, pas maintenant, et puis… Tu voulais de l’eau ?"

Il claqua la porte sans laisser la moindre chance à la jeune fille de répondre. Il devait fuir, et vite, très vite, et… Attendez ! Le cœur de Serena bondit quand il réapparut tout haletant et à moitié en déséquilibre sur la poignée.

"Et repose-toi !"

Cette fois la porte se referma pour de bon et Serena sentit ses jambes se dérober sous elle. Elle glissa à genou, ses joues la brûlant horriblement. Très bien. Ce n’était pas si grave. Dracaufeu, Sacha, non, il fallait re-la-ti-vi-ser et quoi de mieux qu’un petit exercice de respiration pour vous aider. Allez, on inspire et :

- AAAAAAH !

***
Sacha frappa de la main le tableau et s’éclaircit la gorge. Serena sous la douche, Voltère parti en ville à la recherche du café perdu, c’était ici et maintenant qu’il devait lever les troupes. Dignité, justesse, maîtrise, aplomb, le dos droit et la nuque relevée, Sacha n’aurait le droit qu’à une seule chance pour faire démonstration de toutes ces qualités et les faire adhérer à sa cause. Voilà pourquoi il avait savamment et méticuleusement réfléchi au meilleur nom de mission possible jusqu’à retenir ce qui, il n’en doutait pas, lui apporterait l’assentiment général :

"Opération tromper Serena."
"Faudrait déjà que vous sortiez ensemble pour ça, non ?"

Toute la carrure du métamorphosé se décomposa sous les rires des lapins tandis que Pandespiègle expliquait à Nymphali que non, ce n’était pas le fait d’être à l’extérieur ou à l’intérieur pour tromper qui posait problème.

Sacha frotta son visage épuisé. Serena n’avait pas eu une si bonne idée que ça en leur montrant ses films préférés. Alors oui, le métamorphosé n’avait pas forcément passé un mauvais moment devant Coup de Foudre sous le Tonnerre ou Romance à Unys, mais il semblait que toutes ces histoires n’avaient pas une très bonne influence sur l’équipe. En voulait-il pour preuve la toute nouvelle cassette que leur avait ramené Posipi et Négapi pour fêter leur sortie de l'hôpital. Le geste était louable, mais Sacha avait un mauvais pressentiment sur Des Poutous par Milliers et Serena ne s’était pas montrée plus emballée que lui, et de toute façon il ne pensait pas que son amie ait très envie d’une soirée ciné avec lui vu ce qu’il s’était passé.

"Est-ce que je fais assez pokémon ?" se lança-t-il.
"Dans la moyenne," le détailla Goupelin de la tête au pied.
"Je veux dire, est-ce que je fais assez pokémon. Tiens, par exemple, le fait que je cuisine c’est peut-être un peu…"
"Pas dans la moyenne," grinça la renarde.

Forcément… Même sans chercher à se grimer en parfait pokémon, il aurait au moins dû se rendre compte que certaines choses allaient le trahir. Argh ! Dire qu’il commençait à peine à comprendre le truc.

"Je crois… que je vais faire une pause," couina-t-il.
"A toutes les puissances légendaires, merci !" dit Négapi les pattes levées vers le ciel.
"Elle devait me montrer le gâteau au yaourt cette semaine…" se souvint-il en grimaçant de déception.
"Mille fois merci !" hurlait désormais le lapin bleu au bord des larmes.

Sacha baissa la tête, si seulement il s’en était rendu compte avant que Serena ait des doutes.

"C’est pour le mieux," le réconforta Posipi en lui tapotant le mollet d’un air compatissant. "Parce qu’après tout…"
"Les pokémons ne cuisinent pas, je sais."
"Euh, non, ils ne cuisinent pas aussi mal surtout !" se vexa Posipi. "Tu vois, par exemple, nous on est capable de sentir la différence entre le sucre et le sel."
"Sans oublier de doser ses flammes pour la cuisson, d’étendre le linge sans le faire tomber ou brûler, et les assiettes qu’on nous confient ne se brisent pas une fois sur deux," continua Goupelin en frottant ses griffes sur son poitrail.
"Sur trois ! Une fois sur trois !"
"Ah oui ?"
"Les bons jours."
"Qui sont…"
"Quand… Enfin… Ils ont bien dû exister."
"Existeront un jour, peut-être."
"Ah…"

Sacha s’était recroquevillé dans un coin de la pièce et traçait de la griffe des petits cercles sur le lino.

"Il l’a mal pris," remarqua Pandespiègle.
"C’est devenu important pour lui on dirait," dit-elle adoucie. "Allez, c’est pas grave s’il te manque un peu de dextérité, ça doit juste être parce que tu es…"
"Un dracaufeu ?"
"On dira ça."
"La vérité Goupelin," implora-t-il.
"Eh bien… la différence entre le sucre et le sel, quand même."
"Aaaaah !"
"C’était censé le réconforter ?" s’enquit le panda.

Goupelin tira sur la fourrure qui dépassait de ses joues alors que le reptile semblait se morfondre plus profondément encore.

"M-Mais, tu fais plein d’efforts pour t’améliorer et ça va bien finir par payer. Je suis même prête à goûter ton gâteau si…"
"Shhhh !" crissèrent les deux lapins en faisant de grands gestes de bras pour lui rappeler de ne pas faire ce genre de promesses, surtout si c’était pour les entrainer avec elle ensuite.
"Ce n’est pas ça le problème," gémit Sacha. "Tout ce que je voulais, c’était essayer de comprendre ce que j’ai bien pu faire pour que Serena commence à douter sur qui je suis vraiment."
"Le bisou," proposa Posipi.
"Quel bisou ?" glapit la renarde.

Pandespiègle avait redressé les oreilles au moment où Nymphali ramenait ses rubans contre son visage.

"J’étais juste fatigué ! Il s’est passé beaucoup de choses et j’ai pas réfléchi et…"
"Quel bisou ?" tonna Goupelin.
"J’ai craqué, je sais ! Mais je pensais pas qu’à cause de ça elle devinerait que je suis…"
"Non, justement, elle te connait donc ça aurait dû avoir l’effet inverse. Et encore une fois : dans quel monde, toi, un bisou ?!"
"Un bisou…" répéta Nymphali.
"Dans le monde où j’ai besoin de vous pour me sortir de là !" hurla-t-il. "Et puis quelqu’un pourrait, je ne sais pas, utiliser ses pouvoirs psychiques pour lire l’avenir et me dire ce que je peux faire !"
"Un bisou…" continuait la petite voix en fond.
"Tu veux savoir ?" feula-t-elle en même temps qu’elle levait les pattes et balayait l’air de ses longues manches rouges. "L’avenir il dit que t’es fichu donc : tu arrêtes de virevolter, tu te poses, et tu vas tout expliquer à Serena !"
"Tout ?!" s’étouffa Sacha.
"Un bisou…"
"Nymphali !" cria le métamorphosé qui n’en pouvait plus. "Je peux pas tout lui dire, pas sous cette forme."
"Alors redeviens humain."
"Si je pouvais…"
"Si tu te concentrais dessus," corrigea la renarde.
"Mais c’est que ce je fais ! Vous le voyez bien, non ?"
"NON !" crièrent-ils en cœurs.

Sacha se renfrogna. C’est vrai qu’il avait un peu laissé Pikachu et Edivo se débrouiller mais… La priorité pour l’instant c’était d’aider Serena.

"Elle a déjà failli abandonner le Grand Festival à cause de ma lettre, alors imaginez ce qu’il se passerait si elle apprenait qui je suis vraiment."
"Deux bisous ?" proposa Posipi.
"Non !"
"Des œufs ?" renchérit Négapi.
"Encore moins ! Ce n’est même pas moins, c’est juste impossible !"
"Mais…" intervint Nymphali malgré sa tête qui lui tournait. "Vos œufs apparaissent dans ce genre de situation, non ?"
"Non, non, et non !" s’agita-t-il en battant des ailes manquant de faire s’envoler les deux lapins. "C’est juste pas possible sous cette forme !"
"Donc si tu redeviens humain…" releva Goupelin.

Rien du tout ! De toute façon il faudrait pour ça que Serena et lui s’aiment trèèèès forts et… Euh… Sacha écarquilla les yeux. Bon, peut-être que dans la pyramide qui comptait les amis, les pokémons et la famille, Serena s’était faite une toute nouvelle catégorie rien que pour elle. Mais cela ne voulait pas forcément dire, voyez… De toute façon, est-ce que c’était vraiment ça le facteur important quand on savait ce qu’il s’était passé avec son père.

"S’il vous plait, est-ce que vous avez au moins une idée de comment convaincre Serena que je suis un pokémon ?"
"L’avenir a dit…"
"L’avenir ça se change ! Pour l’avoir fait trois-quatre fois, je sais comment ça fonctionne."
"Hum…" réfléchit Posipi. "Les dracaufeus offrent leurs desserts ?"

Sacha se figea, les écailles redressées de terreur.

"Leurs profiteroles aussi ?" déglutit-il.
"Non, ça tu peux les garder," grimaça le lapin en se souvenant du goût extra-épicé.
"Ah," souffla-t-il de soulagement.
"Moi," proposa Pandespiègle en levant la patte.
"Oui…" déglutit Sacha.
"C’est plus un conseil en fait," précisa-t-il.
"Très bien," se réjouit Sacha de voir le pokémon se montrer un tant soit peu sérieux.
"Voir même quelque chose que je qualifierais de proposition."
"Ça me va aussi parfaitement !"
"Je crois qu’on devrait discuter de tout ça quand Serena n’écoute pas aux portes."

Sacha releva brusquement la tête et entendit un claquement presque instantanément. Il se retourna vers le panda, les yeux écarquillés et sa bouche peinant à articuler :

"Ah…"
"Tu vas crier ?" s’enquit Goupelin en commençant à baisser ses oreilles.
"Non," couina-t-il.
"Tu en es sûr ?"
"Oui."
"Très bien."
"Très Bien."
"… "
"D’accord. Je vais crier."

Serena n’entendit que vaguement le hurlement du faux pokémon, les doigts crispés sur ses joues brûlantes. Elle n’arrivait pas à comprendre, non, elle n’y arrivait absolument pas. Prenez par exemple Dracaufeu ou même Salamèche qui rougissait sans raison, si en fait ce n’était pas des allergies mais bien… des rougissements ? Sacha qui rougissait ? Mais il n’y avait aucune raison de rougir quand ils cuisinaient ou discutaient ensemble !

- Huuummm-Roh !

Elle entrouvrit la porte, des fois qu’ils aient repris leur petite réunion, mais les pokémons s’étaient à nouveau dispersés et Dracaufeu (Sacha ?) s’était allongé sur le canapé-lit, le museau dans l’oreiller sans réussir à complètement camoufler les grognements exaspérés. Serena se glissa doucement dans la chambre, ses pieds nus effleurant la moquette tandis qu’elle détaillait avec plus d’attention le dragon. Les écailles, les griffes, la queue enflammé, rien ne laissait présage qu’il puisse être autre chose qu’un dracaufeu. Toutefois, maintenant qu’il levait la tête, elle croyait deviner dans le joli brun de ces yeux…

- Dra, s’excusa-t-il en même temps qu’il relevait les ailes pour laisser une petite place à la dresseuse.

Serena déglutit, son rythme cardiaque accélérant. Ils dormaient ensemble, évidemment qu’ils dormaient ensemble et cela depuis qu’il était un Salamèche, parce que justement il n’y avait aucun problème à dormir avec son pokémon comparé à être dans le même lit que… Sacha. Serrés l’un contre l’autre, il la prenait dans ses bras, soupirait contre sa nuque, et attendait qu’elle se réveille pour mieux se moquer quand il la voyait décoiffée. Non, non, NOOOON !!!

- Dracau ?
- Je vais préparer le dîner ! expliqua-t-elle rapidement.
- Dra… caufeu dra, lui rappela-t-il.
- Le petit déjeuner de demain alors !

Sacha n’ajouta rien de plus, se contentant de suivre la jeune fille à bonne distance et de l’observer pendant qu’elle sortait tous les ustensiles nécessaires. Les pokémons pouvaient sommairement cuisiner – et malheureusement il était en deçà du sommairement – mais Sacha préférait pour cette fois rester en retrait. Peut-être même devrait-il retourner tout de suite dans le salon et prétendre qu’en bon dracaufeu, tout ça ne l’intéressait pas en définitive.

- Dr…

Serena massait son épaule douloureuse. Sacha enfila dans la foulée son tablier et saisit une des casseroles, faisant signe qu’elle pouvait lui donner quelques tâches ingrates, tout ce qu’elle voulait en vérité du moment qu’elle évitait de forcer sur son bras.

- Merci, dit-elle machinalement.

Le comportement du pokémon ne faisait pas très dracaufeu, et en même temps elle ne pouvait pas dire non plus que cela ressemblait totalement à Sacha. Un peu comme à la sortie du Tunnel Merazon quand il… Non, décidément, si c’était Sacha alors ce qu’il s’était passé avait encore moins de sens que ce qu’elle pensait. Ah ! ça allait la rendre folle !

- Je crois qu’on devrait éviter de faire le prochain concours ensemble, avoua-t-elle.
- Dra ?! Dracaudra, caufeu ?

Il s’était approché beaucoup trop près et elle se dépêcha de repousser le museau du bout d’une spatule.

- Comment tu veux faire dans ces conditions ? gémit-elle. Je ne pourrais pas me battre sans penser au fait que tu pourrais être… si tu étais vraiment lui… bégayait-elle les joues de plus en plus rouge. D-Dis-moi, pourquoi FlamCœur ?
"C’est toi qui as trouvé ce nom !" s’empressa-t-il de lui rappeler.
- Je sais, je sais, mais les cœurs, pourquoi des cœurs ?

Sacha se figea quelques secondes avant de bredouiller :

"M-Mais parce que c’est plus simple à faire. Plus que des étoiles, ou des fleurs, ou même des cercles. Oui, les cercles, c’est horriblement difficile alors que les cœurs…"
- Oui, les cœurs, qu’est-ce qu’ils ont de plus les cœurs ? s’impatientait-elle.
"J-Je sais pas, c’est juste que c’est le plus facile qui me vient quand je te regarde et… aaaah..."
- Tes écailles, déglutit Serena.
"Je saiiiiiis," gémit-il.

La coordinatrice tripotait nerveusement sa robe. Que « Dracaufeu » décide un jour d’apprendre une nouvelle technique pour les concours était une chose, mais que Sacha lui souffle des petits cœurs enflammés… Comment était-elle censée le prendre au juste ? Surtout venant de Sacha, ça avait encore moins de sens que si c’était un Dracaufeu !

- J’ai… Je ne sais plus vraiment quoi penser ou quoi croire, souffla-t-elle. Tu te comportes trop bizarrement pour un pokémon, et même maintenant que je me dis que c’est parce que tu es lui, il y a des choses… il y a certaines choses qui n’ont toujours aucun sens.

Serena inspira profondément, son cœur battant à toute allure alors qu’elle reprenait :

- Je te croirais. Je te croirais peu importe que tu sois Dracaufeu ou Sacha, mais pour ça j’ai besoin que tu me dises vraiment qui tu es.

Sacha baissa la tête et se remit maladroitement à cuisiner. La jeune fille sentit sa lèvre trembler, ne comprenant pas pourquoi il s’entêtait autant à garder le silence.

- Très bien, alors je crois qu’on peut définitivement abandonner l’idée de faire équipe au concours.
- Dra…
- Les juges évaluent aussi la confiance qui existe entre un pokémon et son coordinateur, et je n’ai pas l’impression qu’on soit très brillant là-dessus.

Serena recula de quelques pas alors qu’il s’accroupissait pour farfouiller dans les tiroirs.

"D’accord, très bien, puisque tu ne me laisses pas le choix," souffla-t-il.
- Qu’est-ce que tu…
"Je vais préparer des macarons !"
- Que… Ne fais pas ça ! C’est beaucoup trop compliqué pour toi et… Et ne cherche pas à changer de sujet ! Tu dois toujours me dire…
"Mais tu les adores, c’est ton dessert préféré même."

Serena dévisagea son dragon avec de grands yeux, surprise qu’il ait si bien deviné. Elle ne pensait pas lui en avoir parlé, et oui, peut-être qu’elle s’attardait un peu plus longuement devant les rares vitrines d’Hoenn qui en avaient, mais c’était du détail, juste du détail et de toute façon il n’avait pas encore répondu à sa question et…

"Sacha, lui il ne le savait pas. "

***
Même à présent qu’il se retrouvait dans les gradins (pas dans les loges, mais bien derrière le dernier rang du public), Sacha n’avait toujours pas la moindre idée de ce qu’il aurait dû dire ou faire pour qu’elle accepte son aide – et les macarons n’avaient pas joué en sa faveur malgré qu’ils réalisent l’exploit de briser le quatrième degré.

Le métamorphosé souffla profondément. Déjà qu’il n’était pas très enjoué qu’elle participe à peine quelques jours après sa période de convalescence, si en plus il ne pouvait pas veiller à ce qu’effectivement elle soit parfaitement guérie comme elle avait aimé le répéter. Quoique le plus gros choc pour elle n’avait peut-être pas été l’infection…

- Dra, soupira-t-il en s’accroupissant, épuisé de ne toujours pas avoir trouvé quoi faire pour paraitre plus dracaufeu.

Provoquer un incendie ? Les dracaufeus aiment bien provoquer des incendies et… Il se frappa le front. D’où imaginait-il ce genre de plan alors que le plus simple serait quelque part, comme le disait si bien Goupelin, de tout révéler ici et maintenant. Comme ça, Serena paniquerait puis promettrait qu’elle ferait tout pour l’aider à redevenir humain même si cela devait lui coûter sa participation au Grand Festival.

- Rrra ! gémit-il.

A la rigueur, avec un peu de chance, il pourrait la convaincre qu’il se débrouillerait avec Edivo – histoire de lui faire croire qu’il prenait la quête de son corps très au sérieux – pendant qu’elle terminait les concours et qu’ensuite elle les rejoindrait. Et ce n’était pas grave s’ils se séparaient quelques temps, après tout pourquoi la Team Aqua attendrait pile ce moment pour…

- RRRRAAAA !

De toute façon, il savait très bien que s’il n’était plus avec elle, il allait juste s’inquiéter et il n’avancerait sur rien. Sacha recroquevilla ses ailes sur lui-même, en fait il ne ferait pas que s’inquiéter, il déprimerait bel et bien parce que… Il ne se voyait juste plus se lever et ne pas la voir, ne pas prendre le petit déjeuner avec elle, lui parler, l’entendre rire, la voir sourire ou parfois bouder et bien sûr elle devait encore lui montrer cette fameuse recette de gâteau au yaourt tout simplement inratable selon elle, quoique sa voix avait légèrement frémi en le disant, mais elle avait quand même l’air de lui faire confiance.

Un coordinateur et son pokémon sont censés se faire confiance.

Ça lui avait tellement fait bizarre cette manière qu’elle avait eu de le regarder, comme si elle croyait qu’il lui mentait. Et non, cacher ce qu’il y avait sous le masque n’était pas vraiment un mensonge, plutôt une sécurité pour justement ne pas lui mentir quand il disait « qu’il resterait avec elle », et cela même si elle disait… Sacha effleura le bout de son museau, ses joues, il repensa à la pokéball qui avait très bien pu l’altérer : le dresseur, ses sentiments, ses actions, ses rêves, et qui pourtant à présent lui apparaissait comme une protection, un garant de quelque chose qu’il avait de plus en plus envie d’atteindre, de devenir, et cela impliquait que le Sacha qu’il y avait sous ces écailles reste à l’écart un peu plus longtemps.

Le faux pokémon déglutit. Serena se présentait sur scène et il était étrange de la voir de si loin, de ne pouvoir que difficilement distinguer les contours de sa robe et deviner plus que voir les mouvements qu’elle faisait. Il descendit les escaliers, pas plus de deux marches, mais juste assez pour mieux la voir et remarquer que la coordinatrice n’était pas tout à fait à ce qu’elle faisait.

- C’est pas terrible, entendit-il chuchoter.

Il claqua de la queue et siffla. C’était surtout que Serena s’était prise un ménin-truc il y a peu et… Elle avait aussi à penser à un dracaufeu qui n’était pas si dracaufeu que ça et qui devrait sans aucun doute faire profil bas. Du style croiser les bras, s’assoir et…

"Comme si…" gronda-t-il. "SERENA ! Serena tu peux le faire ! Se-re-na ! Se-re-na ! SE-RE-NA !"

Il fit tourner les têtes de la moitié du public et en fit même lever certains de leurs sièges, mais il fallait bien ça pour que la principale concernée l’entende. Je vais le regretter, je vais tellement le regretter, pleurait-il en silence sans penser le moins du monde à la partie « ridicule devant une bonne centaine de personnes » dans ce fameux regret.

Serena s’était figée, la main recroquevillée contre son cœur alors que son pokémon la mettait très clairement dans l’embarras, ou Sacha. Et si le garçon n’avait jamais caché son soutien lorsqu’ils voyageaient à Kalos, il n’avait jamais autant… ça suffit ! se décida-t-elle à poursuivre sa performance. Elle avait beau être complètement perdue et ne plus savoir si elle pouvait encore croire en ce pokémon (s’il en était vraiment un), mais une chose était sûre : là, maintenant, la seule chose qu’elle voulait était répondre à celui qui l’encourageait.