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Derkomai's Mask de weivern



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» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 07/09/2024 à 10:45
» Dernière mise à jour le 07/09/2024 à 10:45

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Présence de transformations ou de change   Romance

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Scabieuse au bord de la falaise
Le concours commençait tôt ce matin, au point que certains concurrents finissaient leurs tartines dans la salle d’attente. On pouvait se le permettre maintenant qu’une bonne partie des coordinateurs avaient abandonné, sachant pertinemment qu’à cette période, n’avoir qu’un seul ruban signifiait que la compétition était terminée.

Serena n’en était pas à ce point, mais on ne pouvait pas dire non plus qu’elle bénéficiait d’une avance confortable avec ses deux rubans. C’était d’autant plus probant quant à vos côtés se tenait : Flora, cinq rubans en poche, sa place au Grand Festival assurée, et une victoire contre Atalante en prime.

Qu’elle ne s’y trompe pas, Serena lui était très reconnaissante d’être là pour l’encourager, mais elle pourrait le faire depuis les gradins histoire de ne pas attirer l’attention de tous les concurrents présents dans cette pièce.

- Regarde un peu ce que je nous ai rapporté, se targua Flora en tirant une boîte de son sac. Spécialité de la ville !

Et elle engouffra dans la seconde l’un (trois ou quatre en réalité, mais ne cherchons pas la petite bête) des chocolats avant de les tendre vers la jeune fille.

- Je n’ai pas très faim, déclina Serena.
- Et toi Dracaufeu ? enchaina-t-elle rapidement.

Le reptile ne se fit pas prier tandis que Flora racontait que c’était toujours plus agréables quand vos amis étaient dans la loge avec vous, en tenait-elle pour expérience son voyage avec Sacha, Pierre et son petit frère. Chose qui quelque part lui manquait toujours un peu depuis leur séparation.

- Dra, dracau, confirma le reptile.

Il pouvait acquiescer avec ses lèvres pleines de chocolat et son air ravi alors qu’il buvait les paroles de la coordinatrice aux cinq rubans…

- Dra ? remarqua-t-il l’air ronchon de sa dresseuse.
- Rien. Vous pouvez continuer à discuter tous les deux.

Le faux-pokémon se crispa, essayant de décroiser par la force les bras de la jeune fille, comme s’il s’agissait de la cause directe de sa mauvaise humeur.

- Dracaudra ! Dracau ! supplia-t-il Flora d’intervenir.

Cela vexa encore plus Serena qui détourna complètement la tête du dragon, les lèvres pincées d’exaspération.

- On dit que les pokémons finissent par ressembler à leurs dresseurs, mais l’inverse aussi a l’air de fonctionner, remarqua Flora.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- De la fois où il a failli me mordre pour rester dans tes bras et que tu sembles à deux doigts de faire la même chose.

Serena tiqua. Son comportement était, on pouvait le dire, clairement puérile, surtout qu’elle savait que Dracaufeu se fichait pas mal du nombre de rubans, mais tout de même…

- Vous vous entendez bien. Il s’est toujours bien entendu avec toi et tu es si… Je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi il ne t’a pas choisi toi ce jour-là, pourquoi ce n’est pas moi qu’il a essayé de mordre.

Sacha rougit au souvenir, il venait tout juste de se transformer et les réactions instinctives avaient pris le dessus et…

- Il préfère être avec toi, c’est tout, répondit Flora comme si c’était l’évidence même.
- Mais tu es bien plus douée et plus expérimentée que moi alors…
- Ne cherche pas de logique, parce qu’il n’y en a pas, la gronda-t-elle gentiment. Il aime être avec toi et ça se sent, tout le monde le sent, sinon on ne t’aurait pas donné ce surnom.
- Que… Quel surnom ? tomba-t-elle des nues.

Deux mains vinrent soudain presser ses épaules alors qu’on lui glissait à l’oreille :

- Princesse. La petite princesse de Kalos. Dis-donc, tu as les muscles complètement noués, pire qu’un Bouldeneu.

Serena se retourna après un bref sursaut, détaillant de la tête au pied la femme.

- Adèle ? Princesse ? s’embrouilla-t-elle.
- On n’utilise pas un Dracaufeu dans un concours impunément, sourit plus largement la mécanicienne. Et le titre de princesse d’Hoenn était déjà pris alors… se tourna-t-elle vers l’autre coordinatrice.

Flora fronça les sourcils et goba un nouveau carré de chocolat, dévisageant la femme sans dire un mot. Difficile de dire si c’était par méfiance envers l’inconnue ou par crainte qu’on vienne lui piquer ses friandises.

- Attends, attends un peu ! reprit Serena. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je veux dire, la centrale, tu n’es pas à la centrale ?

Adèle entortilla une de ses mèches, son petit sourire indéfectible quand elle répondit :

- J’ai démissionné.

Serena en resta bouche bée, sentant bien qu’on l’observait avec curiosité, que ce soit ses amis ou les quelques dresseurs assez près pour les entendre.

- Mais… Quand ? Pourquoi ? baragouina-t-elle.

Adèle essaya de caresser le reptile qui l’esquiva agilement, elle haussa les épaules avant de se reconcentrer sur Serena.

- On a été beaucoup à arrêter après l’incident. Voltère ne t’en a pas parlé ?
- Non… Et je ne pensais pas que toi…
- Bon, d’accord, j’avoue que c’était aussi pour faire une pause dans mon job. Et c’est là que je me suis dit : tient, pourquoi pas les concours, en plus comme ça, j’aurai plus de chance de te revoir.
- Moi ?
- Oui, toi, après tout je n’ai pas encore eu l’occasion de te remercier pour la dernière fois.

Elle s’assit entre les deux jeunes filles, repoussant un peu Flora sur le côté.

- Une sacrée histoire, pas vrai ? Bien que ce ne soit plus de l’ordre de l’exceptionnel ces derniers temps.

Les deux coordinatrices savaient parfaitement à quoi Adèle faisait référence, surtout quand on remarquait les traits tendus et les cernes des organisateurs. Cela traduisait assez bien le nombre de nuits blanches qu’ils avaient passées à se décider si oui ou non ils maintenaient l’évènement.

- C’est tendu en ce moment, tout le monde le dit, reprit Adèle. Et j’avoue que je pense de plus en plus à prendre un vol pour Alola ou une autre île paradisiaque histoire d’avoir des vraies vacances. Et toi Serena ? Ça ne te dirait pas de faire pareil ?

Flora fronça les sourcils, mangeant encore plus lentement alors qu’elle attendait la réponse de son amie.

- O-Oui, avoua-t-elle sans pouvoir s’empêcher de penser à Sacha, enfin il faut déjà que je décroche ma place au Grand Festival mais…
- Avec deux rubans ?
- Il y a encore pleins de concours, elle a le temps, rappela Flora.

Adèle lui décocha un regard noir que l’hoennienne lui rendit de tout son cœur.

- Moi, tout ce que je dis, c’est qu’il y a plein d’endroits à visiter, bien plus sympathiques qu’Hoenn dans le contexte actuel. En fait, vu les derniers évènements, on pourrait même se demander si ce fameux Grand Festival aura lieu.
- Dommage de s’y être inscrite alors, siffla Flora bien qu’elle ne pouvait nier une part de vérité dans ces propos.
- Je l’ai fait par jeu, rappela Adèle. Et surtout…

Sans prévenir, elle tira le col de la robe de Serena, dévoilant un bref instant la marque incrustée dans la chair.

- Tu aurais dû partir dès cet instant, tonna la femme.

Serena eut beau vite cacher son épaule, cela ne suffit pas pour empêcher Flora d’écarquiller les yeux, une expression de pure terreur aussi bien par la taille de la cicatrice que du fait que son amie ne lui ait rien dit à ce sujet.

- Qui ? articula-t-elle difficilement.
- Ce n’est pas très important, ce qui compte c’est qu’il…
- Qui ? répéta Flora.
- La Team Aqua, admit finalement Serena.

La coordinatrice d’Hoenn se tourna vers le dragon, comprenant soudain qu’il n’y avait pas eu que l’affection de Serena pour l’aider à évoluer.

- Tu as prévenu quelqu’un ? s’enquit Flora d’une voix tremblante.
- Une championne d’arène.

Elle pouvait compter Adriane, non ? Et le fait qu’elle ne lui ait pas tout raconté au sujet d’Arthur ne rendait en rien les choses invalides.

- Et elle ne t’a rien dit de plus ? demanda Flora.
- Qu’est-ce qu’il y aurait eu à dire de plus ? Je n’ai pas eu de chance, c’est tout !
- Un manque de chance ? Tu appelles ça un manque de chance !
- C’est derrière moi et je veux que ça le reste ! hurla Serena.
"Eeeeeeet, on arrête là," indiqua Sacha en montrant du bout du museau le panneau d’affichage. "Je sais que tu aimes bien être en retard, mais quand même," ajouta-t-il.

La jeune fille sembla soudain reprendre ses esprits et fonça en direction de la scène pendant que Sacha murmurait quelques mots d’encouragements. Il était rassuré d’avoir pu vite lui changer les idées, mais il n’en demeurait pas moins…

"A quoi tu joues ?" gronda-t-il à l’attention de la mécanicienne.
- Je me posais justement la même question, se massa-t-elle la tempe. Mais je suppose qu’elle n’a pas dû apprécier notre récente discussion.

Et elle se mit à rire, un mouvement ample des mâchoires et ses dents qui s’entrechoquaient, le même mouvement qu’un pokémon oiseau claquant son bec.

- Je ne veux pas dire, mais Serena a le chic pour se trouver des amis bizarres, grimaça Flora pendant qu’Adèle retournait s’assoir dans son coin.

En même temps, on parlait de la fille qui avait comme pokémon un humain transformé… Mais blague à part, Sacha commençait sérieusement à croire que sa dresseuse attirait effectivement de drôles de gens et ça ne lui plaisait pas, vraiment pas. Surtout quand je n’ai aucune idée de pourquoi.

Tout se passa bien lors de la première partie, rien de bien étonnant puisqu’elle ne l’avait plus dans les pattes, mais ce fut quand même un soulagement pour le faux-pokémon.

- Ça va ? demanda Flora. Je sais que tu as essayé quelques pas avec elle lors du stage et ça doit être dur de…
- Dra, rectifia-t-il rapidement. Dracaucau dra.
- Ce n’est pas parce que tu es mauvais maintenant que tu le seras toujours, Serena serait la première à te le dire.

Rien n’était moins sûr avec lui. Et en vérité, s’il s’y était réessayé, c’était en grande partie parce qu’Atalante l’avait provoqué. Depuis, on ne pouvait pas dire qu’il avait retenté l’expérience, il avait même perdu l’envie de s’impliquer dans toutes ces autres choses où il était si mauvais. Et de toute façon, qu’est-ce qui te restera de tout ça une fois redevenu humain ? Tout ce que tu retiendras de ta transformation c’est d’avoir pu parler à des pokémons, le seul truc qui sert pour ton objectif de maître.

Son rêve lui revint en mémoire, un goût âpre dans sa bouche alors qu’il se souvenait qui était vraiment Sacha, sans une pokéball pour l’obliger à penser à Serena. Mais c’est ce que JE veux, je l’ai compris là-bas pourtant ! Pourquoi ce serait forcément la pokéball qui me ferait penser que je ne veux pas la quitter, pourquoi ce serait la pokéball qui voudrait que je m’inquiète pour elle ?! C’était un rêve, juste un stupide rêve et… Et je suis pas bon en danse, ni en cuisine, à chaque fois… Comme si au fond de moi quelque chose m’en empêchait.

- Je sais que tu as hâte de te battre mais contrôle toi, l’interrompit Flora.

Il remarqua sa flamme qui s’élevait avec force derrière son dos. Il la calma juste au moment où Serena revenait et quand il fut décidé à quel combat il participerait, il ne put s’empêcher de penser qu’il serait enfin bon à quelque chose.

- Il file un mauvais côtovol, glissa Flora à l’oreille de son amie.
- Ça fait un moment qu’il n’a pas utilisé ses flammes, c’est peut-être ça, répondit Serena sans grande conviction.

***

Le concours ? Vous vouliez savoir, vraiment ? Pas comme s’il y avait grand-chose à raconter mais si vous y teniez : Nymphali avait réalisé un sans-faute, Posipi et Négapi s’étaient illustrés lors de la phase combat en double, et Serena avait finalement obtenu son troisième ruban.

Vous voyez, rien de croustillant à raconter à part le fait que tout s’était bien passé et que chacun s’en était merveilleusement sorti. A un détail près.

Mais les détails ne méritaient pas d’être racontés, surtout quand votre dresseuse fêtait sa victoire avec ses amies tandis que vous vous rossiez les neurones à grand renfort de jus de fruit, de quoi avoisiner facilement les vingt millimoles de glycémies et trois de cétones. Enfin, pas comme si Sacha avait besoin d’aller jusque-là pour avoir la nausée.

Il recula un peu plus dans un coin de la salle quand Adèle s’approcha de Serena. La femme n’avait plus évoqué cette histoire de quitter la région et ne semblait plus avoir l’envie de le faire. Sacha se fit d’ailleurs la réflexion que malgré son sourire jovial, elle avait cet air d’enfant qui s’était sérieusement fait réprimander après qu’on l’ait pris la main dans le sac. Au moins, elle semblait plus vivante que lors du reste du concours dont elle avait passé la majeure partie assise dans son coin.

Sacha pesta en remarquant que ses griffes avaient troué son gobelet et que le fond de boisson qu'il contenait avait disparu. Rendez-vous compte, cela représentait plus que le nombre de points qu’il avait fait perdre à son adversaire !

Le rire ne s’accordait pas bien avec la nausée, tout comme ses prestations ne s’harmonisaient pas très bien (pas du tout s’il était honnête) avec les exigences des concours. Il avait travaillé pourtant, avec application, méthode, attention et efforts, beaucoup d’efforts, bien plus que n’importe lequel de ses combats lorsqu’il était encore dresseur. Avait-il progressé ? Si vous placiez le curseur sur la courbe de la médiocrité, c’était une certitude, mais sur un baromètre normal… Le public ne s’y était pas trompé, ne lui accordant que quelques applaudissements de politesse, à moins que ce ne soit de la pitié, lors de sa victoire.

Ah ça, si Brice lui demandait en quoi il aidait Serena, Sacha pourrait sans aucun doute lui montrer ce combat contre l’ancienne employée de New Lavandia : elle avait quand même perdu trois millimètres de son score face à lui, si c’était pas beau. Bien sûr, il était terrible de briser ainsi les rêves de la mécanicienne, d’ailleurs il avait bien senti son désespoir quand elle avait passé la moitié de l’affrontement à observer le chronomètre en baillant.

Des efforts, tellement d’efforts, et il pensait que ça paierait mais c’était comme si son corps, son âme… Il examina ses griffes, puis ses bras et la soudaine envie de leur arracher les écailles lui revint, histoire de bien leur faire comprendre que pokéball ou pas, ils avaient intérêt à y mettre plus d’entrain.

Il s’en abstint cependant. Tout comme il s’était abstenu d’aider à préparer le repas de fête, ne serait-ce que pour souffler sur les crèmes brûlées. Et, il ne pensait pas qu’il demanderait non plus ce soir à s’entrainer sur le raccommodage, ni demain, quant à après-demain… A quoi bon.

***

Les fleurs et l’herbe bruissaient doucement, certaines ruisselaient sur la roche, d’autres moins courageuses se cachaient à l’ombre des falaises. Paisibles, elles enlaçaient les voyageurs, chatouillaient leurs genoux. A l’ombre d’un arbrisseau, Sacha scrutait les artistes attelées à la confection de bijoux faits de tiges et de pétales.

- Ne va pas si vite s’il te plait, quémanda Flora, c’était quoi l’étape juste avant ?
- Ça ?
- Encore avant.
- Ah, oui, comme ça.
- … Je veux bien qu’on reprenne du début en fait.

Adèle pouffa, faisant tourner autour de son doigt une couronne de fleur comme pour narguer la coordinatrice d’Hoenn.

- C’est pas si facile ! se défendit Flora.
- Oh, je n’en doute pas, sourit-elle.
- Serena, dis-lui !
- C’est normal de ne pas y arriver du premier coup, essaya-t-elle du ton le plus encourageant qu’elle put.
- Mais elle l’a bien fait, elle !
- C’est ce qu’on appelle le talent, très chère, nargua Adèle.
- Tu vas voir… gronda Flora. Cette fois sera la bonne.
- Jamais trois sans quatre, sourit plus largement la femme, ou plutôt dans ton cas jamais neuf sans dix.

Dans mon cas aussi, pensa Sacha. Même si je suis beaucoup plus proche des cents que des dix. Il effleura un pissenlit d’une griffe, la vague idée d’essayer de voir s’il serait plus doué que Flora avant de renoncer. Pas besoin de massacrer des plantes innocentes pour un projet voué à l’échec.

- Comment peut-on avoir dix doigts et moins bien s’en servir que ceux qui n’en ont pas ? s’esclaffa Adèle face à l’enchevêtrement de tige qui faisait pâle figure comparé à celui réalisé par Nymphali.

Sacha savait son amie d’Hoenn assez susceptible, lui-même en avait fait les frais à l’époque où ils voyageaient ensemble. Ensuite, il était vrai qu’il n’était pas non plus un modèle de calme et de sang-froid, quoiqu’il pensait s’être amélioré, surtout depuis son aventure à Kalos. Il faut dire aussi que Serena ne lui avait pas donné vraiment matière à se sentir blessé dans son amour propre : même pas une pique sur son côté goinfre ou son manque de connaissance élémentaire sur les spécificités de la région.

C’était comme ça, le dicton « Quand deux personnes se chamaillent, c’est qu’elles s’aiment bien » n’avait jamais vraiment trouvé sa place entre eux deux. Cela ne voulait pas dire non plus qu’ils ne se permettaient jamais quelques moqueries, leur fréquence ayant même augmenté depuis sa transformation en pokémon, mais c’était loin d’être quelque chose de courant. En fait, s’il était vraiment honnête, il aurait tendance à dire qu’ils se disputaient plus qu’il ne se chamaillaient et pas la dispute-chamaillerie mais bien la dispute-dispute. Et le gros problème, c’est qu’il sentait justement venir cette fameuse dispute-dispute.

Il ne s’attendait juste pas à ce qu’elle survienne dès son couronnement.

- Ta-dam, dit-elle doucement.

Une parure de fleur sur la tête, Sacha était devenu le prince des dracaufeus et le roi des menteurs.

- Tu ne veux pas essayer ? lui proposa-t-elle. Ce sera plus simple que la couture, promis.
"Pas envie."

Pour une fois qu’il était honnête aussi bien avec elle qu’avec lui-même. C’était ce que Brice voulait, non ? Ce qui compte c’est que je t’encourage, pensa-t-il amèrement, quelque chose que je peux faire même devant une TV chez Edivo.

- Dracaufeu ? hoqueta-t-elle abasourdie. C’est le concours qui…
"C’est TOUT Serena ! Absolument tout ce qui t’entoure et que je suis incapable de faire parce que… Eh bien, parce que je ne veux pas le faire, voilà, je l’ai dit !"

Il s’était relevé, les ailes dressées de chaque côté donnaient l’impression qu’elles étaient sur le point d’écraser la jeune fille. Elle se recula, effrayée, perdue et quoi de plus normal : elle lui avait juste proposé de faire une couronne de fleur et lui voulait la déchiqueter sur place.

Encore sous le choc, elle trottina vers ses deux amies mais ne s’arrêta pas, poussant un peu plus vers la falaise, comme si elle s’était soudain rendue compte d’à quel point le soleil tapait fort et qu’un peu d’ombre ne serait pas de refus.

Sacha se recroquevilla, peu disposé à assumer les regards lourds de reproches de Roussil et Posipi qui même sans avoir entendu, devinaient relativement bien que Sacha ne s’était pas contenté d’un simple refus. Je sais, oui, je sais, mais je ne pouvais plus continuer de me voiler la face et de lui mentir.

Un caillou lui tomba sur le bout du museau, à moins de deux centimètres de la zone sensible. Il gronda sans trouver tout de suite le fautif jusqu’à remarquer l’ombre d’un pokémon courir sur la falaise. Le stress lui tordit les boyaux, incapable de cligner des yeux jusqu’à ce que la forme disparaisse derrière un relief et ne donne plus signe de vie. Il frotta son cou pour calmer les frissons qui le parcourait et retourna se coucher, prêt à repartir à ces rêves où il était de nouveau lui, ce qu’il voulait réellement dans son âme et conscient en somme.

Un coup de tonnerre, mais le ciel était toujours bleu. Pourtant, lorsqu’il tourna la tête, humains et pokémons s’agitaient comme en plein averse.

Flora cria et Sacha se mit lui aussi à courir comme s’il sentait la pluie mouiller ses écailles. Mais il faisait toujours chaud et sec et le métamorphosé comprit soudain : un éboulement, une partie de la falaise s’était écroulée et… Il arriva au même niveau que les autres, devant l’amoncellement de gravats et de roches qui mettrait encore quelques secondes avant de définitivement se stabiliser. Il tourna la tête à droite, puis à gauche, se dit trois fois que c’était impossible avant de crier :

"Serena !"

Pas de réponse. Plus fort :

"SERENA !"

Toujours pas de réponse.

Non, non, non, ça ne se peut pas, ça ne se peut pas. Il continuait de hurler, le dos vouté, ses griffes arrachant les blocs les plus légers sans réussir à entamer les plus gros. Il lui avait menti, il s’était menti à lui-même, parce qu’il avait fait ce rêve où jamais il ne prononçait son nom, parce qu’il n’arrivait pas à l’aider dans les concours, parce qu’il ne pouvait pas cuisiner, coudre, danser pour elle, parce que toutes ces choses qu’il avait cru vouloir faire était en réalité la faute de la pokéball. Mais, si cette pokéball lui donnait la force de retrouver Serena, alors il s’y plierait sans la moindre hésitation.

"Serena..."

Ce n’était plus qu’un gargouillement rauque alors qu’en lui disparaissait l’idée qu’elle ait pu se mettre à couvert.

- Ça suffit ! Dracaufeu, maintenant ça suffit ! cria Adèle.

Elle n’avait pas la force de l’arrêter contrairement à Braségali et Florizarre, bien qu’ils durent s’y reprendre à plusieurs fois avant de définitivement immobiliser le reptile.

"Lâchez-moi ! Elle est là-dessous, Serena est là-dessous !"
- Tout va s’effondrer si tu continues ! rugit la femme.

Alors maintenant imagine ! semblait-elle lui dire. Imagine les roches en équilibre, à quelques centimètres de la tête de ta dresseuse, et elles penchent, elles penchent, elles penchent jusqu’à ce qu’un reptile sans cervelle leur donne l’impulsion finale et hop ! Ecrabouillée !

Sacha s’esclaffa, il aurait intérêt à vite écrabouiller la pokéball s’il ne voulait rien sentir.

Adèle laissait le pokémon décharger ses nerfs, surveillant d’un œil la jeune coordinatrice qui pouvait elle aussi craquer à tout moment. Mais si celle-ci était complètement perdue, au moins semblait-elle encore capable de réagir convenablement avec quelques directives, les deux pokémons qu’elle avait envoyé sur le reptile en était la preuve.

- Je me suis moquée de tes doigts, mais je dois bien avouer que la tête a l’air de pas trop mal fonctionner.
- Qu’est-ce qu’on fait ?

Elle lut la même question chez les pokémons de la dresseuse disparut, et la femme en voulut un peu à Flora de lui infliger une telle responsabilité. Mais bon, pas comme si elle n’avait pas l’habitude avec Kelvin ou Ignacio.

- Une grotte, se souvint Adèle. Je crois qu’il y avait une grotte pas loin de là où elle était.
- Tu crois qu’elle aurait eu le temps de…
- Je ne sais pas, je n’ai pas bien vu, avoua la femme. Et pas loin quand la moitié d’une montagne vous tombe dessus, c’est peut-être déjà trop mais… Une bonne décharge d’adrénaline, ça pourrait suffire.

Flora serra les poings, les cris du reptile s’étaient mués en sanglots étouffés mais elle savait que lui aussi avait entendu.

- Ça veut dire qu’on doit quand même trouver un moyen de déblayer tout ça, conclut Flora.

L’ancienne mécanicienne détailla avec attention l’amas de roches.

- Non, on ne peut pas prendre ce risque, dit-elle et elle ajouta après un temps : pas tant que Serena ne répond pas.

Un frisson parcourut tous les pokémons présents et Adèle se retint de leur cracher : J’énonce un fait, pas une conclusion, merci.

- Cette grotte a peut-être d’autres sorties, reprit-elle. Si on les trouve, on aura un moyen de rejoindre Serena.
- Et si elle n’a pas réussi à y entrer ?
- On verra à ce moment.
- Tu penses qu’elle peut attendre ?

Si elle est vraiment là-dessous, la question ne se pose déjà plus, pensa la femme. Elle souffla, les pokémons eux aussi ignoraient dans quel état était leur dresseuse et cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : il n’y avait pas suffisamment de sang pour qu’ils en perçoivent l’odeur… On pouvait donc se montrer optimiste, non ?

***
Les heures étaient longues, éprouvantes, faites de terreur et d’obscurité. C’était ce genre de tunnel que Sacha arpentait en ce moment, le museau levé en l’air, ses yeux semblaient avoir abandonné l’idée de trouver un jour la sortie mais ses jambes continuaient de bouger, leurs mouvements de pendule régulier ayant pris le relais d’un cœur meurtri.

- Je crois qu’on le tient, entendit-il un vague écho.

Il se rhabitua lentement à la lumière, au ciel chauffé d’orange et de teintes rougeoyantes, se souvenant qu’il se trouvait toujours là, devant les falaises, à inspecter la moindre éraflure.

Sacha resta un peu en retrait pendant que Flora s’approchait d’Adèle et de la cavité qu’elle montrait du doigt, encouragée par les cris de son Nosféralto.

- Goinfrex, dit-elle simplement.

La procédure était rodée : on trouvait une excavation dans la roche, on appelait le petit pokémon et ce dernier disait si oui ou non la galerie les mènerait vers le panier de profiteroles et peut-être Serena.

Le goinfre renifla, Sacha se préparait déjà mentalement à un énième refus, mais finalement le pokémon tira la langue et la glissa sur ses babines. Il a trouvé ! Trouvé, trouvé, trouvé ! exulta-t-il en hurlant aux autres pokémons de les rejoindre. Il n’était cependant pas prêt à les attendre, Goinfrex s’engageait déjà dans la grotte et il n’avait pas l’intention de le perdre, pas maintenant ! Sacha recroquevilla ses ailes, tassa son cou jusqu’à pouvoir entrer, à deux doigts de ramper sur le sol alors que ses ailes râpaient contre les cailloux, mais il ne s’en rendit pas compte, porté par une nouvelle énergie qui faisait flamber sa flamme.

Flora le regardait faire, l’espoir du dragon était palpable et s’il se retournait maintenant, s’il lui demandait de ses vagissements informes : « On va la retrouver, hein ? Si Goinfrex la sent, il faut juste continuer à y croire et foncer ! »

- Il est déjà tard, remarqua Adèle.
- Je sais.

Le bel enthousiasme du reptile s’amenuisa avec les heures, sa tête pendant mollement alors qu’il suivait Goinfrex. Il était devenu une ombre, une silhouette qui ne pensait plus mais continuait de marcher.

"A quoi ça sert ? Vraiment, à quoi ça sert ?" entendait-il répéter Pandespiègle près de lui.

Il ne s’était pas rendu compte jusque-là que le panda l’avait rejoint, et sans doute lui non plus vu comment il fixait obstinément ses pieds en mastiquant sa feuille.

"Goinfrex la sent," répondit-il machinalement.
"Tu en es sûr ? Sûr de sûr ?" monta-t-il dans les aigües. "Parce que moi je ne sens rien, toi non plus, personne ne sent rien à part lui !"

Ses pieds lui faisaient mal, ses ailes aussi, mais il ne devait surtout pas s’arrêter de marcher, sinon il sentait qu’il ne pourrait jamais reprendre.

"C’est bien pour ça qu’on est obligé de le suivre !"
"Non ! Non Sacha, si on est obligé de le suivre c’est parce que tu t’es énervé sans raison sur Serena, c’est pour ça qu’elle s’est éloignée, c’est pour ça…"
"Que la falaise s’est effondrée ? Vas-y, dis-le ! Dis-le qu’en fait c’est moi qui ai soufflé trois fois et pouf !"
"Pas la peine de souffler, il te suffit de dire trois mots pour…"
"Vous croyez vraiment que c’est le moment ?" feula Roussil à l’arrière.

Sacha fit silence tout comme Pandespiègle, un long moment passa avant que le petit panda demande :

"Tu t’en veux ?"
"Pourquoi je marche à ton avis, hein pourquoi ?" avoua-t-il la voix tremblante. "J’ai l’impression de rien pouvoir, non, de rien vouloir faire pour elle. Et maintenant ça ? C’est comme si je le savais, que quelque chose en moi le savait et avait tout prévu. Ça voulait que Serena disparaisse !"

Sacha se souvint soudain de l’ombre sur les corniches, à sa disparition juste avant d’entendre le coup de semonce annonçant des heures et des heures d’angoisses. C’était lui ! C’était forcément à cause de lui que tout s’était effondré ! Comment Serena a pu se retrouver pile au mauvais endroit au mauvais moment ? Ce n’est pas possible ce genre de truc, et si ce n’est pas possible ça veut dire qu’il y a forcément quelque chose derrière pour le provoquer.

Sauf qu’avant de penser à ce qui avait débuté toute l’histoire, encore fallait-il savoir comment elle se terminait. Et il avait bien l’intention… Il huma l’air, pas certain de ce qu’il sentait avant qu’une violente certitude lui étreigne le cœur. Le sang ! L’odeur de Serena se mêlait aux relents âcres de l’hémoglobine. Sacha dépassa le pokémon glouton, dérapa sur les cailloux, se cogna plusieurs fois contre les parois sans pour autant s’arrêter de courir. Le sang, courir, le sang, courir, sang, sang, sang.

Ça.

Penché au-dessus de la jeune fille, ses griffes plantées dans l’épaule, les larmes qu’il percevait à présent. C’était ça ! C’était ça qui avait voulu faire disparaître Serena !

Draco-Griffe !