O.S. n°7 : A travers cette Ultra-Brèche...
[Attention : Cette One-shot peut être considérée comme choquante pour les plus jeunes !]
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Je me trouvais à présent devant le bâtiment dédié aux recherches sur les ultra-brèches. La Professeure Pimprenelle m'avait demandé de venir. Elle avait apparemment une mission de la plus haute importance à me confier, selon ses dires.
Je me demandais bien de quelle mission il s'agissait. J'avais senti dans sa voix une sorte de peur à peine perceptible. Et lorsque j'avais essayé d'en savoir plus, elle m'avait expliqué qu'elle préférait m'en parler en face à face.
J'étais partagé entre la curiosité et l'appréhension. Mais cela ne servait à rien de me faire des nœuds au cerveau avant de savoir de quoi il en retournait. Et je ne pouvais le savoir qu'en pénétrant dans ce bâtiment.
Ce n'était pas la première fois que je venais ici, je m'étais déjà rendue en ces lieux pendant mon Tour des Îles. Je connaissais donc déjà le chemin pour me rendre au bureau de la Professeure. De toute façon, il n'y avait pas de bureau d'accueil pour me renseigner dans le cas contraire.
Je toquai à la porte. J'entendis à travers cette dernière le bruit d'une personne qui se précipitait et le son de plusieurs objets qui tombaient. La marche était rapide et un peu désordonnée. La porte s'ouvrit à la volée.
« - Sélène ! Cela fait longtemps depuis la dernière fois. Comment vas-tu ? Ne reste pas planté là ! Entre ! S'exclama-t-elle. »
Elle parlait à un débit si rapide que je ne pouvais même pas en placer une, ni répondre à sa question. Je me contentai d'entrer dans la pièce.
« - Tu veux boire quelque chose ? Un café ? Un thé ? Ajouta-t-elle précipitamment.
- Non merci, je n'ai pas soif. Répondis-je. »
Je m'assis sur le sofa. Une brève observation autour de moi me fit constater le désordre ambiant. Décidément, il y avait quelque chose qui perturbait la Professeure. Mais quoi ?
Une tasse de café à la main, la Professeure s'installa sur le fauteuil en face de moi. Elle but rapidement une gorgée de sa boisson, puis posa dans un fracas la tasse sur la table basse. Je pris finalement les devants.
« - Que se passe-t-il, Professeure ? Vous n'avez pas l'air d'aller bien du tout. Comment puis-je vous aider ? Demandai-je. »
Je me doutais qu'elle n'avait pas fait appel à moi par hasard. J'étais la Maître de la Ligue d'Alola, après tout.
« - C'est compliqué à dire... Je pense que le mieux est de reprendre depuis le début. Tout a commencé lorsque j'ai détecté la présence d'une Ultra-brèche très particulière... »
Elle m'expliqua alors la découverte, par l'intermédiaire d'un robot-sonde, d'une brèche dont la "couleur" n'avait jamais été observée jusqu'alors. Il s'agissait d'une Ultra-Brèche de couleur violette. Ayant moi-même dejà exploré l'Ultra-Dimension, je me souvenais avoir vu des brèches "jaunes", "vertes", "rouges" et "blanches". Mais jamais je n'en avais vu d'une autre couleur. La Professeure ajouta que ce n'était pas la couleur qui l'inquiétait, mais la forte énergie d'origine inconnue qui s'en dégageait.
« - Est-ce seulement pour cela que vous m'avez contacté ? Demandai-je.
-Oui et... Non. Répondit-elle avec tristesse.
-Qu'y a-t-il d'autre ?
-Il y a quelques jours, l'une de mes assistantes est partie à la découverte de cette brèche. Mais elle n'en est jamais revenue. De plus, le capteur qui était intégré à sa combinaison n'émet plus aucun signal. »
Je ne sus pas quoi répondre à cette dernière révélation. Le silence pesait de plus en plus.
« - Tu sais maintenant pourquoi je t'ai contacté. J'ai besoin que tu partes à la recherche de mon assistante. Si tu pouvais, par la même occasion, récolter des données, je t'en serais extrêmement reconnaissante. Mais retrouver mon assistante est la priorité absolue.
- Entendu. »
***
« - Sélène ! Tu m'entends ? Tu es dans la lune ?
-Oh pardon Elio ! J'étais en train de penser à tout ce que m'avait dit la Professeure...»
Devant moi se trouvaient Elio, Tili et Lilie. Quand la Professeure m'avait parlé de me constituer une équipe de plusieurs membres pour cette mission, j'avais immédiatement pensé à eux. J'avais songé à Gladio aussi, même si j'avais toujours eu un peu de mal avec lui. Mais ce dernier était à Kanto en ce moment, pour trouver un remède à sa mère souffrante. La question ne se posait donc pas.
Je n'avais pas choisi mes trois amis présents au hasard. Je les connaissais bien et leur faisais confiance. Nous avions vécu une aventure quasi-commune et ils étaient tous de bons dresseurs.
Elio avait été la première personne que j'avais rencontrée en arrivant à Alola. Il était celui qui m'avait toujours donné du fil à retordre. Notre ratio victoire/défaite était de l'ordre du 50/50. Nous nous étions retrouvés l'un contre l'autre pour déterminer qui deviendrait le Premier Maître de la Ligue d'Alola. J'avais gagné, mais vraiment de très peu. Il avait admis sa défaite et n'avait jamais essayé de prendre ma place par la suite. Depuis, il avait continué à combattre et était devenu la nouvelle étoile montante des Batailles Royales de l'île d'Akala.
Tili était également mon rival. C'était quelqu'un de très fair-play, du genre à vous soigner avant un combat, même si cela le désavantageait. Je l'avais presque toujours vaincu, mais il n'en avait jamais perdu son sourire. Je l'admirais pour cette positivité à toute épreuve. Suite à l'accession de son grand Père Pectorius, au Conseil 4 de la Ligue d'Alola, il avait été désigné par Tokorico lui-même pour le remplacer au poste de Doyen de Mele-Mele.
Et enfin, il y avait Lilie, qui était la seule parmi nous quatre, à ne pas avoir effectué de Tour des Iles. Auparavant, elle était l'assistante du Professeur Euphorbe. Et maintenant, elle travaillait avec sa mère au Paradis Aether. Mais c'était seulement provisoire, car elle m'avait confié avoir d'autres projets en tête.
« - Avons-nous tout ce qu'il nous faut pour nous lancer dans cette exploration ?
- Oui, la Professeure nous a fabriqué des tenues exprès pour l'exploration. Une sorte de version améliorée de la combinaison que je possédais déjà. Et pour se déplacer à l'intérieur de la faille, nous avons mon Lunala et le Solgaléo d'Elio. Il ne nous reste plus qu'à nous rendre à la faille menant à l'Ultra-Dimension.
- Alors qu'est-ce qu'on attend pour s'y rendre ?! Lança Tili impatient de débuter une nouvelle aventure. »
***
Aux abords de la faille dimensionnelle, nous étions tous en uniforme. Et plus que cela, une personne s'était ajoutée à notre équipe d'expédition. Le hasard avait voulu que Gladio revienne pour quelques jours à Alola, au moment même où nous avions planifié notre expédition.
Lorsqu'il avait appris que sa sœur venait avec nous, il avait fortement insisté pour faire partie du voyage, pour ne pas dire qu'il nous avait forcés. Pour lui, c'était "il venait sinon Lilie ne venait pas". Ainsi, notre départ vers la mystérieuse brèche avait été retardé de quelques jours.. Cela n'avait pas plu à la Professeure, qui avait été obligée de créer une cinquième combinaison à la dernière minute.
Je saisis l'une de mes PokéBall et fis sortir Lunala. Elio m'imita en invoquant Solgaleo. Comme le corps de Lunala était plus chétif que celui du Pokémon Halo Solaire, je décidai de monter sur mon Pokémon avec Lilie, tandis que les garçons grimpaient sur le dos de l'autre légendaire.
Le trajet en direction de la Brèche fut particulièrement long et mouvementé. Car en effet, cette brèche était très loin au sein de l'Ultra-Dimension, à environ 10 000 années-lumière. Esquiver les autres brèches et maintenir le cap tout du long, cela n'aurait pas été aussi simple si je n'avais pas déjà exploré l'Ultra-Dimension par le passé. Je ne m'étais jamais rendu aussi loin par moi-même. Malgré cela, je guidais tout le monde, à l'aide d'un capteur installé dans la combinaison, m'indiquant la direction à prendre.
Puis, je l'aperçus. Comme la Professeure me l'avait dit, elle était d'une couleur inhabituelle. Je le savais déjà, et pourtant, je fus pris d'une peur inexpliquée. Mais je ne pouvais pas faire marche arrière. J'avais accepté cette mission, et c'était également mon rôle. Ce fut ainsi qu'en quelques secondes, Lunala s'enfonça dans la brèche, suivi de peu par Solgaleo. Après un atterrissage maîtrisé pour tous, nous descendîmes prudemment de nos montures.
L'intérieur de la brèche était particulièrement étrange. Je n'avais jamais vu cela dans les autres que j'avais visités. C'était comme "organique". Le mur était doux au toucher. Ils étaient visuellement sinueux et recouverts d'une muqueuse lisse et humide. Les couleurs variaient entre des nuances de rouge et de rose. Ils y avaient des replis et des saillies sur les parois, donnant l'impression que le tunnel était en mouvement constant. L'air à l'intérieur était assez chaud, ce qui donnait un aspect légèrement étouffant.
Je remarquai que le capteur de ma combinaison indiquait que l'air ambiant était parfaitement respirable. Ainsi, j'appuyai sur le bouton de commande, permettant l'ouverture du scaphandre. Les autres, sans que je leur ordonne de le faire, m'imitèrent immédiatement.
Je pris en premier la parole.
« - Bon... D'après les données récupérées par la Professeure, elle a perdu le signal de son assistante, peu loin après l'entrée de la brèche. Si l'assistante est blessée ou perdue, elle ne doit pas se trouver loin d'ici. Elle était également accompagnée d'un Gardevoir, qui lui aussi est porté disparu. Commençons à marcher, tout simplement dans la direction unique. Essayez également de prendre des photos, ainsi que des prélèvements un peu partout. Car c'est le but secondaire de cette expédition. »
Tous acquiescèrent, sans émettre d'objection. Ainsi, nous commençâmes à nous enfoncer dans la brèche, lentement et prudemment. Malgré l'absence de danger, je m'efforçais de ne pas baisser ma garde.
Mais, seulement après quelques minutes de marche lente, Lilie poussa un cri strident. Nous nous tournâmes alors tous dans la direction où elle regardait. Immédiatement, Gladio tenta de cacher la vue de sa sœur, avec une certaine maladresse. J'étais paralysé par la peur. À mes côtés, Elio semblait ressentir la même terreur que moi. Et le sourire de Tili s'était complètement effacé. Nous étions face à un spectacle des plus cauchemardesque. Devant nos yeux à tous, il y avait un Gardevoir inerte...dont il manquait la tête.
Presque aussitôt, une sensation de profond dégoût s'empara de moi et m'obligea à détourner le regard. Voir un Pokémon dans cet état, n'était pas quelque chose d'habituel.
À côté du "corps", il y avait une combinaison vide et partiellement déchirée. Elle appartenait sans doute à l'assistante de la Professeure. Et ce Gardevoir était forcément le sien. Qu'avait-il bien pu se passer pour qu'il soit dans cet état ? Et qu'était-il arrivé à l'assistante ? Pourquoi avait-elle retiré l'entièreté de sa combinaison ? L'horreur ambiante m'empêchait de raisonner de manière logique. Je n'étais même pas sûre de vouloir connaître la réponse à ces questions.
« - On doit... On doit partir d'ici... Balbutia Tili en courant vers la sortie.
- Tili, attends ! Criai-je en me lançant à sa poursuite. »
Elio me retint par le bras m'interrompant dans mon élan :
« - Sélène, qu'est-ce que l'on fait ? Me demanda-t-il d'un air sérieux.
- Je .... Je ne sais pas.... »
Il me lâcha le bras, et je repartis de plus belle. Elio, Lilie et Gladio me suivirent. En réalité, je pensais comme Tili, même si je n'osais pas me l'avouer.
Mais avant de pouvoir rattraper notre ami, nous l'entendîmes crier à l'aide. Ce qui nous fit courir bien plus vite.
À peine quelques mètres plus loin, Tili apparut enfin dans notre champ de vision. Mais ce qui nous vîmes avec lui, nous figea sur place et nous plongea dans l'incompréhension totale. Notre ami était entouré d'une mystérieuse brume noire, qui couvrait plus de la moitié de son corps.
Comme une seule personne, nous nous précipitâmes pour lui porter secours. Mais le piégé dont la tête était encore visible, nous stoppa dans notre élan :
« - N'approchez pas ! Ils... ! »
Mais, Tili ne put même finir sa phrase et disparut complètement dans la brume. Une nouvelle fois, d'un seul mouvement, écoutant ce qu'il nous avait dit avant de se faire "absorber", nous courûmes dans la direction opposée à l'entrée de la brèche. Nous n'avions pas le choix, car la brume nous en bloquait l'accès. Gladio était en tête de course, tenant la main de sa petite sœur. Elio, lui, était derrière moi.
Tout à coup, Lilie chuta à plat ventre sur le sol
« - Je n'en peux plus... Lâcha-t-elle finalement. »
On s'arrêta soudainement dans notre course. Je me précipitai à ses côtés, pour m'assurer qu'elle ne s'était pas faite trop mal. Je tentai de l'aider à se relever, mais elle se contenta de s'asseoir sur le sol.
« - Lilie ! Ça va ? »
À ma question, ce ne fut pas Lilie qui répondit, mais Gladio.
« - T'as pas plus stupide comme question ? Elle vient de dire qu'elle n'en pouvait plus. »
Je me retins très fort de ne pas lui rentrer dedans, sans doute par habitude, mais également bien plus préoccupée par la situation actuelle.
« - S'il te plaît Gladio, arrête... Elle essaie juste de m'aider.
- Tss... Grinça-t-il pour seule réponse. »
Lilie était en train de trembler, puis elle finit par dire :
« - Je suis désolée, je ne sens plus mes jambes.
- Bon, nous allons faire une pause. Ordonnai-je. »
Pendant cette pause, personne n'osait rien dire sur ce qui venait de se passer. Que pourrait-on dire de toute façon...? Qu'est-ce qui avait bien pu arriver à Tili ? Était-il toujours en vie ?
Pour l'instant, le plus important était de s'enfuir d'ici, sans subir le même sort que notre ami. Mais était-ce vraiment possible ? Le couloir à travers lequel nous avions marché puis couru, semblait aller dans une unique direction. Alors, comment échapper à cette brume ? Les attaques Pokémon fonctionnaient-elles dessus ? L'attaque Anti-brume était-elle efficace ?
« - Alors, Maître de la Ligue ? On fait quoi ? Lança soudainement Gladio perturbant ma réflexion. »
Gladio avait cette fâcheuse habitude de m'appeler, "Maître de la Ligue" plutôt que par mon prénom, depuis l'obtention de mon titre, et ce dans l'unique but de m'agacer. C'était sûrement car il me pensait moins légitime qu'Elio. Il s'était toujours bien plus entendu avec ce dernier qu'avec moi. Il le considérait même comme son meilleur ami.
« - Ne réfléchis pas trop longtemps hein, sinon on va tous mourir comme Tili. Ajouta ce dernier avec mépris.
- Tais-toi ! Ne dis pas qu'il est mort ! M'énervai-je.
- Pourquoi ? C'est pourtant évident, non ?
- Je t'ai dit de te taire !
- C'est toi la cheffe d'expédition et c'est à toi de prendre les décisions. Je n'y peux rien, Madame la Maître de Ligue. Insista-t-il.
- Bon, Gladio, ça suffit maintenant. J'ai rien dit jusqu'à présent, mais laisse-la tranquille. Intervint finalement Elio. »
En prononçant ces mots, Elio avait saisi le col de son ami avec une certaine hargne. Gladio lui lança un regard d'incompréhension, qui s'évapora en un quart de seconde pour laisser place à un regard froid.
« - Lâche-moi. »
Elio s'exécuta immédiatement. Gladio recula et nous dévisagea tous les uns après les autres. Son regard s'attarda sur sa sœur, car il attendait sûrement qu'elle le défende. Mais elle n'en fit rien, alors il détourna le regard. Puis, finit par dire :
« - Vous me saoulez tous, je vous laisse entre vous. Répliqua-t-il en retournant en direction de l'entrée de la brèche.
- Non, tu restes ici, c'est trop dangereux ! Lui ordonnai-je en lui attrapant l'avant bras.
- Ne me touche pas toi. »
Il me repoussa violemment. Puis, il s'en alla de nouveau. Mais, à peine fit-il quelques pas, qu'il se stoppa net...et recula d'un autre pas, avant de dire :
« - La...la brume...»
Sans finir sa phrase, il se mit à sprinter dans la direction opposée. Au passage, il attrapa le bras de sa sœur, et la força à se lever avec précipitation, puis à courir. Je les suivis également. Mais je constatai que je n'étais pas moi-même suivi.
Je me stoppai et constatai qu'Elio ne nous suivait pas. Il n'avait pas bougé d'un pouce, mais tenait une HyperBall dans sa main droite. La brume, quant à elle, avançait lentement, et était à une dizaine de mètres de nous.
« - Elio, qu'est-ce que tu fais ? On doit partir ! Et vite ! »
Il pivota légèrement la tête dans ma direction.
« - On ne pourra pas faire que fuir. Je vais vaincre cette chose, récupérer Tili et tous nous sauver. DIt-il déterminé.
- Je suis la Maître, laisse-moi faire et fuis avec les autres ! Lui répliquai-je.
- Non, justement, tu dois rester avec eux en cas de coups durs.
- Je... Commençai-je.
- Allez va-t'en, tu n'arriveras pas à me faire changer d'avis, et tu le sais. Affirma-t-il en se retournant de nouveau contre notre ennemie.
- ...Pardon. »
Et ainsi, je le laissai tout seul. Puis, je rejoignis les autres à contre-cœur.
Ils couraient devant moi, et ne savaient pas encore que nous avions laissé Elio derrière nous. Je craignais la réaction de Gladio.
Soudain, du coin de l'œil, j'aperçus un renfoncement semblable à un autre chemin, que celui unique qui nous empruntions depuis le tout début. Je criai alors :
« - Cachons-nous par là ! »
Ils s'exécutèrent sans broncher, ce qui m'étonna surtout de la part d'une certaine personne. La peur, sans doute, l'empêchait de me contredire.
Gladio s'enfonça le premier, suivie de tout près par Lilie. Contrairement à ce que j'avais pensé au départ, ce n'était pas vraiment un deuxième chemin. Il était bien trop étroit pour s'y faufiler. Mais, ce renfoncement pouvait au moins servir de cachette. Je les rejoignis rapidement. Inconfortablement installé, le regard de Gladio se tourna vers moi, et comme je l'avais prédit, il me demanda :
« - Il est où Elio ? Lança-t-il toujours aussi froidement. »
Cette question me fit me sentir extrêmement mal. Je ne pouvais que lui dire la vérité, non sans crainte.
« - Il a voulu combattre la brume. J'ai essayé de l'en dissuader, mais... il ne m'a pas écouté et m'a dit de partir... »
Je sentais les larmes monter en prononçant ces mots. Le visage de Gladio se déforma de colère. Je pensais qu'il allait me hurler dessus et m'insulter de tous les noms. Mais au lieu de ça, il serra le poing et frappa le mur devant lui, en serrant les dents. Me sentant coupable, je ne pus m'empêcher de répliquer :
« - Je suis désolé. »
Il y eut flottement.
« - Ne t'excuse pas, tu n'as rien fait. Elio est comme ça. »
Je demeurai interdite face à sa réponse si inattendue.
« - C'est moi qui suis désolé pour ce que j'ai dit et fait toute à l'heure. Je suis un abruti. »
Il y eut un autre flottement avant que je ne lui dise :
« - Ne dis pas ça... Merci de t'excuser. Le plus important maintenant, c'est de s'en sortir, tous ensemble.
- Oui, tu as raison. Répondit-il. »
Lilie prit timidement la parole :
« - Que fait-on maintenant Sélène ?
- On reste caché ici et on attend de voir... Commençai-je en la regardant droit dans les yeux. »
Je marquai un temps pendant lequel je croisai brièvement la mine défaite de Gladio. Je détournai alors le regard en poursuivant ma phrase :
« - ...si Elio revient. »
Il n'y eut aucune réponse ni objection. Et nous attendîmes dans le silence le plus total. Mes mains tremblaient, ainsi que l'ensemble de mon corps. Et j'essayais de le cacher tant bien que mal. Tout à coup, une sueur froide coula le long de mon dos.
Parce que je venais de constater que depuis que nous nous étions cachés dans ce renfoncement, il n'y avait eu strictement aucun bruit. Et je ne me souvenais pas en avoir entendu le moindre après avoir quitté Elio, à l'exception de notre course et de ma courte discussion avec Lilie et Gladio.
Était-ce parce que nous étions bien trop loin de "l'affrontement" pour entendre quoi que ce soit ?
Où était-ce parce qu'il n'y avait pas eu d'affrontement, et ce, pour une raison terrifiante ?
La sueur dans mon dos traduisait une malheureuse préférence pour l'une des deux options.
Pour l'heure, je n'espérais qu'une chose que cette brume passe devant nous sans nous apercevoir, pour que l'on puisse quitter cet endroit, et aller chercher de l'aide. C'était mon seul plan. Et il était bancal. Alors, j'attendais, sans un bruit. Observant par là où nous étions entrés pour nous cacher, si j'apercevais ce qui nous pourchassait.
Concentrée, je sentis que l'on me secouait légèrement l'épaule. C'était certainement Lilie, qui était assise à mes côtés. Mais j'ignorais pourquoi elle faisait cela, et tentais de ne pas y prêter attention.
Mais elle insistait. Bien que je préférais garder le silence, je finis par lui chuchoter :
« - Pas maintenant Lilie, je dois rester concentrée.
- Mais.... Gladio a disparu !
- Quoi !?! C'est impossible ! M'exclamai-je en oubliant toute notion de discrétion. »
En me retournant brusquement, je pus effectivement constater que Gladio, qui auparavant était aux côtés de Lilie, s'était volatilisé. Lilie avait les yeux embués de larmes.
« - Lilie, ne te mets pas dans cet état, on va...on va le retrouver. Balbutiai-je peu sûre de moi.
- Mais...comment ? »
Cette simple question me fit l'effet d'une douche froide. Comment ? Je n'en savais strictement rien. Vraiment, vraiment rien.
« - Je ne sais pas encore, mais on va le retrouver. Non, on va tous les retrouver.
- D'accord...»
Elle n'avait pas l'air convaincu, mais semblait bien trop tétanisée pour contester mes propos d'une quelconque manière. Mais une chose était sûre, on ne pouvait pas rester ici.
« - On va pas rester ici, c'est trop dangereux. Avançons plus loin pour trouver une autre cachette.
- Et si on retournait vers l'entrée de la brèche ? »
C'était effectivement tentant, mais bien trop imprudent.
« - Non, c'est trop dangereux. On risque de se faire attraper par la brume... »
Lilia acquiesça finalement. On se leva doucement, les genoux endoloris par le maintien de cette posture recroquevillée. Et nous nous enfonçâmes encore un peu plus loin dans la brèche. Nous nous contentâmes de marcher cette fois-ci, et non de courir. Pour la simple et bonne raison, qu'on avait les jambes en compote, à cause des courses répétées. Je regardais très souvent en arrière pour éviter de nous faire surprendre par cette "chose".
Mais on avait beau marcher, on ne trouvait aucune autre cachette. Et même le simple fait de marcher était difficile. On était tout simplement épuisés. J'ignorais complètement à quelle distance on se trouvait de l'entrée. Probablement, très loin. J'étais en train de réfléchir à une autre solution, pour nous tirer d'affaire. Rien ne me venait à l'esprit, à part ce qu'avait proposé Lilie plus tôt. Mais j'avais beau retourner cette solution dans tous les sens, cela était décidément bien trop risqué. Cette réflexion me fit penser à regarder une nouvelle fois derrière moi, car cela faisait maintenant quelques minutes que je ne l'avais pas fait.
Et lorsque je me retournai, la brume était à peine à un mètre de moi. L'un de ses appendices, n'était qu'à quelques centimètres de l'un de mes bras, prêt à m'attraper.
Je l'esquivai de justesse et me mis à courir directement, en attrapant le poignet de Lilie.
Bon sang ! Quand est-ce que cela allait se terminer !?!
Oui, nous étions encore en train de fuir, de nous éloigner encore davantage... Mais que pouvait-on faire d'autres ? C'était sans espoir ! J'avais envie de m'effondrer au sol devant cette situation désespérée. Ce fut pile à ce moment précis, que nous nous trouvâmes face à un obstacle : une immense cavité dans laquelle il ne fallait absolument pas tomber. Heureusement pour nous, en son centre, il y avait un pilier surplombé de ce qui pourrait s'apparenter à une petite plateforme.
Je me mis à rire nerveusement en me disant que c'était comme si le lieu lui-même répondait à ma question. Mais je n'avais aucune envie de sauter droit dans le trou pour échapper à tout cela. Je me retournai une nouvelle fois pour voir où se trouvait la brume. Elle était à quelques mètres de nous. Nous n'avions pas le choix, il fallait sauter et traverser.
« - Lilie, saute en premier. Je vais tenter de la ralentir.
- Elio voulait faire la même chose, et il a disparu !
- Il voulait la combattre, moi je veux juste lancer des attaques Pokémon pour la ralentir... Sautes en premier, et je te suis juste après ! Allez vite ! »
Sans regarder si Lilie faisait ce que je lui avais dit, je me tournai face à la brume tout en saisissant deux de mes PokéBall. J'eus un soudain flash d'Elio au moment où il avait décidé de faire face à la brume lui aussi.
Je secouai vivement la tête en chassant ce souvenir de mon esprit, car le temps pressait. J'envoyai immédiatement deux de mes Pokémon.
« - Félinferno ! Togedemaru ! Je compte sur vous ! »
Mes deux fidèles Pokémon apparurent à mes côtés. J'aurais préféré envoyer Lunala qui était le plus puissant de mes compagnons, mais l'espace dans cette brèche était trop restreint. Autrement, je l'aurais déjà appelé pour nous faire traverser en sécurité.
Une brève analyse me fit penser que des attaques à distance étaient plus prudentes pour faire face à cette créature inconnue.
« - Félinferno, Lance-Flamme ! Togedemaru utilise Tonnerre ! »
Les deux attaques atteignirent la brume et semblèrent la traverser. Tout à coup, à ma grande surprise, la brume s'évapora, laissant place à un amas de Pokémon. Ces Pokémon qui étaient tous de la même espèce, ressemblaient fortement à des Viskuses. Cependant, ils avaient quelques différences avec les Viskuse que je connaissais déjà. Ceux-ci n'étaient ni roses, ni bleus. Ils étaient tous violets, comme l'Ultra-Brèche.
Cette étrange brume n'était que des Pokémon, je pouvais en venir à bout ! En tant que Maître, j'avais combattu des Pokémon bien plus forts que ceux-ci. Je pouvais désormais entreprendre des attaques au corps-à-corps, sans aucune crainte.
« - Félinferno utilise Dark Lariat ! Et toi Togedemaru, frappe-les avec Electripik ! »
Mes deux fidèles compagnons frappèrent la foule de Pokémon avec puissance formant un trou à l'intérieur. Mais à part cela, les créatures ne sourcillèrent pas plus que ça.
Un frisson me parcourut soudainement. Elles étaient bien trop nombreuses. Cela revenait à jeter une allumette au milieu d'un troupeau de Fermite. Deux simples attaques n'allaient pas suffire à en venir à bout.
« - Félinferno ! Togedemaru ! Utilisez encore...Quoi ?! »
Alors que j'intimais de nouveaux ordres à mes Pokémon, les Viskuse formèrent un cercle autour de Felinferno et Togedemaru, et ils tournèrent autour d'eux. Le visage des créatures affichait toujours la même expression, ce qui rendait leurs intentions indéchiffrables.
Et avant que je ne puisse réagir, les Viskuse fondirent sur Félinferno et Togedemaru.
J'étais sidérée par ce qu'il se passait. Je m'apprêtais à me saisir d'une nouvelle PokéBall, quand l'amas de créatures s'écarta. Félinferno et Togedemaru étaient toujours là. Qu'est-ce que cela signifiait ?
Mes deux amis se retournèrent doucement vers moi.
« - Félinferno...Togedemaru...Tout va bien ? Hésitai-je. »
Je vis alors leurs visages. Ils affichaient la même expression que les Viskuse : les yeux grands ouverts assorti d'un demi-sourire inquiétant. Je fus pris une nouvelle fois d'un sentiment de peur intense et inexpliqué. Comme lorsque que l'on s'était approché de la brèche.
Tous commencèrent à avancer vers moi, tout doucement. Je n'avais pas le choix.
Je me retournai vers la cavité, bien décidée à la traverser, telle était mon intention de départ. Je vis que Lilie avait réussi à traverser et m'attendait. Je lui fis signe de partir devant.
Sans me retourner de nouveau, je pris un grand élan pour sauter sur l'unique plateforme. Je n'étais même pas sûre d'être capable de l'atteindre. Elle semblait si loin. Mais si Lilie y était parvenue... Pourquoi pas moi ?
Je courus, puis lorsque mes pieds atteignirent le bord du trou. Je pris appui et me propulsai à l'aide de mes jambes pour sauter le plus haut et loin possible. Je priai intérieurement pour ne pas tomber.
Je me dirigerai assurément vers l'unique plate-forme. Mais tout à coup, je sentis un violent choc électrique dans le milieu de mon dos, ainsi que des pointes qui semblaient s'enfoncer. "L'attaque" me fit perdre mon élan. Avec horreur, je me vis alors chuter droit vide, attirée par la gravité.
Dans ma chute, mon corps se retourna, ce qui me permit de comprendre que c'était Togedemaru qui m'avait frappé. Il n'était clairement pas dans son état normal.
Quel était ce foutu endroit !?! Une usine à monstres ?
La chute fut longue et sembla interminable. La vitesse de ma chute augmentait progressivement, provoquant en moi un mélange de vertige et d'adrénaline. Puis, je vis le sol se rapprocher dangereusement.
Puis, je vis le sol se rapprocher dangereusement
Ma vision était floue. Etais-je encore vie ?
Je tentais vainement de bouger, sans succès. J'en étais incapable.
J'avais mal partout.
La chute avait été violente. Les membres de mon corps étaient lourds et engourdis. Chaque petit mouvement provoquait une douleur intense. Mon dos avait l'air particulièrement touché, me faisant ressentir une sensation de brûlure qui se propageait le long de ma colonne vertébrale. Ma tête tournait légèrement, rendant difficile de se concentrer sur autre chose que la douleur qui ne semblait pas s'atténuer.
L'idée de ne plus jamais pouvoir bouger était oppressante, et chaque pensée associée à cette idée me faisait ressentir une certaine anxiété. Je me sentais extrêmement vulnérable.
Dans ma vision toujours embrumée, je vis une petite tache violette se dessiner peu à peu, devenant progressivement de plus en plus grosse. J'aurais pu penser que ma vue s'endommageait à cause du choc dû à la chute, mais si cela avait été le cas, c'est une tache noire que je verrais, pas une tâche colorée.
Non, cette tâche ne venait pas de mes propres yeux. C'était quelque chose que je voyais, très mal, et qui était en mouvement.
Mais peu à peu, ma vue se rétablissait me laissant comprendre ce qui possiblement m'attendait.
La tache violette que j'apercevais depuis quelques minutes, c'était l'un des Viskuse, si tenté qu'il en était réellement un. Car j'avais de sérieux doutes.
Il s'approchait encore et encore, sans que je ne puisse y faire quoi que soit, impuissante. Il fut finalement à un seul petit mètre de moi. Il dirigea les deux appendices qui lui servaient de bras, et les fixa autour de ma tête. Dès lors, il fut entouré d'une vive lumière.
Je voulais me défendre, mais les mots semblaient se perdre dans un brouillard épais. Qu'est-ce que je voulais dire déjà ? Je me concentrais, mais les idées semblaient floues et désordonnées, tournant en boucle dans ma tête.
Réfléchir, je ne pouvais pas. Tout semblait se mélanger, comme si mon esprit était en train de se déchirer en morceaux. Les souvenirs semblaient flotter dans l'air, hors de portée de ma conscience. Les émotions se bousculaient, les pensées s'entrecroisaient, et tout devenait de plus en plus confus.
Je me rendais compte que mon esprit glissait peu à peu hors de mon contrôle. Les mots se faisaient de plus en plus rares, et chaque pensée semblait de plus en plus éloignée de la précédente. Il y avait des idées qui lévitaient dans ma tête, mais je ne pouvais pas les attraper, comme des Papilusion insaisissables.
La confusion s'empara de moi, et je me senti submergé par une profonde tristesse. J'avais l'impression de me noyer dans un océan d'informations, sans savoir comment trouver la surface. Mon esprit se vidait peu à peu, et je ne pouvais rien faire pour l'arrêter.
Je...
Il...
Non...
***
Je...Je flottais...comme dans un doux rêve. Je ne pouvais pas bouger. Je n'étais que conscience.
Devant moi, il y avait ...comme une forme de vision. Et dans cette vision, je reconnaissais l'autel de la Lune par lequel nous étions tous passés avant de nous rendre à la brèche. Et je vis la Professeure Pimprenelle. Que faisait-elle ici ?
La vision semblait se rapprocher d'elle. Je pus alors entendre avec difficulté une conversation, que la Professeure semblait avoir au téléphone avec quelqu'un d'autre.
« - Ecoute, je suis venue sur place comme tu me l'as dit, mais il n'y a personne. Cela fait presque plus de 48 heures, qu'ils sont partis en exploration. Je vais devoir contacter les autorités et...Oh vous voilà ! Je me suis fait un sang d'encre ! S'exclama-t-elle en raccrochant aussitôt.
- Je suis navrée, nous n'avons pas trouvé votre assistante. Répondit de façon peu naturelle une voix qui m'était familière.
- Est-ce que tout va bien, Sélène ? Tu as l'air étrange.
- Non, il n'y a rien d'étrange, juste un peu de fatigue.
- D'accord...Bon, je vais contacter la Police d'Alola pour signaler la disparition de mon assistante. J'en ai pour quelques minutes, on partira après.
- Nous vous attendons. »
C'était ma voix, mais ce n'étais pas moi qui parlait... Je vis la Professeure se retourner, puis composer un numéro sur son téléphone.
La "vision" se rapprocha de nouveau en direction de la jeune femme. Je vis, cette fois-ci, des bras tendus en direction d'elle, plus précisément des bras recouverts pas une sorte de combinaison que je mis peu de temps à reconnaître. Je compris alors avec terreur que je voyais ce qui se déroulait à travers mes propres yeux, mais que ce n'était pas moi qui contrôlais ni ma voix, ni mon corps. C'était sûrement l'esprit de cette chose que j'avais vu avant de sombrer.
La vision se rapprochait encore, toujours aussi lentement, avec toujours les bras tendus que je ne contrôlait toujours pas. Je pouvais ressentir le danger ambiant. J'avais envie de hurler et d'avertir la Professeure. J'essayais de mobiliser toutes mes forces mentales pour lutter ou reprendre le contrôle. En vain.
J'étais prisonnière de mon propre corps. Je ne pus même pas me détourner de ce que cette vision me renvoyait et j'étais contrainte d'assister à cette agression.
Puis, finalement, tout devint à nouveau flou.
***
À partir de ce moment-là, je basculais constamment de la conscience à l'inconscience
La région d'Alola se fit progressivement posséder par l'esprit de ces créatures. Et ce, jusqu'à ce que, plus aucun être humain ne demeure maître de son corps.
Et je savais pertinemment que cela ne s'arrêterait pas là, que la mer ne constituerait pas un obstacle pour ces monstres.
La seule chose qui me réjouissait, était que ma conscience semblait finalement s'effacer, et ce, définitivement. Je n'aurais pas supporté d'assister à la fin inévitable de ce monde. Cette fin que j'avais en quelque sorte provoquée en permettant à ces créatures de quitter leur dimension.