For a New World de Maski

Le museau collé au sol, Posipi suivait la piste de Spectrollet de très près. Hormis des Marquilon, Sam fut étonnée de ne pas être attaquée par des Sangliss. Il faut dire qu'avec le soleil qui approchait de son zénith, il commençait à faire chaud. Les sangsues préféraient sans doute se reposer à l'ombre en attendant que la température diminue.

« Ce n'est pas dans tes habitudes de réagir aussi impulsivement. Qu'est-ce qui t'es passé par la tête ? » lui demanda la jeune fille.

Mais le rongeur refusa une fois de plus de lui répondre et continua ses recherches. Sam devina qu'il ne lâcherait ni la piste ni une quelconque réponse tant qu'ils n'auraient pas retrouvé Spectrollet.


Cela faisait maintenant une heure que Spectrollet avait disparu. Après avoir écouté (et traduit) les paroles de Négapi, Lunick s'était attendu à une réaction de la part de Panéma. Mais la jeune scientifique avait lâché un simple '' je vois '' et était allée s'asseoir au bord de la rivière. Alors, le Ranger s'était mis à inspecter inutilement toutes les torches, à ajouter des bâtons à leur réserve déjà suffisante de bois, tout en priant pour que leurs amis reviennent sains et saufs.

Il ne cachait pas son inquiétude quant à la suite de leur voyage à Solaris et son découragement à mener à bien leur mission. Il ne les croyait plus du tout capables de protéger Panéma jusqu'à ce qu'elle rentre à Oblivia, les informations qu'ils étaient venus chercher soigneusement conciliées dans son ordinateur.
Le moral du groupe était au point mort.

Négapi aurait voulu faire quelque chose pour leur redonner espoir mais il savait pertinemment que ses paroles seraient veines. Lui n'avait pas vraiment envie d'abandonner. Il voulait montrer aux Pokémon de cette région qu'ils pouvaient cohabiter avec certains humains, qu'il ne fallait pas attaquer le moindre bipède qu'ils voyaient. En tant que Pokémon Partenaire, il considérait que laisser des Hommes causer du tord à ses semblables était un terrible échec à sa mission. Il se sentait investi des mêmes obligations et responsabilités que son Dresseur.

Il se rappela alors du Myota, qui n'avait pas bougé d'un poil. Lui, qu'ils rentrent à Oblivia ou pas, ils l'emmèneraient et son cas ne s'arrangerait pas de si tôt. Pokémon et humains lui faisaient peur. Malgré la situation peu joyeuse, Négapi arbora une fois de plus un sourire et s'assit à côté du Pokémon Eau. Il lui demanda s'il avait mal quelque part, s'il avait faim ou soif. Aucune réponse. Sans se décourager, Négapi se mit à lui parler de tout et de rien, de la couleur de l'herbe dans la forêt à sa nourriture préférée. Il s'attarda bien sur le goût exquis des baies Mago très enroulées, au point de pouvoir presque sentir leur chair sucrée dans sa bouche.

Le Myota restait de marbre. Découragé, la souris abandonna son sourire et son monologue pour fixer le ciel.

'' Dis, tu avais une maman avant ? ''

Le Myota tourna la tête vers lui.

'' Je faisais tout le temps des bêtises. Contrairement à mes frères et sœurs, je n’avais pas envie de quitter mes parents. J’étais bien avec eux. Et puis un jour, je me suis réveillé tout seul dans la forêt. Ils m'avaient abandonné. ''

Il savait que le Myota l'écoutait attentivement. Le Pokémon Eau était surpris que des parents abandonnent ainsi leur progéniture.

'' J'ai été obligé de me débrouiller par moi-même. Je savais ce que je pouvais manger, je savais trouver de l'eau et des abris. Mais j'ai du apprendre à me défendre tout seul et à vivre sans personne pour me consoler ou me réchauffer. C'était dur au début mais je m'y suis fait. ''

Un hiver, cherchant un peu de chaleur et de nourriture, Négapi avait fait ses premiers pas dans une ville avant de s'y installer. Il lui conta comment, quelques mois après, il s'était fait poursuivre par un Démolosse, avait rencontré Lunick et ainsi trouvé un nouveau foyer. Maintenant, il n’échangerait sa vie actuelle pour rien au monde.

Le Myota était un peu surpris. Négapi préférait le danger à une existence paisible.

'' Elle … Elle te manque, ta maman à toi ? ''

La souris manqua de sursauter. Enfin. C'était la première fois que le Myota lui adressait la parole de son plein gré ! Négapi se retint de bondir de joie. Il lui répondit le plus calmement possible que oui et non.
L'idée de revoir ses parents ne l'attirait pas plus que ça mais il aimerait avoir de leurs nouvelles de temps en temps. La plupart des Pokémon, sauf quand ils vivaient en groupes, ne se préoccupaient pas vraiment de leurs parents ou fratrie une fois adultes.
Le Myota s'en étonna silencieusement, du moins c'est ce que Négapi supposa.

'' On a vite nos propres problèmes. De toute façon, on est généralement trop loin et trop occupés pour s'inquiéter pour nos parents. Certains ont même déjà des petits. Moi aussi, j'ai ma propre famille maintenant. ''

Pour la première fois, le bébé se demanda ce qu'il allait faire lui, puisqu'il n'avait plus de famille. Il ne se sentait pas capable de vivre seul comme les autres Pokémon. Il avait trop peur et les câlins de sa mère lui manquaient cruellement.

'' … Comment on trouve une nouvelle famille ? ''

Négapi ne s'attendait pas à une telle interrogation. A vrai dire, ce n'était pas étonnant venant d'un si jeune Pokémon.
La souris répondit simplement qu'il fallait avoir de la chance. Il rassura le Myota en ajoutant que tant qu’il serait avec eux, ils le protégeraient.


Spectrollet était étonné de ne pas s'être fait attaquer. Il ne savais pas depuis combien de temps il errait seul entre les arbres, mais aucun Pokémon, pas même un Marquilon, n'était venu le déranger. Les Sangliss le fuyaient. Il avait aussi croisé quelques quadrupèdes marron qui l'observaient de loin. Spectrollet connaissait bien ces Pokémon bruyants, dont le moindre mouvement faisait tinter l'objet rond et creux qui pendait à leur cou : ils venaient parfois se réfugier dans les buissons autour de son usine. Comme ces créatures timides le détectaient de très loin, il n'avait vu que leurs silhouettes. Ils se fuyaient mutuellement, de peur d'être agressés.

Spectrollet se retrouva devant une petite mare à l'eau verdâtre. Cela lui rappela les Laidille et leur intérêt inexpliqué pour l'étang opaque. Il jeta quelques regards aux alentours et attendit quelques instants avant de s'approcher du liquide. Il regarda la mare. A cause de ces espèces de minuscules feuilles il ne voyait pas ce qu'il y avait sous l'eau. Peu importe. Il s'assit à côté en soupirant. Il ne savait pas quoi faire ni où aller maintenant. Il n'avait pas vraiment envie de retourner dans son ancien refuge.

Soudain le tapis de végétation trembla. Quelque chose venait de bouger quelques centimètres plus loin. Curieux, il flotta vers la mare et l'observa plus attentivement.

Une tache noire se posa non loin de lui. Il en avait déjà vues car ces choses venaient souvent l'embêter en lui tournant autour, surtout quand il avait plu quelques jours avant. Qu'est-ce qu'elles étaient agaçantes ! Sam appelait ces bestioles horripilantes, qu'il transformait aisément en cendres, des '' mouches ''.

L'une d'entre elles se posa justement sur une feuille à la surface de l'eau. L'instant d'après, toutes les deux disparurent dans un '' plouc ! '' à la vitesse de l'éclair. Spectrollet n'y comprenait rien. Ca sait nager une mouche ?
Il éteignit un de ses fers et en approcha le bout d'une feuille, près de là où l'insecte se trouvait juste avant. Il frôla à peine le végétal que quelque chose tenta de se saisir de lui. Il s'écarta d'un seul coup. Il y avait bien quelque chose là dessous !

Ce lâche se cachait dans l'eau, sous le tapis vert ! Croyant que le Pokémon se moquait de sa méfiance envers l'élément aquatique, Spectrollet s'énerva. Pas question de montrer sa faiblesse ! Il inspira et un jet de flammes survola la surface de l'eau, brûlant les cachettes végétales de la mystérieuse chose.

La réplique ne tarda pas à venir : des sphères vertes foncèrent sur Spectrollet. Le fantôme se retrouva barbouillé d'une substance collante qui ralentissait ses mouvements. Il fixa la mare, cherchant du regard des déplacements ennemis. Une forme allongée traversa son champ de vision.

Son Lance-Flammes rata l'insecte de peu, le faisant jaillir hors de l'eau. Dans les airs, il était vulnérable. Spectrollet en profita pour lui envoyer un autre jet ardent. L'insecte turquoise à tête jaune se défendit en projetant une Vibraqua. Le choc produisit une buée qui enveloppa le champ de bataille. Lorsqu'elle se dissipa, il devina que son ennemi y avait échappé.

Rester sur ses gardes. Observer mais aussi écouter et sentir. Spectrollet ne laissa rien paraître du feu qu'il cachait entre ses crocs fantomatiques. Ce matin, Sam lui avait donné un conseil : '' Sers-toi de ton museau comme d'un viseur. Dès qu'il est aligné avec ta cible, attaque en relevant légèrement la tête. ''

Encore une Vibraqua. Cette fois, Spectrollet l'évita. Il n'avait pas envie de perdre sa cible de vue. Le Lance-Flammes fit mouche, arrachant un gémissement à l'insecte qui s'enfuit à toute vitesse. Un deuxième assaut eut raison du Pokémon Aquatique.
Spectrollet ne put retenir un petit cri de victoire. Cet instant de déconcentration lui coûta cher : deux Vibraqua l'envoyèrent à terre. Le temps de se relever, des bulles blanchâtre lui éclatèrent à la figure. De la bave recouvrit ses yeux. D’autres insectes le bombardaient.

Le fantôme esquiva tant bien que mal, essayant de contrer quelques boules d'eau. S'il parvenait à en toucher certaines grâce à l'astuce de Sam, le recul provoqué par sa propre capacité l'handicapait. Pourtant, cela ne lui avait pas posé problème contre les Laidille hier. La Ranger avait raison de penser qu'un entraînement immobile était nécessaire.

Comme Spectrollet s'était éloigné de la mare, un insecte sortit la tête de l'eau. Aussitôt, il replongea, décrivit un petit cercle et prépara une nouvelle attaque. Le crocodile avait bien vu son manège et riposta aussitôt. Le Pokémon sauvage fut touché mais luttait vaillamment.

La même chose se produisit avec ses congénères. Décidément, ils étaient têtus ! Néanmoins, le spectre était content. C'était un excellent entraînement pour lui. Petit à petit, la précision de son Lance-Flammes et de son Vibrobscur s'améliorait. Tant qu'il bougeait suffisamment du moins.

Il cherchait encore d'où venait son problème de recul quand une forte lueur attira son attention. Un insecte chargeait une Vibraqua. La sphère d'eau grossissait à vue d'oeil, son diamètre dépassant la longueur de son utilisateur. Il comptait vraiment employer une telle attaque ? Rien qu'en la préparant, le Pokémon était obligé de nager pour ne pas être repoussé par l'énergie que dégageait la Vibraqua. Jamais il n'atteindrait sa cible, le recul était trop important !

Spectrollet n'évita qu'au dernier moment la sphère d'énergie. Il n'avait pas pu détacher son regard de l'insecte. Maintenant, il savait comment faire pour ne pas être repoussé par sa propre attaque.

Le crocodile recula la tête autant qu'il le pouvait. Son regard attentif ne manqua pas les mouvements de l'insecte. Au moment où le spectre tendait sa tête vers l'avant, les flammes transpercèrent la surface de l'eau, arrachant le petit animal à son milieu de vie.
Spectrollet constata avec contentement qu'il avait à peine bougé. Le souffle l'avait forcé à reculer la tête mais son corps était resté au même endroit.