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Une lumière dans les ténèbres de oska-nais



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» Auteur : oska-nais - Voir le profil
» Créé le 02/07/2024 à 19:57
» Dernière mise à jour le 02/07/2024 à 19:57

» Mots-clés :   Absence de combats   Amitié   Famille   Johto   Organisation criminelle

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Ce qui fait une famille
Chapitre 6 : Ce qui fait une famille

C’était étrange, d’avoir des gens qui pensaient à lui. Silver n’avait pas eu ça depuis longtemps. Il y avait une place pour lui à la table branlante, à côté de Laura, avec un plateau, des tartines et un bol de café. Il soupçonnait que Laura avait mis beaucoup plus de lait que de café, en se basant sur la couleur du liquide. Krys et elle le regardaient, et il se sentit soudain timide, comme jamais auparavant. Il dansait d’un pied sur l’autre, et ne savait pas où se mettre. Pourquoi est-ce qu’il se sentait embarrassé comme ça ? Il n’aurait pas dû se sentir embarrassé comme ça ! Il était le fils de Giovanni, et, en tant que tel, il ne devait pas avoir honte, et ne jamais, jamais avoir peur. Et voilà qu’il montrait sa nervosité devant des gens qu’il connaissait à peine ?
(Ressaisis-toi, Silver.)

Il s’assit sur la chaise vide, et, sans dire un mot, commença à boire le café qui était dans le bol. Comme il s’en était douté, c’était beaucoup plus de lait que de café. Cela l’arrangeait, étant donné qu’il détestait tout ce qui était amer, mais cela ne remplissait les conditions qu’il avait posées que techniquement parlant. Cela dit, il pouvait parler, lui, il ne s’était pas couché beaucoup plus tôt qu’hier, même s’il avait tout de même fait un effort. Il jeta un regard noir à Laura, en lui faisant bien comprendre qu’il avait remarqué sa combine. Laura, cette adulte insupportable, lui fit un sourire prétentieux. Il lui tira la langue, et elle se mit à pouffer. En réponse, il prit une grande gorgée de café en faisant exprès de l’ignorer. Si elle voulait se moquer de lui, il ne lui ferait pas la satisfaction de lui répondre. (Il se sentait moins stressé. Prétendre qu’il était mieux que tout le monde, ça, il savait faire. C’était quelque chose de familier, et de rassurant)
(Tu lui as déjà répondu en agissant comme un gamin. Tu es vraiment une honte, pas étonnant que ton père refuse de te parler si c’est ce qu’il voit à chaque fois.)
(Son stress remonta d’un cran. Il ne pouvait pas se permettre d’agir comme un enfant, il était trop vieux pour ça.)

Alors qu’il se préparait quelques tartines, il écouta distraitement la conversation qu’avaient Krys et Laura juste à côté de lui. Ils parlaient de choses et d’autres, notamment de la relation compliquée que Krys avait avec sa propre famille, et comment son appartenance à la Team Rocket avait été à l’origine d’un conflit qui n’était pas encore réglé. Les parents de Krys s’inquiétaient pour lui et voulaient qu’il s’éloigne le plus vite possible, mais Krys ne voulait pas les mettre en danger.

En écoutant la conversation, une sensation étrange naquit dans son ventre, la même qu’il avait ressenti en regardant l’Absol et la Némélios dans la cage le jour précédent.
C’était un mélange de mélancolie, un pincement au cœur et une sensation amère dans sa bouche, un assèchement dans sa gorge qui ne voulait pas partir.
C’était une chaleur juste suffisamment chaude pour être brûlante, une colère qui paraissait n’avoir aucune cause directe, et accompagnée de ce sentiment d’injustice, ce « pourquoi moi ? » qui, selon son père, était une marque des esprits faibles qui se plaignaient de leur sort au lieu de se battre.
C’était de l’envie, de la jalousie, car de quoi il se plaignait, ses parents s’inquiétaient pour lui, eux, alors qu’il savait qu’il n’était pas juste envers lui.

(J’aurais envie d’avoir un père comme celui de Krys)

Et, pourtant, il ressentait de la compassion pour Krys, car il avait vécu quelque chose de semblable, qui l’avait forcé à grandir trop vite, car les grands garçons ne pleuraient pas. Il savait ce que ça faisait de perdre un parent. Il connaissait encore mieux ces mois interminables, anxiogènes, attendant que la fin arrive, après qu’on lui ait dit les pronostics de survie.
Et Krys était constamment coincé dans cette période, à attendre que quelque chose se passe.
Il aurait envie de pouvoir rassurer Krys, en lui disant que son père ne ferait jamais ça, qu’il n’était pas comme ça, et que, s’il voulait, Krys pouvait partir pour retrouver ses parents, mais, -et c’était horrible -, il ne savait pas ce que son père ferait, car il n’était pas en train de l’espionner toute la journée, et il ne le connaissait pas. Plus vraiment.

Quand Silver revint vers la conversation, ils avaient déjà changé de sujet, et parlaient de… L’Absol et la Némélios ? Est-ce que c’était un sujet de conversation récurrent, chez eux ? Ah, non, ils étaient juste en train de parler de comment Silver avait passé quelques heures avec Laura dans la salle de surveillance.

- Ce soir, j’ai mon tour de garde dans la salle de surveillance de la Némélios, dit Krys.

(S’il se souvenait bien, il devait y avoir tout le temps quelqu’un dans la salle à côté de la Némélios, étant donné qu’elle était vieille et avait donc plus de risques au niveau de sa santé. Ils ne pouvaient pas se permettre de la laisser mourir. Ils trouvaient suffisamment peu de Pokémon chromatiques comme ça, alors des Pokémon chromatiques et originaires d’une région lointaine ? N’en parlons même pas.)

- Oooh. (C’était Laura) Est-ce que je peux venir ? (Pardon ?) Je vais m’ennuyer sinon.

Est-ce que ça arrivait souvent ? Est-ce qu’elle passait son temps à faire tout sauf son travail ? Et personne ne lui disait rien ? Là, tout de suite, Silver avait vraiment envie d’aller taper sur la tête des agents de sécurité.

- Tu risques de te faire prendre ! Lui répondit Krys, en faisant un mouvement de la tête vers Silver comme pour lui dire « souviens-toi de qui est en train de nous écouter », et, d’accord, en fait ce n’était pas courant pour Laura, ou du moins, ce n’était pas courant qu’elle le fasse, même si elle semblait en parler souvent.

- Et vous faites quoi de votre journée, du coup ? Demanda Silver.

Les deux adultes le regardèrent pendant deux secondes, une pause courte, révélant qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’il s’incruste dans leur conversation, ou du moins pas aussi tôt. Puis Laura prit la parole.

- Il (Elle pointa Krys du doigt) s’occupe des Pokémon, vérifie que tout va bien de leur côté, et, moi (cette fois elle se pointa elle-même du doigt), je suis en charge de réparer les appareils quand ils fonctionnent mal – ce qui est souvent, d’ailleurs -. De temps en temps, je dois faire un tour de garde obligatoire dans la salle de surveillance à côté de la Némélios, pour être juste à côté si quelque chose tourne mal. Krys aussi d’ailleurs, même s’il n’y a pas vraiment d’ordre défini, on s’arrange pour les horaires sur un document partagé en avance. Giovanni nous a juste dit « vous avez ça à faire, débrouillez-vous. » , et c’est ce qu’on a fait. En général, Krys et moi, on se cherche des horaires à la suite, pour pouvoir se croiser, même si ce n’est pas toujours possible.

Ah, c’est vrai que son père détestait devoir organiser son emploi du temps. Il avait… oublié ça. Et… plein d’autre choses concernant son père aussi, maintenant qu’il y repensait.

- Et toi, qu’est-ce que tu fais ? Lui demanda Krys

- Je… Je me ballade dans les couloirs. Je lis des bouquins. J’espionne des gens. Je… ne fais pas grand-chose d’autre.
(Il n’allait pas parler de son petit coin du dehors, ni des fleurs qu’il essayait de faire pousser pour sa mère dans le petit carré de verdure). Mais… peut-être qu’ils s’y connaissaient en jardinage ? C’était une opportunité pour s’informer.
- Je m’intéresse aussi à comment faire pousser des ancolies naines. Vous savez comment on fait ?

Laura haussa les épaules, et Krys rajouta un « Non, désolé. »
Silver était un peu déçu, mais, en même temps, ce n’était pas vraiment étonnant.

- Bon, ben dans ce cas je vais aller faire des recherches. Peut-être que je viendrai embêter Krys pour venir regarder les deux Pokémon ! À toute !
Et, sur ces mots, il se leva et partit. Il n’allait pas être capable de s’occuper des fleurs s’il ne faisait rien.

*************
Émelie avait commencé à faire sa toilette. Krys n’était pas encore passé pour leur donner à manger, et Yuro dormait encore. Émelie n’avait pas envie de le réveiller - il avait besoin de sommeil, le petit- alors elle profitait des premières heures de la journée toute seule. Ce n’était pas forcément une mauvaise chose, même si elle aimait la compagnie de Yuro. Elle aimait bien s’installer sur le sol et se perdre dans ses pensées, et s’inventait des histoires. Elle le faisait déjà avant, mais elle avait commencé à le faire souvent quand elle avait été capturée et emprisonnée.

Parfois, elle inventait des histoires dans lesquelles elle s’échappait et retrouvait la famille de son dresseur. Parfois, elle s’imaginait choisir un dresseur qui avait l’air d’être quelqu’un de bien et finir sa vie dans une maison où elle serait choyée. Elle ne pensait que rarement à des scénarios où elle finissait dans la nature, comme les Pokémon sauvages. Elle aimait la nature, mais elle avait vécu toute sa vie dans une maison ou sur les routes avec un dresseur qui lui donnait à manger. Elle n’avait jamais appris à chasser ou à trouver des points d’eau, et elle n’était pas sûre de savoir apprendre sur le tas, à son âge. Et, même si elle le pouvait, elle n’était même pas sûre de le vouloir. Elle aimait dormir à la belle étoile durant les voyages, mais elle préférait de loin le panier qu’elle avait à leur maison, et rien n’était aussi confortable que le canapé qu’elle squattait quand personne n’était là pour la réprimander. Mais, ce n’était pas la seule raison. Quelque part, tout au fond d’elle, elle savait que, peu importe où elle irait, rien n’aurait tout à fait ce sentiment qu’elle avait d’être chez elle, sans Léon à ses côtés. - Par tous les Légendaires, il lui manquait ! -

Ça faisait mal, de perdre quelqu’un. Et ça continuait de faire mal pendant très, très longtemps. Ça ne faisait plus si mal maintenant, mais, cela arrivait toujours que parfois, la douleur la prenne à la gorge et l’étouffe. La plupart du temps, cela dit, ce n’était plus qu’une douleur sourde, un manque qui planait sur ses journées comme les nuages dans un ciel d’orage. Ça faisait toujours mal, mais, maintenant, la douleur ne paraissait pas être la fin de tout. Elle avait dépassé le stade où tout son univers était réduit à la douleur et les ruines de ce qui avait été, et il restait une certaine mélancolie, une certaine douleur, mais elle arrivait de nouveau à profiter des moments de joie quand elle pouvait.

Avoir quelqu’un avec qui discuter aidait aussi avec le reste du désespoir, celui qui venait de l’emprisonnement et pas du deuil, cela allait sans dire. Elle n’allait pas déballer toutes ses expériences traumatisantes sur Yuro, car il était un enfant, et que ce n’était pas son rôle de servir de support émotionnel, mais rien que lui parler, peu importe de quoi, rien que le fait de ne plus être seule était déjà d’une grande aide.

Après avoir terminé sa toilette, elle se leva et fit des étirements. Ses muscles douloureux protestèrent, mais cela lui permettrait d’arriver à mieux bouger plus tard. Puis, elle commença à marcher, et à faire des tours de cage. Ça aurait été trop facile de se laisser tomber et d’abandonner. Elle l’avait déjà fait à un moment, quand elle était au plus mal. Cette période avait sans doute été la plus difficile de sa vie, et elle avait du mal à y repenser. Elle avait encore du chemin à faire, mais elle allait mieux, et c’était déjà ça de pris.

Yuro bâilla en se réveillant quelques minutes plus tard. Il jeta un coup d’œil aux alentours, puis, quand ses yeux la trouvèrent, ils parurent perdre de cette anxiété constante qui était tellement enracinée qu’elle paraissait faire partie intégrante de lui.

- Salut Émelie, ça va ?

- Ça va, ça va. Et toi ?

Ses oreilles se baissèrent de quelques centimètres, avant que Yuro ne les force à remonter. Il n’allait pas bien, donc.

- Ça va.

Émelie pencha sa tête sur le côté, lui demandant silencieusement de continuer. Yuro la regarda d’un air confus. Oh, peut-être qu’elle aurait dû clarifier ce qu’elle voulait dire.

- Ça n’a pas l’air d’aller, c’est ce que je voulais dire. Tu n’as pas besoin de faire semblant, tu sais ? Et, si tu veux bien accepter des conseils d’une vieille Némélios, je peux aussi écouter si tu as besoin d’en parler. Je suis loin d’être une psy, mais…

- C’est quoi une « psy » ?

- Euh… Alors. Les psys sont des humains dont le rôle est d’écouter et d’aider d’autres humains dans leurs problèmes émotionnels, de ce que j’ai compris.

- Oh. Hmm… Surprenamment, c’est une bonne idée. Il faudrait qu’on ait ça, nous aussi. Oh, pardon, je t’ai coupé la parole, tu disais quoi, déjà ?

- Je disais que si tu avais besoin de parler, je pouvais t’écouter.

Yuro la regarda pendant quelques secondes, puis, il détourna le museau et poussa un long soupir. Quelques secondes passèrent, puis Émelie entendit un reniflement. Yuro se retourna vers elle et elle vit les larmes perler au coin de ses yeux.

- J’ai fait un cauchemar, cette nuit, lui avoua-t’il d’une voix tremblante. C’était sur des… choses qui se sont passées dans ma vie. Avec d’autres Absol… et avec ma mère. Je n’aime pas vraiment en parler parce que c’est … (sa voix se brisa) difficile. Et je sais, quelque part, que ce qui m’est arrivé n’est pas juste, mais… Je ne sais pas.

Il prit une pause dans son récit, puis, inspira, expira.

- À chaque fois que je l’ai dit à quelqu’un que les autres Absol me faisaient du mal, on m’a répondu qu’ils ne faisaient que jouer, mais je sais que ça n’était pas le cas car j’ai vu les autres Absol jouer ensemble. Ils avaient l’air heureux. Quand ils se battaient entre eux, ils faisaient semblant. Pas avec moi.
(Un sanglot lui secoua les épaules, et il prit plusieurs grandes inspirations avant de continuer. Émelie sentit son cœur se briser.)
- Et… ma mère, elle… Elle- elle-
(Il éclata en sanglots, et elle se blottit à ses côtés, et lui murmurant des mots doux à l’oreille. Elle ne savait pas comment faire, comment l’aider.)

- Tu peux t’arrêter, si c’est trop dur pour toi. Tu n’es pas obligé de te forcer à tout raconter pour moi.

Il lui jeta un regard fatigué.

« J’ai besoin d’en parler. Pour que quelqu’un me dise ce qu’il en pense, parce que… Je suis juste hypersensible, pas vrai ? (Son ton, cette fois, cachait de la douleur sous une dose de sarcasme sec) Si je me plains que ma mère me dit des choses horribles je devrais juste être content qu’elle m’ait gardé, parce que j’étais un enfant compliqué, pas vrai ? Et si je lui dis qu’elle me fait mal quand elle me dit que je ne serai jamais capable de survivre tout seul si je continues comme ça, alors j’exagère. Et si je n’aime pas voir le sang et que ça me donne envie de vomir, je mens car ce n’est pas possible qu’un Absol ne supporte pas la vue du sang.
Et si elle me crie dessus à la moindre faute quand elle se lève de la mauvaise patte, c’est de ma faute, pas la sienne, car je n’ai pas été parfait ce jour-là.

Et quand… Quand je dis aux autres adultes que j’ai peur d’elle, parfois. Que ses mots me font mal, et qu’ils me donnent envie de m’allonger quelque part pour m’endormir et ne jamais me réveiller, ils me- ils me disent que- qu’elle ne me frappe pas donc ça ne compte pas. Ou qu’elle a vécu une vie difficile donc c’est normal. Que j’aurais pu être abandonné donc je n’ai pas à me plaindre. Que des tas de gens ont vécu pire que moi donc je devrais me taire. Que j’ai juste mal parce que je suis hypersensible et pas normal et que c’est à moi de faire des efforts pour ne pas me sentir mal quand elle me fait du mal ! Ou alors elle dit que je vais mal et que c’est normal que je me sente mal, mais alors plutôt se vendre à Giratina que d’admettre qu’elle ait fait quoi que ce soit de mal puisqu’elle ne m’a pas frappé !

Et donc je lui en parle. J’essaie de lui dire, parce que c’est ce qu’on fait quand on a une dispute, non ? On en parle. Sauf qu’elle me répond à coup de “Tu n’as pas la moindre idée d’à quel point c’est dur pour moi.” et “Je n’aurais jamais fait un truc pareil, tu mens ou tu te souviens mal.” et encore c’est pas fini, souvent, le “Et tu ne te souviens pas de tous les bon moments qu’on a passés ensemble.” Et si, je m’en souviens, justement. Et ça fait mal car ça ne fait qu’accentuer tous les moments où elle m’a fait tellement de mal.

Et ensuite, ensuite elle ose me dire qu’elle m’insulte et me rabaisse pour me préparer à la vie. C’est sûr que me crier dessus pour que je fasse “comme tout le monde” et que je sois “normal” m’aide vraiment ! C’est pas comme si ça ne m’apprenait qu’à le faire par peur, sans me donner la raison de pourquoi je devrais le faire, ou encore d’à quoi ça sert de le faire ! »

Il reprit son souffle, puis, si bas que, si Émelie n’avait pas été juste à côté de lui, elle ne l’aurait pas entendu, il continua :

- Parfois, je ne suis même pas sûr que je ne suis pas juste en train d’exagérer, et j’ai l’impression d’être fou parce que tout le monde me dit que c’est normal et que je dois juste me taire car je ne sais pas ce que c’est, avoir une vie difficile. »

Ce n’était pas ce à quoi Émelie s’attendait. C’était pire, bien pire, et elle ne savait pas comment gérer ce genre de situation. Mais… Mais il y avait une chose qu’elle savait qu’elle pouvait faire.

- Ce que t’ont fait les autres Absol, Yuro. Cela s’appelle du harcèlement, et ce n’est jamais justifié. C’est autant de la faute des adultes qui n’ont rien fait pour arrêter la situation que de celle des autres jeunes qui t’ont fait du mal, et ça n’aurait jamais dû arriver.
Ce que t’a fait ta mère, Yuro, est encore pire, sous bien des aspects. Elle t’a fait du mal et t’a ensuite manipulé en négligeant l’impact réel de ce qu’elle a fait. Ce n’est pas le comportement qu’une mère devrait avoir, Yuro. C’est de la maltraitance. Et, je ne voudrais pas donner l’impression de te donner des ordres, mais tu devrais partir. Ce n’est pas bon pour toi de rester avec quelqu’un qui te traite comme ça.

Il resta silencieux pendant de longues secondes, l’expression vide, comme en état de choc.
- Oh. (Il se mit à trembler et les larmes dévalèrent le long de son museau. Il baissa les yeux. Sa voix était tremblante quand il continua) Oh. Je- Je n’étais vraiment pas fou. Je n’étais pas fou. J’avais raison de me sentir mal, et elle-
(Il s’arrêta en plein milieu de sa phrase, prit une grande inspiration, et se retourna vers Émelie)

- Je crois que j’avais besoin d’entendre ça. Tu me protègeras, dis ? Si je la revois un jour, tu seras là pour l’empêcher de me faire du mal ? Si d’autres Pokémon me frappent, tu me protégeras ? Si je décide de partir loin d’ici, tu seras là pour moi ? Tu m’écouteras quand j’aurai besoin de parler ?

- Toujours.

- Tu ne me diras pas que je fais des histoires pour rien ? Tu ne menaceras pas de m’abandonner si je rate quelque chose ?

(Oh Arceus qu’est-ce qu’il avait pu bien subir d’autre ? Le pauvre petit.)

- Jamais.

- Merci. Merci infiniment, Émelie.

Il enfouit son museau dans la fourrure de la vieille Némélios, et elle lui murmura à l’oreille quelque chose qu’il aurait dû savoir, qu’on aurait dû lui dire, il y a longtemps.

- Tu n’as pas à me remercier pour faire le minimum, Yuro.

*************
Laura était en chemin pour vérifier le fonctionnement des caméras de surveillance, et marchait le plus vite possible dans les couloirs pour arriver à sa destination plus rapidement. Si elle s’était mise à courir, elle aurait pu accidentellement se cogner contre quelqu’un, mais, plus vite elle terminait ce qu’elle avait à faire, plus vite elle pourrait faire autre chose. Elle était presque arrivée à son but quand elle vit une tête rousse passer à côté d’elle, ensevelie sous une pile de livres. Silver ? Qu’est-ce qu’il faisait ici ? Elle l’interpella.

- Hé, Silver ! (Il tourna la tête vers elle, en la regardant d’un air ennuyé.) Qu’est-ce que tu fais avec tous ces bouquins ?

- Heu… C’est personnel. (Il dansait d’un pied sur l’autre, comme s’il n’avait pas envie de s’attarder)

La pile de livres paraissait un peu trop haute pour ses bras d’enfant. Et, pour être honnête, Laura avait envie d’une excuse pour ne pas aller travailler.
- Tu as besoin que je t’aide à les porter ?
Silver haussa un sourcil, en essayant de paraître réprobateur, mais un petit sourire le trahissait.
- Tu n’es pas censée être en train de faire ton boulot ? Je peux me débrouiller tout seul, vas-y.

Fichu Silver, trop malin pour son âge. Elle partit en grommelant, mais avait le sourire aux lèvres. Apparemment, le gamin pouvait être autre chose qu’arrogant et menaçant, parfois.

*************
Krys était coincé sur son Motismart depuis plusieurs longues minutes, en essayant de trouver le courage d’appeler ses parents, tout en remplissant de manière presque automatique les gamelles de tous les Pokémon de la prison. Il décida de finir par la cage de la Némélios, car il savait qu’elle n’essaierait pas de l’attaquer, et il préférait ne pas finir avec un Pokémon furieux qui essaierait de l’étriper.
(Cela dit, ils n’auraient pas eu tort de tenter de le tuer.
Peut-être même que ce serait une bonne idée de les laisser faire-)


Inspire. Expire. Il devait arrêter de penser comme ça. Il n’était pas la cause de tout ce qui se passait autour de lui. Il n’était pas responsable de tout les malheurs du monde. Il n’était pas un boulet que les autres traînaient à la cheville, et il ne les empêchait pas de vivre s’il essayait de demander de l’aide.

Se briser devant sa famille avait été difficile, et il ne voulait plus jamais revivre ça. Il s’en voulait d’avoir crié sur Nathan. Mais, maintenant qu’ils avaient commencé à délier tous les mensonges qu’il avait tissés tout autour de lui, maintenant qu’ils savaient, et qu’il savait qu’ils ne tenteraient rien de dangereux et imprudent, il se sentait plus léger.
(Il n’avait plus à se cacher.)
(Il n’avait plus à mentir.)

Il ne se sentait pas encore heureux. Il ne savait toujours pas ce qu’il ressentait. Mais un poids qui pesait sur ses épaules s’était volatilisé, et une chaleur était née dans son cœur.

Il tenta de se pousser à appuyer sur le bouton pour lancer un appel, mais sa main s’arrêta à quelques millimètres de l’écran, paralysée. Il tremblait. Il s’était renfermé sur lui même pendant des années, et, maintenant qu’il n’avait plus rien à cacher, il ne savait plus comment avancer.
Il pouvait le faire. Il pouvait le faire. Peut-être que s’il le répétait suffisamment de fois, il y croirait vraiment. Il rangea le Motismart dans sa poche. Le Motismart protesta en se mettant à vibrer plusieurs fois, mais il décida de l’ignorer. De toute façon, il n’avait pas encore donné leurs croquettes à la Némélios et l’Absol. Plus tard. Il le ferait plus tard. (Ou jamais. Mais non, ça ne servirait à rien de fuir, alors autant affronter le problème en face. Juste… pas tout de suite)

Il inspira, et entra dans la cage. La porte se referma lourdement derrière lui. Les deux Pokémon le regardaient avec des yeux grands ouverts. Il les avait apparemment interrompus en pleine discussion. L’Absol avait des traces de larmes qui avaient encore l’air d’être mouillées le long de son museau, et il s’était allongé à côté de la Némélios, si près que Krys se demandait s’il aurait même été possible de faire glisser une feuille de papier entre eux. Il avait, de toute évidence interrompu quelque chose de privé.

- Salut ! Je vais juste… remplir les gamelles… Faites comme si je n’étais pas là.

Il se déplaça sur la pointe des pieds jusqu’aux gamelles pour les remplir de croquettes – les mêmes que pour Nox, au lieu de celles que les autres sbires achetaient en format familial au supermarché.

La Némélios le fixait toujours, la tête penchée sur le côté, indiquant la confusion. Qu’est-ce qu’elle voulait ? Est-ce qu’il avait quelque chose sur le visage ?
Elle s’approcha de lui, et s’arrêta à quelques mètres de lui, gardant une distance de sécurité. Puis, elle pencha de nouveau la tête sur le côté en miaulant, un son ressemblant plutôt à un feulement à cause de sa voix rauque. En se basant sur son expression inquiète, elle semblait lui demander « Est-ce que tu vas bien ? », ou peut-être « Qu’est-ce qui t’est arrivé ? ». Ou peut-être qu’il surinterprétait tout et qu’il était très loin de la bonne interprétation – c’était difficile à savoir, avec quelqu’un qui avait un langage corporel complètement différent et avec qui la compréhension ne passait que dans un sens.

Il hésita un instant à parler de complètement autre chose pour détourner l’attention de lui, mais quelque chose lui disait qu’il n’arriverait pas à tromper la Némélios. Et elle était toujours en train de le regarder patiemment, attendant une réponse. Il soupira. Il n’arriverait pas à s’en sortir si facilement, n’est-ce pas ? Il pensa au sbire qui était dans la salle de surveillance, probablement en train d’écouter ce qu’il disait. Il risquait probablement d’être le sujet principal des ragots dans les jours qui suivraient. Cela-dit, il n’avait pas vraiment d’amis à part Laura, donc ce n’est pas comme s’il en avait quelque chose à faire de sa réputation. Tout le monde le connaissait déjà comme « Le type qui aime discuter avec les Pokémon. », de toute façon. Ça pouvait difficilement être pire.

- Je vais bien, je stresse juste un peu parce que je vais devoir appeler mes parents dans pas longtemps. Pas de quoi s’inquiéter, tu vois ?

Il l’avait dit sur un ton léger, mais son sourire lui paraissait forcé. L’Absol leva la tête depuis le fond de la salle, intrigué, et la Némélios et lui se jetèrent un regard lourd de sens, quelque chose qui indiquait la présence d’un contexte qu’il ne connaissait pas. Puis, depuis l’endroit où il était allongé, l’Absol lui lança un regard désabusé. Le sourire de Krys vacilla un moment puis disparut.
Il n’arrivait même pas à faire semblant. Il n’arrivait jamais à faire semblant, contrairement à Laura.
(Une autre chose qu’il était incapable de faire.)
(Ferme les yeux.)
(Inspire. Expire.)

Il sentit quelque chose toucher sa poitrine, et quand il rouvrit les yeux, il vit que la Némélios lui avait donné un coup de tête. Elle le regarda avec une expression inquiète, puis, elle poussa sa main du bout du museau. Qu’est-ce qu’elle voulait lui dire ? Est-ce qu’elle voulait… ?

- Tu veux que je te caresse ? Lui demanda-t’il, son regard passant successivement de sa main à la Némélios.
(Elle hocha la tête. Elle hocha la tête. Si ça, ça n’était pas un signe qu’elle avait été élevée par des humains…)
(Est-ce que son dresseur ou sa dresseuse lui manquait ? Encore une chose qu’il aurait pu changer s’il n’avait pas été aussi lâche et incapable…)

Il passa lentement sa main sur la tête de la Némélios. Sa fourrure était sèche et un peu rugueuse, trop courte pour former des nœuds. Il manqua de se brûler sur sa crinière et évita au dernier moment de trop approcher ses doigts. La crinière des Némélios était faite de poils, mais elle était brûlante comme le feu. Il plaça ensuite sa main sous son menton et commença à le gratter. La Némélios ferma ses yeux et se mit à ronronner. Il était toujours fatigué, mais, étrangement, il se sentait plus serein, rassuré. Il poussa un soupir, et, cette fois, il se sentait moins nerveux, moins angoissé. Il n’était pas sûr d’être prêt, mais il ne le serait sans doute jamais, de toute façon.

Il ne s’en était pas rendu compte, d’à quel point ça lui avait manqué, s’occuper de Pokémon, caresser ceux qui s’approchaient pour le lui demander, prendre soin d’un autre être vivant, comme ça.

(Qu’est-ce qu’il était en train de faire ? Pourquoi est-ce qu’il s’était laissé faire ? Pourquoi il avait accepté d’enfermer et de trafiquer des Pokémon comme ça ? Pourquoi est-ce qu’il était trop faible pour arrêter ?)
(Il savait pourquoi. Mais c’était plus facile de prétendre qu’il était juste faible, que c’était lui le problème, et que peu importe ce qu’il ferait il serait incapable de changer la situation, que de prendre le risque de se lever et se battre, prendre le risque de réussir et prendre le risque que sa famille se fasse blesser par sa faute.)

Il revint à la réalité quand il sentit la Némélios lécher sa main. Elle le regardait d’un air inquiet. Au lieu de lui répondre, il la gratta derrière l’oreille, puis il laissa la main retomber inerte le long de son corps. Il se leva difficilement, prit une grande inspiration.

- Merci. Dit-il à la Némélios, avant de faire demi-tour et laisser la porte se refermer derrière lui.
Il entendit la réponse de la Némélios, et il n’avait pas besoin de la comprendre pour savoir ce qu’elle disait. « Bonne chance. »

*************
Silver était de nouveau assis sur son banc, dans la petite cour cachée entre les murs. Penché en avant sur le rebord, ses pieds le balançaient sous lui, leurs pointes à quelques centimètres près d’effleurer le sol. Une de ses mains tenait le bord du banc à côté de son genoux, l’autre tenait devant son visage le sac de graines, son bras maintenu à angle inconfortable.
Il regardait avec hésitation et une certaine suspicion l’inscription sur le sachet. « Ancolies naines mauves ». Il savait que le sac n’allait pas le mordre, mais quand même…

Elles avaient besoin d’être à un endroit partiellement ensoleillé, mais de préférence avec un peu d’ombre, dans un sol humide, et ne demandaient pas beaucoup d’entretien. Il n’avait pas trouvé de fréquence d’arrosage précise, juste des instruction de mettre son doigt dans la terre et de regarder si les premiers centimètres de terre étaient secs ou pas. Ce n’était pas exactement difficile à faire, mais le fait que ce ne soit pas quelque chose à faire à intervalles réguliers et précis le dérangeait. Comment est-ce qu’il pouvait savoir quand aller arroser ? Et comment est-ce qu’il pouvait faire pour ne pas oublier d’aller vérifier ? Est-ce qu’il était censé aller vérifier tous les jours ? Il n’avait jamais fait ça avant, et ne pas savoir faisait exploser son anxiété.

Bon. Vérifier l’humidité du sol en mettant son doigt dedans. C’était facile. Il pouvait le faire. Il en était capable. Il pouvait le faire. Il était le fils de Giovanni, et il était capable de dire si un sol était sec ou pas.

Il regarda l’arbre solitaire au milieu de la cour, si maigrelet que, si ce n’était pour son feuillage épais, on aurait pu croire qu’il était mort. C’était impressionnant, mais pourtant, un sentiment entre la tristesse, le manque et la joie naquit dans le cœur de Silver alors qu’il regardait l’arbre. Il aurait aimé que sa mère soit capable de survivre malgré tous les pronostics, malheureusement, tout le monde n’avait pas autant de chance que l’arbre.
(Il pouvait le faire.)

Il se leva, et s’approcha en quelques pas de l’arbre. Une fois devant l’arbre, il s’arrêta, et leva la tête. Le soleil filtrait à travers le feuillage, qui l’abritait des rayons les plus fort. Il inspira pleinement l’air en fermant les yeux, et profita quelques instants de plus de la sérénité de l’endroit, coupé du monde. Puis, il rouvrit les yeux, et se remit au travail. Il choisit un endroit en partie ombragé par l’arbre, mais qui serait éclairé durant la journée. C’était ce que tous les sites conseillaient. L’ancolie naine ministar fleurissait apparemment en Mai et Juin, et il fallait les planter de préférence en Octobre ou en Mars. C’était la mi-Avril, donc, pas vraiment le bon moment. Il espérait que cela faisait partie de la marge d’erreur acceptable.

Accroupi sur ses talons, il commença à planter les graines, avec délicatesse et en espérant qu’il s’y prenait correctement. Puis, il sortit la bouteille, et arrosa un peu la terre, parce qu’il avait fait chaud ce jour-là. Il resta un moment à observer le sol, espérant -tout en sachant que c’était impossible- de voir le bout d’une tige percer la surface.

Il poussa un soupir amusé. (Idiot. Évidemment qu’elles ne vont pas fleurir du jour au lendemain.)
Puis, il se releva et retourna dans le bâtiment, se sentant un peu plus léger que quand il était arrivé.

*************
Yuro était préoccupé par l’humain qui leur avait donné la nourriture. Il savait que l’humain ne s’inquiéterait probablement jamais pour lui, et qu’il ne le verrait jamais vraiment comme quelqu’un, et que par conséquent, il était stupide, et même contre-productif, d’éprouver de la compassion pour lui, mais…
Il avait dit qu’il allait « appeler » ses parents. Yuro avait l’impression que c’était encore un de ces mots qui avaient un sens différent que celui auquel il était habitué. (Les humains et leurs machines...) Mais, une chose était sûre, c’était que, d’une manière ou d’une autre, il allait communiquer avec ses parents. Et… il n’avait pas l’air très heureux de le faire.

Est-ce que c’était normal d’avoir du mal à parler à ses parents ? Il n’avait pas envie de douter de ce que disait Émelie, mais… Et si elle avait tort  et s’il était vraiment un mauvais fils ? Car si tout le monde avait ce genre de problèmes à un moment où à un autre, c’était probablement normal. Et si c’était normal, si c’était commun, quel droit avait-il d’en vouloir à sa mère ? Quel droit avait-il d’avoir mal ? Après tout, tout le monde le disait. Il était hypersensible, et il ne devrait pas se plaindre ni être blessé.

Et… Émelie était vieille, mais elle ne savait pas tout. Mais…
Il pensait au regard de sa mère et à ce qu’elle lui disait et… ça faisait mal. Ça faisait mal, ça faisait tellement mal, ça brûlait et ça déchirait et il pensa à toute les fois où ça avait tout détruit jusqu’à ce qu’il ait envie de mourir et -ça- Émelie n’avait pas tort, ne pouvait pas avoir tort, pas pour -ça- car ça faisait trop mal pour que ce soit quelque chose qu’il doive juste supporter sans rien dire. Et si le dire ne menait qu’à des moqueries ou des soupirs ou des cris,
(des tu es juste hypersensible. et des tu exagères ! et des Mon frère a été plus violent que ça avec moi quand j’étais petite, ce que je te fais, là, ce n’est rien en comparaison.)
… dans ce cas il ferait mieux de partir.

(Inspire. Compte jusqu’à quatre. Expire.)

Il partirait. Quand il arriverait à s’échapper de cette prison, il partirait, et il ne regarderait pas en arrière.

- Tu vas bien, Yuro ?

C’était Émelie, une expression inquiète sur son museau.
Il pourrait mentir, mais… C’était Émelie. Sans y penser, il lui dit immédiatement ce à quoi il songeait.
- J’étais en train de repenser à ma mère, et j’ai… recommencé à douter. Elle m’a fait du mal, Je sais qu’elle m’a fait du mal. Alors pourquoi est-ce je doute encore, alors que je sais que retourner là-bas ne fera que faire remonter de mauvais souvenirs et en créer de nouveaux qui seront encore pire ? Pourquoi est-ce que j’échoue même à ça ?

- Yuro, ce n’est pas une histoire de « réussir » ou pas. Tu as vécu toute ta vie là-bas, et tous les adultes n’ont pas arrêté de te dire que ce que tu pensais et que tu ressentais n’avait pas d’importance que tu t’es mis à le croire aussi. Quand on t’a répété et répété toute ta vie quelque chose, tu auras du mal à le remettre en question et à te débarrasser de tous tes automatismes, même en sachant que tu as été maltraité.

Il ne répondit pas. Ça paraissait logique, quand on y pensait. Il aurait préféré que ce ne soit pas le cas pour lui, il aurait préféré qu’il lui eut suffit de le savoir pour être déterminé, pour être sûr de lui. Pour s’accepter lui-même.
(Il ne pouvait pas s’accepter lui-même, et tout ne pouvait pas se régler comme par magie en quelques secondes.)

Il se blottit contre Émelie, pour profiter de sa chaleur, et posa sa tête sur le sol. Malgré sa proximité avec la vielle Némélios, il se sentait toujours aussi abattu. Émelie lui jeta un œil, puis, sans un mot, elle se mit à ronronner, et sa chaleur corporelle monta d’un cran, pas chaude au point de brûler, mais suffisamment pour être réconfortante, réchauffant son corps gelé. Il se laissa bercer par le son de sa voix, et poussa un long soupir. Il se sentait un peu mieux, même si cela risquait de prendre beaucoup de temps avant qu’il se sente bien. C’était un petit peu mieux.
(C’était tout ce qui compte.)

*************
- Krys ? Krys, est-ce que tu vas bien ?

Krys revint à la réalité. Il venait d’appeler ses parents, et ils étaient maintenant visibles sur le petit écran de son motismart, et ils avaient l’air paniqué et il ne savait toujours pas quoi leur dire.
(La vérité ? Ils savaient déjà, et il en avait assez de leur mentir.)

- Salut, ça fait plaisir de vous revoir. Je ne vais pas bien, mais, hé, ce n’est pas vraiment étonnant. (Il leur fit un petit sourire ironique) Et vous ?

Ils avaient toujours l’air aussi inquiets, et le sourire de Krys disparut presque aussitôt. Il bougeait d’un pied sur l’autre, gêné, le regard tourné vers le sol. Il entendit sa mère prendre une grande inspiration, avant de prendre la parole.

- Nathan…(elle commença, puis s’arrêta, paraissant chercher ses mots) Nathan nous a dit que tu lui avais rapporté qu’essayer d’appeler la police ou de venir nous-mêmes te sortir de là était dangereux. Qu’est-ce que tu entends par là ?

(Ses yeux brillaient à cause de larmes, mais il y avait quelque chose dur et déterminé, de furieux dans ce regard. Il ne pouvait pas la laisser se faire des idées, nourrir de faux espoirs, car si Giovanni l’apprenait… Il allait devoir expliquer ça de manière claire.)

- Si vous venez tous les trois, Giovanni vous… (il s’arrêta, prit son courage à deux mains, continua) il vous tuera. Si vous prévenez la police, Giovanni l’apprendra, et, le temps qu’elle arrive sur place, il aura déjà disparu. Il est doué pour ça, disparaître.

Son père écarquilla les yeux et sa mère porta la main à son cœur. Ils paraissaient choqués, mais ce n’était pas étonnant. Il savait que c’était la réaction normale quand on mentionnait la mort de quelqu’un. Quelque part entre les menaces, les rumeurs, et les cris qu’on pouvait entendre quand on s’attardait dans les pires coins de la base, il avait été désensibilisé. Ça faisait toujours mal, mais, horriblement, c’était… presque normal. Un comportement typique de Giovanni, à rajouter à la longue liste de crimes que l’homme avait commis.

- Et… Tu ne pourrais pas juste… partir ? Prendre tes affaires et rentrer ? Est-ce qu’il prendrait le temps de perdre des ressources et de l’argent pour chercher un seul sbire ? Son père lui demanda, après quelques secondes de silences. Sa voix tremblait beaucoup – sûrement à cause de la mention des meurtres – mais il faisait de son mieux pour mettre tout ça de côté pour chercher une solution pour sortir son fils de là.

Krys y avait déjà pensé. Il était vrai que, même si Giovanni aimait être cruel et sans pitié, il était principalement motivé par les profits, et l’argent. Il n’allait probablement pas aller chercher un sbire qui se serait enfui à l’autre bout de la région rien que pour le tuer, à moins que le sbire en question n’ait eu accès à des informations confidentielles. Et, est-ce que lui, éleveur qu’il était, avait accès à des informations confidentielles ? Non, pas vraiment. Mais…

- Même si c’est très probable qu’il ne prenne pas le temps de partir à la recherche d’un sbire qui fuguerait, il dit à tous les sbires à leur entrée dans la Team Rocket qu’il les tuerait, eux et toute leur famille, s’ils essayaient de partir. Et, j’ai peur papa. S’il y a le moindre risque qu’il mette ses menaces à exécution, je ne peux pas me le permettre.

Les larmes se mirent à couler le long des joues de ses parents, et Krys se sentit soudain coupable de leur avoir tout dit comme ça. Mais ensuite sa mère lui sourit à travers ses larmes, et oh, c’était encore pire, car c’était le même sourire que celui qu’il leur avait donné durant toutes ces années, une barrière de papier qui était trop fine pour correctement dissimuler la douleur qui se cachait derrière.
(inspire. Expire)
(Tout ira bien.)


- Ne vous inquiétez pas. Si j’ai besoin de quoi que ce soit, je vous appellerai. Il y a d’autres choses que vous pouvez faire pour m’aider. (Il leur fit un sourire éblouissant. Il était un peu moins faux que ceux qu’il avait l’habitude de faire.) Rien que m’écouter et être là pour moi m’aiderait beaucoup.

Ses parents le regardèrent pendant de longues secondes, les traits tirés, et toute la terreur du monde dans leur regard. Krys voulait leur tendre la main à travers l’écran, retourner chez lui, et se retrouver entre leurs bras. Mais… il ne pouvait pas partir, alors leurs mots allaient devoir suffire.
(Leurs mots ne seraient jamais suffisants.)
(Il avait l’habitude de survivre avec moins que le nécessaire. Il allait juste devoir endurer ça aussi.)

- Quoi qu’il arrive, nous serons toujours là pour toi.

Il avait une boule dans la gorge qui l’empêchait de parler. Il tenta de prendre de grandes inspirations et avala sa salive. Il pouvait enfin être honnête avec eux, et plus que ça, il avait besoin de leur en parler. Pourquoi, pourquoi est-ce que c’était maintenant qu’il n’arrivait pas à parler ?
Il ramena ses bras autour de lui-même, et ses mains se crispèrent autour de ses bras au point de presque lui faire mal, alors qu’il essayait de toutes ses forces de retenir ses larmes.

Sa respiration s’était accélérée, mais ce n’était pas grave, il arriverait à en reprendre le contrôle. Il avait déjà eu des crises de panique auparavant, et ça, ça n’en était pas une, car son cœur ne battait pas plus vite que d’habitude. Il était ancré dans le réel, et il entendait ses parents lui parler et lui demander de respirer et… Oh, il n’arrivait vraiment pas à contrôler sa respiration. Il inspirait et expirait frénétiquement autour de ses sanglots, ses parents avaient raison. Inspire, compte jusqu’à quatre, expire, mais il ne pouvait pas, il n’y arrivait pas et tout allait de travers et c’était de sa faute–

Nox était sortie de sa Pokéball et essayait désespérément de l’aider, mais cette fois, même avec son aide, il n’y arrivait pas.

- Krys. Krys ? Est-ce que tu peux me regarder ? (Il leva les yeux vers son motismart qui s’était approché pour qu’il puisse voir ses parents.) Est-ce que tu peux essayer de respirer avec moi ? (Il se concentra de toute ses forces sur la voix de sa mère, sur ses doigts qui comptaient, un, deux, trois, quatre.) C’est bien, continue.

Petit à petit, il arriva à caler sa respiration sur celle de sa mère et à se remettre à respirer à un rythme normal. Il prit quelques secondes pour s’assurer qu’il arriverait à continuer à respirer normalement, et fit un sourire à sa mère.

- Merci maman. Je… Je ne pense pas être capable de parler de tout ce qu’il s’est passé. Je… Pas maintenant, ça- (Il ravala un sanglot) – c’est trop dur pour moi. Tellement- tellement de choses se sont passées et- je ne suis pas encore prêt.

Ses parents le regardaient avec une expression brisée, mais Krys savait qu’ils comprenaient, et ne chercheraient pas à le forcer à parler. Il se sentait mieux, car… maintenant, il avait quelqu’un d’autre que Laura à qui parler de ses problèmes et il pouvait enfin en parler à ses parents, et ses parents n’iraient pas foncer tête baissée dans le danger pour venir le chercher. Il n’avait plus à s’inquiéter constamment que ses parents ou son petit-frère se fassent tuer, il avait réussi à empêcher le pire scénario. Il pouvait enfin respirer.

Il salua ses parents, arrêta l’appel vidéo, et se dirigea à grandes enjambées vers sa chambre, pour s’écrouler sur son lit. Il se sentait vidé de toute énergie, mais… -Il sourit, la tête enfouie dans son oreiller- Il se sentait bien.
(Inspire. Expire. Tout ira bien)
(Mais cette fois il n’avait pas besoin d’essayer de s’en convaincre. Cette fois, il avait l’impression que tout irait vraiment bien)

*************
C’était la pause de midi. C’était la pause de midi et Krys n’était pas là. C’était la pause de midi, Krys n’était pas là, et il avait dit tout-à-l’heure qu’il allait essayer d’appeler ses parents pour leur parler. La dernière fois qu’il avait appelé ses parents, ça s’était très mal passé.
Laura était en train de courir dans les couloirs. Krys avait probablement appelé ses parents, vu l’heure. Ou peut-être qu’il avait repoussé l’appel, et qu’ensuite il s’était senti coupable. Et peut-être qu’il était de retour dans sa chambre, et peut-être qu’il avait besoin d’aide, et peut-être qu’il avait besoin d’elle et- et-
(Inspire. Expire. Continue de courir.)

Elle arriva devant la porte de la chambre de Krys, et s’arrêta pendant quelques secondes pour reprendre son souffle. Puis, d’une main tremblante, elle toqua une fois, deux fois, trois fois.

- Krys ? C’est Laura.

- Entre !

Krys était allongé sur son lit, toutes les lumières éteintes. Laura avait un mauvais pressentiment, car, en général, ça indiquait qu’il allait mal. Elle passa une main sur le mur et alluma la lumière.
Krys se releva lentement, et quand il tourna la tête vers elle, elle remarqua les traces de larmes sur ses joues, et son cœur rata un battement. Elle aurait dû revenir plus tôt, au lieu de continuer à travailler. Elle savait que Krys allait avoir besoin d’elle, et elle- (Tu es vraiment incapable d’aider qui que ce soit.) - elle n’avait pas été là - (une horrible amie) - pour lui (Tu devrais juste mourir).

- Laura ? (Il avait une voix inquiète, il s’inquiétait pour elle, pourquoi il s’inquiétait pour elle, il ne devrait pas-) Ça s’est bien passé, j’ai pu leur parler. Ne t’inquiète pas. Et arrête de croire que tout est de ta faute, je vois la tête que tu fais !

- Oh.. Tu- tu as- tu vas bien ? Tu vas bien.

Lentement, elle s’assit sur le rebord du lit de Krys. Il se releva, sortit des couvertures et s’assit en tailleurs à côté d’elle. Il la regardait avec une expression inquiète, et Laura sentit son anxiété revenir. Est-ce qu’il voyait derrière son masque ?

- Est-ce que toi tu vas bien Laura ?

Elle le regarda, larmes dans ses yeux. Elle avait promis d’arrêter de lui mentir. Elle savait qu’elle devrait appliquer ses conseils. Elle avait déjà appris à demander de l’aide, et Krys l’avait aidée à comprendre qu’elle méritait, elle aussi, d’être écoutée et aimée sans attendre d’elle qu’elle soit parfaite.
Mais, quelque part tout au fond d’elle la voix de la petite fille qu’elle avait été, qui lui disait que, si elle ramenait de bonnes notes à la maison, si elle faisait tout bien, peut-être que la prochaine fois ses parents resteraient ne s’était jamais totalement tue. Elle l’empêchait de se confier à d’autres personnes de peur de les perdre, et cherchait toutes les erreurs qu’elle faisait pour les graver au couteau dans sa mémoire, laissant une cicatrice qui resterait là jusqu’à ce qu’elle meure.

(Parce que qui voudrait d’elle si elle se plaignait ? Et qui voudrait d’elle si elle parlait de ses propres problèmes ? Et qui voudrait d’elle si elle n’était pas tout le temps présente pour les autres et tout le temps en capacité d’écouter leurs problèmes et d’offrir des conseils ?)
(Qui voudrait de quelqu’un qui avait besoin d’aide ?)
(Et si elle était parfaite, est-ce qu’ils seraient restés, ou est-ce qu’ils seraient tout de même partis ? Est-ce que peut importe ce qu’elle faisait, ils l’auraient abandonnée ? Est-ce qu’elle était le problème ?)

Et Krys la regardait, et il attendait une réponse. Qu’est-ce qu’il attendait qu’elle réponde ? Qu’est-ce qu’elle devait répondre ? Qu’est-ce qu’il avait besoin d’entendre ?
… Non. Non. Elle avait accepté de l’aide avant. Elle s’était confiée à lui avant. Ce n’était pas le moment de se dévaloriser, ni de faire semblant, et pas seulement parce que c’était ce qu’il aurait voulu d’elle, mais parce que c’était ce qui était bien pour elle.
(Ce n’était pas le moment de retourner à de vieux automatismes et attitudes qu’elle avait appris à laisser derrière elle.)
(Sois honnête. Sois toi-même, et n’essaie pas de te forcer à changer pour plaire à quelqu’un d’autre, et n’essaie pas de toujours placer les autres avant toi. Tu comptes aussi, Laura, et tu n’es pas uniquement la somme de tout ce que les autres veulent voir chez toi. Autorise-toi à être un peu égoïste, de temps en temps.)

- Je ne vais… Pas bien. J’étais très inquiète pour toi, quand je ne t’ai pas vu arriver tout-à-l’heure et… Quand j’ai parlé à Silver hier… Ça a fait remonter de mauvais souvenirs. Et, couplé au fait que j’ai tendance à m’en vouloir à chaque fois que quelqu’un que je connais traverse quelque chose de difficile et que je n’arrive pas à les faire se sentir mieux immédiatement, ça devient très lourd à porter. En plus j’ai du mal avec l’oreillette...

- Tu n’es pas la cause de tout ce qui va mal dans le monde, Laura. Parfois, même en faisant de son mieux, on échoue. Parfois on ne peut pas tout régler et sauver tout le monde rien qu’en faisant de son mieux, et ça n’est pas de ta faute. Ce n’est pas de ta faute quand je me sens mal, même après que tu aies essayé de me remonter le moral. Ce n’est pas de ta faute si tu as du mal avec l’oreillette, tu n’es pas parfaite, Laura, personne ne l’est, et tu t’es donné un objectif très difficile. Je ne te dis pas que tu devrais abandonner, surtout si ça te tient a cœur, mais… Si ça ne fait que te stresser encore plus, arrête un instant. Prend une pause. Détends-toi, joue, et respire. Arrête d’essayer d’être parfaite. Ne- ne te détruis pas la santé dans l’espoir d’atteindre un but impossible, d’accord ?

La tirade de Krys court-circuita les pensées de Laura pendant quelques secondes. Il… Il avait raison. Cela faisait des mois qu’elle était restée bloquée sur l’oreillette, et ce qu’elle utilisait comme moyen d’arrêter de penser à son travail, à la Team Rocket, à tout, cette recherche de la perfection devenait une obsession, et ne faisait que ruiner sa santé dans le long terme, de même que sa très mauvaise habitude de faire semblant d’aller bien pour aider Krys l’avait fait au début de leur relation.
(Ces idées de « si je ne peux pas aider Krys, je ne vaux rien » et « si je ne peux pas terminer cette oreillette, le premier projet qui est entièrement mien, je ne vaux rien. » qui la détruisaient de l’intérieur, et qui étaient en grande partie des restes de comment ses parents l’avaient traitée et comment elle avait interprété ça à l’époque, et qui n’étaient qu’une autre forme de ce qui avait donné cette recherche de présenter une façade inébranlable quand elle avait rencontré Krys.)

Elle pouvait parler à Krys. Krys était là pour elle de la même manière qu’elle était là pour Krys, et… et elle avait vraiment besoin de Krys, là, maintenant. Son masque tomba en morceaux, et elle se mit à pleurer.

- Quand je vois Silver, je me vois moi-même, quand j’étais petite, et… C’est dur, c’est très dur, parce que… Il croit la même chose que ce que je croyais, moi. Il pense que, si son père ne lui parle pas, c’est qu’il a une bonne raison. Il pense que, s’il était mieux, s’il était exactement comme il fallait, son père ferait plus attention à lui. Il pense que c’est de sa faute. Non seulement chercher à être parfait est une mauvaise et dangereuse chose, mais, en plus, la vérité, c’est que, peu importe comment il est, à quel point il est « comme il faut », ça n’a aucune importance, pour ce genre de personnes. Et à chaque fois que je le vois, j’ai juste envie de le prendre par les épaules et de le lui dire en face, mais je ne peux pas, parce qu’il ne me croirait pas, car il me connaît à peine et- et- et-

Sa voix se coupa et elle se mit à sangloter et à renifler, la vision brouillée de larmes. Elle entendit les couverture bouger à côté d’elle, puis elle fut surprise par la sensation d’un poids sur ses épaules. Elle frotta ses yeux pour essuyer les larmes, et, quand elle baissa les yeux, elle vit l’écharpe de Krys enroulée autour de ses épaules. Elle le regarda un moment, stupéfaite. Krys en profita pour se relever et lui remplir une tasse de thé au lait qui était encore chaude.
Son regard passa plusieurs fois de la tasse à l’écharpe de la couleur du drapeau trans à Krys, puis elle se mit à rire nerveusement, rire qu’elle n’arriva pas à arrêter jusqu’à ce qu’il se transforme en hoquets puis en toux. Quand elle s’arrêta enfin, à bout de souffle, elle souffla sur la surface du liquide, créant de petites rides hypnotiques qu’elle suivit du regard, et prit une gorgée de thé.
Elle lâcha un petit rire. Il était encore chaud. Par Arceus, elle était tellement fatiguée. Krys paraissait aussi fatigué qu’elle. Krys paraissait plus heureux que d’habitude. Elle se demanda quelle tête elle pouvait avoir, à ses yeux. Il lui fit un sourire, et elle en tenta un en réponse. Elle n’eut pas l’impression que c’était très convainquant, mais… Ce n’était pas grave. C’était Krys. Il comprenait.

- Hey, Laura ? (Il se rassit à côté d’elle) Tu ne peux pas régler tout d’un coup. Tu ne peux pas tout faire. Alors, commence par faire ce que tu peux faire, d’accord ? Un pas après l’autre. Qu’est-ce qu’on peut commencer à faire pour Silver, en premier ? Qu’est-ce qu’il a le plus besoin immédiatement ?

Laura répondit immédiatement, sans avoir besoin de réfléchir.
- Il a besoin qu’on lui tienne compagnie. Il a besoin de ne pas être seul. Il a besoin d’un adulte responsable dans sa vie, parce que son père n’est pas foutu d’être présent dans la vie de son propre fils. On a déjà commencé à lui proposer de venir, mais…

- Eh bah alors ? Tu as quelque chose à faire cet après-midi ?

- Non, pas vraiment, j’ai réglé tous les problèmes que les sbires avaient rencontrés ce matin… (elle fit un petit sourire) et de toute façon, ce n’est pas comme si Giovanni pouvait me menacer avec quoi que ce soit. Je n’ai plus grand-chose à perdre. Alors, qu’est-ce que tu proposes ?

Krys lui fit un grand sourire.

Quand Silver décida d’aller voir où ils étaient et ouvrit la porte sans frapper (et il niera jusqu’à la fin des temps d’avoir apporté des sandwichs parce qu’il était un peu inquiet pour eux), il les trouva en train de jouer sur leurs consoles de jeux ensemble, et quand ils l’invitèrent à les rejoindre, il accepta avec joie, (C’était la première fois qu’il rencontrait des gens qui aimaient les mêmes jeux que lui) et après être allé chercher sa propre console, décida de s’asseoir dans le fauteuil à roulettes du bureau.
(C’était la première fois que quelqu’un écoutait sérieusement quand il parlait pendant des heures de quelque chose qu’il aimait.) Il était loin du niveau des deux adultes, mais ils n’hésitaient pas à lui donner des conseils pour qu’il puisse s’améliorer (et il se demanda si c’était ça d’avoir des grands adelphes).