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La onzième règle (Projet New Lavandia) (Collection de OS) de oska-nais



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Informations

» Auteur : oska-nais - Voir le profil
» Créé le 22/05/2024 à 19:21
» Dernière mise à jour le 22/05/2024 à 19:21

» Mots-clés :   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo   Terreur

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Mutinerie
Cette photo représente un groupe de personnes en habits de travail.
Ils posent, le visage bruni par le soleil.


*************
Quelques heures à peine après avoir pris la décision de faire arrêter ce qu’il se tramait sur le Lavandia Sea, Marius Kosmo se rendit compte qu’il n’arriverait à rien tout seul. Il devait trouver des alliés. Les marins du Lavandia Sea, malheureusement, étaient surveillés tout le temps. Ils étaient ici pour travailler, pas pour discuter, et Poupe ne manquait pas de le leur rappeler. Personne ne parlait de ce qu’il se passait à la cale, ni du stock de Pokéball qui baissait. Poupe ne savait pas si c’était parce que les autres marins n’étaient pas au courant de ce qu’il se passait exactement, ou s’ils étaient au courant mais n’en parlaient pas par peur qu’on les fasse « disparaître ».

La cantine aurait été un bon endroit pour discuter, Marius se fit la réflexion, si elle n’avait pas été l’endroit le plus surveillé de tous.
Il barra la cantine de sa liste mentale. Il restait les sanitaires, ainsi que les lieux de travail, mais, personne ne s’arrêterait pour lui parler durant les horaires. Les autres marins avaient trop peur- ils avaient tous trop peur de se faire prendre, Marius y compris. Après tout, on ne discute pas de mutinerie à voix haute là où tout le monde peut entendre. Et on ne prend pas de pauses sur le Lavandia Sea. On ne prend pas de vacances sur le Lavandia Sea. On travaille du matin au soir sur le Lavandia Sea, car si on est épuisé on n’a pas le temps de se poser de questions.

(Règle 10 : Ne pas réfléchir, travailler.)

(C’est donc une bonne chose, Marius songea, que se passer des mots sur une feuille de papier n’implique pas de parler.)

*************
Il réfléchit un moment avant d’écrire : « Les Pokémon sont tués dans la cale, et ils nous font travailler jusqu’à épuisement pour qu’on ne s’en rende pas compte. Fais passer »
Il n’y avait aucun nom attaché à la note, aucun moyen de remonter jusqu’à lui.
Le jour d’après, il la passa à un marin de son équipe, en espérant qu’il le glisserait dans la poche de quelqu’un d’autre après l’avoir lu. Puis, il retourna au travail.

Compter les Pokéball et les laisser se faire emporter juste après avoir vu ce qui était fait avec les Pokémon à l’intérieur le rendait malade. La sensation de malaise lui collait à la peau, comme une silhouette s’appuyant sur son épaule, le suivant où qu’il aille, et en même temps, un certain détachement avec tout ce qui était en train de se passer s’établit tout autour de lui.
Il continuait à travailler, comptant méthodiquement, mais ses pensées étaient distantes, ses émotions étouffées. Il ne pouvait rien faire tout seul, et, parce qu’il ne pouvait rien faire tout seul, il répétait les mouvements comme un manège. C’était simple, et c’était la seule chose qui avait du sens, dans une situation où il ne pouvait rien faire d’autre qu’attendre, car, s’attarder sur ses pensées l’aurait probablement rendu malade. Il avait l’impression que rien n’était réel. Ou peut-être que c’était lui qui n’était pas réel, qui sait ? Il ne savait même plus.

Il avait toujours l’impression qu’on l’observait quand il traversait les couloirs, particulièrement quand il se levait la nuit pour aller aux toilettes, mais, maintenant, ça faisait partie de la routine. C’en était presque rassurant. Une entité invisible vous espionne dans les couloirs du Lavandia Sea, et alors ? Ça faisait partie du paysage, maintenant. Il n’avait pas demandé, mais, à en juger par la manière dont les autres marins regardaient régulièrement derrière leur épaule, il n’était pas le seul. D’une certaine manière, c’était cela le plus rassurant. Si tout le monde ressentait la même chose, alors cela voulait dire qu’il n’était pas fou. Il aurait commencé à s’inquiéter pour sa santé mentale s’il n’avait pas ressenti la présence de l’entité, s’il était honnête avec lui-même. Après tout, s’il ne ressentait pas quelque chose que tout le monde ressentait, il y aurait probablement eu quelque chose qui clochait chez lui.
Cela ne voulait pas dire qu’il ne se sentait pas un peu anxieux, cependant, quand il la sentait derrière son épaule. (La petite figurine de Skitty avait toujours sa tête sortant de la poche de son uniforme au cas où il aurait besoin de se rassurer par sa présence).

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Les autres marins avaient très rapidement commencé à se passer des messages sur des bouts de papier, et ce ne fut qu’à voir le nombre de petits papiers qui indiquaient un nouveau participant que Marius se rendit compte que tous les autres n’avaient attendus que cette opportunité depuis le début, que quelqu’un se lève et fasse quelque chose.
La plupart étaient ici et pour sauver les Pokémon, et parce qu’ils étaient indignés par leurs conditions de travail. Certains uniquement pour leurs conditions de travail.

(Règle 9 : Travail sans vacances jusqu'à la retraite)

La communication par bouts de papiers présentait un gros désavantage : elle était lente, et, dû à l’anonymité de la communication, personne ne savait à qui donner quoi, et les messages circulaient dans le désordre entre les marins. Tout le monde voulait faire quelque chose, mais personne ne savait par quoi commencer. Cela prit plusieurs semaines avant qu’il y ait un simulacre d’organisation qui se mettait en place. Ils signaient avec des surnoms, de manière à ce que, s’ils se faisaient prendre, ils n’aient pas leur propre nom marqué. Quelqu’un d’autre avait proposé la méthode, et tout le monde avait décidé collectivement que c’était une bonne idée. Marius avait choisi de s’appeler « Skittou », ce qui, à la réflexion, n’était pas une très bonne couverture, étant donné qu’il était connu comme « le gars aux Skitty ».

Quelqu’un avait proposé d’essayer de sauver au moins quelques Pokémon, si possible, en faisant en falsifiant le nombre total de Pokéball. Ils commenceraient doucement, pour apprendre à se coordonner correctement et ne pas se faire remarquer. Après tout, s’ils libéraient tous les Pokémon d’un coup, ils se feraient tous virer, et ensuite Poupe engagerait d’autres marins, renforcerait les mesures de sécurité, et, cette fois, ils seraient incapables de libérer qui que ce soit.

(Une des principales raisons pour la discrétion, Marius avait du mal à l’admettre, étaient qu’ils étaient tous terrorisés à l’idée de se faire prendre. Ils étaient capables de faire des petites choses discrètes, mais l’idée de se faire remarquer était suffisante pour les dissuader de prendre plus d’initiative. Et même Marius, qui avait juré de faire n’importe quoi, même se mettre en danger, pour empêcher la mort de tous ces Pokémon, avait, quelque part, toujours peur. Trop peur pour agir, paralysé par la peur.)

Certains refusèrent de participer physiquement aux actions, même s’ils étaient volontaires pour donner des suggestions et pour les couvrir, et Marius ne leur en voulait pas. Ils avaient tous quelque chose à perdre. Des familles à retrouver. (Ses doigts effleurèrent la dernière figurine que son fils lui avait envoyée, un Skitty avec un haut à manches longues de la couleur du ciel, la nuit. Est-ce qu’il allait bien ? Que faisait-il, en ce moment même ?)

*************
Les semaines passèrent, et les marins passaient régulièrement, pour prendre quelques Pokéball dans les caisses en plein milieu de la nuit, pendant que Marius falsifiait les comptes. Mais, à chaque matin, quand il comptait de nouveau les Pokéball, et qu’il voyait qu’une dizaine manquait, et qu’il savait que ce n’étaient pas les membres de son groupe, un frisson lui remontait le long du dos, et la culpabilité lui tordait l’estomac, et il était à chaque fois un peu plus horrifié à l’idée de ce qui était en train de leur arriver. Il savait que ce n’était pas de sa faute, mais, chaque jour, il s’en voulait un peu plus de ne pouvoir rien faire d’autre que laisser faire.

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Les jours passèrent, et un rythme se créa, une monotonie dans les mouvements, une répétition, un cycle. Parfois, ce rythme et cette anticipation que quelque chose se passe, la peur que quelqu’un se fasse prendre, que leur opération soit révélée transformant les secondes en heures, étaient brisés par une lettre, et Marius accueillait ces pauses avec soulagement. Pendant quelques instants, il pouvait arrêter de penser à toutes les choses qu’il avait faites, toutes les choses qu’il devait encore faire, à la présence dans son dos et à la cale. Pendant quelques instants, ils se sentait libre. Il pouvait souffler un peu, et penser à sa famille, en laissant ses inquiétudes derrière la porte de sa cabine. Mais le temps passait, et les lettres prenaient un ton inquiétant. Sa femme sortait le soir, et laissait leur fils seul à la maison. Marius ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter.

Puis, les caisses se vidèrent, et, alors que Marius avait espéré, quelque part au fond de lui, que ce cauchemar serait terminé, ils retournèrent à quai, et, quand il descendit de la passerelle, de nouvelles boîtes attendaient, toutes remplies de nouvelles Pokéball, et de nouveaux Pokémon à sacrifier, et ce fut à ce moment-là que la réalité de ce qui était en train de se passer frappa Marius.
Il ne pouvait plus faire ça. Il ne pouvait pas charger ces caisses sur le navire en sachant qu’il était en train de condamner les Pokémon qu’elles contenaient. Il ne pouvait pas.
Il ne pouvait pas rester ici.

Il demanda un congé à Poupe. Ça n’aurait pas dû marcher, et, pourtant, pourtant, Poupe avait dû voir quelque chose sur son visage, car, le jour d’après, il était dans le train, sa valise en main, avec ordre de se reposer et de revenir dès qu’il se sentait mieux. (Peut-être que c’était sa manière d’essayer de l’empêcher de trop lui en vouloir. Peut-être qu’il espérait que ça le calmerait un peu. Peut-être qu’il savait et que c’était un moyen de l’éloigner le temps qu’il trouve un moyen de se débarrasser de lui une bonne fois pour toutes. Marius décida que, peu importe la volonté de Poupe, il allait profiter au mieux de ces vacances. Dialga seul savait quand il en aurait de nouvelles.)

Quand il arriva, son fils, Hippolyte, se jeta dans ses bras, mais sa femme… Sa femme le regardait d’un regard glacial, et il y avait quelque chose, derrière ce regard, qui le dérangeait.
Il n’avait jamais eu une bonne relation avec sa femme, étaient tous les deux trop aveuglés par l’amour, à l’époque, et avait brûlé des étapes trop rapidement, s’étaient mariés trop rapidement.

Ils avaient eu Hippolyte ensemble parce qu’ils voulaient un enfant, mais s’étaient rendus compte trop tard que ce n’était pas quelque chose de facile, de s’occuper d’un enfant. Et, déjà, les fissures dans leur relation avaient commencé à apparaître, visibles derrière la peinture.
Oh, ils avaient fait bonne figure devant les parents, une façade, car Hippolyte méritait que ses parents soient unis. Ils aimaient tous les deux Hippolyte, et avaient tous les deux envie de lui offrir le meilleur, mais ils n’avaient pas la même idée de ce que le « meilleur » entaillait.

Et, maintenant, il apprenait que sa femme laissait son fils seul à la maison le soir, et il était furieux. Hippolyte n’aurait pas dû être laissé à la maison comme ça, surtout à cet âge.
Il savait qu’inévitablement cela se finirait en une autre dispute, mais, pour l’instant, il avait promis à son fils de l’accompagner à un spectacle d’astronomie, et il allait faire en sorte que ce soit une soirée inoubliable. Il savait qu’il n’aurait pas dû s’en vouloir de ne pas avoir pu revenir pendant si longtemps, car ce n’était pas de son ressort, et que c’était ce pour quoi il avait signé en s’engageant sur le Lavandia Sea, le travail épuisant, et l’impossibilité de sortir. Il s’en voulait quand même de ne pas avoir pu être là pour son fils.

Il passa la soirée à songer à tous ces Pokémon sur le Lavandia Sea qui étaient en train de mourir parce qu’il ne faisait rien, et il eut du mal à se concentrer sur ce que lui expliquait son fils (toujours aussi intéressé par les étoiles que quand il était petit. Toujours déterminé à avoir un travail tournant autour de ce sujet. Marius s’assurerait qu’il arriverait à obtenir les études qu’il voulait.)

Une fois qu’ils furent rentrés, pour la première fois depuis des mois, il put border son fils et lui faire un bisou sur le front avant de dormir. Après avoir dit bonne nuit, il sortit de la chambre et se dirigea vers le salon. Il n’avait pas envie que son fils entende la dispute, même si, depuis le temps, il était au courant que la relation entre ses deux parents n’avait fait que se dégrader.
Sa femme l’attendait dans la salle, le regard noir.

La dispute qui suivit fut violente, et ils eurent des paroles blessantes l’un pour l’autre. Ils s’accusèrent de beaucoup de choses qu’ils ne pensaient pas. De beaucoup de choses qu’ils pensaient, aussi. Elle lui en voulait de ne pas avoir été suffisamment là durant les mois précédents. Il l’accusait de laisser son fils tout seul à la maison le soir. Elle l’accusait de ne pas être suffisamment présent. Il l’accusait de ne jamais avoir soutenu leur fils dans quoi que ce soit. Elle l’accusait d’être un idéaliste, lui dit qu’il fallait mieux le confronter à la réalité maintenant que le laisser être déçu plus tard quand il n’arriverait pas à devenir astronome. Il lui rétorqua qu’elle essayait de le dissuader alors qu’il n’avait même pas encore essayé. Aucun des deux ne parla du fait qu’elle couchait avec d’autres hommes, car, pour être honnête, ils avait laissé loin derrière le stade où il aurait considéré ça comme une trahison. (Après tout, pour que ç’eut été une trahison, il aurait fallut qu’il y ait quelque chose à trahir, au moins pour l’un des deux.)
Ils se détestaient depuis des années et ils le savaient.

Le lendemain, après avoir dit au revoir à Hippolyte, Marius repartit sans regarder en arrière.

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Quand il retourna au Lavandia Sea, son séjour écourté abruptement, la sensation de l’entité qui aimait espionner les marins quand ils étaient dans les couloirs parut presque comme un accueil chaleureux. L’entité, elle, ne le jugeait pas. Ou, si elle le jugeait, au moins elle ne disait pas ce qu’elle pensait de lui à voix haute. Sur l’étagère, il rajouta un nouveau Skitty, avec un tout petit t-shirt portant le logo de la compagnie dirigeant le spectacle d’astronomie. Comment son fils faisait pour trouver toutes ces figurines partout, ça, il n’était pas sûr. Il la déposa avec les autres.

Il décida de concentrer toute son énergie sur l’opération « Saborder le Projet New Lavandia », et, si cela l’empêchait de penser à tout ce qu’il s’était passé avec sa femme ? Ce n’était qu’un bonus.