Par dessus-bord
« Rapport de notre agent infiltré dans Devon. Preuves du développement avancé d’une nouvelle source d’énergie basée sur l’énergie vitale des Pokémon. Nom interne : Énergie Infinie. »
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Maintenant qu’ils étaient en pleine mer, Marius Kosmo avait été réassigné à la gestion des stocks. Il était censé vérifier que rien ne manquait ou n’était volé dans les caisses qu’ils avaient embarquées durant le premier jour. Les caisses, il l’avait appris une fois qu’ils avaient été suffisamment loin de la côte pour pouvoir les ouvrir, contenaient des Pokéball. Des dizaines, centaines de Pokéball. Il ne savait pas ce pour quoi elles allaient être utilisées, mais ce n’était pas lui qui allait poser la question. Une des personnes qui était au courant s’était mis à crier sur Poupe dans la cantine, en le traitant de monstre. Le lendemain, il avait disparu.
(Ils connaissaient tous la onzième règle)
Poser des questions était le meilleur moyen de se faire tuer, alors Marius se taisait.
Le matin, il disait bonjour de vive voix. Il obéissait à ses supérieurs. Il se taisait. Il travaillait. Il baissait la tête, et comptait les stocks.
Le nombre de Pokéballs diminuait, quand d’autres marins venaient en chercher le soir pour les apporter dans la cale. La nuit, il se tournait et retournait dans son lit, incapable de dormir, les yeux grand ouverts. Il essayait de ne pas y penser, de ne pas réfléchir, mais, il en était incapable.
Ses lèvres restaient scellées, mais, derrière, ses pensées tournaient en rond et le rendaient fou.
(Onze. Ne pas demander d’où viennent les cris)
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Les nuits passaient, et il n’arrêtait pas de penser aux cris. Tout le long de la journée, il essayait de trouver des explications et montait des théories de plus en plus farfelues. Un soir, il décida d’aller voir ce qu’il se passait dans la cale.
Il sortit de sa cabine et longea le mur du couloir en restant dans l’ombre. Il fit une pause devant l’escalier qui descendait, prit une grande inspiration, et, lentement, sur la pointe des pieds, les descendit. Il eut l’impression de descendre pendant des heures, et, même si ce n’était qu’une impression, la descente prit tout de même plus de temps qu’elle n’aurait dû, parce que Marius faisait des arrêts fréquents pour regarder derrière son épaule. Plus il descendait, plus l’impression qu’on était en train de le regarder s’intensifiait. Quand il eut enfin réussi à descendre jusqu’à la dernière marche, il se retrouva devant une cage d’escalier. Il n’y avait qu’une porte, aux double battants. Un des battants était légèrement ouvert, et de la lumière jaune filtrait de sous la porte, d’autant plus visible que l’endroit était plongé dans un noir total.
Lentement, en faisant le moins de bruit possible, car le moindre son semblait remplir le silence et résonner comme un coup de tonnerre, il s’approcha, puis se colla contre le battant et jeta un coup d’œil. Il y avait là des personnes en blouse blanche – des scientifiques – , des Pokéball, de tuyaux de diamètre variable serpentant le long des murs, connectés d’un côté à des moniteurs, et de l’autre à… d’immenses cylindres de verre emprisonnant des Pokémon. Ils étaient de taille et de forme variable, tous endormis. Au milieu de la salle il y avait une table sur laquelle était posée une Clé de Voûte, celles qui contenaient les Spiritomb. Il y avait plusieurs bandes de cuir qui étaient enroulées autour, et qui la fixaient à la table. Pourquoi est-ce qu’ils avaient besoin d’une Clé de Voûte ?
Les scientifiques traversaient la pièce de long en large, branchant et débranchant les tuyaux et appuyant sur des boutons dont Marius ignorait la fonction. Ils s’affairaient autour d’un tube dans lequel un Skitty était roulé en boule. Un des scientifiques tira sur un levier, le ronronnement des machines se mua en un rugissement, et le Skitty se mit à se tourner et se retourner dans son sommeil, griffant et pleurant et criant, mais ses suppliques étaient noyées sous le bruit des machines.
Lentement du gris commença à apparaître au bout des pattes du Skitty, et Marius crut d’abord qu’il était en train de rêver. Le gris commença à monter le long des pattes, et Marius se rendit alors compte que le Skitty était en train de se transformer en pierre. Marius voulait fermer les yeux, effacer ses images de ses souvenirs, mais il était pétrifié par l’horreur de ce qui se déroulait devant ses yeux, et n’arrivait pas à détourner le regard. Sa main se serra autour de la petite figurine de Skitty en uniforme de marin qu’il avait finalement décidé de mettre dans la poche de son uniforme.
Une fois que le Skitty fut entièrement transformé en pierre, deux des scientifiques le transportèrent vers la porte, et Marius eut tout juste la présence d’esprit de se décoller de la porte et de se cacher sous l’escalier, tandis que les deux scientifiques transportaient le Skitty. Quand il fut sûr qu’il ne risquait plus d’être découvert, il se mit à courir, et suivit les scientifiques jusqu’au pont. Là, il se cacha dans l’ombre de la cage d’escalier. Ils étaient devant la balustrade, et Marius n’avait eu plus envie dans sa vie de le glisser derrière eux et de les jeter par dessus bord. Il était encore horrifié de ce à quoi il venait d’assister et avait du mal à réfléchir. Ses mains tremblaient violemment.
Les deux scientifiques jetèrent le Skitty par dessus-bord, et un bruit d’éclaboussures se fit entendre.
Marius, les larmes aux yeux, se dirigea en courant vers les toilettes. Il avait envie de vomir. Il avait du mal à respirer. Son cœur battait la chamade. Il était en train de pleurer. Il n’arrivait pas à respirer. Il s’étouffait, il se noyait, il-
Il perdit connaissance sur le sol des sanitaires.
Quand il revint à lui, il resta de longues minutes à faire le tri dans ses souvenirs et essayer de comprendre ce qu’il avait vu. Il avait assisté à la mort d’un Pokémon. Un Pokémon était mort. Un Pokémon avait été tué et changé en pierre.
Il jura. C’était un cauchemar. Toute cette opération était un enfer. Il ne pouvait pas laisser ça continuer.
Il allait détruire le Projet New Lavandia, et tant pis s’il y laissait sa vie.