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Une lumière dans les ténèbres de oska-nais



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» Auteur : oska-nais - Voir le profil
» Créé le 15/05/2024 à 15:44
» Dernière mise à jour le 15/05/2024 à 15:47

» Mots-clés :   Absence de combats   Drame   Famille   Johto   Organisation criminelle

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Raconte moi tes peines (Ne reste pas tout seul)
Chapitre 5 : Raconte-moi tes peines (ne reste pas tout seul)

Yuro se réveilla en bâillant. C’était la première fois depuis qu’il avait été enfermé qu’il se réveillait en ayant l’impression d’avoir bien dormi. Quand il regarda à côté de lui, il ne fut pas surpris de voir qu’Émelie s’était glissée à ses côtés pendant qu’il dormait. Il se sentait en sécurité quand il était à côté d’elle, plus que jamais auparavant. C’était… bien de se sentir en sécurité. Il avait oublié à quel point ça l’était. Il ne pensait plus à ce que diraient les autres Absol dans son dos. Il ne s’inquiétait pas de devoir rester à proximité des autres Absol de son âge qui lui avaient fait du mal. Il était avec quelqu’un qui ne le poussait pas à être quelqu’un qu’il n’était pas. Quelqu’un qui ne le forçait pas à étouffer ses émotions. Il aimait bien Émelie. Elle était gentille, protectrice, elle était là pour lui. Tout ce que sa mère n’avait jamais été. (Ça lui faisait toujours aussi mal. Il essaya de penser à autre chose.)

Il se rapprocha un peu plus de Émelie. Il ne savait pas si ça faisait de lui un mauvais fils de penser ça, mais une toute petite voix en lui aurait préféré qu’Émelie soit sa mère. Il fit immédiatement taire la voix et l’enterra sous des couches et des couches de tous les souvenirs qu’il pouvait trouver. Les souvenirs heureux qu’il avait eus avec sa mère. Faire taire la petite voix pendant que le ton brisé de sa mère lui remontait aux oreilles. (Mais tu ne te souviens pas de tous les moments heureux que l’on a passés ensemble ?) Il ne devait pas penser comme ça. C’était mal. Après tout, il avait eu des moments heureux avec sa mère, non ? Elle avait été gentille avec lui, pas vrai ?

Mais Émelie s’allongeait à côté de lui quand il allait mal, et ne le forçait pas à parler des choses dont il ne voulait pas parler. Émelie plaisantait avec lui. Émelie le laissait s’allonger à côté d’elle, prenait une grande inspiration, et se mettait à raconter et ses mots faisaient naître une magie qu’il n’avait jamais vue auparavant, emplissant la pièce d’odeurs d’été et de lumière, en l’emmenant au-delà des murs mal entretenus de la pièce, et il se sentait enfin libre. Il n’était jamais « hypersensible » pour Émelie. Il « n’exagérait » jamais, il n’était jamais « anormal ».
Il n’était jamais « pas assez » ceci ou « trop » cela.
Il était juste lui.
Et, tout au fond de lui, un musique naissait. Il voulait sortir d’ici, et visiter tous les lieux dont Émelie lui parlait. Il voulait voir de lui-même la beauté du monde. Il voulait voyager, sans attaches et former des vrais liens avec des gens à qui il pouvait faire confiance, des gens qui l’aimaient pour qui il était, des gens comme Émelie.
Mais, l’idée de marcher… Hmm. Peut-être qu’il essayerait de se faire des amis en restant au même endroit, au final.

Émelie commença à remuer à sa gauche. Puis, elle se mit à bâiller à s’en décrocher la mâchoire, et regarda autour d’elle avant que ses yeux ne tombent sur Yuro. Elle lui fit un sourire, fatigué, mais heureux. Puis, elle commença à faire ses étirements, et se mit à faire sa toilette, comme chaque matin. Yuro la regarda faire un moment, puis la copia un peu maladroitement.
Ils venaient à peine de se lever, et, déjà, Yuro voulait lui demander de lui raconter une histoire, mais il savait que ce n’était pas le moment, et il ne voulait pas la déranger.

Émelie le regarda en penchant la tête d’un côté, une demande silencieuse de savoir à quoi il pensait.
Il poussa un soupir. Il n’avait pas vraiment été très discret.

- J’étais en train de me demander si tu pouvais me raconter une autre histoire. (Il évita les yeux d’Émelie. Il n’avait pas envie de voir la déception sur son visage, la déception qui serait forcément là car il n’arrivait jamais à être normal) – Désolé. (Il laissa échapper un petit rire qui n’avait rien d’heureux) – Je dois vraiment être en train de t’ennuyer. Et- Et puis, c’est à toi de décider si tu veux parler de choses avec moi – ce n’est pas à moi de – Désolé.

(Tu ne sais même dire une phrase entière sans bégayer, quelle honte.)

Émelie lui jeta un regard, et elle paraissait… Triste ? … Non, il devait encore être en train de mal interpréter quelque chose, ou alors c’était juste ce qu’il espérait voir.
Mais, contre toute attente, (Elle a juste pitié de toi) elle s’approcha (elle ne t’aime pas vraiment), et se laissa tomber à côté de lui.

(Il s’apprêtait à l’entendre soupirer, il s’attendait à entendre le soupir indiquant qui disait qu’il avait encore mal compris quelque chose, il s’attendait à voir la tension dans les épaules et le regard d’acier - tais-toi ou tu vas le regretter - qui venaient juste avant que sa mère lève la voix et qu’il se sente impuissant et incapable et qu’il soit incapable de placer un seul mot pendant qu’elle criait, et déjà, ses muscles se tendaient, s’apprêtant à fuir comme le lâche qu’il était ou à se figer et se taire et laisser passer car c’était toujours pire quand il essayait de répondre pour se défendre.)

- Qu’est-ce qui t’intéresserait, comme histoire ?

Il ne savait pas. Il ne s’attendait même pas à ce qu’elle accepterait, il n’avait pas pensé à ce qu’il demanderait après. Il se repositionna nerveusement. Il se rabattit sur la réponse la plus sûre, celle qui lui permettait de se sortir des mauvaises situations, parfois, quand il était avec les autres Absol de son âge.

- Comme tu veux.

(Ils se moquent de toi quand tu leur proposes une idée, mais ils te méprisent quand tu ne dis rien. Tu n’es pas le bienvenu ici.)
Émelie le regarda avec confusion.

- Tu sais que je ne te jugerai pas sur ce que tu as envie d’entendre, pas vrai ?

Elle était tournée vers lui, et elle le regardait avec tant de patience, et Yuro savait, il savait qu’elle ne le jugerait pas, qu’elle ne se moquerait pas, et qu’elle n’avait rien fait qui puisse mériter sa méfiance, mais c’était une habitude gravée dans sa chair, dans ses os, un instinct de survie qui refusait de partir, un réflexe qui réagissait avant qu’il ne puisse y réfléchir.
Mais c’était Émelie. Ça ne voulait rien dire. Et, pourtant, ça voulait tout dire.

- Je ne sais pas. Je ne pensais pas arriver aussi loin dans la discussion. D’habitude, quand on me demande mon avis…

Sa gorge se bloqua dans un sanglot muet, et il n’arriva pas à prononcer un mot de plus. Il ouvrit la gueule, la referma en un claquement sec, et jeta un regard implorant à Émelie, la suppliant de comprendre ce qu’il n’arrivait pas à formuler avec des mots.
Sans qu’un seul mot ne soit échangé, Émelie se colla contre le flanc de l’Absol, et Yuro posa son museau contre le sol.

« Quand j’étais petite, je vivais avec Léon -mon dresseur- dans une maison à la campagne, dans un petit village pas loin de Cromlac’h et de la route 10.

Quand il était petit, il avait plein de théories sur comment les menhirs avaient été levés – les menhirs, ce sont des pierres debout -, et, bien que je ne puisse pas les lui raconter, j’avais aussi les miennes. Elles variaient de quelque chose de réaliste, comme “les Pokémon ont aidé à les pousser.” à des idées complètements farfelues, comme “C’est encore un coup de Giratina !”

La réalité était beaucoup plus sombre que ça, et plus proche qu’on ne le pensait de la deuxième théorie, mais c’était quelque chose qui n’était pas expliqué dans les détails aux enfants de Cromlac’h et des environs sans avoir été très enjolivée au préalable. On racontait la légende du roi rendu fou par la perte d’un être cher à voix basse autour des feux de camp. Les aînés de la fratrie le racontaient aux plus jeunes en faisant de grands gestes et en prenant des voix intimidantes pour leur faire peur avant qu’ils s’endorment.
Un conte parlant de douleur et de violence, de rage et de désespoir.
Une réalité brusque et cruelle sur la folie d’un homme qui était prêt à tout sacrifier pour se venger d’une guerre impitoyable, et qui finit par provoquer une dévastation encore plus grande que la guerre n’avait créée. C’est sûr qu’il ne peut pas y avoir de guerre si tu tues tout le monde. »

Yuro était captivé. Il ne savait pas ce qu’il voulait entendre, mais cette histoire cochait déjà toutes les cases, même celles dont il ne connaissait pas l’existence, avant d’avoir même commencé.
Il voulait savoir la suite.

- Le conte commence, plus ou moins, en ces mots…
Il y a très, très longtemps, en ces terres vivaient un roi, et son compagnon. Ils étaient proches comme des membres de la même famille. Puis, un jour, la guerre vint frapper à la porte, et le Pokémon partit au combat. L’homme attendit, et attendit, et attendit que son Pokémon revienne, priant désespérément à Xernéas pour qu’il reste vie.
Puis, un jour, on rapporta à l’homme une petite boîte.


*************
- Une petite boîte ?

- Ah, j’avais oublié, c’est vrai que tu ne peux pas savoir ce que c’est. Hum… Employé dans ce contexte-là, ça signifie un cercueil.

- Aaaah, d’accord… c’est quoi un cercueil ?

- Les humains placent les cadavres de leurs morts dans des boîtes avant de les enterrer.

- C’est flippant.

- Tu trouves ? Moi je comprends pourquoi ils font ça. C’est ce que je voudrais, moi aussi. Un lieu où tu pourrais te recueillir, penser au passé, dire à voix haute tout ce que tu aurais voulu dire. Pleurer pour quelqu’un qui n’est plus là… Désolée, est-ce que c’est trop sombre, comme histoire ? C’est la première à laquelle j’ai pensé car elle était très connue dans cette partie de la région.

- Non, non, je veux savoir la suite. Tu peux pas t’arrêter maintenant.

*************
« Très bien. Donc, j’en étais où … ? À oui !
Rongé par le désespoir, le roi décida de ranimer son Pokémon, à n’importe quel prix. Il partit à la recherche d’Existence qui, ému par la détresse de l’homme, décida de lui prêter sa force. El construisit une immense machine, magnifique, et puissante. Grâce à la machine et Existence, il réussit à ramener son compagnon à la vie. Mais ce n’était pas assez. La guerre qui avait pris la vie de son ami ne s’était pas arrêtée. Consumé par une rage brûlante qui le rendait aveugle, l’homme transforma sa machine capable de ressusciter les morts en une arme de destruction, l’Arme Ultime, et, pour la faire fonctionner, il se mit à parcourir la région de long en large, avec autant de désespoir que quand il voulait ramener son ami à la vie jusqu’à ce qu’il ait trouvé une autre source d’énergie. Le roi fou trouva Annihilation, et, au lieu de lui demander de l’aide comme il l’avait fait pour Existence, il l’arrima de force à la machine durant son sommeil. Puis, il l’activa, causant une vague de destruction sans nulle autre pareille. L’arme lança un puissant rayon qui détruisit le champ de bataille, décimant aussi bien ennemis qu’alliés, ne laissant que désolation sur son passage. L’homme, exposé à l’énergie dégagée par l’arme, fut rendu immortel par sa propre création, réduit à errer éternellement les terres qui lui avaient appartenu, oublié de tous, et le Pokémon, horrifiée par cet homme qu’elle ne reconnaissait plus, et refusant de lui pardonner le massacre qu’il avait causé en son nom, le quitta. On peut encore voir le Roi Immortel à ce jour dans la région de Kalos, ses longs cheveux blancs flottant au vent, à la recherche de son Floette. »

Yuro resta muet un moment, puis, d’une voix hésitante, il lui demanda ce qu’il s’était vraiment passé. Émelie le regarda un moment. Est-ce que c’était vraiment une bonne idée de lui raconter ?
Yuro la regardait avec insistance, (S’il-te-plaît ne me mens pas.)
Avant qu’elle ne puisse prendre une décision, cependant, elle entendit la porte coulisser.

Immédiatement, Les deux Pokémon tournèrent leur tête vers le son, Émelie avec une attitude nonchalante, Yuro en se raidissant, prêt à fuir au moindre signe de danger.
C’était la personne qui était venue leur donner à manger la dernière fois, Krys.
Oh, wow, il a l’air épuisé. Est-ce qu’il a dormi hier ?

Rien qu’à le voir, Émelie savait qu’il n’était pas en bon état. Il avait des cernes encore plus profondes que d’habitude, et il n’avait pas l’air d’être vraiment présent. Krys leur jeta un regard, puis, sans un mot, se baissa pour remplir les gamelles, mais, au lieu de se relever, il passa les mains sur son visage plusieurs fois, en poussant un long soupir. Il tremblait de tous ses membres, le pauvre. Émelie secoua la tête. Elle ne devrait pas penser comme ça, il obéissait à ceux qui l’avaient enfermée ici. C’était stupide, et dangereux, d’avoir pitié de lui.

(Mais c’est le seul, dans cet endroit maudit, à te traiter correctement et à te voir comme quelqu’un.)
(Un jour, sa compassion causerait sa mort. Stupide, stupide Émelie.)

Lentement, d’un pas hésitant, elle s’approcha de Krys. Il ne se rendit pas compte qu’elle approchait avant qu’elle ne le touche du bout du museau. Il sursauta, et ses yeux se tournèrent vers elle. Immédiatement, une des Pokéballs à la ceinture du jeune homme s’ouvrit dans une explosion de lumière qui éblouit Émelie. Quand la lumière s’estompa, elle se retrouva devant une Noctali qui la fusillait du regard en grognant. Un avertissement.

- Ne l’approche pas, ou je te [i]jure
que tu vas le regretter.

- Nox, arrête, intervint Krys. Tu vois bien qu’elle n’est pas en train de m’attaquer.

Immédiatement, Émelie recula de quelques pas. Elle était confiante dans sa capacité à vaincre la Noctali si elle l’attaquait, du moment qu’elle arrivait à garder ses distances, mais elle n’avait pas envie de se battre. Elle ne comprenait que trop bien le réflexe de se placer devant son dresseur pour le protéger. (Émelie, elle aussi, avait été une protectrice). Elle jeta un regard à Yuro, qui s’était fait tout petit au fond de la cage. (Était toujours une protectrice)

- Ne t’inquiète pas, je ne suis pas là pour lui faire du mal. Je voulais juste savoir s’il allait bien.

La Noctali arrêta de grogner, mais resta sur ses gardes, et, oh comme c’était familier, cette tension dans les muscles, ce regard qui sautait des yeux aux griffes aux crocs pour jauger le danger.
(Là, tu vois, tout va bien, c’est juste une petite griffure. Je vais bien, Émelie !)
(Au final, elle n’avait pas pu le sauver)

- Ne t’inquiète pas, je vais bien, tu vois ! Lui répondit Krys en agitant la main et en lui faisait un sourire.
(Il n’avait pas l’air d’aller bien)

- Est-ce qu’il sait lire dans les pensées, ton dresseur ? Demanda Émelie, un peu confuse

La Noctali lui jeta un regard désabusé pendant quelques secondes. Puis sa posture se détendit enfin complètement, et elle lâcha un petit rire.

- Non, il a juste vécu longtemps au contact de Pokémon, donc il arrive assez bien à deviner les intentions de ceux qu’il croise. Au fait, je m’appelle Nox, merci de ne pas avoir attaqué Krys.

- … Tu es sûre que tu devrais me remercier pour ça ?

- Non, pas vraiment, mais ça fait un moment que j’ai arrêté de m’attendre à ce qu’on nous traite décemment.

Krys les regardait échanger avec curiosité, et un sourire en coin étirait ses lèvres.
(Est-ce que Yuro n’était pas plus loin que ça il y a quelques minutes ?)

- Hmm, toi, au moins, tu n’es pas enfermée comme nous.

Nox grimaça légèrement. Elle n’aurait pas dû dire ça.

- Désolée, je n’ai pas réfléchi avant de parler.

- Y’a pas de de mal.

Il y eut un silence gênant entre les deux, puis soudain :

- Tu es sûre qu’elle ne va pas nous attaquer, Émelie ?

Émelie et Nox sursautèrent. Yuro était roulé en boule sur le sol à quelques pas de là et fusillait Nox du regard. Émelie le regarda avec une expression amusée avant de faire les présentations. Krys les laissa parler un peu plus de temps, un sourire léger au coin des lèvres, avant de se relever et d’épousseter son pantalon.

- Désolé d’interrompre cette discussion qui a l’air très intéressante, mais on doit y aller, Nox.

L’humain partit avec Nox derrière lui, qui leur lança un regard avant que la porte ne se referme derrière elle. Yuro se tourna vers Émelie, incapable de tenir en place.

- Nox et ce type étaient sympas. Bizarres, mais sympas. Je leur fais toujours pas confiance, par contre. (Puis, les étoiles dans les yeux, il lui demanda :) Bon, et alors ? Et la version réelle de l’histoire du roi de Kalos ?

Émelie lui fit un grand sourire, et ils retournèrent s’installer à leur place habituelle.

*************
Krys relisait pour la dixième fois de la journée le message qu’il avait reçu de Nathan.

« Hey, salut Krys. Je suis vraiment désolé pour hier, je n’aurais pas dû m’énerver contre toi comme ça, ni te pousser à ce point à parler. Mais je maintiens ce que j’ai dit. Tu ne peux pas rester là, même si je ne sais pas exactement ce à quoi « là » se rapporte. C’est la Team Rocket, c’est ça ? Je vois pas grand-chose d’autre. Est-ce que tu as besoin que je te fasse sortir de là ? »

Son pouce restait au-dessus du clavier, suspendu dans les airs, immobile. Il devait répondre. Il savait qu’il devait répondre. Mais il relisait ces phrases et une fois il perdait tout sens de direction. (Il ne pouvait pas lui dire « J’ai besoin d’aide. » mais s’il mentait son frère s’en rendrait compte)
(Mens encore une fois, tout ira bien – sauf que c’est un mensonge et qu’il le sait très bien)

« J’ai besoin d’aide, mais tu ne peux pas m’aider. Vraiment pas. Si tu essayais de venir me chercher alors Giovanni en profiterait pour te faire du mal, à toi, à Papa, et à Maman, et je ne peux pas laisser ça arriver. Je suis désolé. »

Son Motismart sonna avant même qu’il ait fini de le ranger dans son sac. Il soupira. Tout ce qu’il avait envie de faire, c’était d’aller à la cafétéria pour se prendre quelque chose à grignoter, et, surtout, prendre une tasse de thé. Il hésita pendant un instant, puis, à la suite d’une vibration insistante du Motismart, décida de lire le message en marchant.

« Non mais tu ne pourrais pas arrêter pendant deux secondes d’essayer de te sacrifier pour tout et tout le monde ? Tu dis que tu veux nous protéger, mais ça ne te passe pas par la tête que, peut-être, tu n’es pas le seul qui serait prêt à te mettre en danger pour ceux que tu aimes ? »

« Et c’est exactement pour cette raison que je ne vous en ai pas parlé avant. Vous seriez tous prêts à sauter dans les flammes pour moi, et je ne veux pas de ça. »

« Comme si tu n’avais pas déjà sauté dans les flammes pour moi. »

« Combien de fois est-ce que je vais devoir te répéter que j’ai choisi de revenir te chercher de mon plein gré, et que tu n’y es pour rien si je me suis mis en danger ? »

« Et combien de fois va-t-il falloir que je te le répète pour que tu te rendes comptes que c’est la même situation, et que maintenant que les rôles sont inversés, c’est à moi de t’aider ? »

Et voilà. Ils étaient de nouveau en train de se disputer. Oh Arceus, à quoi est-ce qu’il s’attendait ? À chaque fois qu’ils discutaient de ce sujet-là, ils finissaient par se disputer et à crier sur l’autre qu’il devait penser un peu à lui-même. Il n’avait pas l’énergie pour ce genre de dispute, surtout si tôt le matin, et avec le ventre vide. Nathan avait du mal à dormir donc il s’était sûrement réveillé il y avait un moment, mais lui non plus n’était probablement pas en état de continuer la discussion.
Il allait manger, se passer de l’eau sur le visage, se calmer un peu, et ensuite seulement il reviendrait à la discussion. Ils étaient tous les deux à cran, là, et cela ne pourrait se finir qu’en désastre s’ils continuaient à parler. (un désastre comme, par exemple, Nathan partant à Johto sur un coup de tête pour le retrouver. Nathan était loin d’être stupide, et, quand il avait une idée derrière la tête, il était quasiment impossible de l’en détourner.)

Il n’allait pas bien. Il n’allait pas bien. Et il n’aimait pas mentir, donc il ne savait pas s’il pourrait supporter que quelqu’un lui pose la question.

(Ne pense pas aux flammes.)
(Ne pense pas aux flammes.)
(Ne pense pas aux flammes.)

Il glissa le téléphone dans son sac. Nox, qui le suivait depuis qu’ils étaient sortis de l’allée dans laquelle les Pokémon chromatiques étaient enfermés, lui jeta un regard inquiet. Il se mordit la lèvre, en faisant de son mieux pour retenir ses larmes. Ce n’était vraiment pas le moment de pleurer, il était en plein milieu du couloir, là.
(Inspire. Expire. Inspire. Tu peux le faire)
Nox poussa du bout du museau sa main, et, acceptant avec plaisir la distraction, Krys s’accroupit pour gratter Nox sous le menton. Il essaya de se concentrer entièrement sur le mouvement de sa main le long du dos de Nox, sur la sensation de sa fourrure sous sa paume pour éviter de penser au feu.
Une fois qu’il se fut suffisamment calmé, il se remit à marcher. Les murs gris, tous identiques, défilaient sur les côtés. Il était enfermé. Enfermé dans ce bâtiment, enfermé dans cette vie, enfermé dans ce corps. Comme les Pokémon chromatiques enfermés dans les cages quelques couloirs plus loin. Comme Laura, et tous les autres sbires qui étaient là contre leur gré.
Sauf que ce n’était pas la même chose, et qu’il ne pouvait pas se permettre de dire que c’était la même chose. Lui, il laissait les Pokémon être enfermés, en attendant que quelqu’un les achète, échangeant une cage pour une autre. Il ne faisait rien pour les aider, alors qu’il les voyait tous les jours.

Il avait l’impression qu’il devrait se détester, mais il avait du mal à ressentir quoi que ce soit. Ses épaules ployaient sous un poids invisible. Il se sentait lourd, et il ne ressentait plus rien que de la fatigue. Il avait trop ressenti, la terreur et l’indignation et le désespoir et la tristesse, en trop peu de temps, et maintenant il se sentait vidé. Le monde paraissait si loin de lui, et rien ne paraissait réel, tout autour de lui étouffé et vidé de couleurs et de sens, comme dans un rêve.

(Il avait envie que tout s’arrête.)

Peut-être qu’il pouvait juste retourner directement dans sa chambre et se laisser tomber sur son lit. Il n’avait pas l’énergie d’aller manger, et de toute façon, il était déjà allé nourrir les Pokémon, ils n’auraient pas besoin de lui avant un moment, et il pouvait laisser aux autres sbires la tâche de les surveiller.

Puis, il pensa à Laura, qui, la connaissant, était sûrement en train de l’attendre devant la cafétéria, et qui, s’il ne venait pas, prendrait sûrement de son propre temps pour aller lui chercher quelque chose à grignoter et à lui apporter, nourriture dont il oublierait immédiatement l’existence, et qu’il ne mangerait pas, et, ensuite, elle s’en rendrait compte, et elle lui en voudrait (bien), et elle s’en voudrait (pas bien). Non, il ne pouvait pas lui faire ça. Il poussa un long soupir. Direction la cafétéria.

Quand il arriva devant la porte de la cafétéria, Laura était adossée contre le mur à côté du double battant, en train de lire un livre d’informatique. Quand elle le vit approcher, elle rangea son livre dans son sac, et lui fit signe de la main.

- Krys ! Tu en as mis du temps !

Elle lui fit un sourire, mais au bout de quelques secondes, il disparut, remplacé par une expression inquiète. Elle ouvrit la bouche, s’apprêtant à parler, puis la referma sans avoir rien dit. Elle n’avait probablement pas besoin de confirmation. Se fiant à sa réaction, son visage était probablement soit extrêmement épuisé, soit aussi inexpressif qu’un masque de pierre. Il la regarda dans les yeux, et vit sa passion et sa détermination, une petite étoile, un éclat de lumière dans ses yeux. Il glissa sa main dans celle de Laura, et elle lui indiqua d’un mouvement de la tête la cafétéria. Tout le long du trajet, et jusqu’à ce qu’ils aient à prendre les plateaux, elle ne le lâcha pas.

*************
Silver était étalé dans son lit. Il s’était tellement enseveli sous les recherches hier qu’il s’était couché encore plus tard que d’habitude. Maintenant, il n’avait plus besoin d’imaginer ce que ressentaient les adultes avec des cernes en se levant le matin. C’était abominable ! Il voulait se lever, et ne voulait pas rester à ne rien faire car ç’aurait été de la paresse, mais rien que lever son bras lui demandait des efforts monumentaux. Son corps paraissait lourd, et ses pensées arrivaient avec un temps de retard. Ses épaules souffraient d’être restées dans une position inconfortable, et ses yeux étaient lourds. Il avait du mal à s’habituer à la lumière crue sortant par la fenêtre, et voyait un peu flou. En général, cela passait assez rapidement, mais peut-être que s’il faisait semblant qu’il voyait flou papa lui parlerait ? Pfft, qu’est-ce qu’il espérait, ça n’avait jamais marché avant, ça ne marcherait sûrement pas cette fois-ci. Après tout, papa avait des choses beaucoup plus importantes à faire. Il avait tout le temps des choses plus importantes à faire. Silver lui en voulait un peu, mais il savait que ce n’était pas de la faute de son père s’il était trop occupé pour le voir.

Il s’autorisa quelques minutes pour rester allongé sur son lit, puis se leva, et s’étira – peut-être que ça rendrait son dos moins douloureux – avant de se diriger vers le miroir.
Wow. Il avait vraiment exagéré hier, y’avait pas à dire. Il n’avait vraiment pas envie de recommencer. Non seulement il se sentait très mal, mais il avait une tête horrible. Ses cheveux étaient ébouriffés dans toutes les directions, il avait des cernes, et il avait du mal à ouvrir en entier ses yeux, qui étaient secs et brûlaient. Il se regarda pendant un moment avant de décider de s’attacher les cheveux en demi queue-de-cheval haute. Il n’était vraiment pas d’humeur à devoir pousser ses cheveux à chaque fois qu’ils retombaient devant son visage.

Il ne pouvait pas passer toute la journée dans cet état-là, surtout s’il allait devoir aller planter les fleurs après ça. Les adultes buvaient du café en général, quand ils avaient mal dormi, mais quand il avait essayé d’en demander à la cafétéria avant, on lui avait à chaque fois répondu qu’il n’était pas censé en boire à son âge. Évidemment, il n’avait pas à suivre les ordres de personnes qui travaillaient pour son père, donc il s’était servi lui-même, et il s’était rendu compte qu’il aurait probablement dû écouter les autres sbires. Le goût était atroce. Beaucoup trop amer pour lui. Mais il était tellement fatigué qu’il était prêt à retenter l’expérience, ne serait-ce que pour éviter de s’endormir accidentellement. Il fit une grimace à l’idée de devoir supporter l’amertume pendant une tasse entière. Puis, après s’être habillé, il se dirigea vers la cafétéria. Il avait dit qu’il allait le faire, alors il le ferait. C’était trop tard pour reculer, il se sentirait stupide sinon.

Quand il arriva à la cafétéria, il y avait assez peu de monde. Cela dit, ce n’était pas étonnant, tous les sbires ne mangeaient pas à la base pour le petit-déjeuner. Au loin, il remarqua Krys et Laura assis à leur table habituelle, celle qui était un peu bancale. Il jeta un regard à la queue, puis à la table à laquelle Krys et Laura étaient installés. Il se dirigea vers la table. Il aurait très bien pu dépasser tout le monde dans la queue, mais il voulait aller les embêter un peu, et peut-être en apprendre un peu plus sur eux.

Il se glissa à côté de la table, et Laura le fusilla du regard, alors que Krys lui, avait juste l’air vaguement curieux. Il regarda le bol contenant un liquide marron clair sur le plateau de Laura. L’odeur lui indiquait que c’était probablement du café, et il y avait du lait dedans, à voir la couleur.

- C’est du café, ça ? Demanda-t-il à Laura en pointant du doigt le bol

- Oui, c’est du– Hé mais qu’est-ce que tu fais ?!

Il lui volé le bol et en avait bu la moitié d’une traite. Fort heureusement, Laura semblait avoir une habitude de mettre beaucoup de sucre dans son café, ce qui en cachait l’amertume. Krys faisait semblant de tousser dans sa main, mais ce n’était pas difficile de se rendre compte qu’il essayait juste de masquer son rire.

- Merci pour le café ! S’écria-t-il avant de partir en courant.

Il sentait le regard meurtrier de Laura derrière son dos. Il se retourna brièvement pour lui faire un salut moqueur avant de repartir. Un sourire étirait ses lèvres, mais il se surprit lui-même quand il se rendit compte qu’il était sincère.

*************
- J’ai discuté avec Nathan ce matin.

Les mots avaient franchi ses lèvres avant qu’il ait le temps d’y réfléchir à deux fois. Il savait qu’il pouvait compter sur Laura, et il avait besoin d’en parler à quelqu’un. Immédiatement, Laura porta toute son attention sur lui. Silver était parti il y avait environ dix minutes, et elle en avait profité pour aller re remplir son bol, et était actuellement en train de souffler dessus pour le faire refroidir.
Elle resta immobile un moment, puis lui demanda :

- Tu… Veux en parler ? Je suis pas sûre d’être très douée pour donner des conseils, mais si tu as besoin d’avoir une oreille attentive, je suis là.

- Voilà alors. On s’est disputés, parce qu’il voulait venir me chercher pour me faire partir de la base. Le problème étant, que j’ai peur de le mettre en danger, lui ainsi que papa et maman. Il a l’air de comprendre ça, mais il insiste quand même, en me disant que je n’ai pas à me sacrifier comme ça, sauf que c’est mon boulot, de me sacrifier ! Je ne peux pas les mettre en danger comme ça.

- Non, mais, tu sais, même si son idée de venir te chercher tout seul sans aucun plan de secours est stupide et dangereuse – j’en connais un rayon -, il a un bon argument. Ce n’est pas à toi d’essayer de protéger tout le monde tout le temps si ça te coûte ta propre santé. Puis, il a mentionné un évènement auquel... j’essaie de ne pas penser. Ça s’est passé il y a très longtemps, et je suis allé voir un psy, j’ai réussi à mitiger le trauma que cela m’avait laissé, mais parfois, ça s’en prend à moi quand je m’y attends le moins et… (Il s’arrêta, et reprit son souffle. Son cœur s’était accéléré)

- Écoute, si tu ne veux pas en parler, ou si tu ne peux pas en parler, tu peux t’arrêter là. Tu n’es pas obligé de me raconter quoi que ce soit si ça te rend inconfortable d’en, ou si tu ne te sens pas prêt, ou si tu ne veux pas en parler maintenant, ou si je ne suis pas la bonne personne à qui en parler. Je ne veux pas que tu te sentes forcé juste parce que je t’ai posé la question.

- Je sais. (Il prit une grande inspiration, puis la relâcha doucement) Je sais, mais il faut que j’en parle à quelqu’un. Quand on était petits, Nathan et moi… (Sa voix se brisa, il se râcla la gorge et continua) il y a eu un incendie dans notre quartier. Mes parents étaient partis travailler dans leur centre d’élevage, et nous, nous étions revenus à la maison pour manger, - on ne vivait pas très loin de l’école -. J’ai senti la fumée, et, paniquant, je suis sorti de la maison, en pleurs. Quand j’ai vu que Nathan n’était pas avec moi, j’ai fait demi-tour. Il y avait des flammes partout, et il y avait tellement de fumée, Laura ! Je n’y voyais rien, et j’avais du mal à respirer, et je le cherchais presque à tâtons. Quand je l’ai trouvé, je l’ai pris par la main et j’ai couru sans regarder en arrière. Il avait du mal à marcher, je crois qu’il avait respiré trop de fumée, je ne sais pas. Quand les secours sont arrivés, je n’ai pas réussi à leur dire quoi que ce soit. J’étais en train de serrer mon petit-frère dans mes bras et je refusais de le lâcher.

Il essuya ses larmes avec le revers de sa manche. Ses mains tremblaient violemment, alors il les posa à plat sur la table, en appuyant fort dessus. Quand il les enleva, elles tremblaient toujours. Il soupira. Il n’était vraiment pas doué pour contrôler son corps quand il repensait à ces évènements.
Il leva enfin les yeux vers Laura et… Son masque était brisé. Pas sourire qui sonne faux, pas de tentative de paraître forte pour lui. Elle avait les yeux écarquillés, et une expression horrifiée.
Elle prit sa main entre les siennes, et commença à tracer des ronds sur le dos de sa main avec un de ses pouces. Ses yeux brillaient. C’était de sa faute, n’est-ce pas ? Oh, il n’aurait pas dû lui raconter, maintenant elle pleurait !

- Tu as failli mourir. (sa voix était étrangement dépourvue de toute émotion. Sans doute le choc.) Tu as failli mourir ! (Ah, voilà à quoi il s’attendait. Colère contre le monde entier et désespoir et impuissance.)

Elle prit une grande inspiration. Puis deux. Puis trois. Quand elle le regarda de nouveau, elle était en train de pleurer, et… Oh. Les mains de Laura tremblaient. Il ne tenta même pas de sourire, il se leva, contourna la table, et ouvrit un peu ses bras. Une invitation. Laura se jeta sur lui et le serra fort dans ses bras, comme s’il risquait de disparaître si elle le lâchait. Elle étouffa ses sanglots contre son torse. Il referma ses bras autour d’elle. Après l’incendie, son frère et lui avaient été suivis par un psy, et bien qu’il soit sûr qu’ils allaient mieux maintenant, il était tout aussi certain que c’était le genre de cicatrices qui ne disparaissaient jamais (tout comme les lignes le long de ses bras ne disparaîtraient jamais alors qu’elles s’étaient refermées comme n’importe quelle autre blessure. Il ne s’en débarrasserait pas jusqu’au jour de sa mort.)

Il regarda Laura et ses « Je serai là pour toi. » et ses « N’hésite pas à venir vers moi si tu as besoin de parler. » et soudain le nombre de cicatrices qui parcouraient son corps et son esprit lui paraissait insignifiant, car elle était là pour lui, et il était là pour elle.

*************
Laura avait à peine terminé son petit-déjeuner que, déjà, son motismart sonnait. Un dysfonctionnement des caméra. encore. Parfois, Laura se demandait comment Giovanni avait réussi à maintenir la Team Rocket en un état suffisamment fonctionnel pendant autant de temps, avec la mauvaise qualité des équipements qu’il achetait. Cela venait probablement plus de la dissimulation au dernier endroit où on viendrait les chercher plus que du système d’alarmes. Parfois, elle détestait vraiment son travail. En fait, non, ce n’était pas vrai. Elle détestait tout le temps son travail.

(Mais si cela lui permettait de chasser les images de bébé Krys en train de brûler avec Nathan dans ses bras, alors elle le ferait.)
(Krys a failli mourir. Krys a failli mourir. Putain de merde, Krys a failli mourir.)


Sur le chemin, elle passa devant le couloir menant à l’endroit où ils détenaient les Pokémon chromatiques. Elle s’arrêta un instant, comme figée. Se demanda combien de Pokémon étaient là par sa faute, combien elle en avait assommé ou étouffé ou électrocuté-
Son cœur battait trop vite. Elle avait arrêté de respirer.
(Inspire. Expire. Inspire. Expire.)
Elle secoua la tête, comme pour faire disparaître le nuage noir de ses pensées qui restait au-dessus de sa tête. Elle ferait mieux de ne pas y penser, surtout que maintenant, elle ne pouvait rien y faire.
(Combien sont morts par ta faute ?)
(Tu sais que j’ai raison.)
(Tais-toi. Tais-toi. Tais-toiTaistoiTAISTOI)


Elle était en train de parler à voix haute dans le couloir. Elle devrait partir, mais ses pieds refusaient de bouger. Pendant des secondes qui lui parurent durer une éternité, elle resta là, à regarder la porte qui la séparait de l’enfer dont elle avait participé à la création. Elle ne pouvait pas rester là, elle avait un travail.

- Salut !

Elle sursauta, et la main sur son cœur pour essayer d’en calmer les battements, se retourna, se retrouvant face-à-face avec un garçon aux cheveux rouges. C’était Silver (encore lui, il n’en avait pas assez de la suivre partout ?).

- Il te reste du café ? Lui demanda-t’il, une expression innocente fabriquée de toute pièces sur son visage.

- Non, et j’ai autre-chose à faire que jouer la baby-sitter. Va trouver quelqu’un d’autre, je ne suis vraiment pas d’humeur.

Son visage perdit immédiatement toute la fausse joie, et se referma de la même que Giovanni le faisait, un masque ne laissant rien passer. (Il ressemblait tellement à son père que Laura dut fermer les poings très fort pour cacher à quel point ses mains tremblaient, à quel point elle avait peur, et peut-être que si elle faisait suffisamment bien semblant, elle arriverait à faire croire à Silver qu’elle était énervée et que cela le ferait partir.)

Silver, semblerait-il, était soit totalement incapable de remarquer les fausses marques d’énervement, ou était si doué qu’il savait qu’elle avait peur, parce qu’il ne bougea pas d’un centimètre. (Peut-être qu’il la pensait énervée mais qu’il n’en avait simplement rien à faire)

Il jeta des regards successifs à la porte des cages puis à Laura, comme s’il essayait de comprendre ce qui pouvait bien déstabiliser Laura au point qu’elle refuse de bouger. Évidemment que cela ne lui saute pas aux yeux, pensa Laura, il est né et a grandi ici. Pour lui, c’est normal d’enfermer des Pokémon dans des prisons étroites et insalubres, puisqu’il n’a connu que ça. Au moins, les pokéballs sont propres, elles.

- Hmm… Tu sais que fixer la porte du regard ne la fera pas s’ouvrir, pas vrai ? Et si ton créneau de surveillance pour la Némélios n’est pas aujourd’hui, tu ne pourras pas entrer, même si tu te décides à bouger et à utiliser son pass… Eeeet tu me fusilles du regard. J’essaie juste de t’aider, moi, pas la peine de me regarder comme ça !

- Et qu’est-ce que tu veux en échange, gamin ? Tu ne fais jamais rien gratuitement.

Silver lâcha un rire sec, cruel, et un frisson parcourut le dos de Laura car c’était le même rire que-

- Tu me connais bien. En échange, je veux que tu me dises tout ce que tu sais sur comment faire pousser des plantes. Ou, sinon, que tu prennes du café pour moi.

- Gamin. Pourquoi est-ce que j’y connaîtrais quoi que ce soit en plantes ? Mon truc, c’est les machines. Et hors de question que je te donne du café, c’est mauvais pour la santé, et c’est encore moins recommandé pour les enfants.

- Hé, j’en ai bu tout à l’heure et je vais bien !

Laura le regarda d’un air désabusé.
- C’est quand tu en prends régulièrement que ça devient dangereux, Silver. Et puis pourquoi est-ce que tu te mettrais soudainement au café, dis-moi ?

- Je veux pouvoir travailler sur le jardinage cette nuit. Et les nuits d’après.

- Et quoi, tu comptes sur le café pour te réveiller après n’avoir pas dormi ? Non, hors de question, je ne vais pas laisser un enfant se détruire la santé comme ça.

- … Est-ce que tu veux tant que ça que j’aille dire à mon père que tu ne fais pas ton boulot ?

Laura poussa un long soupir.

- Tu es vraiment insupportable, tu le sais, ça ?

Silver lui fit un sourire victorieux, puis il lui ouvrit la porte avec son pass, en lui emboîtant le pas. Laura le regarda avec un air exaspéré, mais décida de ne rien dire, car, après tout, ce n’était pas comme s’il allait lui obéir si jamais elle lui demandait de partir. Elle ne pouvait pas lui dire grand-chose sans qu’il ne ramène le pouvoir qu’avait son père sur tous les sbires.

Une fois arrivé devant la salle de surveillance à côté de la cage de la Némélios, il ouvrit en grand la porte, demanda au sbire en train de jouer au solitaire qu’il pouvait partir, et laissa passer Laura en faisant une révérence moqueuse. Laura leva les yeux au ciel, mais ne fit aucun commentaire.

Laura s’installa sur le fauteuil, puis sortit son oreillette et commença à travailler dessus, jetant de temps à autre un regard à la Némélios et à l’Absol dans la cage. Ils étaient en train de discuter, allongés l’un à côté de l’autre. Ils avaient l’air de bien s’entendre. Laura se demanda ce qu’ils pouvaient bien se dire. Qu’est-ce qu’ils étaient en train de raconter ? (Ce n’était pas important) Ce regard, et ce rire, d’où venaient-ils ? (Pourquoi est-ce qu’elle voulait savoir) Ils étaient enfermés dans un endroit horrible, et pourtant, quand elle les regardait, on avait l’impression qu’ils étaient chez eux. (Je n’ai pas de chez moi. Plus-… Non, je n’en ai jamais vraiment eu.) Ils avaient l’air de s’être connus depuis toujours, d’être de la même famille alors qu’ils ne s’étaient rencontrés qu’il y a quelques jours. (Je n’ai pas de famille, moi. Je n’ai pas eu de parents. Krys est un peu comme un petit frère mais…)
(Pourquoi est-ce qu’ils me manquent ? Ils ne devraient pas me manquer, ils n’ont jamais été là pour moi. Ils ne le méritent pas.)

(Je veux avoir quelqu’un qui me regarde comme ça. Qui m’aime comme ça. Qui soit là pour me consoler après un cauchemar, qui me prenne dans ses bras et qui me dise qu’il ne m’abandonnera jamais.)

(Ce n’est pas juste, mais je ne devrais pas, je n’ai pas le droit, d’être jalouse d’eux pour ça. Mais je ne peux pas m’en empêcher.)


Elle essuya ses joues avant de revenir sur son oreillette, mais, juste avant de sortir ses outils, elle jeta un regard à Silver. Il regardait la Némélios avec la même souffrance, le même manque qu’elle ressentait, qui lui brûlait le cœur.

- Silver ?

- Hmm ?

- Est-ce que tout va bien ?

Silver lui jeta un regard énervé.
- Oui, oui je vais bien, je vais très bien. Dis, j’ai quelques questions, ça ne te dérangerait pas d’y répondre ?
(Mensonge. Changement de sujet. Mais s’il n’était pas prêt à en parler elle ne le pousserait pas.)

- À quoi ça ressemble, dehors ? Je n’y suis jamais allé, sauf quand on a changé de base. Papa ne veut pas que je sorte.

(Quoi. Non. Non ce n’est pas– Quoi ?)
(Quelque chose n’allait pas.)
(Elle avait l’impression qu’elle était en train de rêver, car ce n’était pas possible, et, même si Silver était trop jeune pour sortir sans un adulte pour le surveiller, Giovanni n’enfermerait pas son gamin comme ça, il l’aimait trop pour ça, il-il l’aurait accompagné, évidemment, car Giovanni aimait son gamin, tout le monde dans la base savait ça… pas vrai ?)

Laura avait une voix qui tremblait quand elle lui demanda,
- Comment ça, tu n’es jamais allé dehors ?

(Quelque chose n’allait vraiment pas)

- Il avait dit qu’il m’accompagnerait, ça fait des années qu’il dit ça et il ne le fait jamais. (On t’a laissé de l’argent sur la table, tu sais te débrouiller.) Il ne parle jamais, depuis que maman est morte, mais, c’est normal, il travaille beaucoup, c’est normal, (Non. Non c’était loin d’être normal. Si c’était normal, elle n’aurait pas fini là-) il ne peut pas gâcher son temps avec moi. Je ne l’ai pas vu cette semaine. Ni la semaine dernière. Il me manque, c’est tout.

Laura avait l’impression que son cœur s’était arrêté, car comment est-ce que personne n’avait remarqué ? Comment est-ce qu’elle n’avait pas remarqué ça. Pourquoi est-ce que personne n’avait rien fait ?

- Silver ? (Sa voix lui paraissait détachée de tout. Elle essaya tant bien que mal de revenir à la réalité, mais elle revenait toujours à cette maison vide et ces billets sur la table et Tu sais comment faire, on te fait confiance. - Mensonges, c’étaient des mensonges et des platitudes vides d’amour, des compliments vides de sens, un bisou sur la joue puis ils partaient mais elle ne connaissait rien d’autre donc elle ne comprenait pas à quel point c’était loin de l’amour parental.)

Elle prit une grande inspiration.
- Silver, ce n’est pas normal.

- Qu’est-ce que tu en sais, d’abord ?

(D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle ne s’était jamais sentie aussi seule que quand elle était dans cette maison)

- J’en connais un rayon. Et c’est pour ça que je te dis que ce n’est pas normal.
Elle le suppliait du regard, qu’il comprenne, qu’il ne fasse pas les mêmes erreurs qu’elle, à perdre du temps à essayer d’être parfaite pour des gens pour qui elle ne serait jamais plus qu’un boulet.

- Tu n’as pas la moindre idée du nombre de choses difficiles que Papa a vécu. Tu ne peux pas comprendre.

Et c’était le piège, car, peu importe à quel point les choses qu’il a vécu étaient difficiles, rien ne justifiait de maltraiter son enfant. Mais il semblerait qu’elle ne serait pas capable de le convaincre tout de suite. Comme elle, il aurait besoin d’arriver à la conclusion par lui-même.
Cela dit, il y avait bien quelque chose qu’elle pourrait faire.

- Tu veux que je t’accompagne ? Faire un tour dehors, je veux dire. Si tout ce qu’il te manque, c’est un adulte responsable qui soit derrière toi, je peux venir.

- Toi ? responsable ? (Il se mit à rire) Tu ne sais même pas te cacher correctement quand tu travailles sur ton machin ! (La main de Laura glissa à côté de son oreillette) Mais bon, je suis pas sûr que sortir sans le prévenir soit une bonne idée, de toute façon. Et si je le prévenais, il me dirait « non », de toute façon. Non, tu sais ce qui me ferait vraiment très plaisir ? (Il fit une pause. Laura lui fit signe de continuer.) Du café.

- Quoi ? Mais tu m’as déjà demandé ! (Elle leva dramatiquement les bras vers le plafond) Et je t’ai déjà dit oui !

- Non, tu m’as dit que j’étais insupportable.

- Ah. (Laura se mordit la lèvre. Il marquait un point.) C’est vrai. Que tu es insupportable, je veux dire.

Silver tira la langue, puis se mit à rire. Il la regarda, puis lui fit un sourire.
- Alors ?

Laura poussa un soupir.
- Bon. Bon, d’accord. Mais si je te passe du café, tu dois essayer de te coucher tôt en échange. Ne reste pas réveillé toute la nuit, d’accord ?

- …
Il avait le regard perdu dans le vide pendant un moment. Puis, il parut se sortir de ses pensées, et la regarda, et, pour la première fois, il la regardait sans aucune moquerie, frustration, aucun mépris. Il y avait quelque chose dans ses yeux, un mélange de surprise, comme s’il ne s’attendait pas à ce que qui que ce soit s’inquiète pour lui – comme s’il pensait qu’il ne le méritait pas – et de tristesse – de manque - , et il lui fit un sourire, pas dédaigneux ou hautain, non, un vrai sourire qui s’étendait sur tout son visage et faisait plisser le coin de ses yeux et…
- D’accord, j’essaierai.

Laura considéra que cette réponse était satisfaisante.
(Peut-être qu’elle arriverait à empêcher Silver de vivre ce qu’elle avait vécu, elle. Et peut-être qu’elle arriverait à enfin rendre quelqu’un heureux)

*************
Krys était en train de fixer sans le voir l’écran de son Motismart, lisant et relisant encore et encore la conversation qu’il avait eue avec son frère jusqu’à ce que les mots en perdent leur sens. Puis le message qu’il venait de voir, et dont l’heure d’arrivée était marquée à dix minutes après la fin de leur première conversation.

« Krys, je suis désolé pour tout à l’heure, je n’aurais pas dû m’énerver contre toi comme ça, et, si je ne peux pas t’aider sans mettre tout le monde en danger, je ne viendrai pas te chercher, mais, s’il-te-plaît, s’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour t’aider, tu me le dis, d’accord ? »

Son doigt resta suspendu un moment suspendu au dessus du bouton d’appel. Il hésita, puis le redirigea vers la barre de message. Il ne savait pas s’il arriverait à rester calme s’il entendait encore la voix de Nathan.
Peut-être qu’il s’énerverait.
Peut-être qu’il éclaterait en sanglot.
Il ne savait pas ce qu’il ressentait vraiment. C’était un mélange confus d’émotions qui étaient soient trop fortes soit presque inexistantes et qui n’étaient bonnes qu’à bloquer sa gorge quand il avait besoin de s’exprimer. Elles venaient par vagues, et il avait l’impression de se noyer quand elles montaient, puis d’être vide quand elles se retiraient.
Il devait écrire quelque chose, c’était Nathan, par tous les légendaires ! Mais son doigt restait dans les airs et il ne savait pas quoi dire. La barre de suggestions était inutile, et il n’était même pas capable d’écrire un seul mot.

Est-ce que Giovanni l’arrêterait s’il prenait ses affaires et partait, du jour au lendemain ? Est-ce qu’il tenterait de le poursuivre ?
Et s’il partait, retournait auprès de sa famille, laissait tout derrière lui pour aller faire un câlin à Nathan, et se laisser bercer par les bras de ses parents, comme quand il était encore un enfant ?
Giovanni n’avait jamais hésité à l’idée de menacer les sbires pour qu’ils restent dans le rang, mais est-ce qu’un sbire qui partait se ferait remarquer à ce point ? Est-ce que ce ne serait pas plus facile pour lui de recruter quelqu’un d’autre par des menaces ou des promesses ?

(Est-ce qu’il risquait vraiment quelque chose s’il partait ? Et est-ce qu’il pouvait vraiment se permettre de prendre le risque que les menaces faites par Giovanni ne soient que du vent ?
Et si ce n’était que de la manipulation, des menaces sans l’exécution qui viendrait après ?
Et si ça ne l’était pas ?
Il ne pouvait pas se permettre de prendre ce risque.)

Il regarda de nouveau le message de Nathan.
« D’accord, je te le dirai si j’ai besoin d’aide, ne t’inquiète pas. »

« Tu dis ça comme si c’était facile ! Évidemment que je vais m’inquiéter ! 
D’ailleurs, en parlant de s’inquiéter, tu devrait envoyer un mot à Papa et Maman. Je leur ai dit qu’on avait discuté, mais tu ne leur a pas reparlé depuis l’appel vidéo, et ils s’inquiètent. »


Un petit sourire étira ses lèvres. C’était bien Nathan, ça. Il ne savait pas ce qu’il allait pouvoir dire à ses parents, mais il allait trouver quelque chose. (Il trouverait quelque chose, et tout irait bien)
*************
Silver resta un long moment à côté de Laura, en jetant de temps en temps un œil à ce qu’elle faisait. Il n’avait plus envie d’aller rapporter à son père qu’elle procrastinait, et ce qui le surprenait le plus, c’était qu’il n’était pas le moins du monde surpris par cette réalisation. C’était étrange, il se fit la réflexion, qu’on ne se rendait pas compte à quel point on se sentait seul jusqu’à ce qu’on ait trouvé quelqu’un. On ignorait à quel point on allait mal jusqu’à ce qu’on se rende compte de ce que ça faisait de se sentir bien.

Il ne pouvait pas parler à Laura de ses problèmes – même si c’était un peu tard pour penser ça, maintenant qu’il lui avait parlé de son père –

(Et il était tellement stupide – pourquoi il avait fait ça, il ne pouvait pas juste parler de
choses aussi personnelles à des inconnus. Même si ses pensées traîtres l’avaient rendu plus
susceptible de parler sans réfléchir, il aurait dû s’arrêter)


– car il la connaissait à peine et ne pouvait pas lui faire confiance. Mais, il sentait que s’il se mettait à lui parler des choses qu’il aimait, des livres qu’il avait lus, de ses passe-temps préférés, il savait qu’il aurait une oreille attentive qui ne ferait pas semblant de l’écouter, et qui ne chercherait pas à l’interrompre pour le faire taire.
(Il n’était pas sûr que son père ait déjà été comme ça, même avant que maman soit morte.)
(…)
(Maman lui manquait.)


Il ne savait pas combien de temps ils restèrent ainsi, dans la salle de surveillance, Laura en train de travailler sur quelque chose qu’elle avait envie de faire, et lui en train de lire des articles sur les fleurs et la botanique sur sa tablette, et, même s’ils ne se parlaient pas - ç’aurait été maladroit et probablement très embarrassant, étant donné qu’ils se connaissaient à peine – il se sentait confortable dans le silence, car il lui suffisait de tourner la tête pour voir qu’il n’était pas seul, et, même s’il tournait le dos à Laura, les sons de ses outils métalliques ou de ses doigts tapant de manière arythmique sur son clavier lui assuraient qu’elle ne disparaîtrait pas au moment où il tournerait la tête. Et il ne la connaissait pas, et elle ne le connaissait pas, mais, savoir qu’il existait quelqu’un qui, à défaut de l’apprécier (il n’était pas vraiment sûr qu’elle l’appréciait), au moins tolérait sa présence.

Ce n’était pas une mère, pas une sœur, pas une amie, et elle ne cochait que techniquement parlant la case de « connaissance »… Mais c’était quelqu’un, et il ne voulait plus être seul.

Quand les alertes se multiplièrent sur le Motismart de Laura [(Et qu’est-ce qu’ils faisaient, ils n’étaient pas censés utiliser leur Motismart pour ce genre de communications), elle poussa un long soupir et commença à débarrasser ses affaires. Quand elle se mit à avancer d’un pas rapide vers sa prochaine destination, il la suivit, et sans dire un mot, cala son pas à celui de Silver pour qu’il n’ait pas à marcher trop vite pour la suivre).

*************
Le midi, quand Krys et Laura se retrouvèrent pour manger, Laura invita Silver à la table, et Krys, bien qu’il parût surpris, ne dit rien. Il poserait des questions plus tard. Et quand Krys commença à parler de ce qu’il avait fait, -il avait finalement décidé de faire le tour des cages où il y avait eu des problèmes, ne serait-ce que pour lui changer les idées, et Silver se pencha en avant sur sa chaise pour écouter, tout en faisant semblant de ne pas être intéressé.

L’après-midi, quand Krys vint donner leur nourriture à Émelie et à Yuro, Yuro fit la remarque que les croquettes avaient meilleur goût. (c’était parce que ce n’étaient pas les mêmes). Et, quand il repartit, ils se remirent à parler de tout et de rien, et le ton était plus léger qu’avant.

Le soir, quand Krys et Laura se retrouvèrent dans la chambre de Laura, elle raconta à Krys ce qu’il s’était passé avec Silver, et, quand elle se mit à pleurer, il la prit dans ses bras.

Et le lendemain, s’il y avait un troisième plateau sur la table branlante, personne ne fit de remarque.
(Mais tout le monde savait pourquoi)