Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Derkomai's Mask de weivern



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 26/11/2023 à 20:50
» Dernière mise à jour le 14/02/2024 à 20:30

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Présence de transformations ou de change   Romance

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Petite astéracée grignote les écailles
Dernières lueurs du jour, premiers coups de tambour, éclairages électriques éteints, les lampions des enfants trop jeunes pour être dresseurs se rassemblaient sur la place principale. Sacha et Pandespiègle les regardaient depuis le hall du centre pendant que Roussil réglait ses comptes avec Nymphali.

"Mais il t’a aidée à trouver ton cadeau finalement," se défendit le type fée.
"Il m’a surtout exploitée," grinça la renarde, "et tu sais très bien que ce n’est pas ce que je te reproche !"

Roussil ressemblait à Serena quand elle se penchait ainsi les poings sur les hanches, et Sacha comme Pandespiègle étaient bien heureux de ne pas être la cible du jour.

"Ils arrivent !"

Le panda avait fait exprès de crier suffisamment fort pour attirer l’attention de Roussil. Celle-ci rouspéta encore un peu avant de finalement se diriger vers la fenêtre pour voir arriver les deux retardataires. Posipi fut le premier à entrer, mais dans quel état ? Des arcs électriques ne cessaient de se former sur son pelage humide de sueur, ses muscles engourdis peinaient à maintenir son corps droit alors qu’il titubait d’un côté à l’autre tout en couinant :

"Je ne sens plus mes joues, je ne sens plus mes jouuuuues."

Pandespiègle essaya bien de le soutenir, mais les décharges qu’il reçut l’obligèrent à reculer. Il assista impuissant à la chute du pokémon positif qui, une fois allongé au sol, articula faiblement :

"On n’y a passé des heures. Des heures et des heures à lancer nos attaques sans discontinuer !"

Son frère suivait derrière, pas en bien meilleur état, mais il semblait encore capable de marcher, maintenu par l’hébétude.

"Lumières faibles, lumières faibles," répétait-il. "En fait, ils voulaient que ce soit Electhor en pokémon qui assure l’accompagnement."
"Vous n’exagérez pas un peu ?" gronda Roussil encore agacée par sa mésaventure.

Et puis, ils faisaient les fiers ce matin avec leur cadeau de la forêt, qu’ils assument à présent.

"Tu es vraiment sans pitié," fit Pandespiègle d’un ton écœuré.

Elle poussa un cri outré. Qui était celui qui l’avait envoyée dans cette forêt obscure ? A qui la faute si Serena avait passé une bonne heure à nettoyer son pelage plein de boues, de feuilles et d’aiguilles !? Il n’y avait qu’un seul pokémon sans pitié ici et ce n’était certainement pas elle !

"On se calme !" s’interposa vite Sacha. "Le défilé ne va pas tarder à partir, on ferait mieux de prévenir Serena que tout le monde est de retour au lieu de se disputer, qu’est-ce que vous en dites ?"

Roussil gronda une dernière fois contre le panda avant de finalement se détourner vers les cuisines pour aller chercher un peu d’eau pour les lapins.

"Je te laisse te charger de Serena ?" s’enquit Pandespiègle.

Sacha l’avait vue au coin visiophone il y a peu en train de consulter le registre dresseur. Elle devait chercher où en était Flora et peut-être était-elle en train de discuter avec elle au téléphone en ce moment. Qui sait, s’il se dépêchait il pourrait faire un petit coucou à son amie.

"Tu es sûr que ça va aller ?" voulut quand même s’assurer Sacha.

Le panda gonfla la joue, vexé que l’ancien dresseur ne lui fasse pas plus confiance pour s’occuper des deux frères.

"Eh bien, oui, il n’y pas de raison pour que ça se passe plus mal que d’habitude."
"Tu en es vraiment sûr ?" déglutit le reptile.

Pandespiègle cligna plusieurs fois des yeux sans comprendre pourquoi le métamorphosé affichait une mine aussi effarée.

"Ça t’inquiète tant que ça de te retrouver seul avec elle ?" soupira le panda en croisant les bras.

Quelques flammèches échappèrent au métamorphosé en même temps qu’il se reculait, ses écailles brillant d’une belle couleur écarlate.

"Ce n’est pas ça ! Alors oui, c'est vrai que ces derniers temps j’ai l’impression que c’est un peu… différent," couina-t-il. "Enfin, quoiqu’il en soit le problème ici ce n’est pas moi mais toi qui risque…"
"Mais oui, mais oui," feignit le panda alors qu’il était déjà en train de pousser le dragon vers l’endroit où était la jeune fille. "Ne t’en fais pas pour moi, je me débrouillerai trèèèès bien."

Sacha sembla hésiter encore un moment, puis, voyant la détermination et l’incroyable courage dont le panda faisait preuve, décida de lui faire confiance. Mais décidemment, Pandespiègle l’impressionnait, lui n’aurait jamais été capable de l’affronter seul.

"Bon, alors… Bonne chance avec Roussil."

Les kecleons n’avaient qu’à bien se tenir car Pandespiègle venait de virer au blanc de la pointe des oreilles au bout des pattes en moins d’un millième de seconde.

"Roussil ? Oui, Roussil, bien sûr Roussil," baragouina-t-il en fouillant son pelage à la recherche d’une feuille. "Elle ne devrait pas avoir le temps de me… Ah ah, c’est qu’il commence à faire chaud ici," hoqueta-t-il.

Sauf que cette fois, ce n’était pas la faute du reptile vu que ce dernier était déjà parti. Les mains moites, Pandespiègle roulait son calmant entre ses doigts sans se décider à le croquer.

"Nymphali…" supplia-t-il d’une petite voix.

Mais elle se dirigeait déjà vers Négapi en train de faire du sur-place contre un mur. Evidemment, si elle se dépêchait, c’était parce qu’elle s’inquiétait pour lui, et absolument pas parce que la renarde avait aussi un compte à régler avec elle ! Elle mit un ruban devant son visage, remerciant dans une prière le panda pour son sacrifice alors qu’elle l’entendait bégayer :

"Roussil, ne te fatigue pas à porter ce verre, je vais… N-Non, je n’ai pas oublié qu’on doit discuter. On va même le faire tout de suite, une bonne discussion entre amis, parce que c’est ce qu’on est : des amis ! Et bien entendu entre amis on évite d’en venir aux mains, encore moins aux poings, et surtout pas aux Déflagrations."

Nymphali s’en voulait d’abandonner ainsi son camarade, et elle était presque prête à se retourner pour lui prêter main forte quand elle entendit un geignement faiblard lui demander :

"Tu as pu trouver quelque chose ?"

Elle ne s’attendait pas à ce que Négapi s’inquiète à son sujet. Posipi jouait souvent les intermédiaires, d’autant plus après ce qu’il s’était passé au Mont Chimné, si bien qu’ils ne se parlaient directement qu’en de rares occasions.

"Attends Roussil ! S’il te plait ! Non ! Non, non, non, je t’en supplie ! Pas ma feuille ! Pas ma feuille !!!" hurlait Pandespiègle derrière elle.
"Serena m’a un peu aidée, mais finalement je crois que j’en suis contente," expliqua-t-elle.
"Tant mieux," se réjouit le bleu le front appuyé contre le mur.

Il se mit à racler le sol du pied, puis se tourna vers elle avant de brutalement s’arrêter, comme s’il avait été coupé dans son élan par Bluff.

"Négapi, tu vas avaler les mucioles à trop rester la bouche ouverte. Quoique ce serait pas si mal," grimaça Posipi toujours allongé.

Le lapin bleu piqué au vif voulut répliquer mais fut pris de tournis. Elle le rattrapa juste à temps et l’aida à retrouver son équilibre.

"Ce que je voulais te dire en fait," se lança-t-il, "tu vas peut-être trouver ça un peu bête surtout après tout ce temps, mais je n’ai toujours pas… enfin tu vois."
"Très clair, effectivement," commenta Posipi en baillant.

Négapi tapa du pied, rappelant à son frère que c’était déjà assez compliqué sans qu’il n’en rajoute.

"Si, tu sais, enfin…" reprit-il en fixant le bout de ses pattes. "Sacha se montre plus attentif à Serena ces derniers temps."

Nymphali inclina la tête de côté, et le lapin bleu s’en voulut de l’avoir encore plus perdue.

"Ce n’est pas comme s’il n’avait jamais fait attention à elle !" corrigea-t-il. "C’est juste qu’avant c’était comme s’il l’aidait mais à travers lui, et moi aussi je crois que je faisais la même chose. Aaaah ! Ça veut toujours rien dire ! Ce que je veux expliquer en fait, c’est que je voyais les autres pokémons selon moi de la même manière que Sacha voyait Serena selon lui alors que si on les regardait selon eux, enfin les autres, enfin pas moi mais… Pourquoi c’est si dur à expliquer !"

Il sentit un lien chaud glisser contre son dos et fut surpris du sourire amusé que le type fée lui adressa.

"Je crois que je comprends," souffla-t-elle.
"V-Vraiment ?" déglutit le lapin bleu.
"Eh bien… Tu sais, quand Sacha s’est transformé en pokémon, la première chose qu’il a voulu faire pour Serena a été de l’aider à gagner un concours."
"Ah ça, Roussil ne manque jamais une occasion de raconter à quel point il s’est loupé," se remémora le lapin.
"Mais ce qu’il a fait n’était pas forcément mauvais, c’est juste… Il devait avoir l’impression que c’était le mieux à faire parce que c’était ce qui fonctionnait pour lui."

Le petit pokémon grimaça, sur ses joues mourraient quelques étincelles, signe de son malaise.

"Moi aussi je pensais que le Sacha qui croyait toujours en Serena était le meilleur," reprit-elle "celui qui réussirait quoiqu’il arrive à lui remonter le moral jusqu’à…"
"Le volcan," souffla Négapi.

Elle acquiesça, ses oreilles s’abaissant au douloureux souvenir.

"Qu’il lui en veuille, qu’il se mette en colère au moment où elle avait le plus besoin de lui, je le trouvais complètement injuste... Sauf que je ne me rendais pas compte à quel point ça aurait été trop lourd à porter pour elle."

Un léger vent féérique s’était levé autour d’elle, accompagnant les saccades de ses rubans gonflés par la colère qu’elle avait ressenti à ce moment. Mais ils finirent par s’abaisser en même temps qu’elle expliquait :

"S’il s’était comporté comme à Kalos, Serena aurait cherché à correspondre à la vision qu’il avait d’elle, à la dresseuse capable d’avancer quoiqu’il arrive, celle qui n’abandonnait jamais…"
"Ça revenait à continuer de la pousser alors qu’elle avait déjà trébuché," compléta le bleu en fixant le type fée.
"Oui. Même si c’était pour qu’elle donne le meilleur d’elle-même, ça aurait juste fini par la détruire."
"Parce qu’il n’aurait pas cherché à voir ou à comprendre ce qu’il se passait," marmonna Négapi. "Ça aurait été plus facile si Serena était devenue ce qui l’arrangeait. Mais finalement, il a été capable d’y faire attention."

Le lapin bleu jeta un coup d’œil vers l’endroit où le dragon était parti. Le fort et puissant Dracaufeu qui s’était découvert une soudaine passion pour la cuisine, celui qui avait remis en question sa confiance aveugle dans les combats, celui qui, tout simplement, voulait mieux comprendre celle qui n’était pas lui. Peut-être était-ce pour ça que ces derniers temps il semblait aussi attentif à elle, bien plus que lorsqu’il clamait qu’il ferait tout pour l’encourager dans les concours.

"Tu as vraiment été incroyable face à Arthur."

Nymphali se tendit, ramenant tous ses rubans devant elle en bafouillant :

"N-Non, en fait tu ne te rends pas compte mais je voulais… Je n’étais pas…"
"Ce n’est pas grave. Ça devait être terrifiant et pourtant tu es restée alors que moi…" Il secoua la tête, les cernes lestaient ses yeux mais son regard pétillait de milliers de mucioles. "C’était toi Nymphali. C’est toi qui étais là, qui est là. Et peu importe que je sois un idiot qui rumine sur le fait de ne pas être assez fort, qui veut que tout soit de sa faute pour oublier que les autres aussi peuvent douter, se sentir faibles ou inutiles. Ça a dû être dur, si dur, et moi tout ce que j’ai trouvé à te dire, tout ce que j’ai trouvé…"

Les vagissements du petit monstre ne s’arrêtaient plus tout comme les grosses larmes qui roulaient le long de ses joues. Et Nymphali, complètement paniquée, voyant bien que Posipi ne pourrait – ou ne voulait – l’aider, essaya maladroitement de consoler le lapin alors que tout ce qu’elle pouvait faire était… frotter sa joue contre les étincelles, diffuser son aura, apaiser les sanglots et être là. Oui, être là.

"Désol…" gargouilla le lapin.

Elle baissa la tête, lui permettant de fixer le nœud à son oreille, cet enchevêtrement de liens qui ressemblait aux ailes d’un charmillon, à moins que ce ne soit un de ces fameux prismillons que les autres évoquaient parfois. Ça peut sembler solide, mais il suffit d’un rien pour qu’il s’envole, lui avait dit malicieusement son frère. Oh… Ne lui dites pas que c’était vraiment Posipi l’ainé pour tout comprendre si vite. Négapi essuya son museau plein de morve et gonfla la poitrine, malheureusement sa voix ne se raffermit pas pour autant, et son « merci » ressembla à un mélange cocasse entre un nasillement et un ballon en train de se dégonfler.

Et s’il doutait du pathétisme de sa prestation, Posipi lui apporta vite confirmation dans un grand éclat de rire. Le bleu se dandina sur place, bien ennuyé de ne pouvoir fuir sur son perchoir préféré, c'est-à-dire l’épaule du métamorphosé. Alors, tout ce qu’il trouva à faire pour se défendre fut de tirer la langue.

"Mauvais joueur," pouffa Posipi. "Enfin, même si tu as mis du temps, au moins tu y es arrivé," barbota-t-il les yeux à moitié-clos.
"Toujours à faire des manigances," soupira Nymphali.
"Tu as vu comme c’est agaçant !" approuva le bleu. "Et dis-toi que moi, ça fait des années que je le supporte."
"C’est terrible," plaisanta-t-elle d’un ton faussement désolé.
"Oui, tout à fait, absolument horrible et terrible," renchérit Négapi.
"Eh oh, vous savez que mes oreilles ne sont pas longues pour faire joli."

Mais son agacement fut avalé dans un grand bâillement. Ses batteries étaient trop à plat pour se venger de son frère, et les ondulations féériques qui soulageaient ses courbatures le faisaient dériver petit à petit vers le sommeil. Ils étaient bien tous les trois, collés les uns contre les autres, leurs sourires à l’unisson sans que rien ne puisse venir les troubler.

"S’il vous plait, quelqu’un. J’ai vraiment, VRAIMENT, besoin d’aide !"

Non, vraiment rien. Et les cris terrifiés du panda ne parviendraient pas non plus à la dresseuse, trop préoccupée par ce qu’elle trouvait sur l’ordinateur du centre, ou plutôt par l’absence de ce qu’elle trouvait concernant un certain dresseur.

Serena fit glisser encore une fois la souris, vérifiant que ses yeux ne lui jouaient pas des tours, mais devant vite se rendre à l’évidence : pas une seule nouvelle entrée sur la fiche dresseur de Sacha depuis la ligue de Kalos. Elle voulait bien que le site ne recense que les victoires dans les arènes ou le classement au cours de tournois de petites ou de grandes envergures, mais que l’ancien finaliste de la plus grosse compétition de Kalos n’ait pas vaincu un seul champion après tout ce temps. Même à Galar, pourtant réputée pour la difficulté de son Défi des Arènes, elle le croyait plus que capable de remporter ne serait-ce qu’un badge. Il s’était volatilisé, comme s’il avait abandonné sa carrière de dresseur. Tu sais bien que Sacha a plus de chance de se faire enlever par des aliens que de laisser tomber le dressage, raisonna-t-elle.

Elle switcha ses recherches vers l’annuaire. La mère de Sacha ne lui en voudrait pas de l’appeler pour prendre des nouvelles de son fils, et surtout elle pourrait lui expliquer pourquoi Sacha avait si soudainement disparu de la compétition. Un entrainement spécial peut-être ? « B », «B », « C », il se serait isolé sur je ne sais quelle montagne pour s’améliorer. Si ça se trouve il est tombé malade, très malade ! Non, ça ne sert à rien d’imaginer le pire tout de suite, essaye d’abord de… Voilà ! « Professeur Chen ». Il devrait pouvoir me dire le numéro de Délia si lui-même n’a pas déjà des informations sur Sacha.

- Dra ?

Serena sursauta, son oreille chatouillée par le souffle du dragon alors qu’il approchait son nez de l’écran.

- C’est déjà l’heure de partir ? s’étonna-t-elle.

Il acquiesça, un peu déçu de ne voir que les pages de l’annuaire.

- J’ai encore un peu de temps ?

Sacha crut percevoir de la nervosité chez la jeune fille, comme si elle le suppliait de dire oui. Malheureusement, la procession avait déjà dû donner le coup de trompette de départ le temps qu’il vienne la chercher.

- Cau, dracaudra, caufeu, expliqua-t-il.

Cela signifiait aussi qu’il était déjà tard et qu’il y avait donc peu de chance qu’il y ait quelqu’un au laboratoire. Elle soupira et enfila son manteau, il faudrait prendre son mal en patience et attendre demain pour avoir le fin mot de l’histoire.

- Dra, dracau ?
- Je n’ai pas pu trouver ce que je cherchais, avoua-t-elle, j’essaierai de régler ça demain.

Sa dresseuse semblait plus surprise que paniquée, ce qui rassura Sacha. Flora avait dû perdre un concours, nouvelle peu réjouissante mais rien d’inquiétant non plus, surtout que son amie d’Hoenn avait toujours su se reprendre après une défaite. Néanmoins, l’ancien humain pouvait comprendre que Serena soit étonnée, elle qui ne connaissait que la coordinatrice accomplie et sûre d’elle.

"Essaye quand même de profiter de la fête," souffla-t-il.

A nouveau le cœur de la jeune fille se consuma. Sacha disparaissait et sa première réaction pour ne pas perdre pied était de s’accrocher au pokémon feu. Un poids qu’elle ne souhaitait en aucun cas faire porter au dragon tant il était lourd, quand bien même il le voudrait.

- Dracaufeu, promets-moi que tu ne passeras pas ta soirée à t’inquiéter pour moi.
- Feu…
- Je me suis beaucoup reposée sur toi ces derniers temps et, tu as beau être mon pokémon, ce n’est pas pour autant que tu dois tout supporter.
- Caufeu, feu !
- Je sais bien que ça ne te dérange pas. Mais ce que j’essaye de te faire comprendre, c’est que parfois ça peut être mauvais, vraiment mauvais, grimaça-t-elle en sentant son cœur accélérer.

Dehors, cymbales, tambours, trompettes et cors appelaient à ce qu’on les rejoigne. Mais Sacha voulait la soutenir, s’améliorer pour elle et quand il s’approcha pour le lui dire elle le repoussa gentiment mais fermement.

- Il y a des choses que je ne peux pas et ne dois pas décharger sur toi.
- Dracau, dracaudra ? bougonna-t-il.

Pour la première fois elle détourna le regard, ses joues s’échauffaient quand elle répondit :

- Je me sentais… bizarre ces derniers temps, et Brice m’a aidée à comprendre pourquoi.
- Dra ! cria Sacha.

Que venait faire le garçon dans cette conversation ? Surtout si c’était pour parler de Flora, l’ancien humain se sentait bien plus légitime à donner des conseils.

- Tu es un pokémon ! asséna-t-elle. Tu… Il y a des choses trop complexes pour toi et ce n’est pas une question d’intelligence, c’est juste…

Serena reprit sa respiration, c’était difficile de voir le regard peiné de son pokémon et elle savait que ses mots étaient durs, mais elle devait les dire, aussi bien pour lui que pour elle :

- Ce sont des idées, des comportements stupides d’humains qui ne t’effleureraient même pas l’esprit. C’est pour ça que j’avais besoin de Brice, de son point de vue d’humain pour régler le problème.
- Dracaudra !

Ce rugissement, Sacha le regretta dans la seconde qui suivit. Pas parce qu’elle s’était reculée, pas parce qu’il l’avait effrayée, mais parce qu’il lui avait dit: "Moi aussi", il avait hurlé "moi aussi." Oh… peut-être était-il vraiment jaloux de Brice au final, de ce dresseur qui rêvait de devenir maître, de ce garçon qui pouvait si simplement parler à Serena, lui partager ses idées sans qu’elle n’entende des grognements. Moi aussi, moi aussi quand je serai redevenu humain…

Son cœur se serra. La seule image qui s’imposa à son esprit, vibrante de vérité et de cruauté, fut celle d’un dresseur au Pikachu sur les routes, arguant qu’il n’était jamais seul, parce que ses pokémons étaient là. Parce qu’il suffisait que les pokémons soient là pour qu’il ne se sente pas seul.

- Tu… Tu veux bien répéter, balbutia la jeune fille.
"Les autres vont nous en vouloir si on continue à tarder."
- Attends ! S’il te plait, attends ! Je n’ai pas compris, je n’ai pas compris ce que tu disais et… s’il te plait répète juste une fois, juste une dernière fois !
Il pensait qu’il tremblerait, que sa voix resterait bloquée, mais elle coula, limpide et claire. Tu ne lui as jamais menti ?

"Je suis ton pokémon, c’est pour ça que je suis avec toi."

Et effectivement, ses grognements ne lui avaient jamais paru si criant de vérité.

***

La procession était déjà loin quand ils sortirent du centre, et ils durent la rejoindre en courant, un effort trop important pour les deux lapins qui finirent leur course assoupis dans les bras du reptile.

C’était dur à croire qu’un gros dragon comme lui puisse faire preuve d’autant de bienveillance envers les deux garnements, mais Serena ne s’en étonnait plus. Elle en était même persuadée : quiconque passait un peu de temps avec lui comprendrait à quel point il vous faisait vous sentir en sécurité et rayerait le mot terrifiant… Elle serra la lanterne plus fort contre sa poitrine. Non, il ne l’avait pas terrifiée à ce moment, pas tout à fait. Ses doigts effleurèrent l’armature en bambou, comme pour vérifier que rien ne s’était brisé et que tout était bien en place.

Ce n’était pas le fait qu’il ait hurlé ou même les quelques flammes qui lui avaient échappé, ce n’était même pas un sentiment de danger face au monstre capable de faire fondre la roche de son souffle, c’était juste ce qu’il lui avait dit. Quelque chose qui l’avait glacée d’effroi, quelque chose que tout son être avait compris tant elle avait senti ses muscles se tendre et son ventre se nouer, mais elle, Serena, n’en percevait toujours pas le sens.

- Brice ? s’inquiéta-t-elle.

Il fixait Dracaufeu, mais pas de la manière auquel elle s’attendait. Il aurait pu se montrer surpris, neutre, ou même attendri, cela elle l’aurait compris, mais cette manière de le regarder, comme s’il cherchait à voir au-delà de qui il était – un pokémon, rien de plus – ramenait Serena à son propre malaise.

- Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il.
- Non, rien.

Pourquoi renonçait-elle si vite à la possibilité d’une réponse ? La jeune fille observa quelques secondes le visage du pokémon avant de vite détourner le regard. C’était… Elle l’avait rejeté. Elle avait compris ce qu’il avait dit à ce moment, mais l’avait immédiatement rejeté et même maintenant qu’elle faisait un effort pour s’en souvenir, sa mémoire semblait sous le joug de sa raison qui lui disait que c’était impossible et que ce qui était impossible ne méritait pas d’être retenu.

- Tu as confiance en Dracaufeu ? demanda Brice.

Serena resta sans répondre un temps, hébétée par le ton nonchalant et détendu du garçon alors qu’elle n’arrivait plus à distinguer le haut du bas dans son esprit. Mais cela lui fit un point d’accroche et maintenant toute sa concentration, toutes ses capacités étaient concentrées à répondre, à crier :

- Bien sûr !

Bien sûr qu’elle lui faisait confiance ! Si ce n’était pas le cas, voler sur son dos serait inimaginable ! Ensuite, c’est vrai qu’elle avait évité de le faire ces derniers temps. La faute au vertige, bien qu’elle ne fasse pas beaucoup d’effort pour lutter contre, se saisissant de n’importe quelle excuse pour rester au sol.

Lui non plus ne réclame plus d’ailleurs, se fit-elle la réflexion. Elle se rappelait que le reptile avait insisté pour vite rejoindre le lieu du concours par la voie des airs et par la même laisser Brice derrière eux, mais ses demandes s’étaient arrêtées depuis… Eh bien depuis que le garçon lui avait frappé le nez de manière totalement gratuite. Au moins il regrettait son geste, bien que ce fût plus parce qu’elle s’était énervée que par réel remord d’avoir fait mal au pokémon. Quoiqu’il en soit, après cet épisode, Serena avait sérieusement revu son appréciation sur le dresseur.

- Rou !

De petites lanternes cubiques flottaient sur le lac pendant que les rives semaient les aigrettes de papier dans les airs. Serena souffla un bon coup, la fête était proche et à part Dracaufeu et Nymphali qui lui avaient offert leurs cadeaux en avance, les autres devaient être impatients de lui dévoiler les leurs. Elle ne pouvait les recevoir en pensant à Sacha, aux mots opaques de Dracaufeu ou même à l’attitude de Brice.

- Pi, néga, pi ! cria le lapin en se dégageant des bras du reptile.

La cire parfumait l’atmosphère quand mucioles et lumivoles vinrent s’intégrer au ballet céleste, sautillant entre les lanternes. Négapi frotta ses joues, essayant de stimuler les électrons qui les parcouraient, pour finalement ne produire qu’une petite étincelle à peine plus puissante que de l’électricité statique. Il se tourna vers son frère, mais le pokémon ne ferait pas mieux, encore trop épuisé pour ne serait-ce que tenir debout.

"C’est pas juste…" murmura le pokémon puis levant le museau vers les violents clignotements cria : "C’est pas juste, c’est pas juste, c’est pas juste !"

A deux doigts de fondre en larme, une main se posa sur sa tête et glissa dans son dos.

- C’est vous qui avez organisé ça ?

La lèvre du pokémon trembla. Les danseurs étaient venus et leur spectacle suffisait à ravir les dresseurs, mais ce devait être plus, tellement mieux si seulement il pouvait lancer ses fichus éclairs ! Serena le saisit soudain pour lui faire prendre un peu de hauteur.

- Je sais que ce n’est pas aussi bien que la tête de Dracaufeu, mais tu devrais mieux voire d’ici.

C’était douloureux. Voir à quel point c’était beau même sans eux, que les gens s’en contentaient, apprendre à quel point l’extraordinaire qu’ils auraient pu apporter n’était pas nécessaire.

"Ce n’est pas si mal," avoua le lapin bleu.

Parce qu’au moins il pouvait rester ici avec Serena et les autres, admirer les fausses étoiles avec eux et se dire que finalement c’était ici, au plus près de sa dresseuse qu’il pourrait profiter de la fierté d’avoir pu l’émerveiller.

"Pas mal, mais j’ai mieux, bien mieux !" se vanta Pandespiègle en sautant sur l’épaule de sa dresseuse.

Tout fier, il tira de son pelage une branche de bambou et si Négapi s’apprêtait à dire qu’il n’y avait rien d’extraordinaire, il se tût en voyant les feuilles luire d’une belle couleur rosée. Le panda fit un sourire espiègle en glissant la branche entre les doigts de la jeune fille. Chez lui, on avait l’habitude d’offrir ce cadeau au chef du groupe, un puissant Pandarbare auquel Serena n’avait rien à envier, surtout quand elle se mettait en colère.

Roussil s’avança à son tour, une feuille enrubannée dans la main. La jeune fille en déballa le contenu et la renarde se dandina sur place. Ce n’était pas beau visuellement comme les cadeaux des petits monstres, mais Ursaring lui avait assuré qu’en mélangeant du miel avec quelques autres éléments et en faisant chauffer le tout elle obtiendrait un produit qui rendrait plus soyeux le pelage.

- Oh ! comprit la jeune fille. Ce ne serait pas…
- Silrou, acquiesça le pokémon.

Pandespiègle et les autres pokémons se montraient dubitatif face à la substance visqueuse, mais les pupilles de la jeune fille brillaient alors qu’elle lui murmurait complice :

- Je l’essaierai dès qu’on sera rentré.
"Essayer quoi au juste ?" demanda Pandespiègle.

Serena entortilla une mèche de cheveux autour de son doigt, percevant son côté cassant hérité de ces semaines de déprimes et d’état d’alertes permanent. Les soigner, leur redonner leur éclat, un détail mineur, risible et pourtant tellement important pour la jeune fille, pour se sentir pleinement elle-même.

Elle enlaça la renarde, son premier pokémon qui la connaissait si bien, qui lui ressemblait, qui était sa plus proche amie… Dracaufeu approchait, la lanterne dans ses mains. Il n’était pas son premier pokémon, il ne lui ressemblait pas, et quelque chose la retenait de dire qu’il était un ami. Quand elle le voyait la première pensée qu’elle avait était différent. Différent de tous ses pokémons, de tout ce qu’elle ressentait pour ses pokémons.

"Tiens la bien," dit-il.

Serena sentit le papier se froisser entre ses mains pendant que le pokémon approchait la flammèche du bout de sa queue. La dresseuse craignit qu’il ne fasse un feu de joie du papier et des cercles de bambou qu’elle avait si difficilement assemblé, mais il se contenta d’effleurer le bruleur.

Lui aussi avait besoin de se changer les idées et quoi de mieux pour cela que de voir gonfler le ballon miniature, souvenir des festivals de Kanto de son enfance. Sacha devinait la flamme qui dansait à travers le papier, en revanche il ne pouvait voir le visage rouge de la jeune fille qui ne pensait qu’aux écailles et à la pointe des griffes qui retenaient ses mains.

Quand enfin il lâcha la lanterne et qu’elle l’imita, quand il suivit du regard la cloche en papier de riz et qu’elle ne put lâcher son visage, la dresseuse ramena ses deux mains contre son cœur et perçut la chaleur du ruban, celui que lui avait offert Sacha et qu’elle n’osait plus porter au col de sa tenue. Elle le délia sans réfléchir, concentrée sur les traits du reptile, le doux sourire du pokémon. Le même sourire que Sacha ! Exactement le même !

- Dracau ?

Elle sursauta et d’un coup découvrit que la bande de tissu avait quitté son poignet. Tremblante, elle leva la main et découvrit ce qui avait surpris son pokémon : il était là, le cadeau de Sacha, noué dans ses cheveux.

- Je… Je vais voir Brice !

Elle devait appeler le dresseur du Bourg Palette peu importe où il était ou ce qu’il faisait parce que ça devenait urgent, vraiment très urgent.

- Brice !

Serena courrait vers le garçon agenouillé près de l’eau. Elle s’excusait d’avance de l’ennuyer avec ses problèmes, mais il était sa seule échappatoire, le seul à comprendre… Elle s’immobilisa quand il se tourna vers elle. Son regard était morne et même les lumières qui se reflétaient dans ses pupilles semblaient se ternir, mourir dans une sorte de gouffre, chuter depuis la falaise de ses iris.

- Tu as besoin d’aide pour allumer ta lanterne ? demanda-t-il.
- Dracaufeu m’a montré comment faire, se précipita-t-elle de répondre. Et je voulais savoir où tu en étais de ton côté et… tu as aussi fabriqué une lanterne flottante ?

Les doigts du garçon plongèrent quelques secondes dans l’eau glacée.

- Je l’ai fait pour moi, je suppose.

Brice avalait sa salive en boucle, comme s’il cherchait à humidifier sa gorge de bonne humeur, chose qu’il réussit lorsqu’il dit :

- Ton pokémon est plus malin qu’il n’en a l’air, mais en même temp rien d’étonnant avec toi comme dresseuse. Oh d’ailleurs, pas mal le ruban dans les cheveux.

Elle cacha le lien bleu sous sa main, se demandant encore ce qu’il lui avait pris de faire une telle chose mais n’ayant aucune envie de le remettre à son poignet.

- Je ne suis pas sûre que c’est grâce à moi, avoua-t-elle, il a toujours… il sait parfois des choses sans que je sache où et comment il les a apprises.

Une lanterne s’embrasa. Happée dans les flammes, le papier se flétrissait et chutait vers la rétine déjà perturbée de centaines de phosphènes.

- Les mystères des pokémons, cita-t-il comme s’il était un vieux chercheur. Et au fait, tu as pu contacter ton ami ?

Le sifflement de la lanterne surprise par le froid, ses glouglous d’agonie, Sacha ne les entendait pas trop occupé par les derniers mots du garçon.

- Tiens, Dracaufeu ! le salua Brice.

La jeune fille s’était tendue alors qu’elle devinait que le silence du dragon ne signifiait rien de bon.

- On parlait d’un dresseur que j’ai rencontré à Kalos, décida-t-elle de prendre les devants. Je voulais reprendre contact, mais… Il est occupé pour l’instant.

Sacha écarquilla les yeux. Elle parlait du professeur Platane ? Mais Serena avait dit dresseur alors… une de ses amies artistes ! Non, toujours pas, « un » n’était pas « une ». Oh ! Elle avait rencontré pleins de dresseurs en soit : Alain, Tierno, Liam. Ça y est ! Elle parlait de Lem bien sûr, quoi de plus normal qu’elle veuille contacter l’inventeur et en profiter pour discuter au passage avec Clem.

Apaisé, le papier flottait à la surface de l’étang quand Brice sourit. Amical, vraiment amical, peut-être trop.

- Serena ne se sentait pas très bien ces derniers temps, expliqua-t-il. On s’est dit que c’était peut-être parce que ce garçon lui manquait.
- Feu ! s’étrangla le monstre.
- Eh bien mon vieux, tu n’as pas l’air dans ton assiette, s’esclaffa Brice. Est-ce que c’est l’idée qu’il y a peut-être un rival bien plus dangereux que moi ?

Il avait passé son bras autour des épaules de la jeune fille qui se dégagea aussitôt.

- Brice ! Ça ne m’amuse pas ! s’écria-t-elle complètement rouge.

Les tissons, restes du cadavre céleste, scrutaient les autres lanternes, attendaient leur heure pour s’embraser à nouveau. C’est de Sacha qu’elle parle. Sa salive ressemblait au sable du Désert Délassant et les flammes qui stagnaient dans le fond de la gorge lui donnaient soif. Demain. Elle appelle Sacha demain. Elle m’appelle moi demain !