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La plume fantôme de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 18/08/2023 à 13:42
» Dernière mise à jour le 19/08/2023 à 12:48

» Mots-clés :   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh   Slice of life   Unys

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Chapitre 8 – Plume Lune
— Mon dernier roman s’intitule… Celle qu’elle aurait pu devenir, révèle Anis.

— Ce titre fait allusion à votre amie d’enfance, n’est-ce pas ? demande Brittany. Celle qui… Celle dont vous nous avez parlé lors de l’émission.

— Oui, tout à fait. Je voulais écrire un livre pour lui rendre hommage depuis bien des années. Mais… Si j’ai attendu si longtemps, c’est pour plusieurs raisons. Déjà, plus le temps passe, plus le drame devient lointain, et donc moins douloureux à évoquer. Et surtout… je voulais attendre de développer mon écriture et mon style. La mémoire de mon amie mérite ma plus belle plume, dit-elle avec un sourire triste au coin des lèvres.

— Donc, dans ce livre, vous imaginez la vie que votre amie aurait pu mener si…

La voix de Brittany se brise lorsque Brenda refait surface. Anis poursuit à sa place :

— Si elle n’avait pas connu une mort tragique, oui. Il me semble l’avoir déjà mentionné, mais lorsque nous jouions ensemble, on s’amusait à imaginer ce que l’on ferait plus tard. En tant qu’héritière de bonne famille, elle avait l’embarras du choix pour sa future profession. Mais famille riche ou pas, elle était aussi perdue que moi.

— Ce n’est pas si étonnant, commente Brittany. Il est rare pour un enfant de savoir exactement le métier qu’il souhaite exercer plus tard. Et même alors, la profession rêvée peut s’avérer complètement différente de ce que l’enfant en nous imaginait, et l’on finit par faire autre chose. Moi-même, je n’aurais jamais cru devenir une idole !

Anis sourit. À chaque fois que Brittany met un peu d’elle-même dans son discours, Brenda reparaît. Dans ces moments-là, Anis a davantage l’impression de discuter avec une amie que d’être sur un plateau de télévision, face à une présentatrice prête à la dépouiller de ses secrets. Elle a le sentiment que Brenda et elle feraient de bonnes amies. Mais Brenda ne reste jamais très longtemps.

— Tout à fait. Je n’aurais jamais cru devenir ce que je suis non plus. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de ce roman. Chaque chapitre explore l’une des facettes de mon amie pour imaginer la femme qu’elle aurait pu devenir. C’était quelqu’un d’une extrême gentillesse, entourée d’une aura de bienveillance. Elle voyait le bien partout. Elle aurait pu travailler dans un Centre Pokémon comme infirmière. Ou même devenir éleveuse Pokémon. Je me souviens à quel point elle était toujours aux petits soins pour son Abra. Mais…

La voix d’Anis se brise à son tour. Elle a menti en disant que le temps atténue les blessures. La douleur disparaît uniquement lorsqu’elle enfouit le drame aux confins de son esprit. Dès qu’elle y pense, dès qu’elle en parle, la plaie se rouvre, comme au premier jour.

Mais elle doit continuer. Pour elle.

— Finalement, elle n’a connu aucun de ces futurs hypothétiques, reprend Anis d’un ton désolé. Son chemin s’est arrêté si brutalement… Elle restera à jamais une petite fille rêveuse. Mais elle m’a permis, à moi, de trouver ma propre voie. De devenir la femme que je rêvais d’être.

Anis reprend son souffle. C’est le moment le plus important. Elle ne doit pas flancher. Elle reprend alors, d’une voix forte et claire, les yeux brillants de reconnaissance :

— Ma vie aurait été bien différente si je n’avais pas croisé sa route. Je n’aurais peut-être jamais rencontré Maître Goyah. Je serais restée terrée dans ma petite chaumière d’Arpentières, dans ma bulle de confort insipide. Sans la Plume Lune de Cresselia, j’aurais continué à craindre les spectres. Je n’aurais jamais connu Funécire, ni aucun de mes autres Pokémon.

Anis parle de plus en plus vite. Les mots sortent d'eux-mêmes, comme une irrésistible catharsis.

— Je n’aurais jamais profité des conseils du grand Steven Queen, qui m’ont permis de perfectionner mon style. Je ne sais même pas si j’aurais trouvé le courage de m’essayer au métier d’écrivain. Et si je l’avais fait, mon écriture serait sans doute restée aussi ennuyeuse que mon existence, sans mes belles rencontres pour l’alimenter. Je n’aurais connu ni Kunz, ni Pieris, ni même Percila, ma plus grande amie.

Les yeux violets d’Anis s’embrument.

— Je ne serais jamais devenue membre du Conseil 4, ni même autrice à succès. Cette vie que j’ai eu la chance de mener et que je continue à chérir aujourd’hui… C’est en grande partie à elle que je la dois. Et je suis sûre que, bien que différente, ma vie aurait été tout aussi belle avec elle à mes côtés.

Anis voit les larmes de Brenda perler ses beaux yeux bleus. Elle voit une amie compatissante.

— C’est pour ça que j’ai écrit ce livre. Et c’est aussi pour ça que je suis ici. Pour lui rendre hommage. Sans elle, je n’en serais pas là.

Anis marque une courte pause, pantelante. Elle est bien décidée à aller jusqu’au bout.

— La vie que l’on mène… dépend de nos choix, mais aussi des événements qui ne dépendent pas de notre volonté. Aujourd’hui, j’ai deux métiers aussi formidables l’un que l’autre, et je dois cette réussite aussi bien à mes efforts qu’à tous ceux qui m’ont épaulée.

Elle ferme les yeux. Elle tremble presque.

— Après ce drame…

Anis expire. L’étau qui lui comprimait le cœur se desserre enfin. Elle se sent soulagée.

— J’ai décidé de vivre. De vivre pleinement, pour elle. De réaliser mes rêves jusqu’au dernier.

Les yeux brillants de larmes de Brenda lui adressent un regard sincère, empli de bienveillance. Puis Brittany s’efforce de refaire surface, mais le cœur n’y est pas :

— Merci beaucoup Anis, pour… pour toutes ces réponses. Voilà qui conclut cette interview. Cela a été un plaisir de vous avoir avec nous ce soir. Et merci à vous aussi, cher public, pour votre attention. Si vous êtes intéressés par le roman d’Anis, Celle qu’elle aurait pu devenir, celui-ci est disponible aux éditions…

Mais Anis n’écoute déjà plus. Son cœur enfin léger se réjouit. Voilà des années qu’elle ne s’est pas sentie aussi bien. Aussi… sereine. Elle baisse le regard. Elle est toujours là, accrochée à son cou depuis toutes ces années.

Sa plume porte-bonheur.

La Plume Lune.

Elle sait ce qu’il lui reste à faire.

*
Anis échange un regard avec sa Lugulabre.

Elles repensent toutes deux au jour de leur rencontre, à cet endroit précis.

Au Manoir de l’Étrange.

Apparemment, c’est ainsi que la rumeur nomme l’ancienne demeure de son amie. Un nom approprié pour cette grande maison aux vitres cassées, repaire de Pokémon Spectre. Le temps a effacé le drame des mémoires, mais son aura flotte autour du manoir comme un nuage toxique. Personne n’ose s’en approcher. Tout le monde craint cet endroit.

Mais pas Anis.

Plus maintenant.

Anis ferme les yeux. La dernière fois qu’elle a passé cette vieille porte en bois, elle a failli en mourir. Mais les choses sont bien différentes aujourd’hui. Lorsqu’elle rouvre les yeux, Lugulabre se tient devant elle, comme pour la protéger. Anis sourit.

— Que dirais-tu de me guider, comme la dernière fois ? lui propose-t-elle.

Le Pokémon chandelier hoche la tête, et les deux amies s’engouffrent dans le manoir.

Il fait sombre, mais les flammes bleues de Lugulabre, bien plus fortes que la dernière fois, illuminent les lieux. Rien n’a changé, si ce n’est que tout est plus décrépit. Le souvenir d’Anis brûle avec ferveur dans son esprit. Son corps est en ébullition. Anxieuse, elle suit Lugulabre qui lévite déjà au-dessus des marches de l’escalier. Elle scrute l’étage, le cœur battant.

Sera-t-il toujours là ?

Marche après marche, Anis monte. Son souvenir la happe un peu plus. Une fois l’étage atteint, elle s’arrête.

Devant elle se tient une porte.

Une banale porte.

Le portail a disparu.

Un soupir de soulagement lui échappe. Elle y est presque.

Son cœur bat si fort qu’elle l’entend résonner dans toute sa chair. Fébrile, les mains tremblantes, Anis avance le bras vers la poignée, qu’elle tourne. La porte s’ouvre.

Là, une simple chambre l’attend. Le même sol de pierre que dans le reste de la maison. Un petit lit aux couvertures brunes. Une table, un canapé, une chaise, deux lampes, un bureau.

Et au centre, un magnifique tapis orné d’un croissant de Lune.

Une vérité frappe Anis en plein cœur.

Cette chambre est impeccable.

Le sol est propre, le papier peint bleu est sans défaut. Tous les meubles sont en parfait état.

« C’est comme si la maison se souvenait d’elle… Comme si elle attendait son retour… »

Les larmes lui viennent.

De tristesse ou de joie ?

Les deux à la fois.

Elle les laisse couler.

Avec une infinie délicatesse, elle retire son collier.

Elle détache la Plume Lune et la dépose sur le tapis.

Chacun de ses gestes est empli de respect et de déférence.

La plume épouse parfaitement les contours du croissant de lune.




La voix douce et claire d’Anis résonne dans le manoir tout entier.

« Cette plume m’a permis de faire les plus beaux rêves.

Puis elle m’a permis de les réaliser.

Maintenant, je te la restitue.

Puisse-t-elle accompagner ton profond sommeil du plus beau des songes.

Adieu, ma très chère amie. »