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Mystérieuses disparitions de Lapyrobut



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» Auteur : Lapyrobut - Voir le profil
» Créé le 13/08/2023 à 10:09
» Dernière mise à jour le 20/08/2023 à 17:11

» Mots-clés :   Paldea

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Encuentro inesperado
Le chauffeur se retourna brusquement, faisant pour la première fois face à son client. Celui-ci était habillé de noir de la tête aux pieds, allant de ses chaussures à ses lunettes de soleil, passant par son ample tenue. Ses cheveux courts avaient la même teinte que les siens, un brun clair aux reflets plus sombres.

Son visage aux traits fins était lui aussi tourné dans sa direction. Ils se détaillèrent quelques instants, dans l’expectative.

Ce silence commençait à affoler Francisco. Qui était-ce ? Qu’est-ce qu’il entendait par là ? Il aurait découvert ses agissements ? C’était impossible, il avait tout fait pour ne pas se faire prendre… Ou alors c’était ce domestique qui avait parlé ? Complétement perdu, il préféra jouer sa carte habituelle, celle du gentil chauffeur innocent :

— Mais enfin, de quoi parlez-vous ? demanda-t-il de sa voix la plus irrépréhensible.

— Allons, le coupa Khalis, nous savons tous les deux de quoi je veux parler.

Un courant d’air frais parcouru l’habitacle, et Francisco ne put réprimer un frisson qui n’était pas dû qu’au vent. Les portes, il ne les avait pas fermées sans raisons. Cet homme ne bluffait pas.

Il savait.

Maintenant, il ne voyait qu’un seul moyen de s’en tirer : s’en débarrasser. Il modifia légèrement sa trajectoire, de sorte à faire une petite escale par le Cratère.

— Ne te donne pas cette peine, je ne souhaite que discuter, déclara posément Khalis.

Elle était contente de son effet. La jeune femme était si facilement entrée en contact avec l’homme qu’elle traquait depuis plusieurs mois. Il avait suffi de se faire passer pour un client. Voir ce cruel individu totalement effaré lui procurait plus de joie qu’elle n’aurait cru. Après toutes ces recherches, toutes ces investigations, elle le tenait enfin au creux de sa main. Elle savait tout de lui, tandis qu’il ne savait rien d’elle. Pour une raison connue d’elle seule, elle avait décidé de laisser son foulard sur son bureau et de venir à la rencontre de cet homme moins couverte qu’à l’ordinaire. Était-ce une trop grande confiance en elle ou autre chose ? Avec un petit sourire, elle enchaîna :

— Je fais partie d’une organisation criminelle qui capture et vend des Pokémon à la demande. Le plus souvent, on trouve les spécimens commandés à l’état sauvage mais si lesdits Pokémon sont trop rares ou introuvables, on les vole. Telle est notre manière de procéder.

« Ce doit être cette même organisation à laquelle j’ai commandé Zoroark » songea Francisco, dont le rythme cardiaque se calmait quelque peu. Mais il ne dit rien, attendant la suite.

— C’est mon chef qui m’a demandé d’enquêter sur ces disparitions car un bon nombre de nos gros clients faisaient partie des victimes, continua-t-elle. Et, tu sais quoi, j’en ai rien à cirer.

Le chauffeur ouvrit de grands yeux, dans l’incompréhension la plus totale.

Khalis se racla la gorge. Qu’était-elle en train de faire ? C’est comme si une force supérieure lui intimait de parler, de raconter sa vie à cet homme qu’elle attendait depuis si longtemps de rencontrer. Mais, en soit, que risquait-elle de toute façon ?

Elle lui confia tout : son voyage initiatique raté avant même d’avoir commencé, sa fugue, cette proposition de travail, ses débuts, sa promotion… Elle lui parla de Bilou, de sa passion pour les Pokémon Sol et de ce mal-être qui l’enserrait maintenant. Elle ne se sentait tout simplement plus à sa place.

— J’en ai marre de faire du mal à des Pokémon innocents, conclut-elle.

Tout, sauf bien sûr le fait qu’elle était en réalité une femme. Elle ne se sentait pas prête à révéler ce secret-ci, pas après tout ce harcèlement qu’elle avait enduré…

Le chauffeur de taxi volant l’écouta sans l’interrompre. Cette histoire lui semblait à même de sortir de sa propre bouche tellement elle était similaire à la sienne… mais en inversée. Elle en avait assez du mal, il en avait assez du bien. Telle deux facettes d’une même pièce, ils se complétaient. A son tour, il lui fit le récit de sa vie et de ce qui l’avait poussé à faire ce qu’il faisait.

Khalis l’écouta elle aussi attentivement. Dès le début, elle dut avouer que ce récit dépeignait un tableau tout autre de ce qu’elle avait imaginé du métier de chauffeur de taxi. La profession semblant si paisible et facile devenait une flamme infernale entretenue constamment par des hommes cruels et dans lequel s’enfonçait l’exécutant. Finalement, elle se fit une raison : elle ne connaissait pas Francisco autant qu’elle aurait cru. Il lui faisait presque… pitié. Presque.

— C’est quand même dingue, souffla Francisco, dont la vigilance était maintenant proche de zéro. Toute notre vie a été gâchée quand on a commencé à travailler. Bon, c’est vrai que chez toi comme chez moi, elle n’était pas parfaite… mais tu vois ce que je veux dire !

— Tout à fait d’accord ! appuya la jeune passagère insurgée d’une voix forte d’où perçait la colère qui la consumait. Dans notre société, on est constamment préjugés par notre métier ! Ce choix qu’on nous a presque imposé détermine notre existence, ça n’a pas de sens ! Tu es éboueur, on va te trouver sale et pauvre. Tu es pompier, et tout le monde t’acclame en héros. Et ce même si le premier te permet de vivre dans des villes propres et le second se la coule douce toute la journée dans son fauteuil !

Le silence s’empara de la cabine. Mais ce n’était pas un silence gêné ou douloureux, non. Il leur permit de remettre leurs idées en place et de réfléchir sur les récents événements et sur ce qui avait été dit.

Francisco ne voyait plus du tout son client comme une menace. Il avait été frappé par l’analogie de leur histoire. Tout aurait été si différents s’ils avaient pris des voies différentes.

Khalis avait changé d’avis sur l’homme qu’elle traquait depuis tant de temps. Il était fou, ça ne faisait aucun doute, mais elle avait tout de même décelé de la douleur dans son récit et ce que les gens lui faisaient restait inadmissible.

Les deux relevèrent la tête de concert et, brisant leur mutisme, ils s’exclamèrent à l’unisson, le même sourire peint sur le visage :

— Et si on échangeait nos places ?

Il y eut un court silence puis ils éclatèrent tous les deux de rire.

Julien, étonné de ne plus entendre aucun son en provenance du taxi, se retourna. Les rayons du soleil vinrent immédiatement danser devant ses yeux, l’éblouissant un instant. Quand il s’habitua à la luminosité, il fut très surpris de découvrir son Dresseur en train de rire aux éclats, chose qu’il n’avait proprement j’avais vu. Cela lui fit chaud au cœur. Si Francisco était heureux, lui aussi. Il se remit en chemin vers leur destination, espérant que l’avenir sera aussi lumineux que ce soleil aveuglant ses yeux.

***

Khalis récupéra le Quotidea devant sa porte. « Voilà déjà un an que plus aucune disparition n’a frappé Paldea » annonçait la une. La jeune femme le lirait quand elle aurait le temps, entre ses nombreux déplacements à travers la région. C’était certes une vie bien remplie, mais elle n’avait jamais autant apprécié son existence.

Leur échange avait commencé aussi brusquement que leur rencontre.

Ayants un timbre de voix similaire (Khalis avait toujours eu une voix assez grave) et la jeune femme étant continuellement couverte à l’intérieur de l’enceinte de l’organisation, Francisco put prendre sans difficulté sa place sans que personne ne s’en aperçoive réellement. Au pire, il eut droit à un ou deux « Tu es enrhumé ? » mais rien de plus.

La personnalité de Khalis ayant elle aussi été peu libérée du temps où elle était à sa place, Francisco eut le loisir d’inventer un tout nouveau personnage et n’eut pas besoin de jouer un quelconque rôle. Tout ce que pouvait se dire ses collègues, c’était que le petit Khalis s’était bien émancipé.

L’ex-chauffeur pouvait assouvir son désir de vengeance et de mal sans se brider. Bien entendu, ses opérations préférées restaient tout de même les vols. Faire du mal au gens, voilà son plus grand plaisir jamais rassasié.

Quant à Khalis, ce fut encore plus facile. La plupart des gens prenaient le taxi sans distinction et ne retenez en aucun cas la tête des chauffeurs. Elle n’avait même pas besoin de se faire passer pour Francisco, il lui suffisait de prendre un nouveau départ et enfin d’être elle-même.

Au début, elle n’osait pas trop afficher ses goûts, sans doute refoulés depuis trop longtemps. Mais au fur et à mesure des semaines qui passaient, sa personnalité reprit le dessus et elle put devenir celle qu’elle avait toujours souhaité être. Finie la Khalis qui se voilait la face sous ses airs d’homme, place à la Khalis décontractée, cool et amicale.

Des deux côtés, leurs connaissances avaient dit du mieux d’eux, les trouvant tout deux plus épanouis. Eux-mêmes se le disaient lorsqu’ils se voyaient pour discuter et faire le point sur leurs vies respectives. Plus aucune disparition ne se manifestant, Claudius avait redonné à Francisco la charge de missions de captures classiques, ravi que son « sous-chef Khalis » se soit « remis sur le droit chemin ». Tout le monde dans l’organisation le respectait et, connaissant sa folie cruelle, avaient presque peur de lui.

Khalis avait très vite appris le métier et la conduite de taxi volant, stimulée par ce désir de faire ce qu’elle aimait. Ce n’était pas si difficile, tout le travail revenant finalement au Tapatoès qui transportaient la cabine. La jeune femme comprenait que ce soit une profession conseillée à ces jeunes « sans avenir »…

Elle avait récupéré Julien, les six Tapatoès et Chinchidou. Le Corvaillus avait d’abord été dubitatif par ce soudain échange et la séparation avec son Dresseur. Mais cette deuxième séparation n’était pas comme la première, qui s’était opérée dans la douleur et l’égarement, non, celle-ci était rassurante et même s’il n’en comprenait pas vraiment la nécessité, il était enchanté d’avoir cette nouvelle Dresseuse joyeuse et gentille. Elle le complimentait très souvent, chose que Francisco ne faisait jamais, et, surtout, ne lui demandait plus de l’attaquer. Il était un peu triste de la perte de ce Dresseur qui lui avait redonné sa chance à Paldea, mais il pouvait toujours le voir quand il venait discuter avec Khalis… Et puis, il s’était fait de nouveaux amis, Bilou et les autres Pokémon de sa nouvelle famille.

Influencée par les nombreux Dresseurs qu’elle transportait, la jeune chauffeuse s’était aussi mise aux combats Pokémon, activité qu’elle avait pourtant toujours dédaignée. En effet, elle ne supportait pas qu’on puisse forcer des Pokémon à se battre entre eux pour le seul plaisir des humains. Mais elle avait fini par comprendre que ce plaisir était partagé par les Pokémon. Eux aussi voulaient se battre, et même s’ils étaient blessés, ils ne voudraient pour rien au monde échanger cette activité.

Ainsi, elle avait commencé les combats, puis les matchs et les tournois en utilisant essentiellement des Pokémon Sol. Cela aurait pu sembler étrange, vu qu’elle passait le plus clair de son temps dans le ciel, mais justement, ce type lui permettait de garder les pieds sur terre.

Et ces histoires de clients ingrats et mauvais, il n’y en avait pas autant qu’elle n’aurait cru. Étant toujours souriante et amène, la plupart des passagers l’était en retour. C’était peut-être cela qu’il manquait à Francisco après tout… Bon, il y avait bien quelques clients désagréables, mais Khalis n’avait pas peur de les remettre à leur place. Ces clients-ci ne passaient plus jamais la porte de son taxi.

Un nouveau modèle de taxi volant avait également été mis en vente. La place du chauffeur était, dans ce modèle-ci, derrière le passager sur un siège surélevé. Cela permettait d’être au plus près de ses Tapatoès pour mieux les guider, ainsi que de ne pas avoir affaire directement aux clients potentiellement malintentionnés. La preuve que si on gardait espoir, les choses finissaient toujours par évoluer.

Mais le temps passant, les deux avaient de plus en plus évité de se parler. D’abord, ils avaient arrêté de se voir pour discuter, prétextant un emploi du temps trop chargé. Puis, leurs appels se firent de plus en plus espacés. Mais, de toute façon, tout roulait ! La vérité, c’est qu’ils craignaient de devoir mettre un terme à ce petit paradis sur Terre, ce moment où ils se sentaient vraiment à leur place et n’avaient plus besoin de se cacher.

Ce matin-là, Francisco reçut lui aussi un exemplaire du Quotidea, qu’il ouvrit sans attendre, chose qu’il ne faisait jamais. Ce titre avait attiré son attention, aussi s’empressa-t-il de lire l’article auquel il était rattaché.

Il vivait si bien sa vie maintenant que c’était comme si soudain son passé oublié le rattrapait et, le prenant par les épaules, le secouait vivement. Oui, il avait réussi à se débarrasser de ce passé humiliant. Oui, il vivait dans le présent la vie qu’il avait toujours rêvé de mener.

Mais le futur, lui, n’était pas si assuré.

Et si Khalis, découvrant l’horreur de son nouveau métier, décidait subitement de retrouver son poste à l’organisation ? Et si lui, Francisco, devait retrouver sa place dans cette cabine de taxi volant ? Retrouver ces ignobles clients était loin de figurer dans sa liste de choses à faire avant de mourir. Loin de là.

Khalis, c’était lui la seule personne au courant de leur échange. C’était le seul pouvant y mettre fin. Le seul pouvant étouffer dans le Noeunoeuf ce rêve éveillé.

Au fond de lui, il savait qu’il n’y avait qu’une seule solution.

— Il faut que je le tue.