Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

La plume fantôme de MissDibule



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 03/08/2023 à 05:03
» Dernière mise à jour le 19/08/2023 à 11:36

» Mots-clés :   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh   Slice of life   Unys

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 4 – Plume Sprint
— Donc, vous êtes partie à Sinnoh sur un coup de tête ? s’étonne Brittany.

— On peut dire ça comme ça, oui, répond Anis avec un haussement d’épaules. Je n’avais jamais abandonné l’idée de découvrir quelle était cette créature qui m’avait fait cadeau de cette plume, et ce que m’avait dit Kunz avait réveillé ce désir au fond de moi.

— Est-ce là que votre chemin et celui de M. Goyah se sont séparés ?

Anis secoue la tête.

— Non. Maître Goyah avait achevé son tour d’Unys, et il a voulu m’accompagner à Sinnoh afin de continuer à chercher de talentueux dresseurs pour former son Conseil 4. Même Kunz avait décidé de se joindre à nous : il voulait se rendre à Voilaroc, où une nouvelle arène de type Combat venait d’ouvrir. Évidemment, vous vous en doutez : il tenait absolument à se mesurer à la Championne. Nous avons donc mis tous les trois le cap sur Voilaroc, à Sinnoh. J’étais loin de me douter de tout ce qui allait nous arriver là-bas…

À ces mots, Anis prend une profonde inspiration et commence son récit.

***
Assise sur une chaise de bureau rustique, dans la chambre que lui prêtait Goyah, Anis écrivait avec ferveur. Il était vingt-trois heures vingt-deux, mais elle n’avait pas sommeil. Au contraire, le feu de l’écriture brûlait en elle, au moins aussi fort que la flamme de Funécire qui brillait à ses côtés. La petite bougie observait sa dresseuse noircir le papier avec curiosité.

Les conseils de Steven en tête, Anis s’efforçait d’écrire sa deuxième histoire : celle de sa rencontre explosive avec Kunz. À mesure qu’elle avançait dans l’écriture de ce récit, elle se rendit compte que cette histoire pourrait tout à fait servir d’enseignement aux dresseurs novices. Après tout, si on apprenait de ses erreurs, on pouvait tout aussi bien apprendre de celles des autres.

« Je suppose que c’est un récit à valeur didactique, alors ! » songea-t-elle en souriant. Mais il s’agissait également d’un récit qui combinait ses deux passions : le dressage et l’écriture. Elle sourit. Elle constatait déjà ses progrès. Chaque jour, elle se renseignait sur un sujet différent : le style, la narration, les tons… C’était un exercice effrayant, en un sens, car elle prenait à chaque fois un peu plus conscience de tout ce qu’elle ignorait. Mais elle préférait voir les choses sous un autre angle : à chaque nouvelle connaissance, elle devenait un peu plus érudite. Chaque jour, elle se rapprochait de son but : devenir une grande écrivaine.

Passé minuit, Anis dut reconnaître que le sommeil la gagnait. Elle s’installa donc dans son lit d’emprunt, sa plume porte-bonheur serrée contre son cœur. Elle songea avec bonheur au lendemain, lorsqu’elle s’envolerait pour Sinnoh aux côtés de Goyah et de Kunz. Qui sait quelles aventures les attendaient là-bas ? Elle avait hâte de le découvrir. Elle s’endormit en imaginant à quoi pouvait ressembler Voilaroc, leur prochaine destination. Une ville creusée à même la roche, forgée dans la pierre… Ce devait être un spectacle fascinant.

Le jour suivant, lorsqu’elle émergea de l’aéroport situé au nord de Voilaroc, elle constata avec plaisir qu’elle avait eu raison. Le spectacle des bâtiments perchés sur d’immenses promontoires de roche était aussi impressionnant que magnifique. Anis avait beau chercher, elle ne trouvait aucune ville comparable à celle-ci parmi toutes celles qu’elle avait visitées à Unys. Ironiquement, la plus proche était peut-être Arpentières, sa minuscule ville natale, située sur le flanc du Mont Renenvers. Mais même Arpentières n’était pas taillée dans la roche. Voilaroc semblait vraiment unique en son genre.

Tandis qu’elle contemplait le paysage urbain de la ville roche, Anis se sentit tout à coup fatiguée. Elle comprit qu’il s’agissait des effets du décalage horaire. Elle en avait déjà entendu parler, mais elle ne l’avait jamais vécu elle-même, car c’était la toute première fois qu’elle quittait Unys. À cette pensée, elle réalisa tout ce qu’elle avait accompli en quelques mois seulement. La fillette perdue que Goyah avait sauvée des griffes de la mort n’était plus. Ses choix avaient fait d’elle une aventurière, qui partait aujourd’hui à la découverte d’une toute nouvelle région. Cette perspective la fit sourire.

Kunz l’arracha soudain à ses pensées :

— Sinnoh, nous voilà ! s’écria-t-il. Bon, je file à l’arène. À nous deux, Mélina, Championne de Voilaroc ! C’est ici que nos chemins se séparent. Je vais reprendre mon voyage pour continuer à m’endurcir. Bon voyage à vous deux, j’espère que tu trouveras ce que tu cherches, Anis !

— Merci, Kunz, répondit la concernée sans cesser de sourire. Bon voyage à toi aussi ! Au revoir !

— Bon vent, fiston, ajouta Goyah d’un ton enjoué.

— À la revoyure ! leur lança-t-il avant de disparaître en courant, au tournant d’une rue.

— Il ne se fatigue jamais ? demanda Anis, sidérée.

Elle ne comprenait pas comment il parvenait à courir alors qu’elle tenait à peine debout, éprise d’une douce torpeur. Cependant, elle se sentit moins seule lorsqu’elle vit son mentor bâiller à s’en décrocher la mâchoire avant de lui répondre.

— Ah ça oui, ce garçon est infatigable ! Et puis, il a l’habitude de voyager autour du monde. Je pense que ça joue aussi. D’ailleurs, puisque nous sommes tous les deux épuisés, je te propose de nous rendre directement à l’auberge. Ça nous permettra de déposer nos affaires, et de nous reposer un peu. Qu’en dis-tu ?

Anis accepta avec plaisir, avec un magistral bâillement en prime, ce qui fit rire Goyah. Ce dernier sortit alors la carte de la ville récupérée à l’aéroport juste avant, et ils se mirent en route. Un silence entendu régnait entre eux : la marche était trop éprouvante pour se fatiguer à parler. Anis en profita cependant pour embrasser la ville du regard : plus elle la contemplait, plus elle tombait amoureuse de cette ville si particulière.

Un bâtiment à la façade colorée attira notamment son attention. L’entrée était décorée de lumières bleues très voyantes. Mais ce n’était rien par rapport à l’enseigne, où trônait une immense couronne jaune très tape-à-l’œil, entourée d’un néon rose vif et soulignée d’un néon jaune-vert. Un mélange des plus criards, qui détonnait au milieu des habitations de pierre grise. Tandis qu’ils passaient devant, Anis voulut demander à son mentor s’il savait ce qu’était cet endroit, mais elle n’en eut pas l’occasion : avant qu’elle puisse dire quoi que ce soit, quelqu’un déboula à toute vitesse du bâtiment en question, manquant de les renverser tous les deux.

Cet événement sortit immédiatement Anis de sa torpeur. Elle eut tout juste le temps d’entendre le fauteur de troubles, un jeune homme, s’écrier : « Compter les cartes, ce n’est pas tricher ! » avant de le voir filer à toute vitesse vers l’autre bout de la rue. Un homme immense, vêtu d’un costume noir lui courait après. Il ressemblait à un sombre colosse, tout en muscles.

Soudain, le jeune homme prit le risque de se retourner. Vif comme l’éclair, il lança une Poké Ball, libérant un Léopardus qui se jeta sur son poursuivant. Anis crut que le félin allait attaquer le colosse en noir, mais il se contenta de lui sauter dessus… et de faire claquer ses deux pattes avant juste sous son nez. L’homme tomba en arrière, sonné. Anis était impressionnée. C’était un Bluff bien placé. Mais elle se rendit également compte d’une chose curieuse : le fuyard possédait un Léopardus. Un Pokémon originaire de sa région. Se pourrait-il qu’il vienne d’Unys ?

Une fois son poursuivant neutralisé, le jeune homme reprit sa course de plus belle, son Pokémon sur les talons. Malheureusement pour lui, sa course fut interrompue par un homme vêtu d’un manteau brun, qui se dressa sur son chemin. Poussée par la curiosité, Anis se précipita à leur rencontre. Goyah tenta de la dissuader, mais abandonna bien vite, et se contenta de la suivre en marchant, en soupirant d’un air amusé.

Lorsqu’Anis arriva à leur hauteur, elle entendit l’homme au manteau brun déclarer :

— Inspecteur Beladonis, des Forces de Police Internationales.

Joignant le geste à la parole, il présenta son badge de police à celui qu’il venait d’interpeller. Puis il ajouta :

— Où tu cours comme ça, jeune homme ?

— Laissez-moi ! Je n’ai rien fait d’illégal ! se défendit le jeune homme.

Anis l’observa avec attention. C’était à peine un adolescent, d’environ quinze ou seize ans, mais la façon dont il était habillé le vieillissait considérablement. Il portait un élégant costume trois pièces bleu nuit, agrémenté d’une écharpe rouge. Les boutons de son costume représentaient chacun l’un des quatre symboles des cartes à jouer. Anis songea qu’il était plutôt beau, avec sa coupe de cheveux atypique qui, loin de nuire à sa beauté, la sublimait. En effet, ses cheveux noirs étaient lissés en arrière, à l’exception de deux mèches qui rebiquaient de chaque côté de son crâne, semblables à des ailes d’ange. Une troisième mèche lui barrait le front. Mais c’était son regard, plus encore que tout le reste, qui l’éblouissait. D’un intense bleu glacier, ses yeux transperçaient les prunelles sombres de l’inspecteur de part en part.

Fascinée par le beau jeune homme, Anis mit du temps à remarquer qu’il tenait une mallette à la main, d’où dépassaient quelques billets. Maintenant qu’elle avait noté ce détail, elle avait un peu de mal à le croire lorsqu’il disait être innocent. Et l’inspecteur Beladonis aussi :

— Les gens innocents s’enfuient rarement en courant, fit-il valoir avec scepticisme. Surtout avec une mallette pleine de billets à la main. Si tu n’as rien à te reprocher, tu ne seras pas contre l’idée de m’accompagner au poste pour répondre à quelques questions, hm ?

— Pas question ! Vous n’avez pas le droit ! pesta le jeune homme.

Son Léopardus commençait lui aussi à montrer les dents. Beladonis fronça les sourcils et déclara :

— Je vous prierais de bien vouloir rappeler votre Pokémon.

Ce fut à cet instant que Goyah arriva, juste à temps pour voir le Léopardus disparaître dans un rayon de lumière rouge. Il fit alors la même supposition qu’Anis :

— Dis, petit, tu viens d’Unys ? demanda-t-il au jeune homme.

Ce dernier remarqua alors la présence de Goyah et d’Anis. Ses yeux perçants semblèrent les analyser un instant, puis il consentit à répondre, non sans une légère pointe de véhémence dans la voix.

— Oui. Pourquoi ? Vous aussi, peut-être ?

— Oui, confirma Goyah. On peut peut-être…

Beladonis le coupa :

— Bon écoutez, tout ça c’est bien joli, mais en attendant, moi, j’emmène ce jeune homme au poste.

À ces mots, il posa une main ferme sur le col de son suspect pour le faire avancer. Ce dernier résista de toutes ses forces.

— Un instant. Qu’est-ce que vous lui reprochez à ce garçon, exactement ? s’enquit Goyah.

— Vous en connaissez beaucoup vous, des innocents qui s’enfuient d’un Casino en courant ? rétorqua Beladonis en levant les yeux au ciel.

— Vous n’avez aucune preuve de ce que vous avancez, répliqua Goyah avec douceur.

Beladonis arracha la mallette pleine de billets des mains du jeune homme et l’agita sous le nez de Goyah :

— Et ça, ce n’est pas une preuve, pour vous ?

— Non, c’est faux, j’ai gagné cet argent au Casino, de façon honnête ! Je ne l’ai pas volé, affirma le jeune homme. Vous n’avez qu’à leur demander, proposa-t-il avec un léger sourire.

Pour une raison qui échappait à Anis, il était à présent beaucoup plus calme. Elle songea soudain que cette scène ferait une bonne histoire. Elle s’efforça d’en retenir les moindres détails pour essayer de l’écrire plus tard.

— Je ne vais pas me priver ! tonna Beladonis.

Et il traîna le voleur présumé derrière lui en sens inverse. Cette fois-ci, le suspect ne se débattit pas. Il affichait toujours le même sourire satisfait. Anis se dépêcha de leur emboîter le pas. Elle ne voulait pas en rater une miette. Goyah, sur ses talons, fermait la marche. Ils arrivèrent bientôt au niveau du vigile, qui s’était enfin relevé. Il essayait de rester digne après s’être effondré, mais sa fierté semblait atteinte. Son visage affichait une rage à peine contenue. Il releva la tête à l’approche du petit groupe. Un sourire carnassier éclaira son visage lorsqu’il les vit approcher.

— Ah, merci de l’avoir appréhendé, Monsieur…

— Beladonis. Inspecteur des Forces de Police Internationales, répéta le concerné une nouvelle fois, en présentant son badge. Ce jeune homme prétend avoir gagné cet argent – il désigna cette fois-ci la mallette – dans votre Casino. Vu qu’il s’est enfui en courant, je le suspecte de mentir. Je souhaiterais donc avoir votre version des faits.

Le sourire du vigile s’évanouit aussitôt, et un voile de colère passa devant ses yeux. Anis se demandait par quel miracle il n’avait pas encore implosé.

— Eh bien, euh… commença le vigile en bafouillant.

Le jeune homme affichait un sourire triomphant. Mais le vigile n’avait pas dit son dernier mot. Il reprit contenance et pointa un doigt accusateur sur le jeune homme :

— Oui, il a gagné cet argent, mais il l’a fait en comptant les cartes ! Et ça, c’est…

— Tout à fait légal, répondit l’accusé d’un ton aussi froid que moqueur, ses yeux de glace plantés dans ceux du vigile, en signe de provocation.

Beladonis secoua la tête et lâcha un soupir. Il semblait désemparé. Il lâcha alors le col de son prétendu suspect et lui tendit la mallette.

— Tiens, je te rends ce qui t’appartient. Désolé de t’avoir accusé à tort, petit. Tu es libre de partir.

Le jeune homme se saisit de la mallette avec jubilation, les yeux rivés sur le vigile, dont la réaction ne se fit pas attendre :

— Quoi ? s’indigna le vigile. Mais il a triché ! Cet argent revient au Casino !

Beladonis leva les yeux au ciel d’un air las.

— Absolument pas. Compter les cartes, ce n’est pas de la triche, vous le savez aussi bien que moi. N’essayez pas de m’avoir, j’ai déjà eu affaire à ce genre de litige par le passé. Tous les mêmes, ces Casinos, conclut-il en maugréant.

Puis il tourna les talons.

— M’sieur dame, bonne journée, marmonna-t-il distraitement à l’adresse de Goyah et d’Anis.

Ainsi, il s’en alla aussi vite qu’il était arrivé. Le garçon à la mallette s’empressa de partir également, afin de s’éloigner du vigile qui hurla dans sa direction :

— Je t’assure que si t’as le malheur de recroiser ma route, tu vas passer un sale quart d’heure !

Le concerné éclata d’un rire cristallin puis se tourna vers Goyah, qui marchait à ses côtés. Anis les suivait de près.

— Merci, Monsieur. D’avoir essayé de m’aider. Et à toi aussi, ajouta-t-il avec un clin d’œil en se tournant vers Anis.

Anis sentit ses joues s’embraser. Il la remerciait, alors qu’elle n’avait rien fait… Mais elle devait bien avouer que ça ne la dérangeait pas. Elle n’avait encore jamais reçu de compliments d’un garçon aussi beau.

— D-de rien… bafouilla-t-elle en retour.

— Oui, il n’y a pas de quoi, renchérit Goyah. Alors comme ça, toi aussi tu viens d’Unys ? Comment t’appelles-tu, petit ?

— Pieris, leur révéla-t-il.

— Eh bien, Pieris, enchanté, moi c’est Goyah.

— E-et moi, c’est Anis. Ravie de faire ta connaissance.

— Enchanté également, affirma Pieris avec un sourire d’un blanc éclatant.

— Dis-moi, Pieris, qu’est-ce que tu fais à Sinnoh ? s’enquit Goyah avec curiosité.

Pieris hésita un instant, puis il déclara enfin :

— Écoutez, que diriez-vous d’en discuter autour d’un verre ? C’est moi qui offre, ajouta-t-il en désignant sa mallette. Je vous dois bien ça.

— Avec plaisir, accepta Goyah. Nous étions justement en train de nous rendre à notre auberge.

— Parfait. Alors allons-y.

Le trio se mit donc en chemin vers l’auberge, qui ne se trouvait désormais plus très loin. Durant le trajet, Anis posa à Pieris la question qui lui brûlait les lèvres :

— Dis, Pieris…

— Oui ?

— Tout à l’heure, tu essayais de fuir à tout prix le Casino. Tu courais à en perdre haleine pour t’en éloigner. Pourtant… un peu plus tard, c’est toi qui as convaincu l’inspecteur de revenir au Casino pour parler au vigile. Pourquoi ?

Pieris sourit.

— Ah ça, c’est parce qu’un joueur comme moi fait toujours en sorte d’avoir un coup d’avance sur l’adversaire !

Anis haussa les sourcils.

— Tu te souviens de ce que le vigile m’a dit quand on est parti ?

— Euh… que tu passerais un sale quart d’heure si jamais vous vous recroisiez ?

— Exactement. Comme tu l’as entendu tout à l’heure, compter les cartes n’est pas illégal, mais c’est une pratique que les Casinos détestent. Du coup, tu imagines bien que lorsque ce type s’est rendu compte de ce que j’étais en train de faire, il n’a pas été content. C’est pour ça que je me suis enfui du Casino : parce que sinon, il allait probablement me confisquer mes gains, et me casser la figure au passage.

— Mais… Il n’a pas le droit de faire ça ! s’insurgea Anis.

Pieris éclata de rire. Anis aimait déjà ce rire, clair et cristallin, comme ses beaux yeux de glace.

— T’es mignonne, ma petite Anis. Bien sûr qu’il n’a pas le droit, mais rien ne l’empêche de le faire…

— Si, la police ! rétorqua Anis. Oh, mais alors…

Elle comprenait mieux, à présent.

— Oui, tu as compris. Le fait d’avoir été arrêté par l’inspecteur Beladonis m’a offert une échappatoire inespérée. Tant qu’il était avec moi, le vigile ne pouvait rien me faire. D’ailleurs, ce gros balourd n’a même pas songé à mentir et dire que j’avais volé l’argent… Quel idiot. Le Bluff de Léopardus a dû salement atteindre sa tête : comme on le sait, plus c’est creux, mieux ça se répercute !

Cette fois-ci, ce fut Anis qui éclata de rire. Elle appréciait beaucoup la compagnie de Pieris, avec qui elle continua de discuter jusqu’à ce qu’ils atteignent l’auberge. Une fois arrivés, Goyah et Anis récupérèrent leurs clés de chambres et allèrent y déposer leurs affaires, pendant que Pieris commandait leurs boissons. Celles-ci étaient déjà servies lorsque le mentor et sa protégée redescendirent pour rejoindre leur nouveau compagnon à la table. Ils n’éprouvaient plus du tout le besoin de dormir, exaltés par l’aventure qu’ils venaient de vivre – ou plutôt, à laquelle ils venaient d’assister.

Ils prirent donc place autour de la table. Lorsqu’elle posa le regard sur son jus de baies Remu, Anis se rendit compte qu’elle était assoiffée. Elle porta donc aussitôt la petite paille de sa brique violette à ses lèvres pour se désaltérer, heureuse de pouvoir écouter ce que Goyah et Pieris allaient se dire, sans avoir à participer. Goyah, de son côté, but une gorgée de son cocktail aux baies Mago avant de se tourner vers Pieris.

— Donc, Pieris, je me demandais, qu’est-ce que tu fais à Sinnoh ? lui demanda-t-il à nouveau.

Pieris posa sa bière sur la table et répondit avec un sourire :

— Ah ça… Vous vous en doutez sûrement à présent, mais je suis amateur de jeux de hasard. Non, appelons un Chacripan un Chacripan, je suis addict au jeu, rectifia-t-il sans pour autant se départir de son sourire.

Anis fronça les sourcils. Il n’y avait pas de quoi être fier. Comme s’il avait entendu ses pensées, Pieris baissa la tête et commença à parcourir le bord de son verre avec l’index, l’air pensif. Puis il ajouta :

— En fait, je fais partie d’une grande famille d’Unys, plutôt distinguée… Mais… récemment… ma famille a tout perdu. Envolée, la grande fortune ! J’étais désemparé. Je ne supportais pas de voir mes parents et ma sœur dans une telle misère. Alors, j’ai cherché un moyen de les aider. Désespérément. Je savais que j’avais un petit talent avec les cartes, alors j’ai commencé à jouer et… c’est comme ça que l’addiction s’est déclarée, conclut-il d’un ton plat.

— Je suis désolé pour toi, petit, répondit simplement Goyah.

La sévérité qu’Anis ressentait envers Pieris une seconde auparavant s’envola aussitôt. Une vague d’empathie l’envahit soudain. Elle aurait voulu lui prendre la main, lui dire que ce n’était pas sa faute, mais elle n’aurait jamais osé. Elle se contenta de lui adresser un regard compatissant.

— Ne vous en faites pas. Vous n’y êtes pour rien, leur assura-t-il. C’est un coup du sort, comme il en arrive tous les jours. Tout ça pour dire que je suis venu à Sinnoh pour avoir le privilège de jouer au Casino de Voilaroc. C’est un Casino mondialement réputé, vous savez. Et j’ai eu raison, car la chance m’a souri !

À ces mots, il désigna sa précieuse mallette. Anis était heureuse pour lui. Elle espérait que cet argent lui permettrait de ne plus jamais avoir à jouer au Casino. Mais, au fond d’elle-même, elle se doutait que c’était loin d’être aussi simple. Tout le monde devait vivre avec ses propres démons. Cette pensée lui fit instinctivement porter la main à son cou, où elle portait toujours sa plume porte-bonheur. L’aventure du Casino lui avait fait oublier un instant la raison de sa venue à Sinnoh. Elle contempla un instant sa plume, les yeux perdus dans le vague, et l’esprit ailleurs.

Quand soudain, Pieris s’écria :

— Une Plume Lune !

Anis releva la tête à la vitesse de l’éclair.

— Tu connais le nom de cette plume ? Tu sais ce que c’est ?

L’excitation dans sa voix la faisait légèrement trembler.

— Oui ! Elle chasse les mauvais rêves infligés par Darkrai, répondit Pieris, d’une voix tout aussi exaltée que la sienne.

— Darkrai ? demandèrent en même temps Goyah et Anis.

Pieris se mordit la lèvre. Sans doute les mots lui avaient-ils échappé. Il soupira.

— Bon, autant tout vous raconter, se résigna-t-il. Si vous possédez une de ces plumes, c’est que ça vous intéresse aussi. En réalité, le Casino n’était pas l’unique raison de ma venue à Sinnoh. Je ne suis pas juste un joueur. Je suis également un dresseur, révéla-t-il.

— Je le savais, glissa Goyah avec un sourire. Ton Léopardus m’a paru très bien entraîné. La rapidité avec laquelle tu t’es coordonné avec lui pour effrayer le vigile à l’aide de Bluff… Seul un grand dresseur en était capable.

Anis écarquilla les yeux. Dire qu’elle ne s’en était même pas rendu compte !

— Merci. Mais je ne suis pas encore assez fort, affirma Pieris avec détermination. C’est pour ça que je m’intéresse à Darkrai. C’est un Pokémon Ténèbres de légende, un Pokémon fabuleux, que peu peuvent se vanter d’avoir déjà vu. Par contre, de nombreuses personnes ont eu le malheur de devenir ses victimes… Dans leurs rêves.

— Leurs rêves ? répéta Anis en ouvrant des yeux ronds.

— Oui, ou plutôt, leurs cauchemars, précisa-t-il. Pour se protéger, Darkrai inflige des cauchemars à ceux qui s’approchent de lui.

Anis repensa aussitôt à ses cauchemars d’enfance. Se pourrait-il qu’ils aient été causés par ce fameux Darkrai ? Tout portait à le croire, si cette plume qu’elle portait autour du cou avait le pouvoir de repousser les mauvais rêves qu’il provoquait. Mais alors… Cette créature, celle qui lui avait donné sa plume… S’agissait-il d’un genre de protectrice ? Elle en était de plus en plus persuadée.

Pieris reprit ses explications, interrompant ses réflexions :

— Mais moi, je n’ai pas peur de lui. Je veux le capturer, et en faire mon Pokémon. Ce serait la pièce maîtresse de mon équipe de type Ténèbres. Je veux devenir plus puissant. Assez pour rivaliser avec le Conseil 4, voire le Maître.

— Tiens, c’est drôle que tu parles du Conseil 4, rebondit Goyah.

— Pourquoi ça ?

— Parce que j’ai justement pour projet de former le prochain Conseil 4 d’Unys, répondit Goyah d’un ton sérieux.

Pieris retint un rire.

— Vraiment ? Vous ? En quel honneur ?

Anis sentait déjà la colère lui battre les tempes. Comment ce bellâtre osait-il mépriser son mentor de la sorte ?

— Oh, il se trouve que j’ai ma petite expérience en matière de combat Pokémon, répliqua Goyah avec modestie.

Cette fois-ci, Pieris ne put retenir son rire cristallin.

— Eh bien, j’espère que vous m’y ferez une place ! Car je compte bien devenir le meilleur dresseur de type Ténèbres de tous les temps.

« J’hallucine ! Il se moque de Goyah puis il demande à faire partie de son Conseil 4 ! Mais pour qui il se prend, ce type ? » pensa Anis avec véhémence.

Elle peinait à se faire une opinion définitive sur Pieris, qui continuait à lui montrer des facettes opposées de sa personnalité. Tout comme Kunz, Pieris était une personne complexe et difficile à cerner. Anis songea que seul le temps lui dirait si elle appréciait réellement Pieris ou non. Sans compter le trouble qu’il provoquait en elle. Elle se sentit rougir à cette simple pensée.

— Eh bien, Pieris, nous verrons cela, répondit simplement Goyah, les bras croisés.

Le visage de Goyah était impénétrable. Mais Anis se doutait qu’il devait être vexé.

— Absolument ! répondit Pieris, hilare.

Il souleva alors sa bière et porta un toast – seul :

— Au futur Conseil 4 d’Unys !

Puis il vida le reste de son verre, cul sec.

— Bon, et puisque vous m’êtes sympathiques, je vais vous dire une dernière chose. J’ai obtenu un renseignement très utile au Casino, de la part d’un type qui n’aurait pas dû parier avec moi, ricana-t-il. Apparemment, pour en apprendre plus sur Darkrai – et donc, sur les Plumes Lune – il faut se rendre dans la ville de Joliberges.

Anis maintint son regard rivé sur sa plume.

Désormais, elle savait où se rendre pour découvrir la vérité sur sa plume porte-bonheur.