Chapitre 449 : Rien qu'une larme
La toute nouvelle déesse toisa Arceus et les quelques autres qui se tenaient dans le dôme doré au-dessus de lui. Ses énormes yeux qui semblaient abriter l'entièreté du vide cosmique paralysaient tous les sens de Mercutio, ne lui laissant qu'un sentiment de désespoir, que cette créature semblait incarner. Il n'arrivait pas à concevoir qu'un tel être qui transcendait à la fois la vie et la mort, l’existence et le néant, fut encore il y a peu un être humain comme lui.
- C'est la malédiction de la vie, siffla Lyrrorscor. Elle vous pousse à vous raccrocher à un espoir inexistant et vain, au lieu d'accepter avec reconnaissance la quiétude que Nous vous offrons. Même maintenant, alors que Nous avons atteint le paroxysme de la toute-puissance, alors que Nous avons dévoré votre monde, alors que Nous nous apprêtons à ne faire qu'un avec le néant, vous vous dressez encore devant Nous ?
- C'est ma tâche de créateur et de protecteur de cet univers, répondit Arceus. Peu importe que tu aies foulé du pied le domaine divin. Tu es mon antithèse. Je te combattrai jusqu'à la fin des temps s'il le faut, comme je l'ai fait pour l'Endless.
- Tu te trompes. Nous ne sommes pas ennemis. Nous sommes même complémentaires, toi et Nous. Tout ce qui existe doit un jour cesser d'exister. La vie, comme toutes choses. Toi, tu as créé. Nous, nous allons défaire. Ton univers était imparfait de base, et n'a cessé de sombrer dans la décadence. L'heure est venue pour lui de disparaître. Il le désire lui-même, et bous a créé dans ce but. Nous sommes la volonté de la vie de s'éteindre !
Siena ricana nonchalamment.
- J'ai rarement entendu quelque chose d'aussi débile. La divinité t'est montée à la tête, Lyre Sybel. Tu n'es pas une création de l'univers, du destin ou de je ne sais quelle autre connerie. T'es juste le fruit d'un malade mental qui s'ennuyait, et qui voulait reluquer sa petite copine en quelque chose de grandiose. Tu as toujours été manipulée par des êtres qui ont forgé ton existence, comme Horrorscor, le Marquis ou encore Silas Brenwark. Tu n'es que le résultat de leurs décisions, et du hasard. Tu n'as jamais été vraiment toi, Lyre Sybel, et même ce souhait débile de réinitialiser l'univers n'est pas le tient. T'as beau être devenue une déesse avec l'âme de milliards d'êtres... j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi vide que toi.
Sous sa forme humaine, ce petit discours aurait suffi à mettre Lyre dans un état de rage. Mais la Déesse de la Finitude se contenta de dévisager Siena d'un air presque blasé.
- Nous n'avons plus rien à vous dire. Argumenter avec vous est aussi futile que vos existences même. Étreignez le désespoir. Comme Nous l'avons fait...
Divers blocs de roches, apparus de nulle part, se mirent à tourbillonner autour de Lyre, pour former des sphères qui se mirent à grossir, jusqu'à devenir de véritables planètes. La Déesse de la Finitude en avait cinq tout autour d'elle, qu'elle envoya à la suite sur Arceus. Armée du pouvoir imaginatif de Silas, Lyre ne connaissait plus aucune limite. Elle pouvait faire et défaire le cosmos selon son bon plaisir, et même le retourner contre son créateur.
Arceus dévia la course des planètes avec ses mille bras géants qui sortaient de portails dans le vide spatial à volonté. Elles se fracturèrent entre elles, provoquant des champs entiers de débris rocheux et magmatiques, en plus de plusieurs puits gravitationnels. Ceux restés à l'intérieur du dôme doré qu'Arceus faisait léviter au-dessus de lui furent à nouveau mis à contribution pour éloigner tous corps célestes qui pourraient affaiblir sa résistance.
Dehors, Lord Judicar déchaîna une toute puissance qu'il n'aurait pas pu libérer sur Terre, voir même en orbite au-dessus d'elle. Son Flux et son Don fusionnèrent en son troisième et réel pouvoir qui faisait de lui l'abomination qu'il était. Et comme quand il avait affronté Thanator dans les limbes du temps et de l'espace, il stria l'entièreté du vide autour d'eux de rayons blancs et noirs, qui passèrent si vite que leur vitesse même n'avait plus de sens dans une mesure spatio-temporel de l'espace. La Déesse de la Finitude encaissa l'entièreté des rayons avec un regard agacé du côté de Judicar, tandis que les bras d'Arceus tentaient une fois de plus de l'immobiliser.
- Je vais modifier les lois de la physique pour que vous puissiez tous sortir et vous battre directement, clama Arceus à ses protégés sous le dôme. C'est tout ou rien maintenant.
Avant que Mercutio n'ait pu demander ce qu'il entendait par-là, le dôme doré se dissipa d'un coup. Par instinct, il retint sa respiration, de crainte que le vide glacé de l'espace n'aille geler ses poumons ou que la pression les fasse exploser. Mais c'était inutile. Le Créateur avait rendu l'espace viable pour les humains. Il n'y avait certes toujours pas de gravité, mais on pouvoir y respirer, et la température était supportable.
Il n'en fallut pas plus pour que les quatre détenteurs de Dieux Guerriers ne décollent à l'unisson. Le jeune roi Alroy venait vraisemblablement de débloquer lui aussi le mode Revêtarme d'Hafodes, car une armure rouge à cornes le recouvrait entièrement. Lui et Julian avançaient vers Lyre en déversant des torrents de glace et de feu, tandis que Siena et Bertsbrand, plus mobiles du fait des ailes de leurs armures, tournoyaient au-dessus de la déesse en lui envoyant des rayons plasmiques et foudroyants.
Mewtwo était passé sous sa forme X, et Elohius avait utilisé pas moins de six sorts de Flux pour augmenter sa puissance, sa défense, sa vitesse et surtout son attaque. Le Pokemon passait à travers tout désormais, avec sa seule force physique, et s'était mis à attaquer Lyre au corps en corps sans relâche. Il avait avec lui Reinheit Divalina, qui lui aussi faisait montre d'une vitesse et d'une puissance d'attaque peu commune grâce à son Doppelganger et ses bras multiples.
Sacha et Régis avaient envoyé tous les Pokemon qui leur restaient, et Adélie Dialine avait déployé son Don autour d'eux pour leur accorder une certaine forme de protection et de confiance. Ce petit soutien ne l’empêchait bien sûr pas de tirer à la chaîne des centaines de flèches de lumière avec son arc immatériel, dont certaines qui s'entrecroisaient pour fusionner et doubler de volume.
Mercutio était le seul à ne pas savoir quoi faire. Il n'avait ni Pokemon, ni pouvoirs, seulement son épée et un petit surplus de vitesse et de puissance du fait du Fanex, mais rien qui ne pourrait inquiéter Lyre. Il allait même sans doute gêner ses compagnons s'il s'avisait de s'approcher pour combattre. Il serra les poings en maudissant son impuissance, quand il sentit une chaleur réconfortante envelopper l'un d'eux, qu'il desserra. Erylubin venait de lui prendre la main.
- Les autres font ce qu'ils peuvent, mais ce n'est pas la puissance brute qui vaincra Lyre. En fait, elle ne peut pas être vaincue. Elle ne peut qu'être sauvée. Viens. Allons la rejoindre.
Erylubin fit jaillir son aura divine d'Innocence, qui alla envelopper tout le corps de Mercutio. Ce dernier n'avait aucune idée de ce que son amie comptait faire, mais il la suivit malgré tout, faute de mieux, et surtout parce qu'il avait confiance en elle. Ils traversèrent l'étendue de vide qui les séparait de l'immense sphère blanche et noire qui constituait le gros du corps de la Déesse de la Finitude, tandis que le combat se poursuivait partout autour d'eux et surtout en haut.
- C'est le cœur de son organisme, déclara Erylubin. L'ensemble des corps et des âmes qu'elle a aspirés sont là-dedans, lui fournissant son énergie sans limite.
- Tu veux qu'on le détruise de l'intérieur ?
- Pour nous, ce sera impossible. De plus, si je pénètre là-dedans, je perdrai ma forme corporelle actuelle, et serait impuissante. Mais je peux me servir de mon corps pour protéger le tiens. Tu pourras te mouvoir dans ce chaos et conserver ta personnalité.
- Mais pourquoi faire ?
- Je te l'ai dit. Sauver Lyre. Son âme originelle est là-dedans, elle aussi. Écrasée par la présence de milliards de milliards d'autres âmes, obligée de maintenir le tout en un pour faire fonctionner ce corps de déesse. Je suis son âme-sœur, je perçois sa détresse et sa tristesse d'ici. Elle est plongée dans la fatalité, rongée par la corruption et habitée par le chaos, mais il reste encore en elle une étincelle d'humanité. Transforme cette étincelle en brasier, Mercutio, et la Déesse de la Finitude de Silas brûlera de l'intérieur. Nos amis pourront alors lui porter le coup fatal.
Ça semblait un peu trop lyrique et optimiste pour Mercutio, qui doutait qu'on puisse encore sauver Lyre par l'Innocence. Mais encore une fois, il n'avait rien de mieux à proposer, sauf à agiter son épée comme un idiot devant une déesse cosmique. Il posa donc sa main sur l'énorme sphère noire et blanche immatérielle, et commença à s'enfoncer à l'intérieur, tandis qu'Erylubin devenait un manteau de lumière qui enveloppa entièrement le corps de Mercutio.
Il n'eut pas l'impression de traverser une quelconque paroi, ni même de se retrouver à l'intérieur d'une sphère. C'était comme si son esprit s'était détaché de son corps, pour se retrouver dans l'antichambre des enfers. Le décor autour de lui n'avait ni fin ni début. C'était seulement une immense lande rougeâtre et brumeuse. Il n'y avait pas de contour, alors qu'il venait seulement d'entrer, mais il y avait un sol et un plafond, qui semblaient être fait d'une espèce de coulis rouge fluctuant qui dessinait parfois des silhouettes ou des visages humains, figés dans une expression de terreur ou de souffrance.
Ce lieu, quel qu'il soit, était un concentré de douleur et de désespoir. Même sans le Flux, Mercutio pouvait le sentir, et il était sûr que si Erylubin partait, laissant son corps à la merci de cet environnement malsain, il perdrait les pédales et deviendrait sous peu l'un de ces visages gémissants et impuissants au sol ou au plafond. L'un d'eux était sans doute Galatea, et la peur de voir les traits de sa jumelle s'afficher sous cette forme pitoyable faisait qu'il évitait à tous prix de poser les yeux en haut ou en bas.
- Lyre est l'un de ces... visages fusionnés dans le sol et le plafond ? demanda Mercutio. Parce que si c'est le cas, je pense qu'on va sans doute passer un petit millénaire avant de la trouver...
- Non, lui répondit intérieurement la voix d'Erylubin qui enveloppait. En absorbant Silas et en devenant une déesse, Lyre s'est détachée des autres pour prendre le contrôle exclusif du corps. Enfin, plus ou moins. Elle est aux commandes de ce lieu, donc on la distinguera forcément.
Mercutio se mit donc à avancer, sans trop savoir où aller. De toute façon, il n'y avait ni nord ni sud ici. Il prit bien soin d'ignorer sa répugnance à poser ses pieds sur les visages en forme de guimauve au sol. Leur mélopée de gémissements inarticulés lui mettait les nerfs à vif, mais à chaque fois qu'il était sur le point de craquer, de hurler et d'exiger de sortir, la présence d'Erylubin lui redonnait espoir. Ils n'avaient jamais été aussi proches tous les deux, même quand Eryl était encore une humaine de chair et de sang.
- Ici ! fit la Déesse de l'Innocence au bout d'un moment.
En effet, un élément de décor vint rompre la linéarité du paysage. Devant eux se tenait une espèce de cage, dont les barreaux noirs semblaient être faits de fumée. Et à l'intérieur, il y avait Lyre. La Lyre bien humaine que Mercutio avait connu, assisse, recroquevillée sur elle-même, les bras croisés autour de ses genoux. Elle semblait plus jeune qu'elle n'aurait dû l'être, le même âge que quand Mercutio avait rencontré Eryl pour la première fois. Son visage exprimait une détresse indubitable, et elle tremblait de tous ses membres. Son corps prostré était relié au reste de cette immense salle infinie par une dizaine de filins rougeâtres.
- C'est quoi ce bordel ? marmonna Mercutio.
Aussi étrange que fut ce spectacle, pour une quelconque raison, il paraissait étrangement familier à Mercutio, comme s'il l'avait déjà vécu quelque part.
- C'est bien ce que je pensais, fit Erylubin. Lyre est prisonnière à la fois de ce lieu, qui pompe sa volonté pour diriger le corps de la Déesse de la Finitude, mais aussi de ses sentiments négatifs, qui sont symbolisés par ces barreaux noirs. Cette fille tremblante dans la cage est la véritable conscience de Lyre, celle qui ne voulait pas devenir le monstre qu'elle est. Celle qui rêvait d'une vie normale, libérée du carcan de la Corruption, de la malédiction qu'Horrorscor a lancé sur sa famille...
Mercutio avait été entraîné à ne pas éprouver de pitié pour ses ennemis. Telle était la voie de la Team Rocket. Mais il n'avait jamais été très bon à ça. L'exemple le plus parlant avait été celui de Solaris. Il était tombé amoureux d'elle, et même quand elle avait révélé son vrai visage de dirigeante sadique et conquérante, il avait tenté de lui trouver des excuses. Et quand son passé tragique avait fait surface, quand il s'est avéré que c'était quelqu'un d'autre qui l'avait fait devenir ce qu'elle était devenue, il lui avait pardonné tous ses crimes et avait tenté de la sauver.
Mercutio n'avait jamais été un grand fan de Lyre Sybel. Déjà bien sûr parce qu'elle faisait partie du camp de la Corruption, mais aussi et surtout car elle avait l'apparence, jusqu'au moindre centimètre carré de peau, de sa petite-amie. Mais pourtant, comparé aux exactions de Solaris, Lyre était une enfant de cœur. Et elle n'avait tué aucun proche ou camarade de Mercutio, aussi il n'avait pas de raison particulière de lui en vouloir.
De plus, à la voir tel qu'il la voyait maintenant, si vulnérable, tremblante, et d'une telle tristesse, il lui était impossible de ne pas tenter quelque chose pour l'aider, même si le sort de l'univers n'avait pas été en jeu. Il s'approcha donc de la cage, déterminé à l'y en faire sortir et à la secouer jusqu'à qu'elle cesse de faire du mal aux autres – et surtout à elle-même – dans sa vaine vengeance contre la vie. Mais il s'arrêta à mi-chemin, car une silhouette s'était détachée du sol pour reprendre sa cohésion et ses couleurs bien humaine. Silas Brenwark, enveloppé d'une aura noire, lui sourit ironiquement en lui barrant la route de la cage.
- Encore toi, enfoiré ?! cracha Mercutio. Pourquoi t'es pas réduit à l'état de visage de dégueulis gémissant, comme tous les autres qu'elle a aspirés ?!
- Mais pour la même raison que toi, très cher ami. Tu es protégé par l'Innocence de notre bonne vieille Eryl. À ma grande surprise, dès que j'ai rejoint la masse des innombrables corps que Lyre a dévorés, toute la Corruption qu'elle tenait d'Horrorscor a quitté sa conscience pour venir à moi. Comme si la Corruption elle-même m'avait jugé plus digne qu'elle d'être son porteur.
- C'est logique, répondit Erylubin. Quand je suis morte, toute l'Innocence de mon corps a été attirée par la personne sur Terre qui l'incarnait et la vénérait le plus après moi : Brimas Atilus. Puis quand il a été détruit, et que Giratina a ouvert les Portes de la Mort, cet amas d'Innocence est revenu à l'âme errant d'Erubin. L'Innocence, tout comme la Corruption, ont une volonté : celle de rejoindre ceux qui les incarnent le mieux. Tu es le véritable héritier d'Horrorscor, Silas Brenwark. Ça a toujours été toi. Pas le Marquis. Pas Lyre. Mais toi. Le Corrupteur ultime, dont l'imagination tordue perverti tout ce qui est...
- Assez de compliment, ricana Silas. Vous êtes venus assister depuis l'intérieur de la fin de l'univers avant que nous ne disparaissions tous ? Je vous en prie, mettez-vous à l'aise. Les autres que Lyre a aspirés ne sont pas de très bonne compagnie. Ils ne sont plus très causants...
- Je vais sortir Lyre de là, annonça Mercutio.
- Mais elle n'a aucune envie de sortir.
- Ah bon ? Tu trouves qu'elle rayonne de bonheur là ?
- Elle est à moi, répliqua Silas dont la voix n'avait plus rien d'aimable. C'est la seule véritable chose qui m'a toujours appartenu, la seule qui m'importait dans ce monde pourri !
- La chose, hein ? C'est tout ce qu'elle est pour toi ? Un objet de désir, dont tu peux bafouer toutes les envies et les sentiments ?
Sans attendre la réponse de Silas, il hurla en direction de la prisonnière.
- LYRE ! Tu peux rester ici pour disparaître dans la peine et les ténèbres. Ou bien tu peux sortir vers la lumière et la vie, en prenant enfin ton putain de destin en main. En étant ce que tu as toujours voulu être. Tu vas laisser encore longtemps des connards comme Horrorscor ou Brenwark décider à ta place de ce qu'est ta vie ? Réponds-moi !
La fille dans la cage releva un peu la tête au son de la voix de Mercutio, le regardant de ses yeux humides de larme. Deux yeux noisette, sans aucune trace de rouge. Les mêmes que ceux qu'Eryl avaient avant, avec le même éclat symbolisant la joie de vivre.
- LA FERME ! hurla Silas en donnant un coup de poing au visage de Mercutio. Elle est à moi. À moi, à moi, à MOI ! Je l'ai aimée dès que je l'ai vu, alors que ce n'était qu'une gamine pendue à la jambe de Maître Dan. Je la connais mieux que quiconque, même mieux qu'elle ne se connaît elle-même !
Mercutio se frotta sa lèvre ensanglantée, mais ignora Silas pour à nouveau s'adresser à la conscience de Lyre.
- Sois ce que tu veux vraiment, pour une fois. Pas une Enfant ou une Agent de la Corruption, pas le double maléfique d’Eryl, pas l’héritière d’Horrorscor, ou je ne sais quelle déesse de la fin des temps. Sois Lyre Sybel, tout simplement !
Silas lui décocha un coup de pied dans l’estomac, lui intimant à nouveau de se taire d’un ton venimeux. Mercutio lui décocha un coup d’œil moqueur.
- Pour la première fois depuis qu’on se connaît, je sens que t’es vraiment sincère et furieux. Et merci pour tes coups, ducon. Ça veut dire que tu ne peux plus te servir de tes pouvoirs d’imagination. Sinon tu m’aurais fait disparaître bien avant.
- Ils sont à Lyre, désormais, répondit Silas. Mais je n’en ai nul besoin. Tu ne peux rien faire, à part débiter tes vaines paroles.
- Pour des vaines paroles, j’ai l’impression qu’elles te foutent un peu trop en rogne…
Puis, à nouveau en direction de Lyre, il lança :
- Dis-moi ce que tu veux ! Qu’est-ce que je dois faire pour toi ? DIS-MOI !
Silas s’avança pour un autre coup, quand finalement, un peu de lumière revint dans les yeux ternes et apathiques de Lyre. Elle releva un peu la tête, et d’une toute petite voix, comme si elle énonçait un souhait qu’on lui avait toujours refusé, elle murmura :
- Sauve-moi…
Mercutio para le coup de Silas alors qu’il venait, en croisant les bras au niveau de sa poitrine, en une prise défensive qui venait de son entraînement Rocket. Perplexe, Silas se tourna vers Lyre, ayant dû entendre quelque chose venant d’elle. Puis, n’hésitant plus, Lyre se leva, agrippa les barreaux de sa cage, et, les larmes aux yeux, elle s’exclama :
- SAUVE-MOI ! Je ne veux plus être ici ! J’en ai assez de ces ténèbres, de ce désespoir… Je veux être moi ! Juste moi !
Avec un sourire triomphant, Mercutio repoussa Silas et se mit en garde, prêt à combattre.
- Tu as entendu la dame ? Elle repart avec moi.
- Elle ne repart nulle part. Sa place est à mes côtés, pour l’éternité ! Je vais faire taire cette voix qui lui a empoisonné l’esprit…
Les deux adversaires, privés de leurs pouvoirs respectifs, mais chacun brillant du halo de l’Innocence et de la Corruption, se jetèrent l’un contre l’autre, avec Lyre au centre, dans cet espace de fin du monde.
***
Dehors, le combat contre la Déesse de la Finitude atteignait des degrés de destruction inégalés. Arceus usait de tous ses pouvoirs de Façonneurs pour créer des éléments cosmiques qu’il envoyait sur son adversaire, et défaire ceux de Lyrrorscor. Judicar était totalement hors de contrôle et relâchait un pouvoir qui n’aurait jamais dû voir le jour, reproduisant des miniatures de catastrophiques universelles comme des supernovas ou des big bang.
Elohius enchaînait les sortilèges de Flux pour assurer protection et rapidité aux quatre détenteurs de Dieux Guerriers, qui, tous sous leur Revêtarme, attaquaient à l’unisson avec une synchronisation épatante. Reinheit et Adélie se servaient de la puissance de poussée du Doppelganger et des flèches de Don pour se déplacer à une vitesse fulgurante et harceler Lyre un peu partout. Et enfin, Méga-Mewtwo X menait les Pokemon de Sacha et Régis dans des assauts groupés.
Mais si leurs attaques arrivaient à repousser celles de la déesse, elles ne semblaient rien lui faire quand elles faisaient mouche. Lyrrorscor était au-delà des notions de dommage ou de douleur, à présent. Elle n’était même pas vivante au sens premier du terme. Elle était devenue un être qui transcendait les simples notions mortelles. De la même façon qu’on ne pouvait pas stopper une catastrophe naturelle en lui tirant dessus, la Déesse de la Finitude ne pouvait pas être arrêtée. Tout au plus ralentie.
Elle avait toujours du mal à se défaire des mille bras géants d’Arceus qui sortaient d’un peu partout dans l’espace, mais à force de les attaquer en distordant le cosmos, ou par des rayons d’antimatière même qui annihilaient tous ce qu’ils touchaient, Arceus en avait de moins en moins d’utilisables. Lyrrorscor avait lâché autour d’elle des espèces de plumes noires géantes qui tournoyaient comme des boomerangs, et dont le passage pouvait fendre des planètes en deux. Grâce à cela, elle découpait des bras à la chaîne. Les quatre détenteurs de Dieux Guerriers avaient pris sur eux de leur donner la chasse pour tenter de les détruire.
Ne pouvant pas voler, Julian et Alroy se faisait transporter dans les airs, d'une main, par Siena et Bertsbrand. Ces deux derniers perdaient du coup un peu en manœuvrabilité et en vitesse, mais sans cela, les deux jeunes dirigeants qui venaient tout juste de débloquer leur Revêtarme n'auraient pas pu réchapper au tournoiement mortels des plumes géantes de Lyrrorscor. Leur puissance de feu était doublée néanmoins ; d'un côté partaient des torrents d'eau électrifiés, et de l'autre des lasers plasmiques enflammés.
- Monsieur Bertsbrand, j'ai une idée ! cria Alroy au détenteur de l'armure d'Exc alord qui l'entraînait dans des pirouettes aériennes improbables. Ralentissez et laissez une de ces plumes nous poursuivre et nous rattraper !
Bertsbrand, qui au contraire faisait tout son possible pour rester à distance des plumes tout en leur tirant dessus, eut un sursaut presque comique.
- C'est une very bad idea ! Foi de moi-même !
- Faite-le quand même, ordonna Alroy de son ton royal. J'ai un plan.
Bertsbrand marmonna un juron en unysien mais obtempéra. Pas parce qu'il avait confiance en cet ado sapé en roi des barbares, mais parce que lui, il n'avait aucun plan justement. Sauf continuer à tournoyer dans le vide stellaire et à épuiser l'énergie d'Excalord pour lancer des attaques qui n'avaient pas d'effet ou presque.
Il passa devant une des plumes géantes tournoyantes et ralenti sa vitesse de vol. Inévitablement, cette dernière abandonna le découpage des bras d'Arceus pour le prendre pour cible. Sa vitesse était telle que Bertsbrand dut ré-accélérer pour lui échapper.
- J'espère que tu sais ce que tu fais, lui fit la voix d'Excalord dont le corps le recouvrait. Car même mon alliage des trois métaux légendaires ne pourra pas résister face à ça.
- Moi non, mais le gamin oui, j'espère...
Alroy, de son côté, était en train de communiquer mentalement avec son Dieu Guerrier, demandant à Hafodes de transmettre un message à Ecleus à distance. Comme le Vifacier fonctionnait sur un système d'ondes, il en avait conclut que les Dieux Guerriers pouvaient se parler entre eux s'ils étaient proches. Et signe que cela marchait, Siena modifia sa trajectoire de vol pour entreprendre la même stratégie que Bertsbrand, à savoir laisser une des plumes la poursuivre.
Siena amena la sienne vers eux, et au dernier moment, alors que leurs plumes respectives s'apprêtaient à les rattraper, Bertsbrand et Siena se croisèrent et changèrent d'un coup leur trajectoire, l'un vers le haut, l'autre vers le bas. Étant bien plus grosses et moins manœuvrables, les plumes ne peuvent éviter la collision et se tranchèrent l'une l'autre.
- GG ! S'exclama Bertsbrand. C'était une very good idea garçon, comme je l'avais dit. On remet ça avec les autres !
- Je crois que ça ne sera pas possible dans l'immédiat... fit Alroy.
Il regardait quelque chose avec un air de dégoût évident. Lyrrorscor venait littéralement de vomir quelque chose de sa bouche, une espèce de mélasse noire qui se divisa et prit différentes formes. Des espèces de têtes mal-formées venaient d'apparaître, chacune ayant l'apparence de celle de Lyrrorscor mais avec la forme de celle, triangulaire, de Giratina, ce qui donnait un rendu repoussant. Elles se dispersèrent pour commencer à attaquer Arceus et ses alliés.
- On s'occupe de ces choses, commanda Siena. Si elles déconcentrent Arceus, Elohius ou Judicar, on sera dans la merde.
Ils se mirent donc à intercepter les têtes chacun de leur côté, essayant d’empêcher au mieux que les autres combattants n'aient pas à se soucier d'elles. Ces mini-Lyrrorscor ne savaient visiblement que tirer une sorte de laser rouge avec leurs yeux, mais quand elles étaient détruites, elles redevenaient la mélasse noire qu'elles étaient à l'origine, pour se subdiviser en tête plus petites. Ça semblait sans fin. Et il y avait encore des plumes tranchantes qui faisaient un carnage auprès des bras d'Arceus, cherchant à libérer leur maîtresse.
Comme ils étaient suffisamment éloignés d'elles pour ne pas être pris en chasse, Siena et Bertsbrand posèrent Julian et Alroy, pour qu'ils s'occupent eux aussi des têtes. Tous deux se servirent d'eau et du feu sous leur pieds pour se propulser d'un endroit à un autre, dans ce vide spatial sans relief ni quoi que ce soit de solide. Mais c'est sans doute ce qu'attendait Lyrrorscor, car un affreux sourire se peignit sur ses traits divins.
Elle fit apparaître un orbe noir et instable, qu'elle lança devant elle. Et tout d'un coup, les gestes de tous les combattants, qui se mouvaient alors sans difficulté dans l'espace grâce à l'absence de gravité, devinrent lents et lourds.
- C'est un orbe gravitationnel ! les prévint Elohius. Il va peu à peu nous attirer vers lui. Détruisez-le au plus vite !
Méga-Mewtwo X et les Pokemon de Sacha et Régis en firent leur affaire, se laissant entraîner vers lui pour ensuite lui déverser dessus toutes leurs attaques. Mais pendant ce temps, Lyrrorscor avait redirigé une de ses plumes tranchantes, la lançant en direction du Dieu Guerrier le plus proche qui était occupé par ses mini-têtes.
C'était Julian. Même avec la force gravitationnelle de l'orbe, il arrivait toujours à tenir les têtes en respect, mais n'ayant pas d'ailes comme Ecleus ou Excalord, il n'avait ni la vitesse, ni la mobilité pour échapper à la plumes géantes qui arrivait vers lui. Il se rendit même compte que trop tard qu'il était pris pour cible, et quand il remarqua la plume qui tournoyait vers lui, il était trop tard.
Mais une personne avait remarqué le danger avant. Ce fut comme une traînée dorée qui surgit, alors que Siena avait utilisé d'un coup toute la puissance d'Ecleus pour maximiser sa vitesse, déjà la plus élevée des Dieux Guerriers. Siena percuta son fils de plein fouet, l'écartant au dernier moment de la trajectoire de la plume. Mais celle-ci fit quand même mouche. Quand Julian reprit ses esprits après le choc, ce fut pour voir sa mère qui lui souriait douloureusement, alors qu'un de ses bras flottait non loin d'elle, et qu'elle avait le corps à moitié tranché au niveau de la taille.
- MÈRE !!
***
Mercutio avait, depuis son plus jeune âge, subi un entraînement intensif du combat au corps à corps. C'était la base de l'enseignement du commandant Penan, avant même le maniement des armes. Il n'y avait jamais été aussi doué que Siena, mais il savait se battre. Et ce d'une façon militaire, professionnelle, pas comme un ivrogne à la sortie d'un bar.
Sauf qu'aujourd'hui, à ce moment, face à Silas Brenwark, il avait tout oublié de ses leçons avec Penan. Ou plutôt, il les avait mises de côté. Il agissait au simple instinct. Il n'avait pas le Flux pour le guider, et il s'en moquait. Il ne calculait pas quelle prise utiliser à quel moment, il n'étudiait pas la garde de son adversaire pour y trouver une faille.
Il cognait, tout simplement. De façon viscérale, avec ses seules tripes. Il cherchait à faire mal à Silas en tapant plus fort que lui ; voilà sa seule stratégie. Tout en cet homme le révulsait. Il ne voulait plus jouer à des petits jeux avec lui. Plus aucun calcul. À cet instant, Mercutio Crust n'était ni un Rocket, encore moins un protecteur de l'univers ; juste un homme qui en cognait un autre parce qu'il ne l'aimait pas.
Même Lyre, qui pleurait dans sa cage, agrippée aux barreaux, était devenue secondaire. Certes, il se battait pour la sauver, mais en cet instant, c'était plus pour énerver Silas que réellement par pitié pour la jeune femme. Une partie encore logique et calculatrice de son esprit lui disait même que ce combat au corps à corps, sans pouvoir, serait le dernier, celui qui déciderait réellement du sort de l'univers. Mais il s'en moquait. Il ne voyait pas plus loin que le prochain coup qu'il pourrait assener à Silas Brenwark, au milieu de cet espace à la fois clos et infini, entre la matière et l'esprit, entre la vie et la mort, avec des milliards de visages désincarnés qui observaient leur affrontement.
Silas semblait dans le même état second que Mercutio. Quelque part entre la haine irrépressible contre celui qui prétendait lui voler sa bien-aimée, et la joie sauvage de pouvoir se donner à corps et à sang dans un affrontement physique. Son visage jadis charmeur était étiré et défiguré par la rage et la folie, ses beaux yeux violets éclairé d'une lueur démente.
- Tu attendais ça comme moi, Mercutio Crust, hein ?! s'écria-t-il entre deux coups reçus. Cet instant où on pourrait s'en donner à cœur joie, tous les deux ? Où le choc de nos volontés balaieront les étoiles eux-mêmes, en prélude à la fin des temps ! Oui ! C'est mon moment ! NOTRE MOMENT !
Brenwark avait de toute évidence perdu l'esprit, pour si peu qu'il en ait jamais eu. Il hurlait de rire à chacun des coups qu'il donnait, mais aussi à ceux qu'il prenait. Son nez était cassé et sa lèvre fendue pissait le sang, mais il n'en avait cure.
- T'es vraiment un grand malade, toi, lui balança Mercutio. Disparais une fois pour toute, et arrête de nous pourrir la vie à tous !
Il se jeta sur lui et le plaqua au sol, avant de labourer son visage de plusieurs coups à la suite. Ses phalanges contre ses dents lui firent un mal de chien, mais ça faisait sans doute encore plus mal à Silas, donc il continua. Mais entre deux coups de poings, Silas souleva la partie supérieure de son corps d'un coup, cognant violemment sa tête contre celle de Mercutio, après quoi il le fit partir en arrière avec un crochet sous le menton.
Le jeune Mélénis vit plein d'étoiles dans son champs de vision, et ses sensations faillirent s'arrêter au goût d'un sang dans sa bouche. Mais il parvint à ne pas perdre conscience, et esquiva au dernier moment le coup suivant de son adversaire. Il lui donna en réponse un coup vicieux aux tibias qui le fit défaillir un instant ; instant dont Mercutio se servit pour se relever. Il titubait, mais parvint à rester debout. Silas ne fut visiblement pas déçu de voir ce combat s'éterniser. Au contraire, sa bouche ensanglantée s'étira en un immense sourire qui démontra une fois de plus toute sa sanité perdue.
- Oui... OUI ! Relève-toi encore ! Ça ne peut pas s'arrêter maintenant ! Pas tant que ma déesse n'aura pas amené toute l'existence dans le néant. Consumons-nous ensemble avec l'univers, MERCUTIO CRUST !
Et ce fut reparti pour une dizaine de minutes supplémentaires de pugilat, où chacun des deux se releva après de multiples coups qui auraient depuis longtemps laissé à terre le plus résistants des humains. Mais les volontés de l'Innocence et de la Corruption étaient en ces deux combattants, chacune d'entre elles les poussant à ne pas flancher avant l'autre. Mercutio était au delà de la douleur et de la fatigue, n'agitant plus ses membres que par automatisme. Et malgré son visage défiguré, Silas continuait à sourire.
- C'est ça... C'est cette sensation... Je n'aurai jamais pu la reproduire, même avec tous mes pouvoirs d'Imaginatus. Un duel à mains nues avec mon antithèse, aux confins de l'univers, à l'intérieur du corps transfiguré et divin de la fille que j'aime, avec à la clé le sort de toute l'existence... Je l'ai enfin trouvé... Le divertissement ultime que je n'aurai jamais pu imaginer moi-même ! Il est devenu réel !
Au final, ce fut la joie et ce sentiment d'accomplissement qui terrassèrent Silas. Comblé, il s'écroula de lui-même, privé d'intérêt de poursuivre alors qu'il avait déjà atteint la plénitude. Mercutio secoua la tête au dessus de son ennemi, emprunt de pitié.
- C'est donc ça que tu cherchais ? demanda-t-il à mi-voix. Le but de toutes tes magouilles ? Quelque chose qui dépasserait tes propres pouvoirs ?
Bien qu'à terre et incapable de faire un geste de plus, Silas répondit :
- Je pouvais rendre réel tout ce que je voulais... Tout ce qui pouvait m'amuser, mes fantasmes, mes désirs les plus sombres... Mes limites étaient ma seule imagination. Mais à force de pouvoir tout avoir, de pouvoir tout voir... ma propre imagination s'est détériorée. Je n'arrivais plus à imaginer quelque chose qui pourrait réellement m'apporter un plaisir nouveau, moi qui avait goûté à tout. Au final, j'ai trouvé le véritable plaisir dans ce qui est bien réel. La réalité... a été plus forte que l'imagination.
Ce constat fait, il éclata de rire, et pleura en même temps. Mercutio le laissa à sa joie mélangée à la tristesse, pour avancer en boitant jusqu'à la cage de la conscience de Lyre. Il posa sa main sur la sienne, agrippant au dessus d'elle le même barreau noir, symbole des sentiments obscurs qui la retenaient prisonnière.
- Sortons d'ici, fit-il. Tu l'as entendu ? Ce mec recherchait un plaisir que tu ne pouvais même pas combler. Il ne mérite pas que tu effaces l'univers pour sa gueule. Libère-toi de lui. Libère-toi d'Horrorscor. Et sois toi-même, Lyre Sybel.
Erylubin insuffla via Mercutio suffisamment d'Innocence et de sentiments positifs pour réduire les barreaux de la cage en éclats. Dès qu'elle fut brisée, la conscience de Lyre se dissipa dans les airs, non sans un dernier sourire de remerciement pour son sauveur. Puis l'immense paysage rougeâtre sans fin commença à trembler et à se fracturer.
- Le corps de la Déesse de la Finitude est privée de conscience directrice, et va commencer à perdre son équilibre, fit la voix d'Erylubin. C'est le moment de l'attaquer et de tenter de détruire le Cœur d'Horrorscor. Sortons, Mercutio. Rejoignons les autres.
Ce dernier acquiesça, et se mit à courir autant qu'il le put malgré ses blessures, vers le mur immatériel par où il était arrivé, qui commençait à s'écrouler. Il passa devant la forme allongée de Silas qui tenta de le retenir :
- Non... Ne me laissez pas tout seul... Disparaissons tous ensemble !
Mercutio ne lui jeta même pas un regard et lui répondit :
- Désolé. Nous autres qui essayons de vivre, nous ne méritons pas d'être amis avec un mec aussi désopilant que toi, Mister Smiley. T'es bien trop marrant pour nous.
Il entra comme il était sorti, entraîné par la présence immatérielle d'Erylubin autour de lui, qui le fit traverser la barrière invisible entre la matière et ce monde immatériel d'âmes et de consciences. Il retrouva enfin le noir infini du cosmos, éclairé par des milliers d'étoiles et de planètes... ainsi que par les attaques incalculables qui passaient dans tous les sens.
- La vache... marmonna Mercutio.
Le combat contre la Déesse de la Finitude avait atteint des degrés inégalé de chaos et de destruction. Il y avait des plumes géantes boomerangs, des petites têtes flottantes à l'image de la déesse qui tiraient des rayons oculaires rouges, des puits gravitationnels, des mini supernovas, des planètes qui explosaient avant de remonter le temps pour se reconstituer puis exploser à nouveau, des lasers blancs qui traversaient le subespace à toute vitesse, et autres joyeusetés cosmiques qui avaient enfermé au placard toute notion de physique quantique.
Erylubin reprit sa forme matérielle pour réapparaître aux côtés de Mercutio. Tous deux n'eurent pas le temps d'essayer de distinguer si leurs camarades étaient toujours vivants. Ils durent s'éloigner en vitesse de l'immense sphère qui formait la partie inférieure du corps de la déesse, car celle-ci commençait à se fissurer ci et là, et à laisser s'échapper des faisceaux entiers de puissance brute.
- Misérables... Que Nous avez-vous fait ?!
La Déesse de la Finitude devait sentir que quelque chose clochait dans son propre corps, car ses ailes étaient hérissées et elle se tenait le corps en tanguant, comme quelqu'un atteint de mots d'estomacs déchirants. L'immense sphère noire et blanche dans laquelle elle avait stocké tous ce qu'elle avait aspiré sur Terre était en train de perdre sa forme, et de dégouliner comme du fromage fondu. Mercutio et Erylubin auraient été engloutit par cette mélasse sans doute mortelle si Elohius n'était pas venu les récupérer en volant à toute vitesse vers eux, les protégeant dans son Flux doré.
- C'est vous qui avait fait ça ? interrogea le dieu des Mélénis.
- Elle ne peut plus maintenir tout ce qu'elle a dévoré un seul tout, expliqua Erylubin. Le Cœur d'Horrorscor va ressortir d'elle d'un instant à l'autre. Il faudra tout donner pour le détruire une fois pour toute !
Et en effet, au bout d'un moment, alors que le corps géant de la déesse perdait de sa structure de toute part tandis qu'elle hurlait de rage et de détresse, la pierre noire rengorgée d'énergie corruptrice réapparut au centre de sa poitrine. Comprenant qu'elle était vulnérable, Lyrrorscor ignora sa douleur et l'effondrement de son corps pour attaquer de tous les côtés à puissance maximale.
Il fallut tous les pouvoirs défensifs d'Arceus, d'Elohius et même de Judicar pour bloquer le déluge qu'elle envoya sur eux. Les autres tentèrent tant bien que mal d'atteindre le Cœur ou au moins de lui tirer dessus, mais le peu d'attaque qui arriva jusqu'à lui fut loin d'être suffisant pour le blesser.
Lyrrorscor avait replié toutes ses plumes et ses mini-têtes à ses côtés pour la protéger, et même Bertsbrand sous forme Revêtarme fut incapable d'approcher cette masse sans se faire abattre en plein vol. Comme il ne pouvait rien faire de plus, Mercutio observa la bataille avec espoir et impuissance. Il remarqua non loin que Julian ne participait pas à cet assaut final. Pas plus que Siena. Et pour cause : le jeune garçon tenait sa mère blessée dans ses bras. Une blessure qui l'avait privé d'un bras et qui avait visiblement manqué de la couper en deux. Des flots de sang flottaient autour d'eux, du fait de l'absence de gravité, malgré les efforts désespérés de Julian pour geler l'immense coupure.
Mercutio fit la grimace en se rendant compte que cette blessure était mortelle, mais que ceux qui auraient pu sauver Siena, à savoir Arceus ou Elohius, ne pouvaient pas quitter le combat ne serait-ce qu'une seconde sans permettre à Lyrrorscor de tous les exterminer. Faute de mieux, il s'approcha de son neveu éploré et de demi-sœur mourante. Elle était déjà pâle comme un cadavre.
- Mère ! lui criait le jeune empereur. Pourquoi vous avez fait ça, hein ? Pourquoi m'avoir sauvé ?! Vous m'aviez pourtant dit que vous vous en fichiez de moi désormais !
Siena parvint encore à produire son célèbre ricanement méprisant, tout en toussant des gerbes de sang.
- C'est... toujours le cas. J'ai juste... saisi l'occasion pour me donner le beau rôle, idiot...
Bien sûr, ça ne trompa personne, ni Mercutio ni Julian, surtout avec la main tremblante de Siena posée sur la joue de son fils. Ce dernier secoua la tête, empêtré dans des émotions contradictoires. Siena tourna ses yeux déjà voilé vers Mercutio.
- Je ne regrette... rien. Aucun de mes actes. Je ne veux pas... qu'on dise que j'ai été... manipulée, ou quoi que ce soit. J'étais... non, je suis... Lady Venamia ! Crainte, respectée... le symbole de l'ordre et de la puissance, ce qu'aurait dû être... la Team Rocket. Dis-le à tout le monde, Mercutio... Dis-le, et maudissez mon nom et mon souvenir, qu'ils soient à jamais synonyme de terreur et d'autoritarisme. Car c'est ce que je suis...
- Si tu veux, répondit lentement Mercutio. Mais ceux qui t'auront bien connu sauront que tu étais bien plus que ça. Le monde pourra bien cracher sur le nom de Lady Venamia pendant mille ans... moi je chérirai le souvenir de ma sœur Siena Crust, avec ses innombrables défauts, mais aussi avec ses qualités. Tu ne réussira pas à t'en aller en me laissant que de la haine. Pas à moi. Je ne te laisserai pas cette dernière victoire.
- Humph... Tu auras au moins réussi à m'agacer jusqu'à la fin... petit-frère.
Puis elle retourna son regard vers Julian, et personne ne put se tromper sur la lueur de tendresse et de fierté qui brilla un instant dans ses yeux. Un instant qui sembla durer une éternité pour Julian, jusqu'à que ces yeux se ferment et que la main ne quitte la joue du garçon.
Siena Crust/Lady Venamia mourut, mais non sans avoir démontré que ni Horrorscor ni sa soif de pouvoir n'avaient réussi à effacer ce simple et pur amour d'une mère pour son fils.
Julian fit tout ce qu'il put pour contenir ses sentiments conflictuels, ceux d'un enfant qui avait à la fois aimé puis détesté sa mère, puis ceux d'un adolescent qui étaient passés de l'espoir et à la joie à la savoir en vie de la déception et la tristesse à se voir rejeter. Il devait rester maître de lui, surtout maintenant.
Mais ses émotions furent trop fortes, et une goutte d'eau déborda du vase. Littéralement. Julian laissa échapper une seule larme, d'un seul œil, qui coula lentement sur sa joue. Mercutio ne l'aurait pas remarqué si elle n'avait pas briller d'un éclat étrange pour de l'eau. Il resta pantois quand il vit la larme se durcir et se cristalliser sur la joue de son neveu, avant de tomber. Elle avait désormais l'apparence du diamant.
Nul ne sait trop ce qui se passa à ce moment là, même Erylubin. Peut-être était-ce un effet du délitement du Verrou de l'Infini, qui matérialisa toute l'Innocence contenue en Julian dans cette unique larme ? Peut-être, tout comme Erubin jadis, les sentiments de Julian furent trop puissants pour demeurer sur le seul plan de l'esprit, et prirent une forme matérielle ? Ou bien alors l'Innocence en Julian, libérée lors de la mort de sa mère, celle pure d'un enfant sans tâche et en deuil, était capable de rivaliser avec celle de la Déesse de l'Innocence elle-même ?
En tout cas, en cet instant, une seconde Pierre de l'Innocence était née.
Mais Mercutio n'eut pas trop le temps de réaliser la chose. Lyrrorscor venait de provoquer une explosion stellaire qui balaya les environs, après quoi elle envoya ses plumes et ses têtes en direction de Mercutio et Julian. Sans doute avait-elle senti le danger. Quelque chose qui pouvait la détruire, mais sans savoir quoi.
Mercutio n'hésita pas plus longtemps. Il prit la Pierre des Larmes dans sa main, et ordonna à son neveu :
- Envoie-moi vers Lyrrorscor avec un de tes jets d'eau. Vite !
Julian était bien évidemment perdu. Entre la mort de sa mère et une de ses larmes qui se transformait en pierre précieuse, sans savoir ce que cela signifiait, son cerveau fonctionnait au ralenti. Mais le ton impérieux de son oncle le poussa à obéir sans réfléchir. Il tira un jet d'eau à haute pression via son armure de Triséïdon sur le dos de Mercutio, qui décolla facilement dans cet espace privé de gravité.
Les plumes tranchantes et les mini-têtes de Lyrrorscor changèrent de direction pour le suivre, tandis que la Déesse, bien qu'en souffrance avec son corps qu'elle avait du mal à garder sous son contrôle, fit apparaître une dizaine d'orbes noirs d'antimatière qu'elle expédia sur Mercutio.
Comme il lui était impossible de modifier son cap, Mercutio ne pouvait rien faire pour éviter tout ça, et compta sur l'action de ses compagnons. Il venait de hurler en pensées à Elohius de tout faire pour lui créer un chemin vers le Coeur d'Horrorscor, car il avait désormais un moyen de le détruire. Mais comme il n'avait plus le Flux, il ignorait si son père l'avait entendu.
Arceus l'avait peut-être entendu lui, car son grand-père se servit d'un de ses bras dorés géants pour lui faire bouclier des sphères noires, le sacrifiant au passage. Puis Lord Judicar figea momentanément les plumes géantes, avant d'utiliser son Flux pour accélérer le vol de Mercutio vers sa cible.
Elohius avait bien entendu les pensées de son fils, et même s'il n'avait rien pour les vérifier, il décida de lui faire confiance. Il avait utilisé son Flux pour parler à tout le monde à distance, et leur dire de protéger Mercutio. Plus personne ou presque ne s'occupait d’empêcher Lyrrorscor de détruire entièrement le système solaire où ils se trouvaient d'une seule attaque. Et si elle n'avait pas été aussi pressée de détruire Mercutio et la menace qu'il transportait, elle n'aurait pas hésité.
Adélie utilisa ce qui restait de son Don pour tirer une volée d'une centaines de flèches qui allèrent cribler les mini-têtes de la déesse, tandis que Mewtwo et les Pokemon de Régis, avec lui à dos de son Ptéra, l'escortait dans sa course. Bertsbrand vola non loin de la tête de la déesse pour tenter de l'aveugler avec ses rayons plasma, tandis qu'Alroy avait levé un véritable mur de flammes autour d'elle.
Mercutio était proche désormais. Il pouvait même distinguer la Pierre d'Obscurité qui ressortait du corps de Lyrrorscor, brillante avec des contours rouges et striées d'éclairs noirs. Mais en dépit des efforts de tout le monde, Mercutio fut touché par un laser quelconque. Il ne put voir si ça venait de Lyrrorscor ou d'un allié, mais si ça le ne blessa pas mortellement, ça le dévia assez de sa trajectoire.
Faute de mieux, il lança la Pierre des Larmes, espérant qu'un de ses alliés la récupèrent. Ce fut le Pikachu de Sacha qui discerna le petit objet brillant le premier, et qui, avec son attaque Electacle, accumula assez de vitesse pour la percuter en plein vol, l'envoyant encore plus près de la Déesse de la Finitude.
Sauf qu'il n'y avait personne à l'arrivée, cette fois. Tout le monde était trop loin ou trop occupé. Ils virent avec désespoir la Pierre des Larmes tomber lentement... jusqu'à qu'une main noire et immatérielle ne la relance en l'air à nouveau. C'était Riveloru, le Doppelganger de Reinheit Divalina, qui venait d'étirer son bras au maximum, alors qu'il aurait dû se trouver trop loin pour ne serait-ce que l'effleurer.
Puis Riveloru distordit tout son corps ombral, auquel il était rattaché par son maître, pour bondir, entraînant Reinheit avec lui. Seul face à l'immensité de Lyrrorscor, il rattrapa la Pierre des Larmes en plein vol. Puis, dans sa chute, Reinheit Divalina, fils caché de Dan Sybel, autoproclamé Héritier d'Erubin, tendis le bras et pressa la Pierre de des Larmes contre le Cœur d'Horrorscor.
Ce fut comme si on avait rassemblé les deux forces contraires les plus puissantes de tout l'univers. Le bruit était insupportablement strident, tel des milliers de craies contre un tableau. Les rayons de lumière qui s'échappèrent de la Pierre d'Obscurité avaient de quoi vous rendre aveugle si vous aviez la très mauvaise idée de les regarder. Reinheit n'aurait même pas pu retirer sa main s'il en avait eu envie. Elle était comme collée au Cœur d'Horrorscor, qui se fracturait de l'intérieur, infecté par l'Innocence pure qui s'infiltrait dans ses anciennes ébréchures.
Lyrrorscor poussa un hurlement qui aurait détruit les tympans de tous les humains présents sans les protections magiques d'Elohius et d'Arceus. Son corps sembla s'évaporer, perdant peu à peu toutes les vies et toute la matière qu'elle avait absorbées. Puis, telle une petite bombe nucléaire de lumière, la Pierre d'Obscurité fut détruite à jamais, sans possibilité de reconstruction cette fois, mettant enfin un terme à l'existence matérielle d'Horrorscor, le Pokemon de la Corruption.
Privé de celui qui lui avait donné ses pouvoirs et qui les maintenaient un tant soi peu en équilibre, la Déesse de la Finitude implosa, régurgitant des milliards de milliards de vies, d'âmes et de matière. Tout cela n'était qu'à l'état immatériel, comme une épaisse fumée multicolore. Arceus surgit alors, reprenant sa forme normale en invoquant l'ensemble de ses plaques. Il les dispersa partout autour de l'immense nuage, et les fit tournoyer en un ouragan de couleurs incroyable, qu'il rétrécit et compacta peu à peu. Au bout de quelques secondes, les plaques et toute la fumée avaient disparu. Il ne restait plus qu'un petit orbe transparent qui reflétait l'entièreté des couleurs existantes.
- Pépé ? interrogea Judicar. Tu as vraiment... ?
- Oui, répondit Arceus. J'ai sacrifié mes plaques pour récupérer la totalité de ce qu'elle a dévoré sur Terre. De retour là-bas, je ramènerai tout et tout le monde. Ce sera mon dernier acte de Créateur. Ou plutôt en l’occurrence, celui de Sauveur.
Si Mercutio et les autres faillirent sauter de joie à cette annonce, cela inquiéta visiblement Judicar, et même Elohius.
- Tu es sûr, père ? demandé ce dernier. Tu vas renoncer à ton pouvoir de Façonneur, et ton invulnérabilité de dieu.
- C'est vrai, pépé, ajouta Judicar. Les autres Façonneurs ne seront pas content d'apprendre que tu les quittes juste pour sauver une seule planète et ses habitants, même si Eonie est comprises dedans. Et l'Univers sera vulnérable sans dieu digne de ce nom pour le protéger.
- Je ne renonce pas à mon devoir. Je continuerai de veiller sur cet univers, mais je le ferai en tant que simple Pokemon Légendaire. Et puis... cet univers a déjà des protecteurs dignes de confiance...
Il tourna la tête vers les humains et Pokemon présents qui laissaient échapper leur joie en se congratulant. Reinheit avait son bras droit, avec lequel il avait enfoncé la Pierre des Larmes sur le Cœur d'Horrorscor, littéralement en morceaux, distordu de toutes parts avec des os qui dépassaient ci et là. Ça devait être horriblement douloureux, mais il prenait l'air du héros qui souffrait en silence tandis que Mewtwo essayait de lui arranger cela avec ses pouvoirs. Mais une voix hargneuse et pleine de haine vint gâcher ce moment.
- NON ! Mes pouvoirs... ma divinité... J'étais si proche ! Si proche de tous nous amener dans l'oubli éternel !
Tous se retournèrent. Là où l'immense Déesse de la Finitude s'était trouvée, Lyre Sybel se tenait désormais. Elle avait une forme à demi-matérielle, un peu comme Erylubin. Son corps était sombre et spectral, et ses yeux rouges tourbillonnaient furieusement. Même en ayant perdu ses pouvoirs et tous ceux qu'elle avait aspiré, l'amas de Corruption qu'elle tenait d'Horrorscor était resté en elle, faisant d'elle une créature à demi-vivante, mi-humaine et mi-Pokemon, comme Erylubin. Elle était bel et bien devenue Lyrrorscor, la nouvelle et unique déesse de la Corruption.
- On ne veut pas de ton oubli éternel, lui dit Mercutio. L'univers lui-même n'en veut pas. Et toi non plus, si j'en crois l'attitude de ta conscience profonde que j'ai libéré de Brenwark un peu plus tôt.
- Cela suffit, meine schwester, ajouta Reinheit. Tu es libérée d'Horrorscor à présent, et de sa malédiction. C'était là le seul et unique souhait de notre défunt père, ce pourquoi il a toujours œuvré, même sous le masque du Marquis.
- Libérée ? répéta Lyre avec ironie. Tu m'as regardé ? Je suis un amas de Corruption sous forme humaine. Elle coule en moi comme du sang. J'en suis la dernière représentante désormais. Même sans mes pouvoirs d'Enfant de la Corruption, je reste une déesse !
- Tant mieux. Je ne me sentirai pas seule du coup.
Erylubin venait de s'avancer vers Lyrrorscor, son corps de lumière d'un blanc nacré se confrontant aux ombres que son antithèse faisait ressortir du siens.
- C'est comme ça que ça devait se finir. Toutes les deux, chacune héritant des pouvoirs et de la volonté d'Erubin et d'Horrorscor.
- Tu ne me vaincras pas, cracha Lyre.
- Non. Mais ce n'est pas mon intention. Nous nous affronterons pour l'éternité, et en même temps, nous serons complémentaires. Mais en tant qu'idéaux. Car les humains ont besoin à la fois de l'Innocence ET de la Corruption. C'est ce qui les fera progresser. Aucune de nous deux ne peut gagner, et aucune de nous deux ne le doit. Notre face à face éternel commence, mais en même temps, c'est aujourd'hui que prend fin la guerre terrestre entre Innocence et Corruption, qui n'aurait jamais dû avoir lieu.
Erylubin fit une pause et se tourna vers tous les autres. Elle s'arrêta particulièrement sur Mercutio, avant de déclarer :
- Merci. Merci à vous tous. Je serai toujours là pour vous guider sur le chemin de l'Innocence. À chaque fois que vous préfèrerez le bien au mal, que vous choisirez de pardonner plutôt que de punir, d'aimer plutôt que d'haïr, vous me sentirez.
Avec un dernier sourire, elle fit rayonner tout son corps jusqu'à devenir une traînée blanche qui fonça sur Lyre. Cette dernière fit de même, se transformant en un nuage noir, et les deux puissances se heurtèrent. Elle tournoyèrent l'une autour de l'autre avant d'entrer en contact plusieurs fois, jusqu'à qu'elles explosent toutes les deux en une onde de choc qui se propagea jusqu'aux confins de l'univers.
Après un long silence, Régis demanda fébrilement :
- Elles se sont... entre-détruites ?
- Non, répondit Elohius. Elles ont abandonné à jamais leur forme matérielle pour devenir pure énergie, et elles sont parties pour le Monde Ethérée, où elles poursuivront leur combat pour l'éternité. Elles sont devenues des concepts, comme l'Innocence et la Corruption l'étaient avant qu'elles ne s'incarnent en Erubin et Horrorscor.
Mercutio n'était pas sûr de bien comprendre, mais une chose était certaine : c'était la dernière fois qu'il voyait Eryl. Déesse, énergie ou concept ; peu importe. Elle avait cessé d'exister pour lui, en tant que personne. Il aurait dû s'en émouvoir, mais au fond de lui, il savait que c'était ainsi que ça devait être.
- C'est terminé, conclut Arceus d'une voix solanelle.
En effet, sous l'immensité du vide spatial, dans un endroit inconnu de la galaxie, un millénaire de guerre entre l'Innocence et la Corruption venait de s'achever. Principalement par le sacrifice d'une mère pour son fils, par la peine de ce dernier, et par l'amour d'un frère prédestiné à sauver sa soeur. Mercutio espérait que Veluba, où qu'elle soit, avait vu cela, et qu'elle ait enfin trouvé la paix. Elle et Horrorscor.