Eclat de Glace de Princess Leaf

La contrariété n’était pas parvenue à entraver la nuit d’Arya, qui se sentit en pleine forme à son réveil. S’étirant brièvement, elle se rendit au rez-de-chaussée, où Anita l’attendait.
« Bonjour ! As-tu bien dormi ? Questionna cette dernière tout en procédant à du rangement dans une grande armoire disposée sous les marches de l’escalier.
- À merveille, répondit la Feunard d’Alola. Je me sens prête pour cette nouvelle journée. Anita… »
La Souveraine déchue hésita.
Devait-elle exposer son projet de quitter Sylis à son amie ? Wozza lui avait faite comprendre qu’il était préférable que leur décision s’ébruite le moins possible. Cependant, la Blancoton avait toute sa confiance, et serait la première inquiète si elle n’était pas prévenue.
« Arya ? Que se passe-t-il ? » L’interrogea la noble en penchant sa tête sur le côté, interloquée.

Prenant une grande inspiration, la concernée déclara :
« Wozza et moi-même allons prochainement nous mettre en route vers le Royaume Cristallin. Ma présence ici n’est pas indispensable, et mon peuple a besoin de mon soutien. J’espère que tu comprendras ma décision. »
Son amie l’observa sans ciller. Puis, poussant un profond soupir, répondit :
« Tu es incorrigible. Toujours à vouloir fourrer tes pattes dans les ennuis, n’est-ce pas ? »
Puis elle ajouta, dans un sourire :
« Après tout, c’est pour ça que je t’apprécie autant. Et que tu feras une si bonne Reine.
- Anita…
- Va, s’il le faut. Mais prends le temps qu’il te faudra pour bien terminer tes préparatifs, et sache que tu seras toujours la bienvenue en cette demeure. »

Une bouffée de gratitude envahit la Feunard, qui ferma les yeux et s’approcha de son amie, émue. Les deux Pokémon s’enlacèrent et, après un court silence, Arya murmura :
« Je ne sais comment t’exprimer ma reconnaissance. Tu t’es montrée formidable. J’ignore ce que j’aurais fait sans toi.
- C’est à ça que servent les amies, non ? Et puis, ne te sous-estime pas, je suis sûre que tu te serais très bien débrouillée, comme à ton habitude ! »
La Pokémon Glace finit par s’arracher à l’étreinte de son hôte, et se dirigea vers la sortie.
« De toute façon, je ne suis pas encore partie. Je dois d’abord m’entretenir avec la Reine Aylee ; tu es la première au courant, et seras une des seules. Nous tâcherons de rester discrets à propos de notre départ.
- Je comprends, et n’en toucherai pas à un mot à quiconque. Comptes-tu rendre visite à l’explorateur blessé, aujourd’hui ?
- Oui, je suis censée retrouver Velvet et Wozza à la Fleur de Vie.
- La première t’y attend sûrement déjà, et je n’ai pas encore aperçu le second de la matinée », l’informa Anita. « Sais-tu comment t’y rendre ?
- Il s’agit du bâtiment au cœur du grand tronc d’arbre situé non loin de la Guilde des Pétales d’Argent, n’est-ce pas ?
- Exactement. Si tu connais le chemin, je vais te laisser y aller par toi-même, car j’ai à faire ! Je compte rendre visite aux proches des Pokémon défunts ou grièvement touchés lors de la Bataille de Dirindel. Les blessures morales doivent être pansées avec soin, si nous souhaitons aller convenablement de l’avant.
- C’est une très bonne initiative », acquiesça Arya. « Dans ce cas, nous nous retrouverons plus tard ! »

Après avoir souhaité une bonne journée à son amie, la Feunard d’Alola se rendit en direction de la Fleur de Vie en empruntant les ascenseurs successifs menant aux étages inférieurs. Elle se repérait à l’aide de la Guilde des Pétales d’Argent, resplendissante à toute heure et sous tous les angles.
Une fois parvenue au niveau du bâtiment, elle aperçut Velvet devant l’entrée du centre de soin. La Sucreine était en pleine et discussion avec une Papilusion, sans doute exploratrice.
Elle aperçut Arya et lui fit signe d’approcher.
« Merci pour ces renseignements », fit la Gardienne en hochant la tête. « Allez également informer mes congénères ainsi que Pétra, qu’elle puisse envoyer des équipes en patrouille.
- Assurément ! » Affirma la Pokémon Insecte d’un hochement de tête, avant de prendre congé.
Arya jeta un œil en direction de l’exploratrice puis demanda, inquiète :
« Quelque chose ne va pas ?
- Cette éclaireuse a repéré un groupe de Pokémon louches près de la frontière, au bord des Marécages Fleuris. Nous ne savons pas de qui il s’agit, donc autant rester vigilants.
- Peut-être des habitants de Grivon ? Suggéra la Pokémon Glace.
- Allez savoir », répondit Velvet en haussant les épaules. « Le principal, c’est qu’ils n’approchent pas plus de Sylis tant qu’on ignore pourquoi ils se trouvent là. Cela dit, ajouta-t-elle, nous avons à faire. Votre compagnon est-il dans les parages ?
- Toujours ! » Résonna une voix malicieuse qui fit sursauter les deux Pokémon.

Une ombre se dessina au sol tandis que Wozza en émergeait dans un éclat de rire.
« Vous auriez dû voir vos têtes ! Surtout toi, Velvet, ça change de ton assurance habituelle !
- Très drôle », maugréa la concernée. « Mais j’aurais dû m’en douter, et la prochaine fois, tu ne m’auras pas si facilement », finit-elle par dire, amusée, en lui adressant un clin d’œil.
Wozza considéra l’immense tronc d’arbre qui se dressait devant eux, puis émit un sifflement :
« C’est donc ça, la célèbre Fleur de Vie ? Je m’attendais presque à un tournesol géant, vu le nom ! Mais c’est tout de même impressionnant.
- Eh oui, c’est l’une des fiertés de Sylis », confirma la Sucreine. « Attendez d’être à l’intérieur, le nom prendra tout son sens. Mais, assez perdu de temps ! Après vous. »

En pénétrant dans le bâtiment végétal, Arya fut éprise d’admiration. En effet, la simple décoration au rez-de-chaussée suffisait déjà à couper le souffle, dans le style très floral et élégant du Royaume Fleuri que l’on retrouvait sur chaque objet et dans tous les recoins de la pièce. Mais ce furent surtout les senteurs revitalisantes des nombreuses plantes tapissées au mur qui permirent à la Feunard de se sentir immédiatement à son aise.
Le groupe fut accueilli par une Olivado au sourire bienveillant :
« Bienvenue, Votre Altesse ! C’est un honneur pour notre établissement de recevoir la visite d’une Princesse !
- Tu n’avais donc jamais mis les pattes ici ? S’étonna Wozza. Voilà qui est fort surprenant de ta part !
- Eh bien, non », avoua Arya. « Mais je le regrette, ce lieu est magnifique, en plus d’être indispensable !
- Gardez un peu de votre engouement, Votre Majesté, car nous allons en avoir besoin très bientôt », rappela Velvet. Puis, se tournant vers l’hôtesse d’accueil, elle déclara : « Nous allons nous rendre au 3è étage, afin de nous entretenir avec le Pyroli.
- C’est gentil de votre part de lui rendre à nouveau visite ! Le Docteur Vongus est absent pour le moment, mais à ma connaissance, son état semble s’être amélioré depuis hier !
- Tant mieux, ce sera plus simple ainsi, lâcha la Sucreine avec un brin de lassitude.
- On sent que tu t’en fais pour lui ! Railla Wozza. Je comprends pourquoi tu as fait appel à nous !
- La gestion des états d’âme n’est pas mon fort, effectivement. Bon, allons-y, c’est par là. »

Elle pointa du doigt l’ascenseur, et tous trois s’y engagèrent.
Arya résista à l’envie de faire une halte aux deux premiers étages pour voir comment se portaient les Pokémon blessés, mais elle ne souhaitait pas monopoliser le temps de la Gardienne. Elle pourrait sans doute y retourner plus tard.
Fynn était étendu au fond de la salle du troisième niveau, sur un lit de plumes. Velvet interrogea du regard un Guérilande s’occupant d’une Haydaim, et le soigneur lui confirma d’un hochement de tête qu’ils pouvaient s’aventurer dans la pièce.
En s’approchant du Pokémon Feu, Arya ne put s’empêcher de réprimer un frisson : des bandages parcouraient une partie de son corps, et son regard était vitreux lorsqu’il tourna la tête vers eux en les voyant approcher.
« C’est vous, Princesse… Vous semblez aller bien. »
Sa voix était éteinte. Wozza le remarqua également, et répondit du tac-au-tac :
« Ce n’est pas ton cas. Tu as plus l’apparence d’un Magicarpe crevé que d’un explorateur vétéran. J’en attendais quand même plus du héros qui a secouru notre Princesse en détresse ! »

Le ton direct de l’ermite pris la Sucreine au dépourvu, et celle-ci coula un regard en coin en direction d’Arya. Cette dernière n’était nullement surprise : elle s’était habituée au Pokémon Spectre, à présent, et lui faisait entièrement confiance.
Le Pyroli baissa les yeux. Le chagrin voilait son visage lorsqu’il déclara d’une petite voix :
« Il y a bien d’autres vies que j’aurais dû secourir. Le simple fait que cette bataille ait eu lieu est un échec en soi. Je n’ai pas eu le courage de faire face, je… »
Sa voix se brisa.
« Je me sens si seul. »

Arya et Wozza s’entre-regardèrent. Velvet avait détourné la tête, et fixait un point invisible à sa droite.
La Feunard choisit ses mots avec soin :
« Je ne connais pas votre histoire, et nous n’avons assurément pas vécu la même. Mais je suis prête à l’écouter attentivement. Si je suis ici aujourd’hui, c’est grâce à tous les Pokémon qui m’ont protégée. Vous en faites partie, et je ne vous laisserai pas tomber. Je ne suis pas ici seulement parce que j’ai besoin de vous, mais parce que vous pouvez également compter sur mon soutien. Nos Royaumes respectifs sont en grand danger, et je souhaite les sauver. Tous les deux. »

Fynn frissonna, et avisa les individus face à lui. Puis il déclara d’un ton attristé :

« J’avais deux amis très proches, du nom de Pyra et Vex. Nous formions l’équipe des Braises Éternelles. Nous nous étions promis de toujours œuvrer pour le bonheur des Pokémon, peu importe les obstacles qui se dresseraient devant nous ; c’était devenu notre raison de vivre. Nous étions les meilleurs explorateurs d’Andor, et pensions que rien n’aurait pu mal se passer, tant que nous resterions unis. »

Il marqua une pause, puis soupira :

« Nous étions jeunes, et naïfs. À cette époque, de puissants hors-la-loi piégeaient des marchands itinérants et les séquestraient dans leur repaire, en échange d’une rançon. Lorsque nous avons appris l’enlèvement d’un Simularbre, nous sommes partis seuls explorer les lieux où il avait été aperçu pour la dernière fois, et avons localisé l’antre des bandits. Nous aurions dû aller chercher des renforts, les troupes d’Andor n’en auraient fait qu’une bouchée. Mais nous étions aveuglés par notre confiance. Mus par la volonté d’agir au plus vite, nous nous sommes jetés au secours de la victime, et avons défié les hors-la-loi sur leur propre terrain. »

Il déglutit, ce souvenir semblant l’étouffer. Puis il poursuivit, tremblant :

« Nous nous sommes retrouvés en grande difficulté. Mes équipiers étaient mal en point. J’ai pris alors le risque d’utiliser une capacité que je ne maitrisais pas encore vraiment. »

Les larmes se mirent à couler sur ses joues. Il ravala tant bien que mal un sanglot.

« L’Ultralaser que j’ai lancé a frappé plusieurs parois, et toute la cavité s’est effondrée. Je ne dois mon salut qu’à la chance. »

Sa voix se mua en murmure.

« Je suis le seul à en avoir bénéficié. »

Le silence se fit dans la pièce, seulement perturbé par le Guérilande qui continuait de s’affairer à l’autre bout de la salle.

« La réalité m’a frappée ce jour-là. Elle a emporté mon arrogance, ainsi que mes compagnons. Cet échec ne cesse de me hanter, jour après jour. Le poids qu’il exerce sur ma conscience a fortement impacté mon engouement. C’est pour cette raison que je n’ai jamais pu partager celui de ma nouvelle équipe. Erza et Aizen, avec qui je me suis associé par la suite, ne sont jamais parvenus à briser la barrière que j’avais établie entre nous. Et, lorsque j’ai pris conscience des menaces rampantes au sein de notre Royaume, je n’ai pu me confier à eux, et les ai perdus. Comme ma Guilde, comme mon Royaume. »

Le Pokémon Feu releva enfin la tête, et soutint le regard d’Arya.

« La suite, vous la connaissez. En dernier recours, j’ai dû leur faire face. Notre affrontement a causé la mort d’Aizen, et d’une nouvelle équipe brisée. Le chagrin d’Erza m’a rappelé ce que j’ai moi-même enduré des années plus tôt. Le passé m’a puni de n’avoir su m’en détacher. Je… »

Il s’interrompit, submergé par l’émotion. Puis lâcha :

« Je ne peux le supporter. Je suis désolé. »

Sur ses mots, il se mit à pleurer à chaudes larmes, en fourrant son museau sous ses pattes.

Wozza fit signe à Arya et Velvet de s’éloigner. La Feunard comprit que son but était de créer une distance respectueuse entre les visiteurs et Fynn.
La Sucreine chuchota, la mine sombre :
« Ça n’a pas l’air de très bien se passer.
- Au contraire », la rassura Wozza avec un sourire. « Tout se déroule à merveille. Il était en pleine saturation et avait besoin de craquer un bon coup, afin d’évacuer le surcharge émotionnelle.
- Ça a dû être très dur pour lui de nous raconta son parcours », confirma Arya pour appuyer les propos de l’ermite. « Mais c’était nécessaire. Je suis persuadée que, par la suite, ça ira mieux.
- Tu n’as jamais ressenti ça, j’imagine ? » Demanda Wozza à la Gardienne de but en blanc.
Celle-ci se détourna, gênée, puis répondit :
« Je sais ce que c’est que de ressentir une intense tristesse. Mais, lorsque cela se produit, je mue mon chagrin en détermination, et cela me suffit. » Elle soupira, puis ajouta : « Cependant, j’ai conscience que tous les Pokémon ne peuvent supporter les épreuves de manière similaire. Ma fonction même en est la preuve. »

Arya hocha la tête. Velvet endurait déjà de grandes responsabilités pour protéger son peuple ; aussi ne pouvait-elle pas lui en vouloir de ne pas comprendre précisément chaque individu.
« Je suis persuadée qu’il nous aidera, n’ayez crainte. Si ce Pyroli ressent un tel chagrin, c’est avant tout parce qu’il a un bon fond et qu’il regrette ses erreurs, justement. »
La Pokémon Glace pointa le convalescent du museau :
« Laissons-le seul un petit moment, c’est nécessaire. Ensuite, il pourra nous parler du Royaume de l’Ombre. »
La Sucreine fit la moue.
« Et combien de temps cela prendra-t-il ? »

Arya sourit.

« Le temps pour moi de passer du temps avec les autres blessés. »