Pas grand monde parmi les personnes présentes sous le dôme n'avait entendu parler de l'Endless. Mais ceux qui savaient qui il était – ou plutôt ce qu'il était – restèrent sous le choc de la révélation d'Arceus.
- Vous voulez parler de cette entité incarnant le néant que je suis censé affronter si je suis bien l’Élu de la Lumière ? demanda Mercutio pour être sûr. Maître Irvffus m'a expliqué qu'elle serait votre antithèse mais aussi votre égal en termes de puissance. Lyre peut vraiment absorber une créature de ce genre ?!
- Telle qu'elle est actuellement, il y a peu de doute à avoir, acquiesça le Créateur. L'Endless n'est pas spécialement puissant ; il est juste impossible à éliminer. Du moins, personne n'a réussi jusque-là. Cette Lyre ne pourra pas le tuer, mais l'aspirer et le faire sien, sans nul doute, oui.
Elohius, qui était l'un de ceux qui avaient affronté l'Endless sans pouvoir le détruire, fronça les sourcils, l'air perplexe.
- Mais père, Aegirin est censée être une dimension cachée, atteignable seulement par un chemin spatio-temporel précis. Comment cette créature pourrait-elle s'y rendre en passant par le seul espace ?
Arceus s'apprêtait visiblement à révéler un truc confidentiel, car il soupira comme si, dans la situation actuelle, il n'avait plus le choix, et déclara :
- Il y a bien un chemin caché que j'ai créée pour s'y rendre rapidement, mais Aegirin existe bel et bien dans notre phase, aux confins de l'Univers. Personne n'aurait pu tomber dessus par hasard, mais Lyre doit sentir instinctivement sa présence, et elle finira par le trouver.
Judicar écarta les bras en secouant la tête.
- Je te félicite pas, pépé. D'abord, tu laisses quelqu'un entrer pépère dans Aegirin par ton chemin dimensionnel planqué pour détruire le Verrou de la Divinité, et maintenant, voilà qu'une calamité galactique capable d'aspirer l'Endless peut faire le trajet normal ? Si par miracle l'univers survit à ça, ça va sérieusement chauffer pour ton matricule quand les autres Façonneurs apprendront ce fiasco !
Arceus défia son arrière-petit-fils du regard d'un air sévère, mais Judicar ne baissa pas le sien. Comme pour faire retomber la tension, Adélie demanda :
- J'ai pas tout saisi, mais en résumé, Lyre est partie à l'autre bout de l'Univers pour aller y bouffer une bestiole pas sympa ? J'ai envie de lui souhaiter bon vent... si elle n'avait pas aspiré tous mes copains et réduit ma planète à l'état lunaire...
- Si elle parvient à absorber l'Endless, alors ce sera réellement la fin de tout, fit sombrement Elohius. Elle engloutira tout notre univers dans le néant, et essaiera même de s'en prendre aux autres.
- Pardonnez mon cynisme déplacé, mais actuellement, j'en ai un peu rien à foutre, de cet univers comme des autres, marmonna Régis. On a perdu tout le monde, toute notre foutue planète ! Au point où on en est, Lyre peut bien tout engloutir.
- Non.
C'était Julian qui venait de parler, avec une étincelle de maturité et de responsabilité dans son regard qui contrastait avec son âge apparent, et surtout son âge réel.
- C'est de notre faute si Lyre Sybel est devenue ce qu'elle est. On ne peut pas laisser d'autre planètes, ou carrément l'univers entier, subir le même sort que la Terre. Pas si on peut encore faire quelque chose.
Erylubin acquiesça, plaçant sa main lumineuse et semblable à du marbre sur l'épaule du garçon.
- La vérité sort de la bouche des enfants innocents. Nous avons survécu. Nous tous. Je ne crois pas que ce soit un miracle, mais plutôt le signe du destin. Nous devons faire ce que nous pouvons.
- Et qu'est-ce que nous pouvons ? demanda Mewtwo. Je peux voler dans l'espace un moment. Sans doute Dieu notre Père aussi, ainsi que Lord Judicar et peut-être Bertsbrand et Venamia sous Revêtarme. Mais de là à rattraper cette chose... et de la vaincre à nous seuls, c'est irréaliste. Elle a absorbé les forces et les pouvoirs de tous les êtres vivants sur Terre ! Ça inclut des Pokemon surpuissants comme Mew, Nekrozma ou encore Zygarde, sans parler des G-Man, des Mélénis et des potentiels Modeleurs. Elle est actuellement la créature la plus puissante de l'univers !
- C'est vrai, admit Arceus. Mais comme je l'ai dit, son intelligence a cédé le pas sur sa puissance. Elle ne pourra pas utiliser tous ses pouvoirs à leurs pleines efficacités. Et moi, j'ai encore une carte en main. Quelque chose que je n'ai pas utilisé depuis mon duel millénaire contre l'Endless, au début des temps...
Arceus fit sortir toutes les plaques de son corps avant de les faire tournoyer à toute vitesse autour de lui. Elles bougèrent si vite qu'on aurait dit qu'un nouvel anneau était apparu autour du Créateur. Et c'est ce qui arriva. Un anneau entièrement lumineux et immatériel, vibrant d'une énergie cosmique et antique, entourait le corps d'Arceus, et commença à le transformer. Sa crinière blanche s'allongea, son anneau ventral se colla à lui et ses extrémités dorées s'étirèrent en quatre branches, faisant naître une véritable étoile. La tête d'Arceus se recouvra d'une matière dorée qui lui donna l'effet de porter une sorte de couronne, ou un casque. La lumière de l'anneau géant enveloppa ses muscles, les faisant luire de l'intérieur, jusqu'à que son corps s'étire et ne grandisse.
Tout le monde, même Judicar et Elohius, restèrent bouche bée devant cette transformation divine. Quand elle cessa et que la lumière baissa d'intensité, Arceus avait l'air plus que jamais du Dieu Créateur qu'il était. Plus doré, plus grand, plus lumineux et plus royal. Sa prestance et sa présence céleste poussa tous les humains présents à s'agenouiller et à baisser la tête, alors même qu'ils n'en avaient aucune envie. Comme s'ils ne contrôlaient plus leur corps. Arceus le remarqua, et dût faire quelque chose en lui, car sa lueur baissa un petit peu, et les humains purent se relever.
- Désolé, fit-il. L'aura pure des Façonneurs a cet effet sur les mortels.
- Quelle est donc cette forme ? demanda Alroy en évitant de la regarder de face, comme s'il craignait de se brûler les yeux.
- Ma Forme Première, celle du Façonneur que je suis. On peut aussi dire que c'est ma forme originelle, comme mes enfants Dialga, Palkia et Giratina en ont une. On utilise le plus souvent notre forme alternative, car nos formes originelles dégagent une puissance difficilement contrôlable. La mienne plus les autres. Mais j'étais ainsi quand j'ai créé l'univers, puis plus tard, quand j'ai affronté l'Endless. Quand je la revêts, je ne suis plus un Pokemon, mais bel et bien un Façonneur, la race des seigneurs du multivers.
- Si vous aviez une forme si puissante en stock, pourquoi avoir attendu que Lyre dévore toute la planète pour l'utiliser, au juste ? questionna Siena.
Elle s'était exprimée d'un ton qui ne convenait clairement pas quand on s'adressait au Créateur, surtout sous cette apparence-là. Mais pour le coup, Mercutio pensait la même chose, même s'il n'avait pas eu l'affront de le dire.
- Même les Façonneurs ont des règles, se contenta de répondre Arceus. L'une d'entre elle est de ne pas utiliser sa pleine puissance. Nous ne sommes pas censés intervenir dans nos propres univers, mais les laisser suivre leur libre court. Mais maintenant, la situation l'exige. Mes pairs me pardonneront cet écart... si tant est que nous réussissons.
Le dôme doré où ils se trouvaient tous commença à s'élever dans les cieux, jusqu'à qu'Arceus aille dessous et ne se mette à le soulever de sa tête, puis devant lui, comme s'il tirait un traîneau. Ils volaient à une vitesse ahurissante, entourés de flammes d'or. Ils atteignirent l'espace en à peine quelques secondes, sans rien sentir du tout des effets d'une quelconque poussée.
- Putain de… ! jura Régis.
Mercutio n’aurait pas dit mieux. Mais il se rendit compte que Régis ne parlait du voyage ultra-rapide, mais de l’apparence de la Terre qu’ils venaient de quitter. Leur bonne vieille planète bleue… n’avait plus rien de bleu. C’était devenu une sphère essentiellement brunâtre ou grise, avec par endroit du rouge signalant des éruptions massives. Un énorme caillou mort et vide. Cette vue désolante fit remonter le cœur de Mercutio dans son estomac bien plus facilement que ne l’aurait fait une montée dans l’espace en dix secondes.
- Ne perds pas espoir…
Il se tourna pour voir la main lumineuse et fantomatique d’Eryl sur son épaule, et son visage divin, mi-humain mi-Pokemon, lui sourire.
- Tu dois croire qu’Arceus arrivera à arranger les choses. Si tu pars affronter Lyrrorscor avec le cœur plein de désespoir, tes coups ne la toucheront pas.
Mercutio ricana aigrement.
- Mes coups hein ? Je n’ai plus le Flux pour le moment, tu sais, et tous mes Pokemon ont été absorbés par Lyre. Je vais agiter ma petite épée devant elle, dans le vide intersidéral, alors qu’elle est devenue quelque chose qui cumule la puissance de tous les êtres vivants d’un monde ?
- Tous les coups ne sont pas forcément censés faire mal, répliqua mystérieusement Erylubin.
Bien que le moment ne fût pas idéal, Mercutio se rendit compte qu'il ne lui avait pas encore dit quelque chose qu'il tenait à dire. Il en aurait peut-être plus l'occasion d'ici peu de temps.
- Je suis désolé. De ne pas avoir su te protéger...
Il lui montra la Pierre des Larmes fendue en deux qu'il avait conservé dans sa poche, ultime vestige de l'ancienne Eryl, de chair et de sang. Puis il tourna son regard vers la cité d'Atlantis, qui flottait en orbite autour de la Terre, et ses yeux se plissèrent de haine.
- Ce connard d'Igeus... Si jamais par miracle on s'en sort, je te promets qu'il va payer !
- Je suis la nouvelle déesse de l'Innocence, et tu voudrais dispenser la vengeance en mon nom ? ironisa Erylubin. Je n'en veux pas à Erend, car abandonner ma prison de chair pour renaître sous cette forme était mon destin. Sous ma forme humaine... j'étais pleine de désirs, d'ambitions, et d'arrogance. Des péchés tout ce qu'il y a de plus humains, certes, mais qui était incompatible avec ce que j'étais censée incarner. Erend n'a été que l'instrument du destin sans en avoir conscience. Mais ne t'inquiète pas : il paiera sa dette envers l'humanité plus tôt que tu ne le crois. Tu n'auras pas besoin de te venger de lui.
Mercutio ne chercha pas à connaître le sens de ces paroles sibyllines. Il savait d'expérience qu'obtenir des réponses claires d'un être divin était mission impossible, et de toute façon, il ne voulait pas parler d'Igeus.
- Peut-être que c'était ton destin, ou je ne sais quelle connerie métaphysique du genre, rétorqua-t-il. Mais moi, je voulais te garder avec moi, en tant qu'Eryl Sybel.
Erylubin lui fit un pauvre sourire, et Mercutio retrouva alors son ancienne petite-amie humaine, si douce, tendre et naïve.
- J'avais pressenti notre séparation inéluctable quand j'ai appris sur la vérité sur ce que j'étais, fit-elle. C'est pour cela que j'ai rompu peu de temps après. Ça n'avait rien à avoir avec mon nouveau statut de reine, et encore moins de ce qu'il y a eu entre toi et Miry. Je pensais que ça nous ferait moins mal le jour où nous ne pourrions plus nous voir pour de bon.
- Et ce jour arrivera, même si nous l'emportons ?
Mercutio se doutait de la réponse, mais il voulait l'entendre de sa bouche.
- Oui. Je retournerai dans le Monde Éthérée, où j'incarnerai l'Innocence de l'humanité. Je ne serai pas morte, mais je ne serai pas vivante non plus. Je pense que je deviendrai une sorte de concept, mais en conservant ce que j'avais été avant. Qui sait ? Si tu me pries assez fort, peut-être que je t'entendrai ?
Mercutio rigola.
- Je t'aime, et ça ne changera jamais, mais je ne vais pas devenir membre des Gardiens de l'Innocence et te vouer un culte, Eryl. On a passé assez de temps ensemble pour connaître tous les petits défauts de l'autre. Ça me gênerait de me souvenir de ton étourderie légendaire avec des gars qui te prient à côté.
Erylubin répondit à son rire, ce qui leur attira une réflexion exaspérée de Reinheit.
- Eh, les tourtereaux. On est en plein dans le
Das letzte Gericht. Pas le moment pour vos niaiseries. Je dois me concentrer pour tirer toute la puissance de mon
Auge Allwisend !
Ils dépassèrent bien vite les alentours de la Terre, et elle ne fut bientôt plus visible à l’œil nu. Ils traversèrent à vitesse grand V les autres planètes du système solaire, et en à peine dix minutes, ils avaient dépassé Pluton. Ils filaient si vite que les étoiles autour d'eux avaient pris des allures de pluie d'étoiles filantes.
- Euh, dîtes, monsieur Dieu ! s’exclama Bertsbrand à haute voix en s’adressant au sol transparent du dôme, où l’on pouvait voir Arceus en dessous. Est-ce qu’on va arriver à votre endroit planqué avant Lyre ? Car on ne la voit nulle part là. Bon, l’espace c’est grand bien sûr, mais…
- Sa présence est comme un trou noir de ténèbres au milieu de ma Création, répondit Arceus en le coupant de sa voix divine et résonnante. Je ne peux pas la louper. Elle nous devance, mais de peu. Nous la rattraperons, dans environs quinze minutes. Aussi, tenez-vous prêts. Ce sera l’adversaire le plus dangereux que vous n’ayez jamais affronté.
- Ouais euh, à ce propos… intervint Sacha. On est censé faire quoi au juste ?
- Ce que vous pourrez. Me protéger d’en haut, par exemple.
Sacha haussa les épaules d’un air impuissant, que Mercutio partageait. Il n’avait apparemment que son Pikachu avec lui ; tous ses autres Pokemon ayant été aspirés. Mais bon, il avait au moins un Pokemon lui, et selon les rumeurs, des pouvoirs potentiels de G-Man. Mercutio n’avait plus rien, si ce n’était son petit surplus de force physique du fait de son entraînement et de sa génothérapie avec les Shadow Hunters. Mais la force physique serait autant utile face à Lyrrorscor que la foudre face à un Hippodocus...
Puis ils arrivèrent dans un secteur de l'espace dévasté, avec des planètes qui paraissaient en encore plus mauvaise état que la Terre. Certaines d'entre elles étaient totalement grillées, et d'autres étaient en morceaux, réduites en un champ d'astéroïdes. Ad eut un hoquet d'effroi en voyant une énorme partie de planète, comme une part de camembert, qui se disloquait lentement dans le vide indifférent. Et tous ces monceaux de roche sans vie étaient lentement aspirés par ce qui semblait être un véritable trou noir non loin.
- Le système de la Poupe, tel qu'il est nommé par vos scientifiques, fit Arceus d'un ton sombre. Il avait deux planètes qui y abritaient la vie. Des planètes paisibles, où le conflit était rare.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Alroy.
- Lyre a déglingué le soleil quand elle est passée, répondit Judicar. Il y a tous les signes d'une supernova ici, jusqu'au trou noir qui a l'air tout récent.
- Mais pourquoi elle a fait une telle chose, si c'est aspirer l'Endless et au final toute vie qui l'intéresse ? demanda Régis.
- Va savoir ? Il était peut-être seulement sur sa route et elle n'a plus l'intelligence nécessaire pour le contourner. Ou bien son souhait d'apporter la mort partout où elle passe a resurgit d'un coup. En tout cas, elle n'est pas loin. Même moi je peux la sentir à présent. Préparez-vous.
Mercutio secoua la tête. Ils étaient marrants, ces êtres surdimmensionnels, à dire aux simples mortels de se préparer, quand leur adversaire était une entité qui détruisait des systèmes solaires entier peut-être par inattention.
- Là voilà...
Arceus accéléra encore plus après avoir dit cela, et effectivement, même les simples humains purent voir cette masse sombre de la taille d'une petite lune, aux ailes gigantesques, qui filait à travers le cosmos en se contrefichant de tout ce qu'elle pouvait percuter sur son passage ; étoiles comme planètes. Arceus se plaça derrière elle, et Mercutio leva son épée, en se faisant l'impression d'être un parfait idiot avec elle.
Mais Lyrrorscor parut ne pas se soucier d'Arceus et de ces derniers camarades qu'il transportait. Elle continua son chemin sans faire mine de l'attaquer. Le Façonneur prit donc les devants, en tirant un rayon doré si énorme et concentré qu'il aurait annihilé un monde à lui tout seul. Ce ne fut pas le cas sur Lyrrorscor, mais après l'explosion qui suivit, elle ralentit sa course pour tourner sa tête de cauchemar vers ses poursuivants. Rien qu'en dévisageant ces yeux rouges énormes, véritables concentrés de morts et de sauvagerie, Mercutio avait envie de se réfugier dans un coin pour y trembler de désespoir. Il était heureux de ne pas avoir le Flux en ce moment ; il était sûr que s'il avait senti la présence mentale de cette créature, son esprit ne s'en serait pas tiré sans dommage.
Lyrrorscor hurla, d'un cri inarticulé et strident qui aurait fait sans mal exploser les tympans et même le crâne de Mercutio et des autres s'ils n'avaient pas été protégés par le dôme d'Arceus. Mais de ce cri, leurs âmes furent capables de percevoir les milliards de voix qui le composait, et qui hurlaient leur désespoir à l'unisson en un brouhaha macabre.
- Mal... J'ai si mal...
- Tuez-moi... Tuez-nous !
- Le désespoir... est éternel...
- Haine, haine, haine, HAINE !
- Que tout s'arrête... que le néant nous emporte ! Mercutio avait l'impression que des milliers de bras glacés essayaient de l'étreindre et de l'attirer à eux. Il se boucha les oreilles, ne pouvant plus en supporter davantage. Alroy était tombé à genoux et pleurait, tandis que Régis était prostré, ses deux mains tremblantes sur la tête. Ce fut Adélie qui les tira de cette emprise du désespoir, en faisant rayonner son Don autour d'elle. Le pouvoir des Gardiens de l'Harmonie pouvait influer sur les émotions environnantes, et lier les autres à eux.
Arceus mitrailla Lyrrorscor de sphères dorées et de rayons comme le précédent, tandis que Judicar et Elohius étaient carrément sortis du dôme, joignant leur Flux si énorme et pourtant si différents en une série de sortilèges jamais vu de Mercutio, qui renforcèrent Arceus et placèrent des barrières en tous genres autour de Lyrrorscor.
Le reste du groupe fit ce qu'Arceus leur avait demandé : ils tentèrent de contrer les attaques de Lyrrorscor qui venaient sur eux, ou plus précisément, les tirs perdus et les morceaux. Arceus se chargeait déjà d'annihiler tout ce que Lyrrorscor lui lançait dessus, mais il arrivait souvent que le choc des deux attaques fasse naître quelques « débris d'attaques ». Mewtwo et les quatre humains détenteurs de Dieux Guerriers se chargeaient alors de faire le ménage avant qu'ils ne touchent le dôme.
Lyrrorscor semblait leur envoyer la totalité de l'univers à la figure. Ses attaques n'avaient plus rien à voir avec des attaques de Pokemon. Elle faisait naître des météorites, des explosions solaires, des puits gravitationnels, et autres joyeusetés du genre. Pour se protéger des rayons incandescents d'Arceus (qu'elle ne pouvait visiblement pas aspirer), elle faisait apparaître des mini trous noirs autour de son corps. Et maintenant, alors qu'elle passait devant une grosse planète couleur jaunâtre, elle manipula la gravité à un niveau cosmique pour se saisir de la sphère comme d'une balle.
- Euh... Je crois qu'elle est en train de nous envoyer une putain de planète à la gueule, commenta Régis, l'air de rien.
Arceus ne fit pas dans le détail. Il tira son rayon d'or cosmique sur la planète alors qu'elle se dirigeait vers eux, la faisant imploser purement et simplement. Mewtwo et les Dieux Guerriers eurent ensuite fort à faire pour pulvériser tous les débris planétaires qui les menaçaient.
- Je sais qu'on tente de sauver l'univers, tout ça... fit Adélie à l'adresse d'Arceus en dessous d'eux. Mais vous ne trouvez pas que les dommages collatéraux sont un peu excessifs là ?
- Il n'y avait pas de vie sur cette planète, répondit simplement Arceus. Maintenant taisez-vous et préparez-vous. Je vais l'attraper et l'immobiliser. Envoyez tout ce que vous pourrez.
- Euh... l'attraper ? répéta Alroy sans comprendre.
Arceus fit briller son corps comme jamais ; ce qui n'était peu dire car sa forme originelle rayonnait déjà de mille feux. Il leur sembla que l'espace lui-même se déforma sous l'effet de ce cumul de puissance qui se préparait. Et sous les yeux ébahis des mortels, d'énormes bras dorés sortirent un peu partout du vide spatial, pour aller agripper Lyrrorscor en divers endroit. Il y en avait tant que Lyre ne put rien faire, et en une dizaine de seconde, on ne la distinguait presque plus sous cette masse de bras lumineux. Sous l'effet de la surprise, même Julian prononça un juron qui fit froncer les sourcils de Siena, comme si la politesse de son fils lui importait encore un peu.
-
What the fucking hell is that ? s'exclama Bertsbrand en unysien.
- Les fameux mille bras avec lesquels Arceus aurait modelé l'univers... marmonna Régis. Ce n'était donc pas qu'un mythe...
Lyrrorscor se débattait férocement contre cette étreinte divine multiple, faisant jaillir de son corps des torrents de puissances variées et incontrôlées. Les bras d'Arceus furent détruits les uns après les autres, mais d'autres apparurent pour prendre les remplacer. Comme le Créateur leur avait demandé, tous firent feu de leurs attaques ou de celles de leurs Pokemon, et un rayon croisé auquel alla s'ajouter le Flux de lumière d'Elohius et celui, instable et ténébreux, de Judicar. Mais cette masse de pouvoir destructrice n'atteignit jamais sa cible. Elle s'évapora d'un coup avant d'atteindre Lyrrorscor, alors que cette dernière luttait toujours contre les bras et n'avait visiblement rien fait pour annuler l'attaque.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? S'exclama Sacha. Pourquoi le rayon a disparu ?!
- C'est très simple, fit une voix amicale. J'ai juste imaginé qu'il n'avait jamais existé.
Juste devant Lyre, flottant tranquillement dans le vide spatial, un humain venait d'apparaître. Un jeune homme séduisant à la peau mate, aux yeux violets et au sourire charmeur, qui portait un costume grandiloquent, avec une cape marquée d'un grand smiley jaune. Il s'inclina devant eux à grand renfort de courbettes et de gestes théâtraux.
- Silas Brenwark... cracha Mercutio comme une insulte.
- Lui-même. Fils de l'ancien Apôtre d'Erubin puis Marquis des Ombres Funerol, fils adoptif du Premier Apôtre Oswald Brenwark, apprenti de Dan Sybel, Gardien de l'Innocence et Agent de la Corruption en même temps, bras droit du Marquis, officier Rocket puis Agent 004, codirigeant de la Team Rocket sous le Grand Empire, le seul Imaginatus connu de la planète Terre, et surtout, petit-ami comblé de cette chère Lyre. Tout cela, c'est bien moi, Silas Brenwark, ou Mister Smiley pour les intimes.
Si certaines personnes ici présentes ignoraient qui était cet homme ou en avaient juste entendu parler, la plupart avaient de bonnes raisons de le haïr. Même Arceus, qui le fusilla d'un regard divin et colérique.
- Je ne t'ai vu que de loin et durant qu'une seconde, mais pas de doute possible... c'est toi qui a défait le Verrou de la Divinité !
- Je plaide coupable, répondit Silas. Mais il faut me comprendre, ô dieu tout puissant... Vous laissez de pareils jouets sans surveillance, et moi, je suis un véritable gamin qui adore s'amuser.
Adélie, qui ne connaissait pas grand-chose de Brenwark, fit une remarque qui aurait pu être pertinente en temps normal.
- Euh... Comment ça se fait que ce mec marche tranquillou dans l'espace ?
- Ne demande pas, soupira Mercutio, qui s'attendait à une explication métaphysique à la con, du style « j'imagine seulement de l'oxygène autour de moi et un sol dur sous mes pieds ».
- Vous arrivez bien tard Silas, fit remarquer Siena avec ironie. Je n’ai pas eu la joie de vous retrouver sur le champ de bataille dans le camp du Marquis…
- Je comprends. Quelle joie ça aurait été de vous voir dans le camp adverse, pour que nous puissions enfin échanger quelques coups, chère, très chère Lady Venamia, répliqua Silas avec son même sourire charmeur. Mais cette bataille ne m’intéressait pas. L’Innocence contre la Corruption, la Lumière contre les Ténèbres… C’est d’un ringard ! Ce cher vieux Dan était intéressant à ses débuts de Marquis, mais plus les années passaient, plus Horrorscor prenait le dessus sur ce qui restait de son âme, jusqu’à devenir une coquille vide avec quelques clichés de méchant ténébreux… Non. J’avais envie d’un nouveau terrain de jeu, avec de nouveaux protagonistes. Quoi de mieux que l’univers entier, avec comme rôle principal ma tendre Lyre en divinité de l’anéantissement !
Derrière lui, la divinité en question s’acharnait toujours contre les bras qui la retenaient, sans se soucier de la discussion entre Silas et les autres.
- Tu savais ce que Lyre deviendrait, et tu n’as rien fait pour l’aider, l’accusa Eryl.
Sa voix toujours plein de bienveillance était devenue d’une froideur pleine de mépris. Silas l’avait trahi elle aussi, en faisant ami-ami avec elle quand elle se trouvait chez les Gardiens de l’Innocence, lui mentant sur son père alors qu’il savait très bien qu’il était en vie, caché sous le masque du Marquis.
- Mieux que ça : j’ai fait en sorte d’accélérer l’évolution de ses pouvoirs, répondit Silas. La personne que je sers savait vers quoi se diriger Lyre, et je lui ai donné un petit coup de pouce.
- La personne que tu sers ? répété Judicar.
- C’est plus un bienfaiteur avec des intérêts communs qu’un maître, relativisa Silas. Il sait beaucoup de choses sur ce qui va se passer, et a besoin de quelqu’un à notre époque pour faire de temps en temps deux trois corrections discrètement. En échange, il m’a aidé à accomplir mon rêve. Non… ce serait même un fantasme. Celui de voir tout cet univers merdique et chiant à souhait être anéanti par la fille que j’aime, et moi avec !
Mercutio secoua la tête, désespéré. Entre la haine et la pitié, il ne savait même plus ce qu’il ressentait le plus pour Silas.
- T’es totalement chtarbé, mec… Et ne va pas me faire croire que tu aimes Lyre. Tu te contrefous d’elle. Tu ne fais que t’en servir pour tes désirs tordus.
- Nous avons les mêmes, elle et moi. Tout détruire, et se rejoindre dans cet anéantissement éternel.
- C’est faux, répliqua Eryl. Lyre et moi étions la même personne. Nos esprits étaient les mêmes. Je peux donc parler en connaissance de cause. Elle n’avait que pour souhait d’être une fille normale, libre des pouvoirs maudits d’Horrorscor, ou d’un père Marquis. Elle voulait vivre en harmonie avec ce monde, voir du pays, avoir des Pokemon, se faire des amis, peut-être trouver l’amour. Tous les désirs qu’elle a pu avoir de mort et de destruction, c’est toi qui les lui a instillés. Tu ne peux même pas accuser le Marquis sur ce coup-là. Il restait suffisamment de Dan Sybel pour que son seul désir soit de préserver sa fille et de tenter de la sauver. C’est toi qui l’a transformé en ce qu’elle est, autant mentalement que physiquement. Tu l’as corrompu encore plus profondément que tout ce qu’Horrorscor aurait pu faire. Tu la voulais à ton image, pour te prouver que tu n’étais pas seul, que c’était le monde qui clochait, et non toi. Mais je te le dis clairement, Silas Funerol : c’est toi et uniquement toi qui est tordu, ici. Même Horrorscor a sombré dans les ténèbres à cause d’Asmoth et de son amour insatisfait pour sa dresseuse. Mais toi, tu n’as pas d’excuse. Tu es un être profondément mauvais, sans aucune empathie, qui joue avec les sentiments des autres, et tu l’es devenu de ton plein gré. Tu n’as même pas d’idéaux auxquels te rattacher. Tu ne crois en rien, tu fais tout ça uniquement pour ton amusement. Tu es le mal incarné.
Mercutio et les autres furent surpris de la véhémence du discours d’Eryl, et sans doute Silas plus que quiconque. Il fronça les sourcils et eut un rictus qui déforma son beau visage, avant d’éclater de rire.
- AH AH AH AH AH AH ! C’est hilarant de voir comment me faire dire mes quatre vérités peut encore m’ennuyer à ce point ! Mais oui, ô grande déesse de l’Innocence, tu as raison. Je suis mauvais. Mieux, je suis maléfique. Je suis un pervers tordu, égocentrique et sadique. Je suis comme ça depuis tout petit. J’aimais bien torturer les petits animaux ou Pokemon quand mes parents étaient ailleurs. Ah, j’ai tué ma mère aussi, alors qu’elle m’aimait de tout son être. Pourquoi je suis ainsi, alors que j’ai eu une enfance paisible, que je n’ai jamais manqué de rien ? Allez savoir. Certains naissent avec les yeux bleus, d’autres avec les cheveux clairs… et moi, je suis né avec le mal en moi. Qu’est-ce que j’y peux, au final ? Est-ce vraiment ma faute ?
Il éclata à nouveau de rire avant de se reprendre.
- Enfin, tout cela n’a plus aucune importance. Je vais disparaître avant vous. C’est pour cela que je suis venu. Mon ultime imagination, la dernière pièce qui manque pour faire de mon fantasme une réalité.
Il se tourna vers la chose immonde qui avait été sa petite-amie et la regarda avec tendresse.
- Ce que vous voyez là est un diamant brut, qui n’attend que d’être taillé, expliqua-t-il. Elle a aspiré toute la vie, toute la mort et tous les pouvoirs de la Terre, mais même ça, ce n’est pas suffisant pour qu’elle puisse se transformer en véritable déesse, malgré l’absence du Verrou de la Divinité.
- C’est parce qu’elle a perdu toute individualité et intellect, fit Arceus. Quelque chose de régit par des seuls instincts ne peut espérer s’élever au rang divin, et ce quel que soit son pouvoir.
- C’est vrai, admit Silas avec une petite révérence à l’adresse d’Arceus. Tout à fait exact, Père de Toutes Choses. Mais c’est pour ça que je suis là. Il y a un pouvoir qu’elle n’a pas pu aspirer sur Terre, car il existait en un seul exemplaire. Le miens.
Silas écarta les bras avec un sourire de dément.
- Actuellement, je suis le seul Imaginatus vivant, et le plus puissant qui n’ai jamais existé. La réalité n’est rien pour moi, je la transforme à ma guise. Et je vais la modifier une dernière fois, pour ma tendre, pour notre rêve. Je vais replacer son esprit au centre tout ceci, imaginer qu’elle a le dessus sur tous les autres, et lui donner le contrôle total de son nouveau corps. Et par la même, je vais lui donner mon pouvoir, pour qu’enfin, elle devienne un être omniscient qui sera enfin éligible à la transformation divine !
Silas recula tout en parlant, s’approchant de plus en plus de Lyrrorscor. Arceus dut prendre la mesure de la menace, et cibla Silas de ses attaques, mais ce dernier les fit disparaître comme si elles n’avaient jamais existé.
- C’est inutile. Vous ne pourrez pas stopper l’inéluctable. Ce sont les lois que vous avez-vous-même posés, sans pouvoir les contrôler ensuite. Preuve s’il en est que votre univers ne tourne pas rond. Lyre n’est que l’incarnation de son besoin de destruction et de recommencement à neuf.
Il se laissa tomber en arrière, flottant vers l’énorme masse noire tentaculaire qui commençait à l’attirer vers elle.
- Oui… prends-moi ! cria Silas, extatique. Prends-moi, et deviens l’incarnation de la fin, la mort universelle. La Déesse de la Finitude !
Ils ne purent rien faire que voir Silas se faire envelopper par les ténèbres, et quand il eut totalement disparu, la masse noire ailée qu’était Lyrrorscor se transforma une nouvelle et dernière fois. Ce fut le même phénomène lorsque Brimas Atilus s’était changé en Innocentius Ier, le dieu-roi autoproclamé de l’Innocence. Le potentiel caché des humains, qui pouvait les faire évoluer jusqu’à un stade divin sous condition. En l’occurrence, Lyrrorscor était devenue la plus puissante créature de l’Univers, fort de tous les pouvoirs possibles, et ce fut bien assez pour valider les conditions en question. L’absence du Verrou de la Divinité fit son effet, et le corps de Lyrrorscor fut remodelée pour devenir celui d’une véritable déesse.
L’espace se tordit, les étoiles et soleils alentours semblèrent frémirent de peur, tandis qu’une créature humanoïde, gigantesque et dotée d’aile naquit en son sein. Son immense chevelure violette était redevenue matérielle, et son visage était bien celui d’un humain… mais en cent fois plus gros. Des épaules à l’arrière de la tête, elle avait le même anneau qu’Arceus avait autour du ventre, sauf que le sien était noir, avec des joyeux rouges aux extrémités. Ses yeux avaient toujours le typhon rouge d’Horrorscor, mais tout le reste du globe, on aurait dit le vide spatial parsemé d’étoiles et de galaxie. Elle avait deux paires d’ailes. L’une de Giratina, et l’autre faite de plumes noires. Quant au reste de son corps, on aurait dit littéralement une planète entière. Une énorme sphère de lumière noire fluctuante, dans laquelle devaient se trouver, selon Mercutio, tout ce qui restait des êtres qu’elle avait aspiré, morts ou vivants, et qui lui fournissait, à elle seule, Lyre Sybel, un pouvoir sans limite qu’elle contrôlait désormais entièrement.
Belle.
Terrifiante.
Mortelle.
Telle était la Déesse de la Finitude qui venait de voir le jour, le stade ultime d’à la fois un être vivant et de l’incarnation de la mort, véritable contresens métaphysique dont le but était de balayer les fondements de l’univers. Et face à elle, même Arceus sous sa Forme Originelle faisait pâle figure.
- Enfiiinnnnnnn, fit Lyre d’une voix résonnante qui devait être entendue partout dans le cosmos. L’éternité nous attend…
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Image d'Arceus forme originelle :