Résumé des derniers chapitresGvidon, le protagoniste encore scalpion au moment où se déroule l'histoire, est enrôlé dans l'armée. À cause de sa naïveté et sa connaissance limitée du monde, il ne comprend pas les tenants politiques et l'endoctrinement qu'il subit. Il ne se bat que parce qu'il veut chasser les "méchants" et protéger son amie d'enfance, Cathie, alors restée à l'arrière. Il est assigné à Andrey, un soldat méprisant mais instruit, qui le craint autant qu'il l'estime en tant qu'arme. Déçu de cette relation, il se rapproche de d'autres soldats humains mais aussi pokémons dont Grom, un élekable borgne.
Dans le dernier chapitre, il se retrouve séparé de ses compagnons d'armes lors d'une attaque surprise ennemie. Après avoir perdu connaissance, il se réveille dans le camp qui commence à prendre feu. Par mégarde, il marche sur un Picôt qui s'enfonce dans son pied, le forçant à boiter. En plus de cela, un airmure ennemi l'attaque. Alors qu'il est en mauvaise posture, un allié inconnu vient lui prêter secours...
Gvidon dissipa inconsciemment son attaque alors qu'il se redressait. Non loin de lui, l'airmure au brassard vert dévisageait en chien de faïence un caninos qui lui aboyait dessus sans retenu. Cependant, même en gardant cette expression hargneuse, une marque rougeoyante marquait sa poitrine à vif.
Le scalpion tourna la tête, croyant entendre des bruits de bottes. C'était bien le cas : un humain haletant venait à leur rencontre, revolver à la main. L'étoile blanche encerclée sur le haut de son uniforme lui assura qu'il s'agissait d'un ami. Le scalpion eut la sensation de respirer un peu mieux, malgré l'odeur du brûlé qui prenait des proportions de plus en plus importantes.
L'homme cria quelque chose mais Gvidon ne comprit pas. Le caninos, à l'inverse, réagit au quart de tour : un Lance-Flammes jaillit de sa gueule en direction de l'oiseau d'acier. Celui-ci n'échappa au déluge brûlant que grâce à un Tranch'Air qui lui servit de coupe-feu. La riposte ne se fit pas attendre : le pokémon Armoiseau, d'un mouvement d'aile calculé, provoqua une Lame d'Air qui fusa sur le canidé. Le chien de feu n'eut pas le temps de l'esquiver et se prit l'attaque de plein face, l'envoyant rouler dans la poussière un peu plus loin.
— Strelka ! hurla le militaire visiblement à l'attention du pokémon touché.
Un faible glapissement leur parvint en réponse alors que le pokémon adverse tentait de s'envoler. L'étincelle de fureur qui brillait dans ses yeux ambres éliminait toute possibilité de fuite. Il voulait les achever. Gvidon pouvait ressentir sa haine au plus profond de lui.
Trois (ou bien peut-être quatre ?) coups de feu résonnèrent derrière lui. Au moins deux touchèrent leur cible et l'oiseau retomba au sol, se réceptionnant maladroitement. Son regard fusilla le soldat.
L'humain se raidit brusquement, tétanisé. Son arme tomba mollement de sa main, s'écrasant sans un son contre terre.
Gvidon aussi subit cette pression pesante, au point d'en oublier de respirer. Mais aussitôt que le Groz'yeux fit son effet que quelque chose d'autre lui saisit le corps.
C'était une sensation difficile à décrire. Comment l’expliquer ? C'était... comme s'il s'était brusquement mis en colère. Il pouvait sentir son corps entier sous tension ; un flux chaud le traversait de la tête au pied. Le temps se ralentit. Il eut la sensation d'être plus rapide, plus fluide dans ses mouvements.
Mais surtout.
Surtout.
Son attention se focalisa sur l'oiseau d'acier. Tout le reste disparut de son champ de vision. L'humain, le feu, la douleur, le caninos, tout.
Le scalpion inspira profondément. Ses pupilles s'étaient contractées, formant une fine aiguille noire dans chacun de ses grands yeux jaunes. Une seule chose occupait son esprit.
Tuer.
Il voulait tuer.
Il allait le tuer !Alors que le volatile écartait ses ailes, Gvidon lui fonça dessus, le lacérant au cou. Cela ne lui parut pas lui faire grand chose mais suffit à le déstabiliser. L'aimure commença à se tourner vers lui instinctivement, tentant de ne pas avoir son adversaire en angle mort mais celui-ci lui sauta sur le dos. Ses lames ventrales l’empalèrent.
Sa proie eut un cri terrible. Le pokémon Armoiseau s'ébroua, faisant tout son possible pour le dégager. Le scalpion s'y agrippa de toute ses forces en réponse, s'efforçant d'enfoncer ses appendices le plus profondément possible. Le sang coula le long du corps de l'airmure. L'oiseau céda à la panique : il se mit à courir de gauche à droite, échoua à prendre son envol, poussa des piaillements désespérés.
Enfin, vaincu, le dos entièrement écarlate, il s'écroula ventre à terre.
Raide mort.
Cela n'avait duré que quelques minutes.
Gvidon eut besoin de quelques mouvements de bassin pour se détacher du cadavre. Son corps, à lui aussi, était presque totalement rouge. Le besoin de tuer ne s'était pas encore tout à fait dissipé mais il reprenait conscience de son environnement, petit à petit. Une fois debout, le petit pokémon cligna brièvement une, deux fois des yeux. Ses pupilles étaient redevenues parfaitement rondes. Le combat qu'il venait de livrer lui parut presque brumeux dans son esprit, comme s'il venait de vivre un songe tangible.
Le caninos aboya pour attirer son attention. Il fallait qu'ils partent, tout de suite, lui expliqua-t-il. Le feu allait bientôt les encercler. Un karorine les attendait non loin d'ici mais il valait mieux ne pas le faire attendre trop longtemps.
Il opina du chef, mais au moment où il voulut s'avancer vers lui, il couina. Sa douleur au pied venait de se réveiller et le pokémon Acier remarqua avec horreur que du sang - le sien - suintait.
Avant qu'il ne put penser à quoique ce soit, Gvidon se sentit soulever dans les airs. On venait de l'agripper entre ses deux lames thoraciques. Il ne se débâtit nullement - déjà à cause de l'épuisement et ensuite car il reconnut le soldat qui lui avait prêté main forte.
Le sang tacha le bras de l'humain lorsqu'il le saisit. Le grand bipède lâcha un juron dans un souffle - il était beaucoup plus lourd que ce qu'il imaginait.
Ainsi ceint par cet homme, Gvidon fut balloté dans tous les sens. Il eut beaucoup de mal à suivre ce qu'il se passait : lever sa tête lui demandait un effort considérable. Il respirait parfois l'odeur des cendres avant de se mettre à tousser bruyamment. Il entendait de temps à autre des brides de conversation entre l'humain et le quadrupède mais rien qui ne soit vraiment intelligible.
Il sentit le militaire se tendre brusquement. Quelque chose n'allait pas. Gvidon se força à relever la tête pour scruter les alentours.
Ils venaient de faire la rencontre d'un groupe de soldats ennemis. Gvidon crut discerner un ponchien et un racaillou. Il ne vit pas le dresseur mais il entendit les sifflements de balles - son ouïe lui revenant enfin. La chaleur augmentait soudainement par moment ; les pokémons canins s'étant engagés dans un combat au corps-à-corps.
Son porteur s'immobilisa dans sa position, les pieds ancrés dans la terre sèche.
— Je suis désolé, il va falloir que je te dépose à terre... La Tour n'est plus très loin, avec de la chance elle va venir vers nous...
Sur ce, il le libéra à terre doucement. Cela n'empêcha malheureusement pas Gvidon de pousser un petit couinement de douleur.
Aussitôt fait que l'humain dégaina son revolver et se mit à tirer sur les pokémons adverses. Il toucha le ponchien à l'une de ses pattes arrières. La créature canine eut un sursaut tandis que le pokémon Chiot lui sauta à la gorge, l'achevant avec une attaque Crocs Feu. Le racaillou, encore debout, se remit à l'assaut du caninos qui esquiva sa Roulade de justesse. La gueule du Pokémon Feu était un peu sanguinolente, releva le scalpion.
Mais quelque chose d'autre occupait ses pensées…
— Où est-ce qu'il est, le dresseur ? susurra l'humain.
À peine eut-il énoncé la pensée du pokémon que celui-ci poussa un cri de douleur. C'était une douleur très localisée, brûlante, au niveau du haut de son dos. Il ne pouvait pas voir ce qu'il avait, ce qui fit monter la frustration en lui. Pour autant, le pokémon Acier se douta de ce qui venait d'essayer de le transpercer.
Une balle.
Une autre vint ricocher au niveau de son casque avant qu'il ne se retourne.
Ils étaient deux ; l'un tirait tandis que l'autre amenait un rapasdepic posé sur son bras. L'oiseau prit son envol dès que leurs regards se croisèrent. Gvidon se mit en garde, en prenant bien soin de pas trop s'appuyer sur son pied blessé. Les choses s'annonçaient mal.
Ils se mirent à couvert derrière une tente alors que leurs ennemis ne cessaient de tirer. Le rapace apparut dans le champ de vision du pokémon Coupant ; il faisait de grands tours dans le ciel. En revanche, Gvidon avait perdu de vue le combat entre le pokémon Feu et celui de Roche. Le petit pokémon jetait de temps à autre des regards à l'humain près de lui, se demandant s'il allait lui donner un ordre quelconque, mais il était trop préoccupé par leurs adversaires.
Strelka finit par apparaître derrière eux, haletant, le corps couvert de diverses blessures à vifs mais superficielles. Il eut le droit à une petite caresse sur la tête de la part de son dresseur.
Gvidon releva les yeux : le rapace continuait à faire des cercles au-dessus d'eux. Strelka grogna.
— Attendez, ils vont sûrement essayer de nous prendre à revers, intervint le militaire, on va passer par l'intérieur et se dépêcher de traverser la fin de la zone. Scalpion, fais-nous une ouverture !
Aussitôt dit que sa Griffe Acier déchira la toile d'un trait verticale parfait. Le caninos passa le premier tandis que l'humain et lui-même y allèrent en même temps, le militaire l'ayant repris dans ses bras.
Ils traversèrent rapidement le lieu, singulièrement vide. L'odeur âpre de la fumée parut plus faible à Gvidon.
Ils sortirent sans encombre mais non pas moins sur leur garde. Le scalpion ne pouvait vérifier si le rapace tournait encore au-dessus d'eux, sa tête lui pesant trop pour la relever. Mais puisque ses compagnons avançaient, il en déduisit que cela ne devait plus être le cas.
Étrange.
C'était bien trop calme. Trop facile. Il devrait s'en réjouir mais cela lui semblait si irréaliste qu'il n'y parvint pas.
Pourtant, ils continuèrent leur marche, imperturbables. Il sentit les muscles de son porteur se détendre, pensant certainement qu'ils se rapprochaient à grand pas de leur destination. Finalement, il le déposa en disant :
— Je pense que nous sommes assez loin.
Il sortit un petit sifflet de son col et siffla. C’était un son aigu et pas vraiment agréable. Un son en demi-teinte quelque part : c’était ce sifflement qui allait les sauver mais qui indiquait aussi qu’ils se sauvaient.
Le rapasdepic lui tomba dessus l'instant qui suivit.
Gvidon fut pétrifié par l'assaut. Il jeta plusieurs regards alarmés autour de lui ; il vit au loin les deux hommes qu'ils avaient croisés peu de temps auparavant. Ils avaient échoué à les semer et leurs ennemis revenaient à l'attaque. Cette fois, leur groupe était complètement à découvert ; s'ils commençaient à leur tirer dessus…
L'humain avait dégainé son revolver avant de se mettre à terre. Il avait, lui aussi, remarqué les soldats derrière eux. Il hésita à prêter assistance à Strelka qui se débattait avec le rapace brun, avant de se décider à mettre en joue les humains ennemis.
Le scalpion, à défaut de pouvoir se déplacer, prépara une Danse-Lames au cas où. Lui non plus ne pouvait venir en aide au canidé pour le moment. Les deux bêtes se mordaient, pinçaient, donnaient des coups dans un corps à corps si rapproché qu'il était impossible d'un attaquer un sans en blesser l’autre. Un souffle de flamme, parfois, flambait les plumes de l’oiseau.
Des balles s'étaient mises à siffler. Pour l'instant, personne n'arrivait à toucher qui que ce soit. Mais il ne s'agissait que d'une question de temps avant que les choses ne changent…
À terre. Cette phrase venait d'être prononcée par une voix exiguë et robotique. Une voix qui avait directement résonné dans sa tête.
L'instinct le somma de s’exécuter ; il tomba raide sur le dos. Il grinça à la douleur qui suivit.
La seconde d'après, un bruit de détonation explosa et un rayon d'une lumière incandescente passa devant ses yeux. Il ferma les paupières, ébloui. Un bourdonnement terrible gronda pendant de longues secondes, avant de finalement s'estomper lentement.
Gvidon entrouvrit les yeux. Le ciel était gris. Nulle trace du rayon.
Le cœur encore battant, le pokémon tenta de se redresser sans succès avant de se faire rapidement aider par le militaire.
— C-C’est fini, lui murmura le jeune homme d'une voix tremblante, c'est fini…
Strelka émit un petit jappement pour les appeler. Le caninos, une fois qu'il eut obtenu leur attention, boitilla jusqu'à un étrange pokémon - sans nul doute qu'il s'agissait de celui qui les avait secourus. Il avait de multiple yeux roses alignés sur une ligne horizontale, un corps noir que le pokémon Ténèbres ne parvenait à décrire autrement que par
vaguement oval
.
Gvidon cligna des yeux, regarda tout autour. Il n'y avait plus la moindre trace de leurs opposants. Ils s'étaient comme évaporés…
Désintégrés.Il comprit tout. La singulière créature avait utilisé un Ultra-Laser, peu étonnant qu'il ne restait rien d'eux. Il ne put s'empêcher de frissonner.
Le soldat le prit dans ses bras une dernière fois et s'avança vers ce qui devait être
la Tour
. Il se plaça du côté droit tandis que le chien se tenait au côté opposé. Ils restèrent immobiles un moment, comme pour assimilés les derniers événements qui s'étaient déroulés si rapidement. Si brusquement. Sauvagement.
Puis la plaine disparut.
Elle fut remplacée par un campement. Un nouveau campement, car rien ne ressemblait à celui où ils avaient été la veille.
Ce qui suivit fut flou dans la tête du pokémon Acier. Probablement que son sauveur l'avait amené en bloc opératoire et l'y avait laissé.
Il se souvient en revanche de sa première opération.
Un alakazam et un humain en blouse s'étaient présentés brièvement à lui - bonjour, nous sommes soigneurs pokémon, qu'est-ce que tu as, etc. Le pokémon Psy lui expliqua brièvement ce qu'ils allaient faire et comment ils allaient procéder pour le soigner.
— Étant donné que tu es de type Ténèbres, je vais devoir utiliser Œil Miracle sur toi. Ce ne sera pas douloureux, mais par contre un peu désagréable, prévint celui-ci.
Le scalpion hocha brièvement de la tête. Tant qu'il se sentait mieux après, ce n'était pas important.
L'étrange bipède se mit à léviter, ses jambes se placèrent en tailleur et une sorte d'aura albâtre l'entoura. Gvidon eut la subite sensation d'être exposé, comme si des milliers de regards s'étaient mis à l'épier. L'alakazam cessa de scintiller mais le sentiment du blessé de se dissipa pas.
Ce fut à son tour de quitter le sol alors que le duo se dirigeaient vers la salle d’opération.
Le pokémon Coupant n'en avait jamais vu jusqu'ici. Ça ne le changeait pas beaucoup des autres tentes à première vue ; les sempiternelles murs de toile les encerclaient, peut-être de manière plus étroite qu'à l'accoutumé. Ce qui différait, c'était la présence d'une petite table avec de multiple objets en métal plus ou moins pointus. Il y avait également un lit blanc qui n'avait pas l'air très confortable.
On l'installa sur le lit en position assise. On procéda d'abord à lui débarbouiller le corps et le visage, encore empreints de sang séché. Une fois propre, le pokémon soigneur se mit en face de lui, présenta une de ses cuillères et dit :
— Reste concentré sur la cuillère et écoute bien ce que je te dirai.
Il obéit. Au bout de quelques instants, il se sentit comme nébuleux, flottant mais jamais aussi n'avait-il aussi bien perçu son corps. Le médecin humain avait alors débuté son travail en commençant par son dos.
Malgré le fait que les ustensiles allaient et venaient dans sa chaire, cela ne provoquait aucune douleur à Gvidon - l'alakazam lui avait suggéré que ça ne lui ferai pas mal, et c'était le cas. De temps à autre, le chirurgien demandait un peu d'aide au pokémon ; des pressions survenaient alors dans son dos, puis son pied, pour enlever les échardes métalliques ou de sel.
Une fois qu'ils eurent terminé, l'humain appliqua une lotion désinfectante avant de recoudre les plaies. La transe du scalpion cessa dès que le pokémon Psy lui indiqua de reprendre ses esprits.
— Il faudra que tu te diriges vers la section des nanméouis pendant trois jours - une fois par journée sera suffisante, lui indiqua le bipède moustachu. Tu n'auras qu'à te présenter, ils seront au courant.
Le concerné hocha du chef. Ses yeux jaunes se dirigèrent vers l'humain. Il avait ôté ses gants - ces derniers badigeonnaient dans une bassine empestant l’hydro-alcoolique. Le médecin écrivait sur un bloc note ; Gvidon supposa qu'il s'agissait de son rapport.
— Tu ne devrais pas avoir mal - j'ai anesthésié la douleur durant ton hypnose - mais évite de trop t'appuyer sur ton pied. Tu peux sortir, termina enfin son coéquipier.
Le pokémon Ténèbres remarqua que la sensation d'être à nu s'était aussi dissipée. Le type Psy le souleva avec difficulté par les sous de bras. Consciencieux de ce que celui-ci lui avait précédemment dit, Gvidon mit en avant son pied indemne au moment du (rude) contact au sol.
Il remercia faiblement les deux soigneurs alors qu'ils s'éloignaient chacun dans deux directions opposés. Le duo allait accueillir un nouveau patient tandis que le petit pokémon allait tenter de trouver le quartier de repos.
°-°-°-°Il longeait le bloc de soin depuis un moment maintenant. Il venait de dépasser la partie dédier aux pokémons (qui était étrangement grand, releva le bipède rouge et noir) et passait sur celui des humains. On l'avait renseigné sur la direction qu'il devait emprunter - et bon sang, le chemin était long.
Il s'arrêta brusquement sur place. Quatre humains venaient de passer non loin de lui. Deux lui étaient inconnus mais il reconnut sans mal les autres.
Le premier, qui marchait en tête, était le haut gradé dont Grom recevait les ordres. Et le deuxième… c'était Andrey. Les derniers portaient presque celui-ci, chacun lui tenant un bras. Le blond levait à peine les pieds lorsqu'il avançait.
Intrigué, il les suivit discrètement.
Plus le groupe s'éloignait du campement, plus Gvidon s'interrogeait. Qu'est-ce qu'ils comptaient faire? Andrey n'avait vraiment pas l'air d'aller bien et c'était évident que ceux qui le portaient qu'ils peinaient dans leur tâche. Pourquoi n'y allaient-ils pas en voiture ? Il y en avait pourtant pleins !
— Nous sommes assez loin, finit par dire celui aux décorations.
Les soldats enlevèrent les bras d'Andrey de leurs épaules. L'un des deux le mit à terre, sur les genoux.
Gvidon vit le commandant prendre son pistolet.
Il ne comprenait rien. Ils allaient l'exécuter ? Mais pourquoi ? Ça n'avait aucun sens ! Mais que -
— NON !
Tous les regards se dirigèrent vers elle.
Dunya dépassa le petit pokémon - l'avait-elle au moins remarqué ? La jeune femme lui parut tellement affolée que l'affirmative l'eut étonné.
— Non ! Ne faites pas ça ! reprit-elle à bout de souffle en arrivant à leur hauteur.
Le haut gradé baissa son bras, mais ses yeux étaient d'une froideur intense.
— C'est le plus clément que nous puissions faire pour lui, rétorqua-t-il. Lui, et sa famille.
Son joli visage se tordit de douleur.
— A-Attendez ! Je vous en prie… Laissez-moi lui parler… Juste un instant !
— Qu'est-ce tu veux lui dire ? cracha l'un des adjuvants, Il a plus de cerveau ! C'est plus que d'la bouillie -
— Silence !
Le quarantenaire s'adressa, toujours avec une grande fermeté, à l’humaine :
— Fais vite.
Il s'écarta d'un pas. Les deux autres firent de même.
— Pute, lâcha celui qui avait parlé lorsqu'elle s'agenouilla devant l'adulescent.
Son coéquipier lui jeta un regard en biais mais ne fit aucun commentaire.
Avec un peu de réserve mais également une grande douceur, Dunya prit les mains d'Andrey dans les siennes. Elle lui murmura des choses à voix tellement basse que Gvidon, n'ayant pas bougé, ne l'entendit pas. Il vit cependant que quelque chose, une toute petite lueur, s'était allumée dans les yeux morts d'Andrey. Sa compagne dut le remarquer aussi : son flot de paroles fut un peu plus fort, un peu plus assuré. Mais ce ne fut qu'une étincelle brève : presqu'aussitôt elle disparut. L'expression soulagée de Dunya se décomposa de seconde en seconde alors que ses paroles se tarissaient.
Elle se tut.
— Il est temps.
— N-Non… Non, pitié ! Laissez-moi encore un peu de temps ! implora-t-elle en se retournant vers son interlocuteur.
Le militaire reprit son arme. Celui qui se tenait jusqu'alors en retrait se chargea de tirer la jeune femme qui s'était jeté sur le corps du blond. Une ultime tentative de le protéger, sans doute. Il eut bien du mal à la contenir : elle se débattait de toutes ses forces, vociférait des supplications pathétiques. Elle montait dans les aigus au point qu'il en devenait difficile de comprendre ce qu'elle hurlait. Les larmes n'allaient pas tarder à couler.
Mais rien ne les fit changer d’avis.
Le coup de feu résonna.
Le corps de Dunya lâcha. Le soldat qui la maintenait l'accompagna jusqu'à ce que ses genoux touchèrent le sol avant de la libérer. Elle ramena ses mains sur son visage alors que ses pleurs commençaient à se faire entendre.
Andrey gisait, inerte, contre le sol poussiéreux. Il était en position presque foetal. Il n'avait pas dû souffrir. La balle avait directement touché le cœur. Le jeune adulte était mort tout de suite.
Le commandant et un des soldats partirent. Le regard du haut gradé passa sur Gvidon. Il parut légèrement surpris, mais ne dit rien. L'autre le dépassa sans lui accorder la moindre attention.
Il ne restait plus qu'un corps, une femme en pleurs, un homme touché mais embarrassé par la situation. Et un pokémon, que personne ne prenait en compte.
— O-On ne pouvait rien faire pour lui, commença le soldat avec une maladresse évidente, c'était le mieux qu'il y avait à faire.
La femme pleurait toujours.
— Il a été attaqué par un pokémon Psy - vous savez ce que ça fait, lorsqu'ils s'attaquent directement aux organes internes… Ah, mais vous devez déjà le savoir...
Ses pleurs ne faiblirent pas.
— Et puis, c'est aussi mieux pour la famille… Vous imaginez bien le poids que ce doit être, d'avoir un handicapé comme ça. En plus il était jeune, ils auraient dû le nourrir pour rien pendant longtemps… C'est mieux qu'il soit mort, comme ça -
— ..aissémwah… murmura son interlocutrice entre deux sanglots.
— Pardon ?
Dunya s'essuya rageusement les yeux. Son maquillage avait coulé, Gvidon trouva qu'elle ressemblait à un spectre vengeur. Mais, en voyant la sincérité sur le visage du soldat qui devait avoir l'âge d'Andrey, son expression s’adoucie.
— Laissez-moi… Laissez-moi seule. S'il vous plait, plaida-t-elle difficilement, la gorge serrée.
— Je comprends… Mes condoléances.
Et il partit.
Gvidon jeta un dernier regard à cette créature pathétique qui enlaçait un cadavre tiède, avant de s'en aller, lui aussi.