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Jusqu'à ce que les vagues cessent de nous bercer de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 24/01/2023 à 13:11
» Dernière mise à jour le 24/01/2023 à 13:11

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 19 : Statue d’or, statue d’argent
Il n’y avait rien à faire. Ils étaient trop nombreux. Elle était incapable de se persuader que cette foule qui la dévisageait n’allait pas tenter de l’éliminer — ce serait si facile ! Cette femme aux cheveux courts pouvait tenir un javelot derrière le poteau qui lui arrivait à la taille, elle aurait dû vérifier plus tôt, et ce gros homme pouvait cacher une lance dans les plis de son manteau, et toutes les armes de la côte qu’elle ne connaissait pas, et ils la regardaient, tous la regardaient. L’épée encore attachée dans son dos ne suffirait jamais à la protéger d’une foule aussi gigantesque.

Ils s’étalaient sans fin sous les façades de pierre, depuis qu’elle était entrée dans la ville, et ils regardaient passer son petit cortège funèbre. Le soldat, en tête, une hache dans le dos et cette sphère rouge et blanche à la ceinture ; la tueuse, à l’arrière, les quatre Démons tenus fermement à ses pieds. Ils ne la défieraient pas aujourd’hui, pas au milieu de cet environnement hostile et inconnu. Ils resteraient docilement en groupe compact et se tiendraient à carreau.

La ville semblait ne jamais finir. Elle semblait ne jamais tomber à court de gens. Et ses murailles de pierre s’élevaient à peine de quelques étages… Dans les souvenirs d’Aixed, la Cité d’Antan prenait une autre aura de grandeur. Les hautes tours qu’elle avait abattues avaient autrefois abrité une foule autrement plus vaste que celle qui résidait ici, et l’idée de ces nombres et de cette multitude faisait frémir la Guerrière.

Ils débouchèrent sur une place, soudainement, sans qu’elle ne se soit rendue compte que les façades s’interrompaient. Et elle se figea.

D’abord, il y avait le rempart. C’était une pure et simple falaise de pierre aveugle et lisse, dressée en travers de la large place, et le sol pavé descendait vers sa base en marches larges et hautes. Elles se déployaient autour d’un large portail, dont les vantaux de bois étaient largement ouverts et gardés par une rangée de soldats alignés. De part et d’autre, deux tours de pierre, des fentes obscures ouvertes dans leur flanc, et au sommet…

Elle eut besoin d’un moment pour donner un sens au matériau. Ce n’était pas de l’Acier, mais cela en avait les reflets. Un blanc grisé et puissant à gauche, un jaune chaleureux, tous deux parsemée de scintillements aussi perçants que le soleil lui-même. Trop de lumière pour distinguer les sujets : leurs silhouettes vaguement humaines étaient trop uniformes, et se noyaient dans l’éclat orgueilleux du métal.

Sans doute des personnages historiques. Leurs hautes statures ne faisaient que l’écraser encore plus.

***
Siebtze sourit en voyant la Guerrière se planter devant l’entrée principale du palais. Étaient-ce les jardins qu’elle apercevait à travers le portail qui la déroutaient, avec leurs fontaines délicates ? Ou bien les deux statues qui valaient une guerre à elles seules ?

D’un autre côté, la cultiste ne s’en souciait pas vraiment. Elle s’agenouilla.

Sur la gauche, au sommet de la Tour des Icônes, se dressait Vottar V. Elle était à dos de Bourrinos, sculptée dans l’argent massif, et étrangement écrasée par la cape qui la couvrait et les armes jonchant le piédestal devant elle. Pourtant, la finesse impassible de ses traits rayonnait vivement, et Siebtze aurait juré voir briller les billes d’acier de ses yeux.

Elle rendit un bref hommage à la mémoire de la Dernière Vottar. Une femme patiente et impassible, contrôlée, et par-dessus tout, résiliente comme personne d’autre ne pouvait espérer l’être.

À droite, trônant sur la Tour des Héros, Mazaïkan en personne avait gardé la dernière position que ses soldats avaient vue de lui avant sa mort. Il était à pied, l’armure déchirée, l’épée défiant fièrement les armées kojannes dont l’étendard amoureusement brodé battait au vent aux pieds de Vottar pour ne pas trop offusquer les émissaires naloans en soumettant leur drapeau moderne, et le Grand Roi plaqué d’or brûlait de mille feux.

Elle honora un instant les exploits du sauveur du royaume. Un homme puissant et sage, mais plus que tout, dévoué.

Puis elle se releva et récita la prière aux Attentifs. Une qualité dont Mazaïkan avait toujours manqué, et à laquelle elle comptait bien faire honneur à la mesure des deux statues.

***
Cela n’avait pas semblé si difficile, à première vue. Se faufiler dans la cité endormie, percevant ses esprits par les sens de l’épée, et suivre la présence discrète mais bien vivante d’Aixed. Éviter les gardes ne devrait pas poser de problème.

Et ce n’était pas le cas ; leurs torches les trahissaient longtemps à l’avance, et les deux fois où ils croisèrent une patrouille, Onis et Margar se fondirent dans les ombres d’une ruelle bien avant qu’on ne puisse les repérer. Mais le Renégat n’avait pas mesuré à quel point cette ville était peuplée. Il y avait des vies dans chaque maison, de petites braises violettes qui palpitaient doucement sous le regard de l’épée et s’effilochaient dans leurs propres rêves.

Même les rues grouillaient de vermine, des monstres pas plus gros qu’un poing et qui regardaient passer les deux intrus avec une curiosité avide. Les murs de pierre n’arrêtaient pas le regard des épées, et Onis avait l’impression d’être perdu dans un désert de dunes mauves et éthérées. Il était presque impossible de discerner les gardes, et quant à deviner où il mettait les pieds…

Les deux enfants du désert parvinrent pourtant sans encombre au centre de la ville. Ces rues plates et solides avaient un avantage sur le sable : elles étaient si régulières qu’il aurait été difficile de tomber, même sans rien voir. Même le Démon avait progressé d’un pas sûr sur les pavés, sans protester une seule fois. Il savait qu’ils étaient en territoire ennemi et devaient rester discrets.

Le palais, cependant, serait un autre défi.

La maigre lumière des torches empêchait de bien le voir ; si seulement les nuages avaient pu s’écarter… Mais le ciel restait aussi obscur que le sol, et Onis devait se fier à son épée pour avoir une vague idée de ce qu’il y avait devant lui.

Les gardes se trouvaient en hauteur, immobiles ou marchant tranquillement. Au-delà, un espace vide se laissait deviner avant le brasier pourpre du bâtiment proprement dit. Ce qu’il pouvait y avoir dans cette marge désolée, les dieux seuls le savaient.

Le Renégat décida qu’il valait mieux jeter un coup d’œil avant de s’y aventurer. Lorsqu’ils atteignirent la paroi de pierre qui enfermait leur destination, il guida la Hantise son épée au sommet de la structure, entre deux halos de lumière émis par les gardes.

Le mur s’arrêtait rapidement ; il ne devait pas faire plus de deux ou trois pas de large. Derrière s’étendait un terrain plat, complètement enténébré. Onis posa la main sur l’encolure de son Démon et lui désigna l’espace, lui demandant son avis, et le dragon donna deux reniflements brefs. Un instant d’hésitation plus tard, il émit un faible sifflement. Quoi qu’il y ait en bas, ça ne sentait pas un danger évident.

Le Renégat inspira largement, et les emporta au sol.

Le contact moelleux sous ses semelles de cuir le surprit. De la terre, au lieu des pavés ? Puis, isolé de l’odeur âcre de la cité par l’enceinte de pierre, il put sentir des parfums délicats, humides. On aurait dit, de loin, cette forêt dont un habitant avait failli réussir à avoir leur peau.

« Ils prennent toute cette place sur la ville pour des plantes, murmura Margar. Ce n’est pas un piège. C’est une démonstration de pouvoir. Cet endroit doit servir de bastion à une autorité solide.

— Ça semble logique, répondit le Renégat. Vu le mal qu’ils se sont donnés pour capturer Aixed, ils voudront qu’elle soit à la disposition de Maîtres. »

Ils se turent et avancèrent dans le jardin endormi. Il fallait encore trouver une entrée dans le palais, s’orienter à l’intérieur, et rejoindre Aixed : la nuit serait longue.

***
Le sabre avait été abandonné sur la table, sa garde reposant à droite du haut dossier vide. La plupart des nobles parvenant à mériter une arme aussi chère la faisaient ornementer aussi somptueusement que leurs finances le leur permettaient ; celui-ci était brut. On l’avait clairement voulu pragmatique, efficace, alors même que personne ne se servait jamais d’une épée. Trop alambiqué, trop peu spécialisé, et même la forger d’une seule pièce ne la rendrait pas bien meilleure qu’une arme à lames amovibles, en métal ou en pierre.

C’était bien le genre du vieux. La torche d’Omani projetait des scintillements froids sur les pièces de l’arsenal, et le sabre posé sous son regard en renvoyait la plupart. Il était resté là quand le corps d’Avandras avait été emporté, et d’ici quelques jours, un serviteur diligent le récupérerait et le ramènerait dans les chambres fortes du sous-sol. Mais pour l’instant, il gardait dans cette pièce quelque chose de la présence de son propriétaire.

Le pêcheur était venu malgré la nuit avancée. Il ne trouvait pas le sommeil. Les huiles du palais avaient enfin fini de l’interroger dans la journée, mettant un terme aux remous que son succès avait propagés dans l’administration royale. Dès demain, il pourrait reprendre ses devoirs de garde et de Dresseur. Ce soir… Il commençait à prendre la mesure de l’absence du vieux général.

Ce n’était pas vraiment qu’Avandras lui manquait : il n’avait été promu à la tête de la Garde qu’une poignée d’années plus tôt. Omani avait eu pour lui un respect bien distinct de celui qu’il vouait à son père et à son mentor dans la Garde, deux hommes qu’il craignait bien plus de perdre. Cependant, Avandras avait été un bon supérieur, dynamique et juste. Il aurait pu vivre encore vingt ou trente ans, profiter de la position gagnée par sa dévotion à la couronne, au lieu de quoi il était mort en pleine journée, d’une crise cardiaque.

Le médecin du palais n’avait rien pu faire. Le général était déjà inconscient depuis plusieurs minutes quand les secours étaient arrivés, et on n’avait jamais pu faire repartir son cœur. Il ne verrait jamais la réussite complète de son plan, et Omani était triste qu’il soit parti aussi soudainement. Il laissait ses projets derrière lui et c’était à ses subordonnés de compléter son travail.

Le soldat releva la tête, calme. Il n’avait plus aucune envie de dormir, maintenant. Il le regretterait certainement le lendemain, mais il se sentait assez alerte pour que l’idée de son lit ne lui inspire aucune envie. Eh bien ! les entraînements nocturnes étaient toujours les meilleurs.

Une trace de suie attira son attention, alors qu’il se tournait pour sortir. Une torche tenue trop haut avait noirci le rebord de la meurtrière. Cela n’allait pas bien avec la méticulosité d’Avandras, et Omani aurait voulu nettoyer la pierre. Il n’avait pas de chiffon ; il en prendrait un lorsqu’il viendrait tenir son tour de garde.

En sortant de la salle, une idée dangereuse lui vint. Quel intérêt à s’entraîner seul ? Siebtze s’était vue attribuer des quartiers dans une aile secondaire, ayant accepté de servir d’interprète aussi longtemps que la Guerrière serait interrogée. Mais la contrebandière devait s’ennuyer comme un Rattata mort : comme le pêcheur l’avait soupçonné, Aixed avait ignoré toutes les questions posées poliment, et la perspective d’être torturée ne lui arrachait pas un rictus. Siebtze n’avait littéralement rien à faire, et ne pouvait pas profiter de la compagnie d’un Lanius qui se cachait dans la campagne. Si elle était réveillée, peut-être ferait-elle l’impasse sur l’heure tardive pour quelques passes d’armes.

Ou bien elle lui couperait les bijoux de famille, comme elle le lui avait promis près de trois mois plus tôt. Omani haussa les épaules. Il toquerait juste brièvement à sa porte, sans insister si elle ne répondait pas.

***
Les torches allumées de loin en loin répandaient une odeur d’incendie dans les couloirs et jetaient des ombres dans des enfilades de portes sans fin. Rien à voir avec les intérieurs épurés et ouverts des tours de la Cité d’Antan : ici aucun espace vide, aucune ligne droite de plus de quelques douzaines de pas, et des murs de pierre taillée émanait une impression de solidité brutale et figée. Il semblait impossible de se repérer et Onis était à peu près sûr qu’ils avaient tourné en rond deux ou trois fois.

Les griffes de son Démon cliquetaient sur le parquet de bois ciré. Le bruit leur glaçait l’échine.

Des tapisseries pendaient du plafond presque partout, entre les torches, répandant des explosions de couleurs vives sur les murs. Onis avait cessé de chercher à comprendre les sujets. Certaines auraient pu être vues depuis les toits du palais, d’autres prenaient place en pleine campagne, et puis il y en avait bien trop. Il se contentait d’avancer rapidement de couloir en couloir, cherchant en vain à se rapprocher d’Aixed.

L’épée sentait sa présence toute proche. Ils avaient vite trouvé le bon étage, mais impossible de trouver la bonne porte. La Guerrière ne se rapprochait jamais à moins d’une dizaine de pas, et Onis n’osait pas franchir une si longue distance à l’aide de son épée. Pas sans être certain de ce qu’il y aurait de l’autre côté des murs.

Parfois ils entendaient des pas qui se hâtaient dans leur couloir. Ils se dépêchaient alors de rebrousser chemin jusqu’à la précédente intersection ou la dernière porte qui ait accepté de s’ouvrir pour révéler une salle vide et obscure. Pour l’instant, ils n’avaient pas croisé de gardes, seulement des serviteurs solitaires que le pas sec du Démon effrayait et qui se dépêchaient de disparaître. Ils avaient eu de la chance.

Ils passaient devant un mur couvert de verdure et d’arbres, une poignée de soldats se vidant de leur sang au premier plan, lorsqu’ils entendirent pour la première fois deux pas synchronisés. Onis fit immédiatement demi-tour — pour que Margar agrippe sa manche.

« Il n’y a pas le temps ! souffla-t-elle. Il n’y a aucune cachette et ils suivront les pas de ta dragonne ; on se cache derrière une tapisserie ! »

Il envisagea l’idée aussi vite qu’il le put. Elles touchaient le sol un peu devant les murs, d’élégantes barres de bois horizontales les maintenant droites. Il faudrait que les gardes n’aient aucun soupçon.

« On tente. »

Il attrapa l’épaule de son Démon et le guida à sa suite derrière le pan de tissu. Margar se faufila en dernière, d’un accord tacite. Mieux valait garder le plus grand d’entre eux au milieu : il y avait assez de place pour qu’en s’aplatissant contre le mur, il ne déforme presque pas la tapisserie. Par chance, le Démon comprit tout de suite ce que souhaitait Onis, et se dissimula en silence.

Le son des bottes sur le bois se rapprocha, tranquille, et un autre halo lumineux apparut à l’autre extrémité de leur refuge. La torche oscillait, éclairant sans doute un peu mieux le couloir. S’ils étaient chanceux, ses ombres sur la toile verte seraient trop inconstantes pour les dénoncer. Le Renégat leva doucement la main à son épée, le long du mur.

Puis la lumière de la torche s’éloigna, jusqu’à ce que les pas tournent au coin du couloir. Margar lâcha un soupir discret et soulagé. Comme en réponse, le Démon souffla faiblement.

« Qu’y a-t-il ? » murmura Onis.

Son vieil ami s’était tourné contre la paroi de pierre et la tâtait du bout de la nageoire. Et Onis se rendit compte que ce n’était pas de la pierre. C’était du bois.

C’était une porte.

Il laissa les sens de l’épée recouvrir un instant les siens, le halo violet baignant un instant le monde entier, et identifia rapidement la présence brûlante de la Guerrière. Elle était de l'autre côté du mur. À une certaine distance, mais pas non plus vraiment éloignée.

Le Renégat saisit doucement la poignée et la tourna sans un bruit. La porte s’ouvrait vers l’intérieur, loin de la tapisserie, et baigna leurs trois têtes de la lumière d’une torche qui achevait de se consumer à l’intérieur.

L’homme bedonnant qui était assis à une table juste en face d’elle releva la tête, et poussa un hurlement.

***
« Tu ne prends pas de lames ? s’amusa Siebtze.

— Je n’ai pas l’intention de te tuer, répondit Omani en posant la hache désarmée sur son épaule.

— Eh bien, j’espère que ce truc est assez solide pour qu’une griffe de Carchacrok cogne dedans sans le détruire. »

Omani sourit d’un petit air supérieur. Et puis la voix d’une garde résonna à travers le couloir, haute et claire.

« Salle des Tuiles ! Aux armes ! »

Le Garde Royal laissa tomber le corps de bois de la hache sans plus de formalités, s’empara de la première masse qui passa à sa portée, et s’élança hors de l’arsenal en répétant le cri. L’acoustique particulière des alcôves secondaires le relaierait alentour ; le temps qu’il déboule dans le couloir principal, un autre garde appelait déjà aux armes.

Il s’élança à petites foulées, vaguement conscient de la présence de Siebtze derrière lui. La salle des Tuiles, ou dans une situation sans urgence, la salle de garde 142 D, était à deux minutes à peine. Et il s’agissait d’une antichambre dans laquelle un garde surveillait une petite enfilade de six cellules. Dont l’une était occupée par un ivrogne endormi qu’on avait pas su où mettre, et une autre par une femme du désert.

La tapisserie la dissimulant — bataille des Sarracos de 1405 — avait été rejetée à l’écart, son gond presque délogé du plafond, et une poignée de gardes inconscients gisait déjà au sol. Omani ne vit aucune blessure ; il entra dans l’antichambre avec une garde haute et une position basse, prêt à être attaqué depuis n’importe quel recoin.

La table du garde avait été renversée, le contenu d’une chope de bière formant une flaque par terre. Devant, la porte de la prison était arrachée, et une garde luttait dans l’embrasure. Omani reconnut les cheveux blond cendrés de Ramila : elle était douée, mais sa lance ne faisait définitivement pas le poids.

« Au large ! » lança-t-il.

La soldate s’écarta souplement, le laissant voir ce qu’il savait déjà qu’il trouverait de l’autre côté : la silhouette en robe beige d’un Guerrier. Difficile d’en être sûr dans la lumière chiche, mais cela devait être Onis.

Siebtze le surprit en le poussant sur le côté et en se jetant au sol — elle agrippa fermement la cheville du Guerrier, qui eut un mouvement de recul surpris. Omani ne posa pas de question et attaqua d’estoc ; comme prévu, l’épée d’acier détourna aisément sa lourde masse, mais le mouvement avait forcé le Guerrier à assurer ses appuis et il ne pouvait pas tenter d’asséner un coup de pied à la contrebandière.

L’autre vit le danger que courraient ses tendons et adopta immédiatement une série de déplacements saccadés, rapides, qui forcèrent Siebtze à garder les deux mains accrochées sans pouvoir sortir un poignard ; Omani en profita pour presser son avantage d’appuis et forcer le Guerrier à reculer.

« Assez ! Nous nous rendons ! »

La voix venait de l’arrière obscur de la prison, une voix de femme avec un fort accent du désert. Onis lança ce qui avait de bonnes chances d’être une obscénité ; l’autre répondit sèchement avant de répéter son offre, et Omani entendit la peur dans sa voix.

Le Guerrier lâcha son épée et s’inclina devant son adversaire — pour agripper les poignets de Siebtze, qu’il fusilla du regard. Elle sourit à pleine dents et lâcha un commentaire dans le langage du désert avant de le libérer.

« Nous nous rendons, répéta la femme qu’Omani identifia enfin comme la scientiste de la Cité d’Antan. Nous sommes venus ici secourir une amie, et nous ne voulons pas blesser inutilement.

— Alors aucun mal ne vous sera fait, assura le pêcheur. Dépose ton arme. »

Elle le regarda avec un instant de confusion, avant de soudain passer la main dans son dos et d’afficher une grimace étonnée en rencontrant la poignée de son épée.

Dans la cellule, Aixed contemplait la scène avec un rictus dépité.

D’autres gardes continuèrent d’arriver. L’antichambre se retrouva bientôt encombrée d’armes, et Omani fit les deux intrus sortir dans le couloir. Le Carchacrok jusqu’à présent dissimulé dans les ombres les suivit docilement, sur un ordre calme de son Guerrier. Il y aurait bientôt ici la moitié des gardes de l’aile Nord, contre deux adversaires désarmés et qui n’affichaient aucune hostilité. Le Garde pouvait se permettre de s’éclipser.

« Je vais prévenir la reine, annonça-t-il. Siebtze, viens.

— Je pense que je ferais mieux de rester ici, rétorqua-t-elle. Je ne servirai à rien dans le couloir royal.

— Oui, et je ne te fais pas vraiment confiance pour retrouver Onis en vie quand je reviendrai. »

Le Guerrier tressaillit à ses mots. Où exactement était-il allé apprendre la langue de la côte ? Siebtze se contenta de ricaner, et puis le suivit sans plus protester.

Il n’y arait très probablement aucun problème. Cela n’empêcha pas Omani de se hâter, montant trois par trois les marches qui menait au sixième étage quand ils atteignirent le corps central. De là, il arriva bientôt devant la porte massive fermant les appartements de la reine. Inize et Lowo se tenaient de part et d’autre, le second portant comme toujours son Cornèbre sur l’épaule. Il foudroya Siebtze du regard dès l’instant où il la vit, et Omani se sentit gêné pour les manières de son collègue.

« C’est urgent, promit-il.

— Elle n’entre pas, rétorqua Lowo en le regardant droit dans les yeux.

— Je ne suis pas stupide à ce point. »

Le sergent hocha la tête, avant de reporter son attention sur la cultiste. Même le Pokémon sur son épaule la dévisageait par en-dessous, mais elle ne sembla pas s’en formaliser le moins du monde et les ignora dédaigneusement. Omani lui était juste reconnaissant de ne pas prendre la mouche au seuil des appartements royaux.

Il ouvrit doucement le lourd battant de chêne, se faufila à l’intérieur et referma derrière lui.

Une veilleuse était posée sur la commode à côté de l’entrée, répandant une lumière chiche dans le luxueux salon d’apparat. Omani la saisit et progressa rapidement dans la série de pièces. Les portes étaient de plus en plus étroites afin de fournir de bonnes positions défensives aux Gardes Royaux s’ils devaient se battre ici.

La lourde porte du fond n’acceptait de pivoter que lentement, et devait être huilée presque toutes les semaines. Omani entra dans la chambre en retenant son souffle, s’approcha respectueusement du lit à baldaquin où était noyée la silhouette de Zalan II, et s’agenouilla à côté de sa table de chevet ornementée. Il abaissa la veilleuse plus bas que le matelas, pour étouffer sa lumière.

« Ma reine, souffla-t-il en lui secouant délicatement l’épaule. Pardonnez-moi, mais j’ai besoin de votre jugement. »

Zalan remua faiblement, et Omani retira son bras.

« Reine Zalan, répéta-t-il. Vous devez nous guider.

— Gnnn… Qu’est-ce que c’est, encore ?

— Deux Guerriers ont tenté de secourir la prisonnière, mais nous les avons capturés. »

Elle ouvrit un œil, l’air mal lunée. Étant donné qu’il devait être une heure du matin, Omani ne s’était pas attendu à ce qu’elle soit disposée à l’écouter.

« Où est le problème ? grinça-t-elle.

— Ils se sont rendus, ma reine. Ils parlaient mazakin, et ils ont déposé les armes de leur plein gré. S’il doit y avoir des négociations avec eux, c’est à vous de l’autoriser. »

Zalan garda le silence. Elle avait peut-être un sale caractère, mais au moins, elle n’aurait jamais pris une telle décision sur un coup de tête.

« Soit, accepta-t-elle. Mais s’ils demandent à parler à quelqu’un, tu les feras lanterner pour m’avoir réveillée en pleine nuit.

— Volontiers, ma reine. »

Voyant qu’il n’avait rien à ajouter, Zalan replongea sous les couvertures, et Omani s’éclipsa en silence.