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The meaning of his tears de FireHana



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Informations

» Auteur : FireHana - Voir le profil
» Créé le 27/12/2022 à 22:11
» Dernière mise à jour le 24/01/2023 à 21:16

» Mots-clés :   Amitié   Drame   Famille   Fantastique   Présence de personnages du jeu vidéo

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Rainy Day (and meat)
Alistair resta à l'hôpital quelques temps pour être bien sûr qu'il n'avait rien, et pour pouvoir intervenir au plus vite si jamais il faisait une rechute. Durant cette semaine, tous les soignants n'avaient que le nom du patient de la chambre 222 à la bouche tant ce qui s'était passé ce jour là était improbable.

Que s'était-il vraiment passé ? Comment ces Pokémon avaient pu rentrer dans l'enceinte du bâtiment ? Dans quel but ? Étaient-ils vraiment venus pour l'enfant ?

Selon toute vraisemblance et le récit des parents, c'était le cas. Mais ça n'expliquait pas le comment du pourquoi. Des enfants comme Alistair, il y en avait malheureusement beaucoup trop. En quoi celui-ci était différent ?

Malgré les nombreux examens divers et variés, personne ne trouva rien. C'était un miracle : il n'y avait rien d'autre à faire que d'accepter que l'Homme avait une vision et des connaissances encore limitées, et que les Pokémon étaient décidément des créatures bien formidables.

Cependant, l'équipe de soignants avait fait remonter qu'Alistair avait l'air un peu perturbé. Il affirmait voir des personnes et des Pokémon qui n'étaient pas là, ou fixait avec intensité le mur pendant de longs moments. Cependant, les IRMs et autres scanners étaient formels : il n'avait rien d'anormal. L'œdème qui aurait dû causer sa mort avait disparu. Peut-être était-ce des séquelles liées au choc. Il avait frôlé la mort de si peu, ça laissait des marques ce genre d'expériences. À surveiller donc, mais rien d'inquiétant.

Et puis, les enfants aimaient bien raconter des histoires pour se rendre intéressants, confondant la réalité et la fiction qu'ils aimeraient être vraie. Ce n'était rien d'alarmant, assura le psychologue à son équipe, et plus particulièrement à la nouvelle infirmière qui leur avait confié avoir surprise Alistair en pleine conversation avec son grand-père... sauf qu'il n'y avait qu'eux deux dans la salle. Elle avait joué le jeu sur l'instant, mais elle se demandait avec le recul si ça avait vraiment été la bonne chose à faire... Mais ce qui était fait était fait.

Rassurés et satisfaits de leur travail, ils se mirent d'accord qu'il était temps de rendre la liberté à Alistair. Si ses parents étaient venus le voir toute la semaine, ça ne les empêcha pas de vivre la nouvelle comme un soulagement... avant qu'Alistair demander avec une moue contrariée :

— Est-ce qu'il va falloir qu'on retourne au mariage ? Parce que j'ai pas trop envie...

Les enfants pouvaient avoir de ces réflexions ; ils étaient vraiment drôles.

— Non mon Poussifeu, le mariage est fini depuis longtemps maintenant, assura sa maman en passant une main dans ses cheveux.

Ils avaient pris un hôtel non loin de l'hôpital. Entre la culpabilité et le choc, aucun des deux n'avaient eu l'envie de faire la fête, bien qu'ils eurent signalé à leurs amis qu'Alistair était tiré d'affaire. Ils avaient donc raté la cérémonie, mais tant pis : Alistair était bien plus important.

— On y va ?

En guise de réponse, Alistair sauta du lit, habillé avec des vêtements propres qu'ils avaient été cherchés la veille. Un T-shirt noir à manches longues, une salopette bleue qui s'arrêtait aux genoux et des basket très classiques : une tenue du quotidien toute simple en somme. 

Après avoir donné la main à sa maman, Edwina et lui s'approchèrent de Sebastian et de l'infirmière qui échangeaient quelques banalités :

— Merci pour tout ce que vous avez fait pour lui.

— Je vous en prie, c'est tout naturel. Alistair a été très sage, et il est très intelligent pour son âge !

Elle avait été assez surprise qu'il sache son nom avant même qu'elle ne se présente ; elle avait supposé qu'il avait pu lire l'étiquette sur sa veste. Mais tout de même, à 4 ans, ce n'était pas commun !

— Tu vas beaucoup me manquer Elisa, dit alors Alistair d'une voix chagrinée.

Elisa se mit à sa hauteur, touchée par ses mots et sa petite moue triste.

— Tu vas me manquer aussi. Mais je préférai que tu ne reviennes pas à l'hôpital de si tôt ! Prends bien soin de toi, d'accord ?

Il acquiesça vigoureusement. 

— C'est ça qu'on veut ! rit-elle en lui faisant un clin d'œil. 

Puis en se redressant, elle leur souhaita un bon voyage et ils s'échangèrent tous une bonne journée .

Mais avant que la famille passe la porte, Alistair fit brusquement demi-tour pour revenir vers Elisa. Il cria :

— Elisa ! Attends ! J'ai un secret à te dire !

L'infirmière se retourna, jeta un regard interloqué aux parents qui se contentèrent d'hausser les épaules. Cédant à la tentation et se disant que cela serait (si tout allait bien) la dernière fois qu'ils se verraient, elle se mit à nouveau à la hauteur de l'enfant et prit un air complice.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Je vais te le dire dans l'oreille...

Il mit ses mains en porte-voix contre son oreille, et lui murmura :

Il faut que tu changes tes chaussures, sinon tu vas te casser la cheville !

Elisa arqua un sourcil. Elle portait sa paire de chaussures professionnelles et elle ne voyait pas comment elle pouvait se faire mal : il s’agissait d’antidérapantes, et la paire était toute neuve. Elle n’avait a priori aucun risque de se faire mal. Assez perplexe par sa "prophétie", elle lui répondit en souriant :

— C'est gentil de t'inquiéter Alistair, mais je ne peux pas me promener pieds nus, je risquerai d’attraper froid. Je te promets de faire attention, d'accord ?

— Tu es sûre de ne pas vouloir les changer ? Sûre sûre sûre ?

— Sûre sûre sûre, répéta-t-elle avec sérénité.

— Bon... Comme tu veux.

Et sur ce, il s'en alla rejoindre ses parents. Elle les entendit discuter au loin ("Mais qu'est-ce que tu lui as dit ?" et lui de répondre "C'est un secret !"), et leurs voix se perdirent dès qu'ils eurent passé la porte.

Alistair était décidément un garçon bien surprenant. Peut-être était-ce pour ça que les Pokémon l'aimaient bien ?



Il pleuvait beaucoup à la sortie. Sebastian donna à Alistair son petit parapluie Grenousse tandis qu'Edwina se colla à son mari pour ouvrir le leur, un parapluie fond marin où des Rosabyss et des Serpang nageaient le long des baleines. Bras dessus bras dessous, ils se mirent en route, Alistair devant ses parents.

— Vous savez... J'y repense beaucoup, à cet Ectoplasma.

Alistair releva la tête et, dans le même mouvement, son petit parapluie. Les yeux jaunes et globuleux du Grenousse les dévisagèrent.

— Qu'est-ce qu'il était grand, commenta Edwina, je ne crois pas en avoir déjà vu un aussi énorme !

— Tu crois que c'est parce qu'il peut se Gigamaxer ? demanda Alistair.

— Peut-être...

Ils longèrent le bord de la route goudronnée. Plic plic ploc, firent les gouttes sur leurs parapluies.

— C'est qu'en fait... Il me rappelle un Fantominus que j'ai connu, lorsque j'étais enfant.

— Vraiment ? Tu ne m'en avais jamais parlé...

Sebastian acquiesça. Il ne s'en était souvenu qu'en ressassant l'apparition du Pokémon dans la chambre d'Alistair. Les hôpitaux étaient connus pour attirer les Pokémon Spectre, soit, mais ils n'étaient pas appréciés et les résurrections ne faisaient pas parties de leurs exploits. Il devait bien y avoir une raison pour laquelle cet Ectoplasma était intervenu.

De là, il s'était souvenu qu'enfant, il avait pris soin d'un Fantominus qui s'était coincé dans leur garage. Il y avait eu beaucoup de vent, et le chasser aurait condamné le Pokémon fait de gaz. Alors, dans la discrétion la plus totale, il l'avait soigné, nourri, lui avait tenu compagnie jusqu'à l'arrivée des beaux jours. Le Pokémon l'avait alors quitté pour retourner à la vie sauvage et Sebastian ne l'avait plus revu depuis. 

— Je me demande si c'était sa façon de me montrer sa reconnaissance… S’il s’agissait bien de lui, conclut-il à voix basse.

Le petit groupe s'arrêta au passage piéton, alors au vert pour les voitures. Dans quelques mètres, ils arriveront au parking et pourront enfin rentrer à la maison.

— C'est dommage qu'il soit parti. On aurait pu lui proposer de venir vivre avec nous, reprit-il.

Il jeta un regard à Edwina pour savoir si elle était d'accord avec lui. Elle donna son assentiment :

— Ça aurait été la moindre des choses, oui... On a largement la place chez nous pour avoir un Pokémon supplémentaire.

— C'est vrai ?! s'écria Alistair en faisant volte-face.

Son enthousiasme les surprit un peu.

— Eh bien, oui... murmura Edwina avant de reprendre avec plus d'assurance : Mais faudrait-il savoir où il est passé. Qui sait où il se trouve maintenant ?

— Oh, mais il est juste là !

À ces mots, l'ombre derrière Alistair s'agrandit, engloutissant celle du petit garçon. Sebastian eut un mouvement de recul, mais ne put s'enfuir plus loin : sa femme ne bougeait pas d'un pouce. En tant qu'ex-Mystimaniac, elle avait l'habitude de ce genre de tour. Elle s'en voulut davantage pour ne pas l'avoir remarqué plus tôt. 

Le Pokémon ne sortit pas complètement de l'ombre. Seule une partie de son corps dépassait du sol, juste assez pour que ses yeux laissent apparaitre une expression penaude et timide. L’étrange aura qui s’était émanée du Pokémon lors de leur première rencontre avait disparu.

Après tous ces ascenseurs émotionnels de ces derniers temps, Edwina ne trouva pas la force de s'agacer des cachoteries de son fils et, à la place, soupira longuement. 

— Et tu comptais nous dire ça quand ? Hmmm ?

Alistair tripota ses doigts et abaissa la tête.

— Euh... C'est pas comme si... il m'aurait écouté, si je l'avais chassé, non ? Et puis, papa, il a bien fait la même chose...

— Tel père tel fils, marmonna ce dernier entre ses dents alors que le regard noir d'Edwina s'abattait sur lui.

L'Ectoplasma s'avança vers eux, toujours à moitié dissimulé dans le sol. La pluie coulait sur son visage. Il chassa les gouttelettes pendant de ses oreilles en les remuant de bas en haut dans des mouvements vifs. Une sorte de grognement très grave s'échappa da sa gorge afin d'attirer leur attention. L'expression d'Edwina s'adoucit :

— Enfin... Au final, ce n'est pas une si mauvaise chose.

Elle s'abaissa au niveau du Pokémon et lui tendit sa paume. Il s'y blottit aussitôt, laissant naître une curieuse sensation au creux de sa main et la pulpe de ses doigts. Froid, doux, et en même temps intangible. Si elle forçait, elle pourrait passer sa main au travers de son corps. 

— Il commence à faire nuit... Tu sais où se trouve la Boutique Pokémon la plus proche ? demanda-t-elle en se tournant vers son mari. On pourrait prendre une Sombre Ball...

— Je vais regarder ça... déclara-t-il en sortant son téléphone de sa poche. 

Mais avant qu'il ne puisse s'atteler à sa recherche, l'Ectoplasma surgit de l'ombre pour les enserrer dans ses bras et les soulever légèrement de terre. Ils poussèrent un cri de surprise, et le parapluie tomba sur le sol ; il s'en fallut de très peu pour que le téléphone ne le rejoigne pas.

Bien qu'il eut mis sa main devant sa bouche, le petit rire d'Alistair retentit dans les airs. Un rire clair que la pluie ne put noyer. 



La Boutique Pokémon était à quelques rues. Abrité grâce à une grande feuille qui lui servait de parapluie, l'Ectoplasma attendait sagement sur les escaliers menant au magasin. Avec un grand sourire, il dévisageait les passants tout en agitant ses pattes dodues dans les airs. À côté de lui, Sebastian s'était assis au sec pour ne pas effrayer les potentiels clients.

Edwina trouva rapidement les Sombre Balls. Elle hésita un instant, puis se décida à en prendre dix. Ils pourront toujours mettre le reste de côté pour le jour où Alistair partira sur les routes. Ce dernier la regardait faire en silence, se contentant de saluer le vendeur au moment de payer et de partir.

Avant de sortir, Edwina s'abaissa à la hauteur de son fils et lui tendit l'une des Sombre Balls.

— Alistair, j'aimerai que ce soit toi qui le capture.

— Moi...? balbutia le petit garçon en écarquillant les yeux.

— Oui, toi. C'est toi qu'Ectoplasma a choisi.

Alistair parut profondément ému par ses paroles et resta figé un moment, prolongeant l'échange de regard entre lui et sa mère. Puis, lentement, tremblant, il tendit les bras vers la balle noire à pois verte. Ses doigts tièdes frôlèrent la main froide de sa mère, et, enfin, il prit la balle entre ses mains. Ses joues s'étaient colorées de rose alors son regard s'ancra sur l'objet.

— Alistair... Quand on capture un Pokémon, c'est une promesse qu'on lui fait. Cette Ball, ce sera sa maison dorénavant. Et plus que ça, ça signifie qu'il te protégera, tout comme toi tu prendras soin de lui. Bien sûr, papa et moi t'aiderons comment faire... Mais un bon dresseur ne doit jamais oublier ça. D'accord ?

— Oui, acquiesça-t-il gravement. Je suis responsable de mes Pokémon.

— Exactement, sourit-elle en se relevant. Je te laisse faire : tu sais déjà comment faire, hm ?

L'enfant hocha la tête avec un sourire radieux.

Dès qu'ils furent dehors, le Pokémon Spectre sauta de sa place comme un diablotin de sa boite pour se mettre face à eux. Alistair mit la Sombre Ball en avant, et bafouilla :

— N-Nox ! S'il te plait, deviens mon Pokémon !

Sous la surprise, la bouche d'Edwina s'entrouvrit.

Nox...?

L'Ectoplasma poussa quelques cris joyeux en gesticulant les bras.

Héhéhé… Amis, oui, ça sonne mieux… murmura Alistair.


Et ce ne fut qu'à ce moment que le Pokémon toucha le centre de la Ball. Il fut aussitôt absorbé à l'intérieur. L'objet vibra dans les paumes d'Alistair avant qu'un cliquetis significatif ne se fasse entendre.


Sebastian s'était rapproché d'eux avec son parapluie.


— Eh bien, bienvenue dans la famille, Nox. D'où il t'es venu ce nom ? ajouta-t-il en posant une main sur l'épaule de son fils.

— Oh, bah, c'est lui qui me l'a dit !


Sa réponse le fit rire, car il était impossible que le Pokémon le lui ait réellement parlé. De son côté, Edwina restait silencieuse. Ça ne pouvait qu'être une coïncidence... Mais tout de même une sacrée coïncidence qu'elle ait eu un jour un Spectrum qui portait ce nom.



Les jours qui suivirent retrouvèrent une monotonie agréable. Certes, dans leur maison plein pied, il fallut trouver une nouvelle dynamique et un nouvel aménagement afin qu'ils puissent s'y retrouver tous les six dans les premiers temps ; mais, heureusement, Loukoum et Luka acceptèrent très rapidement Nox, évitant à tout le monde des disputes inutiles de territoires. 


Même si Nox était d'une belle taille (bien que sûrement pas autant que la première impression qu'il eut fait sur les Lonecraft) il n'avait aucun mal à se faire petit. Généralement, il rodait dans la chambre d'Alistair ou dans le placard de ses parents, histoire de leur faire une farce. Ça marchait toujours sur le pauvre Sebastian qui hurlait d'une voix de crécelle dans toute la maison. Une fois, les voisins s'étaient même déplacés pour s'assurer que tout allait bien, au plus grand embarras des deux adultes — et surtout de l'intéressé.


De par son expérience avec les Pokémon Spectre, ses tours fonctionnaient moins bien sur Edwina. Le bois qui craquait étrangement, les portes qui s'ouvraient toutes seules : en bref, elle discernait sans problèmes les signes avant-coureurs que le Pokémon allait lui sauter dessus.


Cependant, les trois humains durent tout de même mettre un terme à ses plaisanteries, sans quoi Sebastian serait devenu cardiaque avant la fin de l'année.

Luka était bien plus sage de ce côté-là, se contentant de temps à autre de pousser la chansonnette au clair de lune. De par les voix très particulières des Spectres, elles pouvaient sonner un peu sinistres aux non-habitués, mais on s'y faisait. Pour sa part, Edwina trouvait que Luka avait une voix superbe, et l'encourageait à chanter avec elle quand elle faisait la cuisine, par exemple. Cette attitude ne dérangeait pas Sebastian non plus, tant que c'était en plein jour ou qu'il n'était pas tout seul. Quant aux moments où elle chantait de nuit, il dormait généralement d'un sommeil de plomb et n'en était pas dérangé. Et pour Alistair, il avait été habitué tout petit à ses lubies nocturnes : elles ne relevaient en rien du fantastique pour lui.


En parlant de lui, ses parents furent étonnés de l'affection immédiate et l'absence de crainte qu'Alistair portait à l'Ectoplasma. Ils le virent bien sûr comme une bonne chose : il s'agissait de son Pokémon, après tout. Ils n'avaient jamais non plus exposé leur enfant à des histoires sordides d'Ectoplasma kidnappeurs et mangeurs d'enfants — Edwina étant résolument contre et Sebastian peu enclin à donner mauvaises presses à des Pokémon existants. Cependant, l'Ectoplasma était grand, et parfois un peu brusque, même si ce n'était pas volontaire. Pour autant, Alistair restait toujours très calme, et même lorsque Nox parvenait à le surprendre, ils finissaient tous les deux par en rire. Pas une seule fois ils ne virent leur fils pleurer suite à une blague qui aurait été trop éprouvante pour lui.


— Dis, fit un jour remarquer Alistair, vu qu'on a tous des Pokémon... On pourrait faire des combats ?


— Hm, je ne pense pas que ce soit une bonne idée pour l'instant. On ne va pas se battre dans la maison, et le jardin est trop petit... répondit son père en s'asseyant à côté de lui dans le petit escalier menant au jardin.


— Et dans la rue ?

— C'est interdit. On a le droit de faire des combats que dans des endroits spécialisés en ville. Tu imagines, si tout le monde se battait sur le trottoir ? Il faudrait le refaire tous les jours !

— Oh... murmura-t-il tout déçu.

— Commence déjà par estimer quelles capacités il a. Ce n'est pas forcément facile, mais c'est important de commencer par là. Ça t'en dit long sur les préférences de combat de ton Pokémon.

— Il y en a tellement que je connais pas... soupira-t-il en appuyant sa tête sur ses paumes, se penchant en avant de façon à ce que ses coudes s'ancrent dans ses genoux.

— Ça, ce n'est pas bien grave. Observe, et note dans ta tête les différences entre ses capacités. Par exemple, Loukoum, tu sais ce qu'il sait faire ?

Le dit Loukoum était en train de mordre vigoureusement dans un jouet qui couinait pathétiquement, demandant grâce et pitié à son agresseur qui ne faisait qu'abattre ses mâchoires plus vigoureusement encore.


— Hmmm... Il a Nitro-Feu, Boutefeu, Retour et Ball'Ombre, énuméra Alistair.

— Presque ! C'est Nitrocharge. Mais c'est déjà très bien ! Et est-ce que tu peux me dire maintenant quelle est la différence entre Nitrocharge et Boutefeu ?

Le petit garçon fronça les sourcils en réfléchissant à sa question. S'étant désintéressé de son Déflaisant en plastique, Loukoum vint leur apporter sa balle de tennis. Sebastian la lui lança au fond du jardin, et le Pyroli se jeta à sa poursuite.

— Je dirai que... dans Nitrocharge, y a moins de flammes que dans Boutefeu.

— Tu es sûr ?

— Hm-hm !

— On va vérifier ça alors...

Son père se leva pour aller chercher quelque chose dans l’abri de jardin. Voyant que son dresseur était occupé, Loukoum trottina vers Alistair pour déposer sa balle pleine de bave à ses pieds. L'enfant eut une moue de dégoût et refusa d'y toucher, malgré l'insistance du Pokémon qui poussait son jouet avec sa tête. Heureusement, Sebastian le sauva inextremiste en apportant un frisbee, dont le modèle représentait une cible noire et blanche. Dans son autre main, il y avait un sachet de friandises : c'étaient des bâtonnets de viande à mâcher, les préférés de Loukoum.

— Loukoum ! Viens mon grand ! Tiens Alistair, prends les friandises.

Loukoum suivit le passage de main en main du paquet, avant de se retourner vers son dresseur, les oreilles droites, prêt à tout donner. Bien qu'il s'était assis, il trépignait d'impatience : ses pattes se levaient et se baissaient comme s'il essayait de malaxer la terre.

— Attention ! Prêt ? Va chercher avec Nitrocharge ! s'écria-t-il en lançant le frisbee.

Aussitôt, le Pokémon partit à sa poursuite. Ses coussinets commencèrent à s'embraser, avant de former des chaussons de feu qui finirent par remonter le long de ses pattes, puis à le recouvrir des pieds à la tête. Alistair remarqua bien qu'il courrait beaucoup plus vite. Il courrait même si vite qu'il dépassa le frisbee ; mais au lieu de ralentir pour ne pas foncer dans le mur, il accéléra d'autant plus. Avec cet élan prodigieux, il sauta contre la barrière et attrapa l'objet volant bien identifié. L'enfant fut très impressionné par sa stratégie, mais un peu moins pour sa réception : il s'écrasa par terre, et roula plusieurs fois dans l'herbe alors que les flammes s'amenuisaient autour de lui. 

— Maman va pas être contente, commenta Alistair qui voyait bien d'ici les quatre empreintes de pattes noires dans la barrière blanche.

— Oh ça, tu peux le dire... Je referai un petit coup de peinture quand ça sera refroidi, déglutit son père en remontant machinalement ses lunettes.

En attendant, le Pokémon arriva vers eux toujours en trottinant, le frisbee à la gueule.

— Alors ? Qu'est-ce que tu as remarqué ? demanda Sebastian en lui prenant la cible.

— Il y a du feu qui est parti de ses pattes, et qui s'est mis sur tout son corps.

— Oui, c'est juste. Autre chose ?

S'il posait la question, c'est qu'il y avait autre chose.

— C'était... comme une sorte de Vive-Attaque de feu ?

— Hmm, je vois la confusion, mais non. C'est peut-être trop léger à remarquer pour toi encore, mais tu ne trouves pas qu'il est revenu plus vite à l'aller qu'au retour ?

Maintenant qu'il y réfléchissait, c'était vrai que Loukoum était revenu plus rapidement.

— Nitrocharge exalte - ou énergise si tu préfères - les Pokémon qui l'utilise. C'est comme une sorte d'échauffement avant le sport, expliqua-t-il en caressant le Pyroli qui se mit à ronronner. Ça détend les muscles pendant un certain temps en plus de mener une charge. Vive-Attaque, ou Extrême Vitesse, font appel aux ressources directes du Pokémon. Ce sont des capacités fatigantes et on ne peut pas conserver la vitesse acquise dans la charge pour autre chose. Est-ce que tu as compris ?

— Hm-hm !

— Alors maintenant, on va faire Boutefeu, déclara l'adulte en se relevant.

Il passa une main dans ses cheveux bruns de façon à se débarrasser des mèches qui lui cachaient le visage. Loukoum s'assit, dardant de son regard ardent le frisbee.


— Attention ! Prêt ? Va chercher avec Boutefeu !

Cette fois-ci, le Pyroli cavala derrière le disque, et si pendant un temps il parvint à aller presque aussi vite que sa cible, il perdit vite en vitesse, trop concentré à souffler en continue une flamme qui enveloppa son corps. Celui-ci se mit à brûler d'un feu vif, rouge puis bientôt bleu. Telle une comète cyan, Loukoum sauta dans les airs... et rata de peu le disque qui s'envola dans le jardin d'à côté. Quand au Pokémon, il chuta et, propulsé dans son élan, frappa la tête la première dans la barrière. Au bruit de la collision, il ne fit aucun doute que le bois avait cédé. 

Sebastian se redressa aussitôt alors qu'Alistair plaqua ses mains sur sa bouche.

— Oh là là, la grosse bêtise... finit-il par dire alors qu'ils s'avançaient à grands pas vers le Pokémon, toujours dans l'herbe mais gigotant vivement pour essayer de se libérer de son étau.

— Ça, tu peux le dire...

Une fois arrivés à lui, Sebastian s'adressa à son Pokémon d'une voix calme et grave pour le rassurer. Lorsqu'il cessa de gesticuler, il attrapa le torse du Pokémon et demanda à Alistair de tenir la planche dans laquelle Loukoum était coincé. À force de tirer, ils parvinrent à dégager le malheureux Pyroli. Bien content d'être libéré, il s'ébroua, faisant s'envoler des bouts embrasés de sa crinière.

— Wow wow wow ! Doucement ! Enfin, tu as pu voir la différence Alistair ?

Loukoum s'installa sur les genoux de son dresseur, se frottant la tête sur ses cuisses.

— Oui... C'est pas du tout pareil, même si ce sont deux attaques de type Feu.

— Exact. Ce n'est pas évident à voir quand il n'y a pas d'adversaire, alors approche un peu... Là, tu vois ?

Il montra la touffe de poil du Pyroli qui ornait sa tête. Elle avait pris une couleur brune.

— Même pour un Pokémon de type Feu, c'est une capacité à double-tranchant. Le feu est tellement fort qu'il blesse le Pokémon qui l’utilise lors de l’impact.

Alistair acquiesça gravement. De sa petite main blanche, il gratifia le Pokémon d'une caresse.

— Allez, déclara Sebastian en se relevant, tout travail mérite salaire. 

Le Pyroli jappa à cette annonce. Alistair partit devant pour aller chercher le sachet, talonné par le Pokémon. Il prit un bâtonnet et cacha ses mains dans son dos.

— Quelle main ?

Le Pokémon renifla à droite, puis à gauche. Loukoum leva la patte gauche, Alistair ouvrit sa main droite. Elle était vide. Alors Loukoum désigna celle de gauche. Mais elle était vide aussi.

— Oh... murmura Alistair tout confus.

Puis on entendit tout à coup des bruits de bouche. Derrière le petit garçon, Luka était en train de s'empiffrer des petits bâtonnets de viande. Il n'en fallut pas plus à Loukoum pour retrousser ses babines et courser la courge en aboyant de mécontentement. De son côté, la spectre poussait des longs cris d'amusement avant de disparaitre hors de sa vue.

— Ah noooon ! Pas dans la maison ! Il y a suffisamment de casse pour aujourd'hui ! cria Sebastian en se mettant à la poursuite les deux Pokémon.

Alistair gloussa doucement en voyant toute l'agitation. Il se rassit dans les escaliers, face à son ombre.

— Je me demande ce que tu sais faire, toi...

Son ombre lui sourit. Plein de choses, lui promit-elle.



Il était plus de 18h, et il était grand temps qu’Elisa rentre chez elle. La pluie était tombée toute la semaine mais, par chance, elle venait de cesser au moment où elle sortait.

Ses talons claquaient rapidement contre le sol humide : elle était en retard pour son bus. Si elle n'obtenait pas celui-là, elle aurait le bus bondé de l'heure de pointe, ce qu'elle se refusait absolument.

Au croisement de rue, le sang lui monta à la tête.

Le bus. Il était là. Il était là avec deux minutes d'avance, et si elle ne se dépêchait pas, il partirait sans elle.

Sans réfléchir, Elisa se mit à courir, enjambant les feuilles et les plaques d'égout. Elle avait l'habitude de ces talons : c'étaient sa paire préférée, et elle était habituée à marcher avec.

Et ce fut probablement ce qui la trahit. L'usure eut raison du talon, qui céda dans un craquement étouffé par le claquement des chaussures.

Elisa s'écrasa au sol dans un bruit moite et sonore.

La douleur fut tellement violente et saisissante qu'elle en fut sonnée un instant. Dans sa vision embuée, elle vit le bus s'éloigner, complètement ignorant de sa personne.

— Hey ! Hey madame, ça va ?

Encore à terre, Elisa releva la tête vers un jeune garçon visiblement inquiet. À ses vêtements sales et sportifs, il devait être un jeune itinérant. Un Étourmi reposait sur son épaule, la fixant de son regard vif tout en penchant la tête sur le côté.

— Pas vraiment, marmonna Elisa, lasse et irritée par sa mésaventure.

Elle accepta la main tendue du dresseur, mais alors qu'elle voulut s'appuyer sur son pied droit dénudée de sa chaussure, elle poussa un cri de douleur. Si elle avait été seule, elle aurait lâché un juron. À la place, elle se recroquevilla sur elle-même en mordant sa lèvre. Le goût du rouge à lèvres imbiba sa langue.

— Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez mal ? demanda le dresseur à casquette tout paniqué.

Elisa changea de jambe pour se redresser. L'Etourmi s'envola pour se poster sur le haut d'une grille afin que son dresseur puisse aider la jeune femme. Une fois debout, elle s'appuya contre cette même grille, renversa sa tête et soupira. Elle refoula sa colère, sa frustration, maudit sa malchance et s'efforça de faire bonne figure pour ce petit bonhomme qui était venu la secourir.

— Merci... finit-elle par dire à l'enfant avec un sourire forcée. Est-ce que ça t'ennuierai de m'accompagner à l'hôpital ? Il n'est qu'à quelques mètres.

— Euh, non, bien sûr ! Appuyez-vous sur mon épaule.

— Attends... Je vais appeler d'abord...

Elle ouvrit le répertoire pour contacter l'un de ses collègues. À son grand soulagement, il décrocha :

Allô Elisa ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Salut, désolée de te déranger... Tu es encore dans le coin ? Je crois que je me suis cassée la cheville...