Chapitre 445 : Le dernier ennemi sera la mort
Le temps qui s'était momentanément figé à l'apparition du Dieu des Mélénis repartit quand Yonis commença à faire des gestes avec ses mains et ses doigts, préparant visiblement un sort de Flux. Il avait dans les yeux une lueur d'excitation voir même de légère folie à l'idée de se mesurer à cet oncle ennemi qu'il n'avait jamais vu.
- J'invoque le Reflux !
Des espèces de pieux noirs tombèrent du ciel pour se planter en cercle autour de Yonis. Le Flux que le garçon dégagea à l'intérieur de ce cercle sembla changer de nature, et devint un véritable torrent d'énergie destructrice qui n'avait plus aucun rapport avec l'énergie de la vie qu'était à l'origine le Flux. Mercutio sentait même cela comme une négation du Flux. Des symboles, comme des branches d'ADN, se mirent à tournoyer autour de Yonis, alors que sa puissance ne cessait d'augmenter. Mercutio se souvenait vaguement avoir vu Irvffus lancer ce sortilège quand ils avaient affronté Solaris sous sa forme mutante. Le sort n'avait alors pas fonctionné contre elle, et il n'avait pas trop envie de voir si ça marchait sur Elohius. Ce dernier, toutefois se contenta de froncer les sourcils et de regarder son frère d'un air accusateur.
- Tu as appris à ton fils à lancer un sortilège de Reflux ? À son âge ?! Comme toujours, ton irresponsabilité est effrayante...
- Tu es bien le dernier qui aurait le droit de me sermonner sur quoi apprendre à mes enfants, répliqua Asmoth, vaguement amusé.
Mais il n'en leva pas même son index pour envoyer sur Yonis des ondes de Flux qui brisèrent le début de son sortilège.
- C'est inutile, Yonis, déclara Asmoth d'une voix calme. Ce n'est pas un adversaire à ta portée. Recule et tiens-toi tranquille.
- Mais père ! s'indigna le garçon. Je peux l'affronter ! Avec tout ce que vous m'avez appris sur le Flux et ma propre puissance, je...
Yonis s'étouffa sur ces derniers mots, voyant les yeux de son père se plisser et son regard devenir encore plus froid et menaçant.
- J'ai dit, recule et tiens-toi tranquille. Je ne t'ai pas demandé de pérorer.
- O-oui père, fit Yonis en battant en retraite, la tête baissée. Je suis désolé... Pardonnez mon insolence...
Le gamin avait l'air réellement effrayé, alors qu'Asmoth avait à peine froncé les sourcils. Mercutio se surpris à avoir pitié de lui. Certes, lui-même n'avait pas eu de père, mais peut-être valait-il mieux ça que d'en avoir eu capable de vous inspirer une telle terreur. Elohius sembla arriver aux mêmes conclusions que son fils et secoua la tête d'un air triste.
- Je présume que tu as infligé une enfance bien malheureuse à ce pauvre enfant... fit-il à son frère.
- Je lui ai inculpé la discipline et le pouvoir, répliqua Asmoth. Il a beau avoir la moitié de son sang souillé par l'humanité, j'ai réussi à en faire un véritable Mélénis Noir. Sa puissance grandira au fil des années, jusqu'à qu'il devienne le digne Élu des Ténèbres capable de prendre ma place. Alors que regarde les tiens ! Vingt ans, incapables de lancer un seul sortilège et ayant une maîtrise plus qu'erratique des formes du Flux les plus simples ! Il n'y aura aucun challenge sur celui qui arrivera à détruire l'Endless une fois pour toute. Le Requius sera l’œuvre des Ténèbres !
- S'il doit en être ainsi, alors soit, répondit calmement Elohius. J'ai accepté la prophétie de Mew sous tous ses termes. Je préfère un Requius de Ténèbres que l'Avuneos. Mais regarde-toi, avec tes créatures de métal, cherchant à soumettre Père... Le monde que tu appelles de tes vœux n'est en rien différent de l'Avuneos qui arrivera si l'Endless l'emporte !
Asmoth ricana, se passant la main dans des cheveux blonds érigés en crinière.
- Est-il besoin d'argumenter une nouvelle fois sur ça maintenant, mon frère ? Les dés du destin sont déjà lancés.
- En effet. Mais peut-être me permettras-tu de lancer une paire de dés à mon tour ?
Elohius serra les poings, et une vague de Flux doré s'échappa de son corps. Asmoth se mit à son tour en garde, et laissa s'écouler son Flux noir et rouge. Mercutio claqua des dents, son corps le prévenant que si ces deux Flux hallucinants se heurtaient, ça allait probablement provoquer la destruction de tout le Mont Couronné. Mais au bout d'un moment, Asmoth se détendit et fit cesser son Flux bouillonnant.
- Non. Restons-en là aujourd'hui. Quel besoin avons-nous de nous lancer dans un autre duel interminable alors que ce monde est sur le point de disparaître ? J'ai ce pourquoi je suis venu.
Il jeta un coup d'oeil à Diox-BOT, dont un de ses anneaux latéraux au bras était couvert du sang d'Arceus, et à D-Giratina, qui lui tenait carrément entre ses mains une des ailes arrachés de son double organique.
- Ce sont les ADN qui me manquaient pour parfaire D-Arceus, expliqua Asmoth. Il a beau être sans rival niveau puissance, je compte l'améliorer encore plus. Il sera ma roue de secours si Yonis venait à échouer contre l'Endless... et ma pièce maîtresse dans l'assaut final contre ce monde si jamais vous veniez à stopper cette Enfant de la Corruption.
Elohius secoua la tête, atterré.
- Tu peux bien croiser toutes les ADN que tu veux dans ta carapace de Sombracier à l'image de père, ce n'est pas ça qui arrêtera l'Endless. Il est la négation de la vie, donc seule la sublimation de la vie pourra le vaincre.
- Nous verrons en temps et en heure, frère. Contente-toi déjà de me prouver cette théorie en stoppant cette abomination qu'Horrorscor a engendrée. Ça ne me dérange pas qu'elle annihile toute vie en ce monde, mais elle pourrait être ennuyeuse à éliminer à terme, même pour nous. Dans le pire des cas... ma chère famille et moi patienteront tranquillement dans l'espace le temps qu'elle décide de se supprimer elle-même.
Comme pour prouver ses dires, il claqua des doigts. Et alors, ce qui semblait être un énorme vaisseau spatial en forme de serpent descendit des cieux à toute vitesse. Constitué de plusieurs plaques de Sombracier d'un vert émeraude sombre, d'une tête en forme de croix avec d'énormes yeux jaunes, il n'avait pas de pattes et de bras contrairement à sa contrepartie Pokemon, et ce qui aurait dû être sa queue se terminait pas un giga réacteur de conception tellement futuriste qu'il en était inconnu de tous. Mais la créature, ou plutôt la machine, était suffisamment reconnaissable pour autant. C'était un gigantesque Pokemon Mécha ayant l'apparence de Rayquaza.
D-Rayquaza s'arrêta en vol stationnaire au dessus du Mont Couronné, et de sa gueule ouverte s'échappa plusieurs faisceaux dorés qui se dirigèrent vers chacun des Pokemon Méchas au sol, ainsi que vers Asmoth et Yonis. À l'intérieur de leur dôme de lumière, ils commencèrent à s'élever dans les cieux, en direction de l'immense croiseur mécha.
- A-attends ! hurla Mercutio à Asmoth. Reviens, sale lâche ! Je vais te buter !
Mercutio n'avait pas encore tout à fait récupérer des tortures de Yonis et avait du mal à demeurer debout. Son esprit n'était pas clair non plus, de toute évidence, car dans son état il n'aurait rien pu faire à Asmoth même si celui-ci avait daigné rester sur place. Mais voir cet homme s'envoler hors de sa portée, le responsable de la mort de sa mère, l'instigateur de quantité de catastrophes, qui avait joué au mec gentil et innocent tant d'années durant, lui était insupportable. Asmoth lui jeta un coup d’œil indifférent.
- Étudie et entraîne-toi, neveu. Que tu fasses office d'adversaire un minimum sérieux pour Yonis. Et n'aie crainte : il y aura une place pour toi dans mon monde si tu veux la prendre, une fois que tu auras ouvert les yeux sur la vraie nature du Flux et de la vie. Je tiens profondément à ma famille, vois-tu, en ce qu'elle est Mélénis ou Mécha. Eux-seuls auront le droit d'exister.
Arceus, épuisé et pas mal blessé après son combat contre Diox-BOT, trouva néanmoins la force d'engueuler une dernière fois ce fils qui le toisait désormais de haut.
- Tu n'es point le Créateur, Asmoth. Tu n'as aucun droit de décréter qui mérite d'exister ou non.
- Le futur me donne ce droit, père. Il me donne même raison. Je l'ai vu. J'ai vu les Pokemon du futur. Ce sont tous des méchas. Certains d'entre eux sont même parvenus à remonter le temps pour visiter notre époque, grâce à un certain scientifique de la région Paldea. Ils écraseront les organiques et seront l'espèce dominante de ce monde. Humains et Pokemon sont voués à l'extinction !
Entouré de ses Pokemon Méchas et de son fils, avec la terrible et gigantesque vision de D-Rayquaza au dessus de lui, Asmoth leva les bras, ses cheveux blonds flottant au-dessus de sa tête, sa toge blanche, or et verte bougeant au vent.
- Ma victoire est déjà écrite. Tout ce que vous pouvez faire, c'est décider de quand vous disparaîtrez, et par quelle main : la mienne, ou celle de Lyre Sybel. Mais tout dieu que vous êtes, père, vous n'arrêterai pas l'inébranlable marche de l'évolution. Celle qui condamne les faibles et place les forts au sommet.
D'un geste insolent, il se passa la main dans ses cheveux et afficha un long sourire égocentrique.
- Et moi... je suis au sommet de l'évolution ! Moi seul ait toujours cherché à changer, à m'améliorer et à améliorer le monde autour de moi, par la science ou par le Flux Noir. Tandis que vous, père, vous cultiviez un immobilisme indifférent, et que toi et tes disciples, cher frère, vous vous réfugiez dans vos traditions et vos règles dépassées ! J'ai bâti le futur. JE SUIS le futur !
Ce fut sur ces dernières paroles qu'Asmoth et sa « famille » disparurent dans la gueule de D-Rayquaza, et que ce dernier repartit vers l'espace d'où il était descendu, laissant Arceus, Elohius et tous les autres dans l'impuissance et la colère. Elohius s'avança lentement vers son dieu de père et se servit de son Flux pour soigner ses blessures.
- Je peux me guérir moi-même, fit Arceus.
- Je le sais, répondit humblement Elohius. Voyez cela comme une façon pour moi de m'excuser, père. Tout ce temps passé à réparer les dégâts d'Asmoth à travers le monde, et j'ai été incapable de voir ce qu'il manigançait quasiment sous mes yeux...
- C'est moi qui t'ai demandé de te tenir à l'écart de lui, pour ne pas provoquer une bataille aux conséquences imprévisibles. Tu n'as point commis de faute. J'aurai dû m'occuper de lui bien avant. Mais laissons-là les regrets. Asmoth et ses machines attendront. Nous avons quelque chose de plus pressent et dangereux à court terme.
- En effet. Et là aussi, j'ai failli. Toute cette guerre entre Innocence et Corruption, qui nous a mené jusqu'ici, est la conséquence de mon échec avec Veluba. Si je m'étais occupée d'elle dès le début, si je l'avais moi-même formé au Flux... elle n'aurait pas quitté le Refuge, n'aurait pas sombré dans un tel désespoir, et n'aurait pas été si aisément manipulée par Asmoth, qui l'a poussé à concevoir ce Spiritomb d'une façon si contre-nature...
- Et comme quoi, tu n'as pas retenu la leçon, crétin de paternel, lança Mercutio.
Ce n'était pas vraiment le moment, surtout qu'Elohius était venu le sauver, mais il ne pouvait garder son ressentiment pour lui.
- Tu nous as abandonné, Galatea et moi, d'une façon encore pire que tu ne l'as fait pour Veluba ! Tu nous as laissé à la merci d'Asmoth, qui était planqué dans la Team Rocket juste à côté de nous. S'il avait fait de nous deux des Mélénis Noirs ou je ne sais quoi de pire, tu te serais encore excusé l'air de rien devant Arceus comme maintenant ? Pfff ! Au final, je crois bien qu'Asmoth n'a jamais eu de meilleur allié que toi pour ses projets...
- Mercutio ! s'exclama Galatea d'un ton de reproche.
- Tu parles sans savoir, moucheron, le tança Arceus. Ton père a œuvré pendant des millénaires, à ma demande, pour tenter de contrer discrètement les manigances d'Asmoth. Il n'a jamais eu de vie à lui, il a tout sacrifié dans cette quête.
- Non père, Mercutio a raison, coupa Elohius. Je n'ai eu que trois enfants dans ma très longue vie, un par envie et deux par devoir, mais j'ai été un échec pour chacun d'entre eux. Je croyais pouvoir les protéger d'Asmoth en me tenant à l'écart d'eux, mais j'ai été naïf, et j'ai sous-estimé mon frère.
- Asmoth passe son temps à retourner les gens contre les autres, à semer la discorde et la haine partout où il passe, renchérit Arceus. Il tente de combler le vide de son existence et son amertume sans limite en se réjouissant du malheur des autres. Tu peux t'accuser de tous les maux, fils, et toi accuser ton père de tous les tiens, Mercutio Crust. Mais ne vous y trompez pas : au final, tout découle d'Asmoth et de son âme viciée.
Arceus toisa Giratina qui saignait abondamment à terre non loin.
- Cela s'adresse à toi aussi, Giratina. Asmoth s'est servi de toi par deux fois en manipulant ta rancœur, alors qu'il se rit de toi. La victoire de cette Lyre Sybel avec qui tu t'es allié ne t'apportera rien au final, car c'est Asmoth qui a prévu d'en profiter, comme toujours. Veux-tu poursuivre ton invasion du Monde des Esprits sur celui des vivants, ou bien cesser tes enfantillages et te ranger à nouveau du côté de la Création, comme il se doit ? Je suis encore prêt à te pardonner.
Le dieu des morts tâcha de se remettre debout sur ses pattes avec un semblant de dignité, malgré son aile en moins.
- Je ne m'excuserai pas pour ce que j'ai fait, et je ne veux pas de ton pardon, déclara-t-il. Mes griefs envers toi sont légitimes, et Asmoth n'y ait pour rien là-dedans. Mais oui, bien qu'il m'en coûte, j'admets avoir été aveuglé. Je ne veux pas d'un monde où régnerai des machines à notre image au service d'Asmoth. Ce fourbe va payer pour s'être servi de moi. S'il pense que...
Les mots de Giratina se perdirent en un vacarme assourdissant quand Lord Judicar tomba de nulle part, dans un ballet de lumières et d'explosions. Comme personne ne l'avait vu arriver, il était probable qu'il soit sortit d'une autre dimension, ou un truc du genre. En tout cas, il avait l'air salement amoché, une chose difficilement concevable pour un être comme lui.
Son armure gothico-highteck de méchant de Star Wars était en morceaux en divers endroit, dont son casque. Tous purent voir une partie du visage de Judicar, et effectivement, il ressemblait à Mercutio. Une mèche bleu clair cachait partiellement un œil entièrement noir, sans pupille ni iris. Des parties de son corps étaient manquantes, mais étrangement, elles ne saignaient pas. Une étrange substance noire et mouvante recouvrait les blessures, comme des sangsues. Sans doute peiné d'être vu de façon si pitoyable par toute cette assemblée, Judicar se releva avec difficulté.
- Elle est... plus puissante que je ne l'avais prévu, admit-il. Elle elle ne cesse de gagner en force au fil des minutes. Ça va être... compliqué.
Entendre cet individu si puissant et toujours si confiant au point d'en être arrogant parler de la sorte n'était effectivement pas très rassurant. Et ce le fut encore moins quand un portail s'ouvrit du néant, laissant apparaître Lyre. Elle n'avait déjà plus grand-chose d'humain dès le début de cette bataille, mais après le combat contre Judicar, elle ne ressemblait plus à rien.
De son corps noir et à demi-fantomatique sortait des appendices en tous genres. Son visage brouillé semblait changer constamment, n'arrivant pas à se stabiliser sur un seul. Et on aurait dit que les contours de son corps étaient pixelisés et fluctuants, comme un écran d'ordinateur en proie à un bug informatique de taille. C'était comme si l'existence même tentait d'effacer cette erreur abominable que Lyre était devenue, mais que cette dernière ne se laissait pas faire. Mais on distinguait encore, au centre de sa poitrine, le Cœur d'Horrorscor, qui maintenait tant bien que mal toutes ces âmes, tous ces corps et toute cette puissance.
Enfin, sa signature dans le Flux était à l'image de son corps ; elle ne ressemblait plus à rien. C'était un gloubi-boulga de présences qui hurlaient leur douleur et leur désespoir, le tout enrobé d'un gigantesque trou noir capable d'aspirer tout et n'importe quoi. Mercutio n'arrivait même pas à imaginer comment l'âme de Lyre originel pouvait continuer d'exister dans tout ça, et mieux encore, de réussir à contrôler le tout. Tout le monde réagit à des niveaux différents d'horreur et de dégoût face à cette apparition. Même Arceus écarquilla ses yeux rouges.
- Tssss... Wrathan s'est fait avoir ? déduisit Lyre en ne le voyant plus. Quel crétin inutile... Et toi Giratina, tu nous fais quoi là ? Pourquoi les âmes ont-elles stoppé leur attaque ?
- C'en est assez, répondit le dieu des morts. On arrête tout.
Malgré son visage brouillé, l'incompréhension et la colère purent se lire dans les yeux rougeoyants et tourbillonnants de Lyre.
- On arrête rien du tout ! Je viendrai à bout de Judicar sous peu, et lui mort, plus rien ne pourra m'inquiéter ! Tous ces insectes qui grouillent autour d'Arceus ne comptent en rien. Tu ne vas pas me faire croire que tu serais impuissant face à lui avec la totalité des âmes des défunts du Monde des Esprits derrière toi ! Ou es-tu si faible et lâche ?
- Asmoth est intervenu pendant que tu faisais mumuse avec le Cavalier de l'Apocalypse, humaine stupide, répliqua sèchement Giratina. Cette invasion des âmes ne servira à terme que ses propres intérêts ! Je refuse de travailler indirectement pour lui.
Lyre parut enfin remarquer Elohius, et ses connaissances et sa mémoire millénaire qu'elle avait acquis en voyageant dans le temps et avec les souvenirs de ses victimes lui avait déjà appris tout ce qu'il y avait à savoir sur le dieu des ténèbres. Mais elle secoua la tête avec un désintérêt notable.
- Ses propres intérêts, tu dis ? Cet Asmoth est-il immortel ? Peut-il transcender la mort ? Si ce n'est pas le cas, alors il tombera comme une mouche face à moi.
- La maîtrise du Flux d'Asmoth dépasse tout ce que tu peux imaginer, Enfant de la Corruption, lui dit Arceus. Tu n'es qu'une graine d'Horrorscor, et c'est Asmoth qui lui a donné vie. Il pourra te défaire comme bon lui semble. Cesse tout cela maintenant. Avec mes pouvoirs et ceux de Judicar, on pourra peut-être te ramener à ton état originel d'humaine, et libérer tous ceux que tu as dévoré. Tu ne vas pas pouvoir supporter cela bien longtemps. Regarde-toi ! Sans le Coeur d'Horrorscor, tu aurais déjà implosé.
- Ma sœur, écoute-le, supplia Reinheit Divalina. Je sais ce que tu as vécu, toute cette souffrance et cette injustice que tu as dû endurer... Ce n'était pas de ta faute. J'ai promis à notre père que je te sauverai. Je t'en prie, laisse-nous t'aider !
Lyre tourna son regard cauchemardesque vers l’adolescent aux cheveux blancs avant d'éclater de rire.
- Je ne me souviens pas avoir jamais eu de frère, encore moins quelqu'un d'aussi pitoyable que toi, gamin ! Me sauver, tu dis ? Je me suis déjà sauvée, et toute seule ! Je suis devenue ce que je devais devenir. Je suis enfin complète. Je n'ai besoin d'aucun d'entre vous. C'est vous qui avez besoin de moi, pour vous libérer des chaînes de l'existence et vous laisser bercer par la quiétude éternelle de la mort. Pourquoi ne le comprenez-vous pas ? La vie n'est que torture, désespoir et attentes inassouvies ! La vie est une maladie, et seule la mort en est le remède !
- Eh bien va te guérir toute seule ! lui lâcha Julian.
Lyre, qui n'avait pas pu voir Julian la dernière fois, mit un certain temps à le reconnaître et ricana d'amusement.
- Le petit prince peureux a bien poussé et pris de la gueule. Tu es le parfait exemple de ce qu'a été une enfance bousillée. La suite de ta vie le sera autant, voir pire.
- Si elle a été bousillée, c'est à cause de personnes comme vous, qui n'ont pas arrêté de faire le mal au nom d'Horrorscor.
- Horrorscor était un imbécile qui ne pensait qu'à lui, et qui croyait pouvoir partager sa douleur en rendant tout le monde corrompu. La corruption ne guérit rien. Seule la mort en est capable.
Eryl, ou plutôt Erylubin, s'avança vers son originale, qui aujourd'hui faisait plus que jamais son double maléfique. Tandis qu'Eryl était bénie de la lumière d'Erylubin, de son corps semblable à du marbre et de ses ailes circulaire, Lyre tenait plus du concentré de ténèbres qu'avait été Horrorscor. Pour le coup, Lyre fut plus qu'étonnée de la voir. Étonnée et furieuse.
- Toi... Même aujourd'hui, même au delà de la mort et de la divinité, tu viens encore m'humilier en te présentant sous cette apparence que tu m'as volée ?!
- Je n'ai plus de corps physique, répondit Erylubin. Je ne suis plus la Pierre des Larmes, pas plus que je ne suis un fragment du pouvoir imaginatif de Silas qui a prit forme humaine. Je suis la volonté d'Erubin, incarnée dans l'âme d'Eryl Sybel... Une âme qui aurait pu être la tienne. Quand je suis née de la Pierre des Larmes, nos âmes étaient des copies conformes. Oui, Lyre. Toi aussi, tu aurais été capable de gentillesse, d'amitié, de pouvoir discerner la beauté de ce monde, et même de connaître l'amour, comme Eryl...
- La ferme ! Même maintenant, réincarnée en déesse, tu débites des âneries sur les petits oiseaux et les abeilles ?! Tu as pitié de moi ? Tu penses pouvoir me sauver, comme ce bâtard aux cheveux blancs ?
Erylubin secoua tristement la tête.
- J'ai pitié de toi, oui. Car ça aurait très bien être moi à ta place. On t'a privé de tout, et tu n'as connu que la souffrance et la cruauté. Mais non, je n'espère pas pouvoir te sauver. Tout comme je ne suis plus Eryl Sybel, tu n'es plus Lyre Sybel. Tu es une antithèse de l'existence, et au nom d'Erubin, je dois tout faire pour t'effacer.
- Ah, je préfère ça ! sourit Lyrrorscor. Oui... Nous sommes devenues malgré nous les héritières d'Erubin et d'Horrorscor, et nous nous devons de poursuivre leur combat éternel, n'est-ce pas ? Mais n'aie crainte. Il se terminera bientôt, par un reposant match nul qui durera jusqu'à la fin des temps...
- Assez de ces inepties ! coupa Arceus. Je t'ai donné une chance. Tu l'as repoussée. Au nom de la Création dont je suis le garant et protecteur, tu vas donc subir le jugement divin.
Arceus fit tourbillonner l'ensemble de ses plaques autour de son corps, et Elohius se plaça à côté de lui, son Flux doré de lumière pure prêt à se déchaîner. Et tous les autres, de la X-Squad aux Gardiens de l'Harmonie, des dresseurs aux Pokemon Légendaires, des chevaliers de Cinhol aux soldats de la FAL ; tous épuisés et blessés à divers niveaux se tinrent prêts pour un dernier combat.
- Eh bien, c'est assez injuste là, fit remarquer Lyre. Moi seule contre vous tous ? Il va falloir rééquilibrer un peu.
Puis elle se tourna vers Giratina avec un sourire gourmand sur son visage cauchemardesque.
- Puisque tu ne veux plus te battre avec moi de ton plein gré, tu le feras contraint et forcé, dieu des morts. Après tout, c'est ce que j'avais prévu à la fin pour toi. Tu vas me rejoindre un petit peu plus tôt du coup...
D'un coup, sans prévenir, et sans que personne ne put rien faire, elle déchaîna sur Giratina des dizaines de tentacules ténébreuses, qui l'entourèrent, le serrèrent et transformèrent son corps spectral, le tendant et le disloquant à souhait. C'était comme un pâtissier qui manipulait sa patte entre ses mains. Giratina était en train d'être broyé comme de la pâtée, soumis à l'irrésistible gravité et attraction de Lyre, son corps dénaturé, son âme soumise à la torture, tandis que Lyre l'amenait vers elle. Dans un dernier cri de douleur et d'impuissance, Giratina disparut dans le vortex à vague forme humaine qu'était devenue Lyre.
Inévitablement, celle-ci se transforma à nouveau. La présence de Giratina en elle sembla rendre un peu plus de cohésion à son ensemble, mais la fit devenir encore plus effrayante. On pouvait voir sur ses bras et dans son dos les écailles dorés et grises de Giratina, et, totalement déployées, ses immenses ailes noires spectrales.
Lyrrorscor éclata de rire et écarta les bras. Aussitôt, toutes les âmes qui s'étaient arrêtées de se battre sous ordre de Giratina allèrent se placer derrière elle, tandis que de multiples portails menant au Royaume des Esprits apparurent et déversèrent à nouveau des flots ininterrompus d'esprits défunts. Arceus réagit à temps en levant à nouveau un dôme de protection doré qui repoussa les âmes, et les fit tous reculer de très nombreux mètres.
Lyre s'éleva dans les airs avec ses nouvelles ailes, entourée par des millions d'âmes désormais sous ses ordres. Elle semblait se gorger de leur présence, les caressant amoureusement, et même en aspirant certaines. Tout comme Asmoth avait montré à Veluba comment faire pour fusionner des âmes, Lyre fit de même. Avec le nombre illimité qu'elle avait à sa disposition, elle força les âmes à se rentrer les unes dans les autres, pour former des créatures spectrales de tailles et de formes différentes, chacune d'entre elles plus horribles que la précédentes. Une nouvelle déesse des morts venait de voir le jour, et à l'inverse de Giratina, elle n'avait aucune limite ni morale à l'égard des âmes qu'elle était censée garder.
- Individuellement, les âmes ne valent rien en combat, déclara-t-elle. Elles ne peuvent lancer aucune attaque, se contentant d'absorber légèrement de l'énergie vitale quand elles passent à travers un vivant. Mais comme Asmoth l'a prouvé, elles font de parfaits matériaux pour créer des êtres plus... intéressants.
En moins de deux minutes, Lyre avait désormais à ses côtés toute une rangée de créatures noires et spectrales, certaines géantes, d'autres avec plusieurs membres. Il y en avait avec des crocs, d'autres avec des griffes énormes. Il y en avait avec des tentacules, des ailes, voir même des armes en tout genre à la place des membres. Et toutes avaient un point commun : leurs yeux en tourbillon et leur corps distordu et instable. Comme Spiritomb, à l'origine la fusion de 108 âmes. Et tout comme Lyrrorscor elle-même. Elle s'était forgée une armée à son image ; des abominations contre-nature nées de la profanation des âmes, et celle-ci ne cessait de s’agrandir toute seule, tandis que de plus en plus d'âmes sortaient des portails dimensionnels, et que celles-ci fusionnaient entre elles.
C'était une armée infinie venue des enfers qui s'assemblaient derrière Lyrrorscor, elle-même devenue l'incarnation même de la mort. Face à cette marée noire qui continuait de croître, transformant tout le paysage de Sinnoh derrière elle, les défenseurs de la vie paraissaient bien peu, même menés par Arceus, Elohius, Judicar et d'autres Légendaires. N'importe quel observateur aurait juré que les ténèbres allaient inévitablement l'emporter aujourd'hui.
Et justement, l'un de ces observateurs apparut sur un des sommets encore intacts du Mont Couronné, sortant d'un trou noir dans l'air. Il regarda en contre-bas l'armée de Lyrrorscor qui se formait, et siffla d'un air impressionné. Se passant la main dans ses cheveux noirs, il fit un petit geste des doigts pour se créer un confortable fauteuil rembourré, tout droit sortit de son imagination, dont les accoudoirs avait la forme et la couleur d'un smiley. Il s'assit tranquillement pour observer le spectacle.
- Enfin... Voilà ce que je voulais voir, sourit Silas Brenwark. Le sort du monde décidé par la confrontation des vivants et des morts, et l'ascension d'une future déesse de la destruction !