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Calendrier de l'Avent 2022 de Comité de lecture



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Informations

» Auteur : Comité de lecture - Voir le profil
» Créé le 16/12/2022 à 23:29
» Dernière mise à jour le 17/12/2022 à 18:17

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Jour 7 : Let it snow 3, par Ramius
Je suis la neige.
Douce et insouciante, je tombe.

Vous ne me croyez vraiment pas ? C’est bien dommage, je vais devoir en remettre une couche. Ça ne me fait ni chaud ni froid : je suis la pâlotte petite besogneuse de l’hiver, capable de recommencer son œuvre chaque année et de ne jamais désespérer devant les pluies du printemps qui saccagent mon beau blanc. Si je me souciais des avis des critiques, on y serait encore à la Noël !

Je travaille tout l’hiver, infatigable, intransigeante, impétueuse, et pleine d’amour pour chacune des petites échardes de glaces que je sculpte en arêtes et en hexagones. Cette saison m’appartient, je l’ai conquise, et chaque année quand elle vient, je me la réapproprie, je lui taille un manteau blanc épais et duveteux. Elle n’est pas belle, ma haute couture ?

C’est pourquoi partout où il le faut, je tombe. Partout où un éclat de roche ou une étincelle de chaleur font tache sur le canevas blanc que je peins, je viens fournir un supplément de petits flocons ciselés avec soin, jusqu’à ce que la couleur importune ait droit elle aussi à une étreinte de glace. Toutes ces nuances qui se jurent les unes sur les autres comme des charretières ! Heureusement que je suis là pour calmer le jeu et répandre un peu de beauté dans ce monde de brutes.

Aujourd’hui a été une bonne journée. Aussi longtemps qu’a duré le jour, je suis tombée avec acharnement sur la ville et la campagne. Et surtout la ville. Toutes ces rues noires, bondées de voitures et de passants, ces rames de tram sans âme et leurs déneigeuses qui se font un malin plaisir à me pousser sur le bas-côté, quelle horreur, quelle horreur !

Et comme si ça ne suffisait pas, plus je me suis acharnée, plus les machines ont fait de passages pour me repousser, et plus elles ont soulevé de poussière dans l’air. Oh, ça n’a pas raté, non. Le sable, mon éternelle ennemie, cette tempête au rabais, vile et perfide, qui braie son sifflement rugueux et saute sur la moindre occasion d’écharper mon travail propret, vous ne croyez pas qu’elle m’aurait laissé tranquille cette année. Aussitôt qu’elle a vu une opportunité de se taper l’incruste, voilà-t-y pas qu’elle vient aider la ville à déblayer. Il suffit d’une bourrasque, suivie d’une bourrade ou une boutade, et c’est reparti pour un tour !

Je lui ai encore cloué le clapet, évidemment. C’est dans ma nature de tout recouvrir en hiver, et c’est dans la nature de me laisser faire et de m’aider. Cette saison, c’est ma saison, qu’on se le dise une bonne fois pour toutes !

Plus tard dans la soirée, même la ville a abandonné. À force de cogner et de geler, mes soldats flocons ont épuisé ses machines les unes après les autres, les ont poussées à la surchauffe, en bref les ont immobilisées dans un glorieux sacrifice sur l’autel de leurs carcasses fumantes. Et je ne me suis pas arrêtée à cette tragédie, j’ai poursuivi mon œuvre inlassable, tant et si bien qu’à la fin les engins se sont retrouvés emmitouflés de neige blanche et que le goudron noir a adopté une couleur moins sinistre. La ville peut être heureuse, maintenant, j’ai gommé ses aspérités, cachés ses difformités, habillé son uniformité, tout à point nommé pour passer Noël avec un sourire. Merci qui ?

Oui, je suis contente de moi, ce soir. Aussi loin que porte mon regard, tout est blanc, immaculé. Des milliers de petites étoiles scintillantes dans le ciel, des milliards de petites étoiles scintillantes au sol, et je continue de tomber. C’est par pur effet esthétique, maintenant, pour tracer une continuité entre mes étoiles de givre et celles de la nuit.

Oh, ne m’accusez pas d’être vaniteuse, voyons. Regardez plutôt autour de vous ! Voyez comme tout est blanc, tout est calme. C’est une féérie pour l’œil et pour l’oreille, le cadeau que je fais au monde tous les ans ! Une montagne de blanc, tout simplement. Vous devriez l’apprécier d’autant plus qu’il est rarement aussi réussi : je dois me battre avec des gêneurs, tous les ans, des empêcheurs de tomber en rond qui veulent déchirer ma toile et verser des larmes de neige fondue. Bêrk ! Mais cette année, tout s’est bien passé.

Les champs sont silencieux, paisibles et blancs. Même les Noarfang ont vu leur plumage repeint, je les ai délicatement saupoudrés de mes cristaux jusqu’à ce qu’ils se fondent dans le paysage. Ils devraient me remercier, ces prédateurs camouflés, au lieu de hululer à la lune !

Les montagnes sont blanches, les arbres dans les forêts sont parés d’un nouveau manteau tout blanc. Et même la ville, cette année, ne m’a pas résisté. Elle a eu beau se battre avec cette garce de tempête de sable, elles ont fini par s’incliner et par accepter de revêtir leur voile blanc. Les habitants ont insisté pour piétiner mes flocons, jusqu’à ce que j’aie recouvert leurs tourelles et leurs poteaux de tant de neige que d’un coup, leurs laides lampes à l’air se sont éteintes, soufflées comme des bougies, réduites au silence. Même le vent, d’habitude si prompt à jouer les girouettes et changer son jeu, cet ingrat qui tolère avec plaisir mon haïssable ennemie sablonneuse, même lui s’est tu et ne tente plus de troubler mes flocons.

Tout est blanc, tout est calme. Le monde est en paix, et c’est grâce à moi, moi la travailleuse dont tout le monde saccage l’œuvre, l’artiste incomprise, qu’on méprise et qu’on écarte.

Victoire !