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Jusqu'à ce que les vagues cessent de nous bercer de Ramius



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Informations

» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 29/11/2022 à 14:04
» Dernière mise à jour le 29/11/2022 à 14:04

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 16 : Charognards
L’épée, elle, ne dormait pas. Elle hurla aussitôt que l’étranger posa un pied dans la chambre obscure, un hurlement fait d’alarme et d’urgence plutôt que de son et d’air, et Onis se réveilla avec un frisson de tension.

L’étranger ne sembla rien remarquer ; il ne bougea pas de l’encadrement de la fenêtre, se contentant de scruter les ténèbres. Il regardait au bon endroit, et le Renégat sentit un frisson lui parcourir l’échine en devinant les yeux posés sur lui. Il ne bougea pas, lui non plus.

L’autre savait qu’il était là. Lui savait qu’il savait. S’il restait immobile, il aurait une chance de le piéger. À condition que l’étranger ne sache pas qu’il savait…

L’homme inclina pensivement la tête, une mèche cheveux tombant sur le côté et laissant deviner cette étrange couleur sable. Onis comprit dans un éclair. Pourquoi l’homme était venu s’enterrer au fin fond du désert. Pourquoi, lorsqu’ils étaient arrivés, sa comparse était tout de suite venue à eux l’air de rien, pourquoi Margar avait passé la soirée à chercher à comprendre ce qu’ils voulaient.

Ils chassaient quelqu’un. Il l’avait vue bien des fois, cette approche lente d’une proie qui méritait qu’on l’espionne, même s’il avait le plus souvent été le chasseur. Ils comptaient le prendre par surprise. Pourquoi deux parfaits inconnus souhaiteraient sa mort, cela restait à voir.

Il glissa sa main sur la lame de l’épée enroulée dans son dos, subrepticement, et banda ses muscles. Il attaquerait le premier.

La lumière brutale qui jaillit soudain prit l’étranger au dépourvu — mais il était bon, et le temps qu’Onis soit sur ses pieds et projette son épée sur lui en arc de cercle, il avait déjà repris contenance et il esquiva souplement.

Une arme grossière apparut dans sa main, une simple masse de bois aplatie, et Onis arma un coup d’estoc. Il ne serait pas bien difficile de briser ça.

L’autre était conscient de la faiblesse de son arme ; il para très proprement, envoyant Onis sous le côté, mais interpréta mal la rotation dans laquelle se lança le Renégat et dut se baisser en catastrophe pour éviter le coude qui volait vers son nez — pour retomber nez à nez avec l’épée en se relevant et parer à nouveau en catastrophe.

Il était sur la défensive. Il devait avoir vu, lui aussi, Margar et le Démon qui s’étaient réveillés et cherchaient à faire sens du combat. Onis comptait le briser avant que les renforts n’arrivent.

Soudain l’étranger recula vivement, prenant deux pas de champ avant que le Renégat ne puisse en profiter pour armer un coup plus large. Il plongea une main dans les plis de son vêtement et Onis ne put pas identifier ce qu’il en sortit — dans le pire des cas une arme de lancer ; il se plaça de côté et décala le bouclier sur son épaule, faisant confiance à l’épée pour dévier le projectile. Inutilement : l’étranger se contenta de le passer par la fenêtre, un lancer en cloche loin d’être menaçant.

Au contraire de l’éclair bleuté et la haute silhouette qui se dressa à l’extérieur, dans la lumière pâle de la nuit.

Le monstre rugit, un grondement profond qui dut convaincre tous les Démons de la ville de sortir les griffes et de chercher l’adversaire. Celui d’Onis feula en réponse et se précipita vers la fenêtre avec la ferme intention de défendre son maître et son territoire — se jetant presque dans la gueule énorme qui ripa contre la façade et y creusa une large ouverture aux bords lacérés.

Onis n’était pas autant inquiet pour son Démon — il se débrouillerait — que pour le bruit. L’étranger avait appelé des renforts, et pas juste cette chose. Il fallait terminer le combat immédiatement.

Il criait quelque chose dans un langage de gazouillements. Le Renégat en profita pour se concentrer et guider son épée le long d’une technique qu’aucun d’eux n’appréciait : quand l’étranger reporta son attention sur eux et arma sa masse pour un coup, il ne put rien faire contre l’orbe de lumière brûlante qui jaillit du Spectre. L’attaque le frappa brutalement et le projeta en arrière, contre un mur.

« Margar ! tonna Onis. On s’arrache ! »

Si dépassée fut-elle par la brutalité de l’affrontement, elle avait eu le temps de rassembler leurs affaires et elle se précipita vers lui en s’en remettant à son expérience du combat. Et Onis espérait qu’elle lui faisait confiance, parce que la situation appelait une prise de risque radicale.

Il s’arrêta une seconde à peine sur la corniche. Figé par le spectacle terrible du monstre — une sorte de serpent — dardant une gueule bardée de glace sur un Démon aux mouvements trop ralentis par la fraîcheur nocturne pour esquiver.

Comparé à son compagnon, il avait d’excellentes chances de s’en sortir.

Il fermement saisit Margar juste en dessous de l’épaule et bondit dans le vide — la scientiste se laissa entraîner avec un spasme d’horreur mais ne parvint pas à crier — en s’efforçant de ne penser à rien, sinon sa cible.

Le vortex d’ombres familier se referma sur eux cinq et les envoya valdinguer à travers ses courants chaotiques, pour les recracher sur un monticule de sable, devant une autre façade.

Onis se releva aussitôt et réévalua la situation. Le monstre n’avait pas suivi, s’étant écarté lorsque le Renégat était tombé devant lui ; son épée était encore en forme ; Margar avait la nausée et il s’y était attendu avec un saut aussi brouillon ; et le Démon—

Le Démon était recroquevillé sur son bras droit percé de deux larges entailles aux bords criblé d’échardes de glace, et ses dents serrées retenaient un gémissement de douleur dont il savait qu’il le ferait repérer. Mais ils étaient déjà repérés, et avec cette blessure catastrophique, il ne pouvait certainement pas être déplacé.

Il ne pourrait pas courir avant des semaines, à supposer que le choc thermique ne le tue pas.

Onis jeta sur le sable toutes ses réserves d’onguents divers et entreprit immédiatement de nettoyer la blessure. La glace lui brûlait les mains et il craignit que les crocs du serpent aient été empoisonnés ; il glissa un antivenin dans la gueule du Démon en triant ses pots. Puis il termina rapidement de badigeonner ses blessures, et glissa le bras inerte dans l’encolure de son vêtement, jusqu’à l’épaule, traînant le Démon sur son dos. Les écailles frigorifièrent sa peau et le mouvement arracha un grognement sourd au dragon, mais il était encore assez tôt. Le membre n’était pas encore refroidi pour se nécroser.

Le Renégat se releva en agrippant son compagnon de route par l’épaule, sous l’œil inquiet de Margar. Le foutu bestiau pesait son poids, mais lui ne se plaignait jamais en transportant son maître, alors Onis encaissa.

« Il nous faut un autre abri, souffla-t-il à la scientiste. Efface mes traces.

— Elle va s’en sortir ?

— Il a très froid et il va avoir très mal, mais il devrait survivre. »

Margar hocha la tête et déplia la tente. Alors Onis s’élança lourdement, et courut dans les rues obscures pour réchauffer le Démon blessé, et la scientiste le suivit avec un juron. Il se rendit compte qu’elle ne pourrait courir qu’un temps, et qu’il faudrait que cela suffise pour tenir chaud au Démon.

Une petite part de son esprit lui souffla qu’en toute logique, ce serait à lui de s’arrêter le premier, avec le chargement qui pesait sur son dos. Il la fit taire. Il courrait aussi longtemps qu’il le pourrait.

***
Le soldat se pencha par-dessus la façade et rencontra le regard interloqué de Saïyenn. Il n’y avait personne. Siebtze l’avait prévenu que les Guerriers maîtrisaient une forme de téléportation, Omani ne s’était pas attendu à ce que l’autre choisisse la fuite aussi tôt. Il avait fait de son mieux pour inciter son adversaire à passer à l’offensive, et ce Luminocanon était très clairement une diversion ; pourtant Saïyenn n’avait pas encore eu le temps d’attaquer le Démon.

Cependant, l’assaut n’était peut-être pas un échec.

« Tu l’aurais eu facilement ? »

La Léviator ne hocha pas la tête, pas plus qu’elle ne se lécha les babines ou n’agita ses barbillons. Elle se dressa de toute sa hauteur et cracha, une balle de salive qui vint se ficher dans le sable imbibé de sang. Son adversaire l’avait déçue. Omani lui sourit.

« Ton avis ? »

Saïyenn inclina la tête, pensive. Il n’y avait pas beaucoup à analyser dans un combat aussi court. Puis elle ondula doucement, et laissa pousser une autre rangée de Crocs de Givre dans sa gueule. La glace.

« Oh, c’est possible, reconnut Omani. Moi aussi, il m’a semblé plus lent. »

L’haleine que la serpente souffla sur son maître était glaciale, amère. De jour, générer assez de froid pour un Laser Glace ou des Crocs de Givre lui demanderait beaucoup d’effort, mais elle s’en savait capable.

Elle tourna le regard sur la gauche, vers Siebtze qui arrivait en courant, et Lanius qui déboulait d’une rue adjacente.

« Ils se sont déjà enfuis ? Merde !

— Je sais, je sais. Et je pense qu’on n’aura pas ces deux-là sans un coup de chance. »

Siebtze ravala un grognement. Omani comprenait. Il savait ce que cela signifiait pour elle.

« D’un autre côté, reprit-il. Saïyenn est raisonnablement sûre que les Carchacrok sont sensibles au froid.

— Pardon ? Il fait froid toutes les nuits, dans ce désert ! Comment sont-ils censés être au sommet de la chaîne alimentaire s’ils risquent de mourir chaque soir ?

— Je suppose qu’ils compensent en résistant à la fournaise le reste du temps.

— Bah. »

Elle était sur les nerfs ; Omani se demanda pourquoi. Il savait, cependant, qu’elle voudrait rester dans le désert aussi longtemps qu’elle ne serait pas parvenue à éliminer ce Guerrier précis. Et il valait sans doute mieux percer l’ulcère dès maintenant.

« Je pense que nous devrions nous occuper des Guerriers rapidement, affirma-t-il. Si nous les effrayons au point de leur faire quitter la cité, tout est à recommencer.

— Ils ne partiront pas, s’agaça Siebtze. Et je ne crois pas que ce soit une bonne idée avant d’avoir pris un peu de sommeil.

— Ils seront fatigués aussi, pointa Omani. Mais ce n’est pas la question. Si j’arrive à les neutraliser pour de bon, je ne pourrais pas m’attarder pour poursuivre celui-là. »

La cultiste le dévisagea d’un air incrédule, n’ayant visiblement même pas envisagé la possibilité. Et Omani dut admettre qu’elle avait raison : ils étaient fatigués, trop pour faire des plans et sans doute trop pour s’attaquer à un ennemi aussi dangereux.

« Je… hésita-t-elle. Tu auras encore besoin de moi comme guide, n’est-ce pas.

— Comme guide et comme garde. Je ne veux pas attacher un prisonnier jour et nuit pendant un mois entier ; je veux avoir Saïyenn et Lanius sous la main pour le dissuader de s’enfuir, et deux paires d’yeux. Sans parler du Démon. »

Siebtze baissa les yeux. Omani n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle ferait. Il était très clair qu’elle pouvait l’abandonner sans qu’Avandras ne s’en formalise — et d’ailleurs, il arriverait peut-être à ressortir du désert sans elle. D'un autre côté, quelque chose lui disait qu'elle allait au moins considérer l’idée de l’accompagner, malgré les divergences qui avaient été si sensibles entre eux pratiquement depuis le début de cette expédition. Peut-être n’était-ce que l’effet de la fatigue… Dans tous les cas, il lui semblait qu’il devait lui donner le choix.

« Prends le temps d’y réfléchir, offrit-il. Tu avais raison, tout à l’heure ; attendons l’aube. Il fera encore bien assez frais pour que Saïyenn soit efficace.

— Je… euh, oui. Je dois y réfléchir, oui. Et dormir. »

Le pêcheur ricana. Ça devenait urgent, oui.

Saïyenn baissa sa large tête au sol et ramassa du bout des lèvres sa Poké Ball à demi ensablée. Elle ne perdait pas le nord, se dit Omani en réceptionnant la relique. Ils seraient bien avancés s’ils l’égaraient.

***
Aixed avait ouvert les yeux avant l’aube, et était sortie s’exercer dans la nuit finissante. Les doutes étaient trop nombreux, trop pressants pour être repoussés plus longtemps. Quelque part, d’une façon ou d’une autre, elle n’avait pas su faire quelque chose, elle n’avait pas su choisir sa voie, et maintenant elle était rendue ici. Meurtrière au cœur d’une cité en ruines, aussi traîtresse que l’homme qu’elle poursuivait. Elle s'en était rendue compte à force de se retourner sous sa tente. Elle ne pourrait pas rester dans l’Ordre après cette… débâcle.

Onis l’avait conduite jusqu’au déshonneur, une Renégate. Non — elle l’avait laissé faire, elle l’avait fait elle-même dans sa fureur, mais elle ne pouvait pas reporter la faute sur lui. Oh, il avait trahi le premier, ça oui, mais si elle était restée juste, si elle avait eu le cœur et la droiture, elle aurait su le détruire dès le début et rien de tout cela ne serait arrivé.

Toujours, sa présence entêtante emplissait les ruines, alimentant sans trêve la haine qui cisaillait les pensées d’Aixed. Il ne cessait pas un seul instant. Pas la nuit, pas le jour, et surtout pas à l’espace de doutes entre les deux ; il n’avait plus aucun espoir et il continuait de s’accrocher comme un Chien. Sa petite plaisanterie de la veille était bien assez claire. Il la narguerait encore l’épée sous la gorge.

La Guerrière se laissa engloutir dans la colère familière, réconfortante. Gorbak n’aurait jamais cédé à la colère, s’il avait seulement été capable de la ressentir. Mais c’était plus fort qu’elle. Elle n’était pas le maître qu’elle avait eu. Elle avait besoin de ce cocon protecteur et aveuglant, elle sentait bien qu’elle s’effondrerait sans cette douleur diffuse dans sa poitrine, et tant pis si elle devait en payer le prix plus tard. Tant pis si la colère l’avait menée hors du bon chemin. Quelle importance ? Quelle importance, maintenant ?

Elle repéra, du coin de l’œil, les trois silhouettes qui s’approchaient en marchant d’un bon pas. Un homme, une femme, un Coutelier. Et un souvenir fugace la frappa, perturbant dans son exactitude, la démarche de la femme.

Oh, elle l’avait déjà vue. Un Lapin-Sapeur à ses côtés, elle avait tenté de l’éliminer comme on écrasait une Mèche, et l’autre l’avait giflée avant de disparaître dans le sable.

La rage flamba, brûlante et douloureuse, et Aixed l’accueillit volontiers.

« Aux armes ! »

L’homme hésita, la femme ne montra rien. Ils ne l’avaient pas vue. Ils ne la craignaient pas. Il n’y aurait aucun sens à leurs morts.

Les trois Guerriers sortirent de leurs tentes avec la précipitation de la crainte, et Aixed se demanda quand est-ce que le monde entier était devenu lâche. Elle arma son épée et se dirigea vers les trois inconscients. Derrière elle, quatre Démons s’élancèrent joyeusement à la curée.

Chargèrent.

L’homme leva le bras, sa silhouette juvénile fut absorbée un instant par une clarté bleue. Et lorsque la lumière surnaturelle se condensa et pris la forme d’un serpent géant, Aixed hurla et s’élança en courant en même temps que les Démons.

Les quatre étrangers — car l’homme avait la peau blanche de Tograz — laissèrent leurs ennemis venir à eux avec une collection d’airs méprisants, et la Guerrière comprit son erreur lorsque le monstre bleuté inclina son cou sur leur trajet et que sa gueule souffla un vent mordant, glacial.

Les Démons piaillèrent de douleur et laissèrent leur assaut se briser dans le sable perlé de givre. Mais Aixed était humaine, et elle bondit sur la large tête bleue qui s’offrait à ses coups.

L’épée traça un arc de cercle bleuté, giflant sèchement le serpent, et puis Aixed retomba dans le sable à deux pas du soldat étranger et se désintéressa de son monstre. L’autre bloqua son coup furieux d’un mouvement leste d’une massue aplatie, et elle attaqua encore, l’esprit vide de tout sinon la gueule du monstre.

Un pas de côté, un tourbillon de mensonges, et la Guerrière émergeait dans les airs, plongeant sur sa proie. Le serpent s’était décalé — ils connaissaient la technique — mais l’épée l’avait trouvé malgré tout, et le coup violent qu’elle lui asséna fendit le cuir solide de sa lèvre et fit couler un sang vermeil. Alors seulement la créature lâcha-t-elle un grondement menaçant, vaguement indigné. Oh, il était coriace. Il ne tiendrait pas.

Elle se lança dans une attaque furieuse, enchaînant souplement les techniques familières, et perdit toute conscience du combat alentour pendant que le serpent sifflait d’indignation et reculait devant le chaos enragé de ses assauts.

Elle ne vit pas Hajras engager l’homme, épée contre masse, et s’efforcer en vain de passer sa garde.

Elle ne vit pas Umdimin isoler le Coutelier des deux autres étrangers, et se rendre compte trop tard qu’elle s’était faite piéger.

Elle ne vit pas Mubdiba s’avancer prudemment vers la femme et mourir presque aussitôt, une griffe de Démon plantée dans l’œil.

Ce fut à peine si elle vit les trois bipèdes s’interposer entre elle et sa proie, du sang sur leurs lames, et elle se déchaîna contre ces ennemis nouveaux. Chaque instant, chaque mouvement, elle gardait en vue le faciès abîmé du serpent, la gueule armée de glace et les yeux où elle devait frapper pour le tuer.

Les trois autres étaient bons, meilleurs qu’ils ne le lui semblaient. La massue bloquait son épée avec régularité et efficacité, les poignards et toutes les lames courtes passaient en permanence sous sa garde sans jamais gêner leurs alliés, et Aixed éclata de rire en admirant la rangée de crocs qui plongeait dans la mêlée pour lui rendre la monnaie de sa pièce.

Elle riait encore en se fondant dans les ombres, et quand un instant plus tard sa lame fracassa durement le crâne de la bête. Le serpent feula et se contorsionna pour la faire tomber, et elle abattit son épée une fois de plus avant de lâcher prise. Pourquoi ne l’énerverait-elle pas ? Plus grand le monstre ouvrirait la gueule, plus dégagée serait la voie vers son cerveau !

« Siebtze ! » lança le soldat, et derrière ce nom du désert vint une imprécation dans un langage dont la vitesse étourdit Aixed. Elle rit de plus belle et se jeta sur l’étranger, lame d’acier contre massue de bois.

Ses trois alliés s’écartèrent, le laissèrent seul. Et la Guerrière se rendit soudain compte qu’il n’avait pas besoin d’eux. Il maniait cette arme absurde avec une précision et une adresse qu’elle n’avait plus depuis longtemps, et lorsqu’elle plongea dans les ombres pour attaquer son flanc, il dévia le coup sans se laisser surprendre.

Elle laissa libre cours à ses souvenirs d’entraînement et enchaîna sans une seconde de réflexion les attaques les plus violentes qu’elle connaissait. Et elle eut la satisfaction de gagner lentement du terrain ; pourtant chaque fois qu’elle aurait dû le tuer, le soldat réagissait à une vitesse fulgurante et trouvait le moyen de parer ou d’esquiver.

Le coup de poing la cueillit à la tempe, superbement ajusté, et elle s’effondra dans le sable avec la tête remplie du vacarme d’une tempête de sable. La douleur lui apporta un éclair de lucidité.

Bien sûr qu’il était rapide. Elle était lente et maladroite, fatiguée et confuse par son déchaînement de violence. Il l’avait gardée sous contrôle de bout en bout et maintenant qu’il avait vu tout ce qu’il voulait voir, il la jetait au sol comme un vulgaire sac de toile.

Et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Elle n’en serait pas là sans la colère et l’orgueil qu’elle avait laissés la convaincre d’attaquer aveuglément un adversaire inconnu.

L’étreinte obscure de l’inconscience vint comme un soulagement. Il serait de courte durée.