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Jusqu'à ce que les vagues cessent de nous bercer de Ramius



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» Auteur : Ramius - Voir le profil
» Créé le 18/10/2022 à 13:10
» Dernière mise à jour le 18/10/2022 à 13:25

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Aventure   Conte

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Chapitre 10 : Dominer
La clarté argentée de la pleine lune filtrait vainement au travers de la barrière végétale qui protégeait du soleil un petit hameau morne et sans histoire. C’était une nuit envoûtante, un vent joueur soulevant à la fois le chant des atonal des dunes et la symphonie de bruissements du feuillage. Une nuit dominée par la masse obscure d’un Arbre à contes, sensible jusque sous la tente, et Siebtze sentait croître son envie de s’endormir dans cette étreinte paisible.

Peut-être aurait-elle le temps de céder une dernière fois à la tentation, d’ici quelques mois. Dire au revoir à l’atmosphère unique des villages arboricoles du désert, ce drôle de paradoxe qu’elle avait si peu visité. L’avenir était aux villes côtières, avec leur rigide organisation défensive qui ne faisait que terrifier leurs habitants et leur rappeler que personne n’était là pour les protéger. Pas de Guerrier, pas de Démon : rien que des gens, livrés à eux-mêmes. Et pour certains, à l’éducation qu’ils avaient eu la chance d’avoir.

« C’est l’heure, décida-t-elle.

— Et qu’est-ce qui te fait dire ça ? râla Omani.

— Le fait que j’aie fini de méditer depuis assez longtemps pour avoir envie de dormir.

— Si c’est de ce genre de signes qu’on a besoin, je suis d’accord avec toi depuis une ou deux heures… »

La contrebandière haussa un sourcil invisible dans l’obscurité. Le pêcheur avait l’air d’être sur les nerfs ; c’était probablement pour ça que lui non plus ne s’était pas endormi.

Et ça ne lui ferait pas de mal. Rien de tel qu’un cocktail de fatigue et d’anxiété pour assister à une démonstration de cruauté et faire vaciller des convictions mal placées.

Les deux Dresseurs se levèrent silencieusement, et s’attelèrent à replier la tente.

« Il faut vraiment que ces vêtements idiots ne servent à rien contre le froid ? maugréa le soldat à voix basse.

— Quand on aura fini, tu iras à l’enclos des Excavarenne, et tu ramèneras le plus fort d’entre eux. Ne réveille personne.

— Ben voyons. Et comment je le reconnais ?

— Les autres seront attachés. »

Omani acquiesça. Ça semblait logique, mais il n’aurait pas aimé devoir libérer Saïyenn en pleine nuit si jamais un Excavarenne assez fort pour soulever vingt fois son poids avait besoin de se faire convaincre de le suivre.

Une fois la tente pliée, Siebtze ne la prit pas sur son dos. Elle la transporta à la main, après avoir indiqué à Omani la direction générale de l’enclos. Le pêcheur se dépêcha d’aller remplir sa part de la mission tandis qu’elle sortait du village.

Dans un monde idéal, Siebtze aurait pu attirer et dominer le Carchacrok en guise de diversion pour laisser le champ libre à Omani. Étant donné que le Démon des Sables n’était qu’un pion et que sa véritable cible était le soldat, la contrebandière se garda bien de faire du bruit trop tôt. À la place, elle grimpa à mi-hauteur de la dune qu’elle avait choisie et se retourna pour observer le village en train d’être volé, la tente posée dans le sable à quelques mètres d’elle.

Le pêcheur ne se débrouillait pas mal du tout. Il avait trouvé le bon Excavarenne malgré la pénombre, et l’avait réveillé sans l’agacer ; il avait même eu l’idée de lui capturer un Nodulithe pour avoir une friandise à offrir. Le Pokémon de bât ne fit pas le difficile pour abandonner la chaleur de son troupeau et s’aventurer avec le Dresseur dans le froid de la nuit.

Une bonne chose de faite, pensa Siebtze. Maintenant, le petit spectacle. La lune fournissait autant de lumière que nécessaire, et elle s’était placée juste assez haut sur la dune pour être en plein dedans.

Elle passa ses mains dans son cou, et tira le collier où pendaient ses deux poignards. Il suffisait d’un geste pour les dégager du nœud lâche qui les gardait accrochés, et la contrebandière fut rapidement armée d’une griffe de Carchacrok dans chaque main.

Elle s’accroupit et commença à les frotter contre le sable, en rythme, alternant les mouvements secs et les lents effleurements.

Omani arriva avant que ce flemmard de Démon n’ait entendu le défi ; Siebtze s’interrompit à peine le temps de l’envoyer vers la tente avec l’Excavarenne, et puis reprit sa danse immobile. Elle aurait pu commencer plus tôt, sans s’embêter à attendre le pêcheur… Elle aurait surtout pu directement aller mutiler le Démon, vu comme il semblait avoir le sommeil lourd ; mais dans ce cas Omani n’en aurait rien su.

Enfin, une tête triangulaire se pointa au-dessus des tentes, non loin de l’Arbre à contes. Le Carchacrok avait entendu. Il délia ses membres noueux et s’élança avec un dandinement comique vers la lisière du village. Il répondait.

Siebtze sourit. Le Pokémon était puissant et sûr de lui ; elle était calme, attentive. Il n’avait aucune chance. Elle se releva à moitié, gardant les genoux légèrement pliés et le buste incliné.

Le prédateur s’arrêta bonne distance devant elle, dans l’ombre. Il était indécis. Il voyait une humaine porter deux griffes de sa propre espèce, deux griffes qui venaient de le défier. Il ne sentait aucune peur.

La contrebandière inspira une goulée d’air, et produisit un sifflement d’intimidation. Le bruit perçant fit sursauter Omani, mais ni elle ni le Carchacrok ne lui prêtèrent la moindre attention. Lui avait déjà peur ; lui n’était pas dangereux.

Le Démon se ramassa sur lui-même en réponse, prêt à bondir. Le cou au ras du sol, la gueule entrouverte, les griffes dressées, prêt à attaquer la faille qui se présenterait. Et finalement, il lança le défi auquel un Démon des Sables n’avait pas le droit de répondre. Un grognement grave qui arracha presque un soupir de soulagement à Siebtze. Flemmarde comme la bête avait l’air d’être, la contrebandière n’avait pas été certaine d’obtenir ce cri-là avant que ses propres vocalises n’aient réveillé le reste du village.

Elle gronda en réponse.

La gorge humaine n’était pas capable de bruits très impressionnants, mais le Carchacrok estima que c’était un défi suffisant. Il avait appelé à un combat pour la place dominante ; on lui avait répondu ; il bondit avec un feulement d’intimidation.

Une passe très classique, vraiment. Il avait visé la gorge, et laissé traîner une griffe vaguement vers le bas au cas où elle se baisserait, sans penser à ce qu’il pouvait faire de l’autre ou de sa queue. Siebtze s'effondra juste au bon moment pour échapper à ses crocs et placer un genou sur le chemin du bras du Carchacrok. Elle n’eut qu’à lever le bras au passage pour lacérer la cuisse du reptile, qui se rattrapa maladroitement dans le sable.

Elle était debout et en position de combat avant qu’il eut fini de se retourner. Il cracha sur elle, un bruit étranglé qui tenait plus ou moins lieu d’insulte. Hors de question de répondre à ça, surtout qu’il restait plus rapide qu’elle même avec un handicap.

Et le dragon ne tarda pas à commettre l’erreur d’attaquer de nouveau. Ce n’était pas mieux : il avait armé ses bras en croix pour la cisailler. Elle se jeta sous ses jambes la tête la première en dardant ses poignards sur les côtés.

Le mouvement était simple, mais il fallait être exactement synchronisé pour le réussir, et Siebtze ne fut pas surprise quand la griffe qu’elle portait à la main droite ripa contre les écailles du Carchacrok.

La griffe gauche se planta dans le tendon extenseur de la patte, et lui fut arrachée par la vitesse à laquelle le Démon passait au-dessus d’elle. C’était sans importance.

Le Carchacrok se vautra dans le sable, incapable de prendre un appui sur cette patte. Il commença immédiatement à se tortiller pour se relever ou s’enrouler, mais il négligea de laisser ses deux bras en défense, et Siebtze avait déjà bondi debout : elle n’eut aucun mal à lui planter sa griffe restante dans l’épaule et à scarifier le muscle. Elle n’obtint qu’un couinement de protestation en réponse et faillit se faire éborgner par l’autre bras du dragon, toujours valide, mais c’était suffisant. C’était terminé.

La contrebandière repassa tranquillement du côté des pattes arrière pour récupérer son autre poignard, évitant un coup de queue sans grande difficulté, et passa ses lames dans le sable pour les nettoyer du sang noir qui les imbibait. Alors, enfin, le Carchacrok comprit pourquoi son ennemi n’avait jamais eu peur de lui. Il baissa la tête et émit un couinement de soumission résigné. Siebtze piailla agressivement pour l’accepter.

« Non ! »

Le cri venait du village. Un regard suffit à Siebtze pour confirmer ce qu’elle pensait : le vacarme avait sorti le Guerrier de son lit, et il se précipitait vers eux l’épée à la main sans vérifier ce qui se cachait aux alentours.

Il disparut soudain, du mouvement disgracieux d’un homme qui trébuche. La contrebandière ricana. Voilà qui allait s’avérer encore plus facile qu’elle ne le pensait.

Un éclair d’argent fusa dans la pâleur lunaire, prenant Omani par surprise. Lanius s’était pourtant posté un pas derrière lui une bonne nute plus tôt, quand l’humaine et le dragon en étaient déjà aux préliminaires. Maintenant le Scalpion se précipitait à l’endroit où il devinait la signature de l’Exagide. Les manigances d’un Spectre sentaient bon la proie offerte pour le type Ténèbres.

Le Guerrier des Sables ne réapparut — à l’endroit parfait pour assommer Siebtze — que pour voir son épaule poignardée par Lanius, et sentir son épée échapper à sa main. La Dresseuse hocha la tête avec appréciation, après à peine un regard pour le Guerrier. L’homme et sa monture blessés et incapacités de la même façon, voilà qui ne manquait pas de poésie.

La contrebandière et son Pokémon s’éloignèrent sans un regard en arrière, pas même pour Omani. Ce dernier resta figé, mais l’Excavarenne assis à côté de lui fut plus réactif : il rejoignit Siebtze en quelque bonds, et lui lécha gentiment le bras pour la reconnaître comme dominante. Elle leva la main pour lui gratouiller le menton avec un sourire, et le monstre de bât produisit bientôt un ronronnement digne d’un roulement de tambour en réponse.

« Tu viens, Omani ? demanda-t-elle chaleureusement. Nous avons notre Excavarenne. Et prends aussi la tente.

— Je… hésita-t-il avant de déglutir. Siebtze, euh… Pourquoi n’emmenons-nous pas le Guerrier ?

— Tu es censé leur trouver une faiblesse, non ? Ces deux-là resteront hors-combat pour un bon mois, et je ne crois pas que tu aies appris grand-chose d’eux. Quel dommage. »

Elle entendit distinctement le murmure choqué du pêcheur. Eh bien, il était plus que temps qu’il commence à être terrifié par sa partenaire de route. Cela ne rendrait sa dépendance que plus douloureuse, et elle saurait jouer là-dessus le moment venu.

Omani était aussi un soldat. Il ramassa la tente et obéit à ses ordres, non sans s’appesantir longuement sur le sang versé sur le sable. Ce ne fut que quand Siebtze eut atteint la crête de la dune qu’il se mit à courir pour la rattraper, abandonnant derrière lui Kiktase et son Guerrier.

***
Yspèri, bastion de l’Ordre, se terrait sous la ramure généreuse de son Arbre pour se protéger de l’éclat de plomb du soleil. Aixed avait toujours trouvé cette vue réconfortante, paisible. Le vieil arbre qui avait vu naître Gorbak et recueilli son corps était bien moins sévère que les arêtes de pierre de la Forteresse effondrée.

Elle savait qu’aujourd’hui elle y apportait le conflit, et le dôme de verdure ne lui apportait plus aucun réconfort.

Il lui sembla, en regardant le fourmillement d’activité familier, qu’elle ne reviendrait plus jamais ici. C’était idiot, bien sûr ; Onis ne la tuerait pas. Il ne le ferait pas, alors qu’elle-même, si, et elle était si certaine d’elle-même qu’elle repoussait violemment la moindre pensée à ce sujet.

S’il avait suffi de le vouloir pour faire disparaître les idées idiotes… Yspèri formait un tableau paisible. Là, des Guerriers rentrant d’un mois ou un an passé à patrouiller dans le désert se reposaient avant de repartir. Ici, et dans les branches, des Maîtres encadraient des novices et forgeaient leurs corps et leurs esprits. Un troupeau de Démons se prélassait dans le sable, au soleil. Aixed ne put s’empêcher de graver ces images dans sa mémoire.

Son Démon releva tourna la tête vers elle, intrigué qu’elle prenne son temps, et elle lui flatta le museau avec un soupir distrait. Il avait raison. S’ils ne courraient plus, elle pouvait aussi bien descendre de son dos, histoire qu’il puisse se mettre debout.

La Guerrière fit machinalement le chemin jusqu’à la tente de Cara. C’était quelque chose que le nouveau bastion avait d’agréable : il était bien moins labyrinthique et on y trouvait bien plus facilement quelqu’un. Cela n’empêcha pas Aixed de passer par la Combe du Garde et de faire Maître Zika noter sa présence. Peut-être cela n’était-il plus utile, la Forteresse n’étant plus, mais Aixed n’avait aucune intention d'abandonner la tradition.

La tente de Cara était vide, ce qui n’étonna pas Aixed. Ces derniers temps, depuis qu’elle avait de plus en plus de mal à se déplacer, la Maîtresse de Guerre aimait bien rester au pied de l’arbre. On lui réservait sa racine, depuis le temps, et l’écorce elle-même s’était adoucie pour accueillir cette visiteuse régulière.

Cara somnolait, une vieille femme usée et lasse. La Guerrière hésita un instant avant de la réveiller. Elle ne souhaitait pas terminer ses jours ainsi. C’était le lot de chacun, dans le désert, de voir sa force disparaître soudain et de s'effondrer en une poignée d’années, et Aixed n’en voulait pas. Gorbak avait été tué. Son apprentie espérait pouvoir suivre le même chemin — partir par surprise, sans prévenir et sans souffrir.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda la Maîtresse de Guerre quand Aixed lui secoua l’épaule.

— C’est moi, Aixed. J’espérais revenir un peu plus fière, mais j’ai besoin de cette flèche que vous avez rassemblée.

— Hmm. Tu es en retard. »

Cara avait dit cela avec ironie, mais elle avait raison et Aixed détourna les yeux.

« Je sais, admit-elle. Je me suis acharnée, et Onis y a gagné un avantage. Je ne répéterai pas cette erreur, Maîtresse.

— À ce que je vois, tu l’as perdu, corrigea Cara. As-tu vraiment besoin d’une flèche pour aller t’occuper d’un village ?

— Non, je ne l’ai pas perdu. Il a lié nos épées pour dissimuler le village. Je ne peux traquer que lui. »

Cela arracha un autre grognement maussade à la Maîtresse de Guerre. Onis avait trahi l’Ordre, mais lui et Aixed avaient aussi indiqué que le village était plus dangereux. La Guerrière s’était faite avoir et elle le savait.

« Tu auras besoin de courir assez vite pour le rattraper, alors, murmura Cara. Une flèche de treize.

— Si vous avez autant de Guerrier dont vous pouvez vous passer.

— Ça ira. Onis à part, il n’y a pas de problème demandant une intervention en force… Oh, j’aimerais bien retrouver le village, mais toi seule pourrait en reconnaître les habitants s’il n’y a aucune marque dessus. »

Seul le silence bruissant du vent et du campement répondit à Cara. Elle n’avait peut-être pas besoin d’insister autant sur ce point, pensa Aixed.

« Tu sais où aller, conclut la Maîtresse de Guerre.

— Je ne vous décevrai pas. »

C’était un mensonge. Mais Cara n’avait pas besoin de le savoir. Elle pouvait se contenter d’une promesse. Et peut-être, quand Aixed reviendrait et quand la vérité éclaterait, Cara serait-elle morte et elle n’aurait pas à affronter sa réprobation. La Guerrière pouvait faire face à n’importe qui, mais la vieille Cara avait su reprendre la place de Gorbak et s’ériger en mentor.

Elle se leva et s’éloigna vers une combe oisive, un endroit où les Guerriers sans affectation pouvaient attendre qu’on ait besoin d’eux.

Il y en avait une non loin, exposée au soleil à cette heure de la journée. Cela n’empêchait pas deux hommes d’une quarantaine d’années de s’affronter en duel, répandant une pluie de sueur sur le sable. Ils lui rappelaient Jelio et Icor, les deux novices qui n’arrêtaient pas de se bagarrer quand elle avait été initiée à la Forteresse. Ils avaient la même exubérance libre, déliée. Jelio était mort quand elle s’était effondrée, rentré à la maison le mauvais jour, et Icor s’était fait dévorer par son épée. Aixed ne les avait jamais regrettés, mais voir ces deux sabreurs se jeter l’un sur l’autre lui pinça le cœur.

Elle et Onis aussi avaient eu ce genre de duels. Elle chassa cette pensée. Les deux Guerriers n’étaient pas mauvais, décida-t-elle, mais elle n’allait pas s’ennuyer à les regarder.

Ils avaient déjà une poignée de spectateurs. Elle en trouverait d’autres en allant fouiner dans les tentes. À vue de nez, il pouvait y avoir une vingtaine de personnes au total dans cette combe, et les trois autres seraient sans doute aussi peuplées. C’était bien. Elle pourrait choisir.

« Le sable luit sous vos pas, salua-t-elle en s’asseyant à côté d’une sœur.

— Le sable luit sous vos pas, la Guerrière la salua-t-elle en retour. Pradden Inal-Tsalik.

— Aixed Inal-Gorbak.

— La foldingue qui s’est battue contre une montagne et a gagné ? Enchantée. Je suis surprise de vous voir sans votre frère Onis, ceci dit.

— Je le traque. »

Pradden baissa les yeux, confuse. Puis leva le bras, légèrement hésitante, et le posa sur l’épaule d’Aixed. Il n’y avait pas besoin de plus de mots.

Comprenait-elle ce que c’était ? La rage froide qui nouait le ventre d’Aixed depuis des jours, des semaines ? Ou bien voulait-elle simplement dire qu’elle était là et qu’elle voulait faire ce qu’elle pouvait ? C’était sans importance. Ça n’avait jamais eu d’importance.

« Parle-moi de nos siblings oisifs, demanda Aixed. Ceux que tu connais. »

Elle était peut-être en train de jouer un très mauvais tour à Pradden. Mais il fallait qu’elle le fasse. Il le fallait, parce qu’elle était faible et fébrile, incapable de vaincre seule l’homme qui avait été son frère, et qu’une flèche arriverait trop tard.

« On t’a envoyée ici chercher une flèche, hein ? Bien, bien… Les deux duellistes sont Matrajis et Aktel. Un peu prétentieux.

— Ça alors.

— Oui, tu vois ce que je veux dire… Ils n’ont rien dans le ventre. Je les regarde depuis tout à l’heure en espérant qu’ils vont finir par interpréter une figure intelligemment ou au moins avec un peu de subtilité, mais je pourrais aussi bien dormir.

— Ils ont l’air classicistes, oui. »

Aixed nota mentalement de ne pas les prendre. En revanche, elle irait leur demander des informations, tout à l’heure. S’ils étaient un tant soit peu fiers de leur respect de la tradition, ils pourraient bien être ses meilleurs alliés pour trouver qui elle cherchait.

Pradden lui plaisait bien, au contraire. Elle était franche et ne craignait pas de manquer de respect à ses siblings. Elle avait de bonnes chances de faire l’affaire… et Aixed ne le saurait qu’en demandant à quelqu’un d’autre.

« Ensuite, là-bas, il y a Hajras, Tirtiga, Drodjus… »

La Guerrière se laissa confortablement emporter dans le plaisir simple de récolter les ragots dont sa sœur semblait friande. Elle était en retard, après tout. Ce qui signifiait qu’elle pouvait prendre tout le temps qu’elle voulait. Elle se sentait même d’humeur à taper la discute une fois que Pradden aurait terminé son exposé.

Elle grimaça légèrement en décidant qu’elle ne le ferait pas. Elle avait hâte de partir, une attente pressante qui tournait en boucle entre ses oreilles et menaçait de noyer les paroles de sa sœur.