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Pokémon : L'étoile d'Arkephyr de Arkephyr



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Informations

» Auteur : Arkephyr - Voir le profil
» Créé le 17/10/2022 à 13:32
» Dernière mise à jour le 23/07/2023 à 18:44

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Région inventée   Romance

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[L] Avec toi
Je suis incapable de bouger. J'ai le sentiment que le temps est suspendu, et que le moindre de mes mouvements lui fera inéluctablement reprendre son cours.

Combien de minutes se sont écoulées depuis que cet homme s'est donné la mort ? Dix ? Vingt ? Ça n'a aucune importance. J'aurais peut-être dû contacter les secours ou la police, mais je ne suis même pas certaine de pouvoir encore produire le moindre son.

– Lucille ?

La voix de Thomas me sort de ma torpeur. J'écarquille les yeux et me tourne vers mon ami, qui accourt vers moi pour me prendre dans ses bras. Je sens mes nerfs craquer brusquement, et les larmes m'échappent sans que je puisse les retenir.

– Je suis désolée... je sanglote d'une voix brisée. Il a...

Mes mots s'étouffent avant de quitter mes lèvres. Décrire ce qui vient de se passer est bien au-dessus de mes forces, et je suis déjà prise de nausées en apercevant le corps inerte devant moi.

– Je sais... souffle Thomas d'une voix grave et rassurante. C'est fini, maintenant.

J'enfouis ma tête dans le creux de son cou tandis qu'il renforce son étreinte, et je m'autorise à fermer les yeux pour m'enivrer des arômes boisés de son parfum.

Nous restons ainsi quelques secondes, avant que mon ami ne se décide à rompre le charme pour revenir à la terrible réalité. Il sort de sa poche un vieux téléphone à clavier, puis compose un numéro avant de rejoindre son Dracaufeu près du cadavre du champion.

– Bonjour... murmure-t-il après un instant. Je vous appelle pour signaler un suicide, à l'arène de Vulcanor.

Thomas coupe aussitôt la communication et range son téléphone. Il se baisse alors pour ramasser quelque chose, puis fait signe à son Pokémon de le suivre.

– On s'en va... déclare-t-il en croisant mon regard. Les autorités ne vont pas tarder à arriver.

J'acquiesce en silence et emboîte le pas de mon ami sans lui poser de questions. Cette situation est surréaliste – je ne suis même plus certaine d'être capable de distinguer le bien du mal.

Thomas est peut-être quelqu'un de dangereux, mais il a au moins le mérite d'être là. Et je ne veux pas qu'il s'en aille.

– Tiens-toi prête... me souffle-t-il en posant une main réconfortante sur mon épaule. On décolle dès qu'on sort de l'arène.

Je me surprends à secouer doucement la tête en signe de refus. Rester à Vulcanor n'est assurément pas une bonne idée, mais je ne peux pas quitter la ville comme ça.

– J'aimerais d'abord passer par le Centre Pokémon... je murmure en implorant mon ami du regard. Je voudrais au moins dire au revoir à Poussifeu.

Thomas soutient mon regard en pinçant les lèvres. Il semble hésiter un instant, puis laisse finalement échapper un léger soupir.

– Deux minutes... concède-t-il avec une moue inquiète. Pas plus.

J'acquiesce et esquisse un faible sourire pour le remercier. Je mesure pleinement le risque que je lui fais prendre, mais je ne peux pas me résoudre à mener moi-même une vie de fugitive.

– Attends... je souffle lorsque nous apercevons la lumière du jour en sommet des escaliers. Tu auras besoin de ça.

J'ôte mon sweat à capuche pour le rendre à son véritable propriétaire, en songeant que je n'hésiterai pas à le lui piquer de temps en temps, autant pour le confort du vêtement que pour son odeur.

– Tu devrais le garder... me conseille Thomas. Si jamais ils te cherchent, je ne veux pas que...

– Ils ne me cherchent pas... je coupe en secouant la tête. Steve l'a dit lui-même aux informations ce matin.

Le regard de mon ami s'assombrit aussitôt à la mention du capitaine de gendarmerie. Il ne fait cependant aucun commentaire et se contente de revêtir le sweat avant d'abaisser la capuche sur sa tête.

Thomas me fait monter la première sur le dos de son Dracaufeu, avant de s'installer derrière moi pour me protéger de ses bras. Il talonne alors son Pokémon pour nous éloigner au plus vite de cet endroit maudit où je ne mettrai plus jamais les pieds.

Nous survolons Vulcanor dans un silence de plomb. Les cendres continuent de pleuvoir abondamment sur la ville et nous enveloppent dans une espèce de brouillard grisâtre qui nous camoufle autant qu'il nous gêne.

Ça ne semble cependant pas perturber mon ami qui évolue dans les airs avec une aisance déconcertante.

– Je reste ici... déclare-t-il lorsque nous atterrissons enfin. Ne traîne pas.

– Vous feriez mieux de rentrer tous les deux... intervient alors une voix familière.

Je sursaute légèrement avant de reconnaître l'infirmière du Centre Pokémon. Cette dernière a les yeux rivés sur Thomas, mais son regard ne trahit aucune forme d'inquiétude.

– Alice préférerait te savoir à l'abri... ajoute-t-elle d'un air entendu. Il y a déjà des voitures de gendarmerie qui patrouillent.

Mon ami plisse les yeux avec méfiance, mais l'argument semble l'avoir convaincu. Il finit par hocher brièvement la tête et la suit sans discuter à l'intérieur du bâtiment.

Se pourrait-il que ces deux-là se connaissent ? L'infirmière est à peine plus âgée que moi – elle devait sans doute être une gamine lorsque Thomas parcourait la région pour devenir Maître Pokémon.

Et qui est cette Alice dont elle parle ?

– Ravie de faire enfin ta connaissance... lance notre hôte avec un sourire enjôleur qui ne me plaît pas du tout. Ta réputation te précède.

Thomas ne se montre pas sensible à son charme. Il reste sur la défensive et étudie attentivement le hall du Centre Pokémon pour s'assurer qu'il n'y a personne d'autre que nous.

– Alice est ici ? demande-t-il dans un grognement.

L'infirmière secoue la tête avec une moue désolée. La réponse semble convenir à mon ami, puisqu'il consent enfin à se détendre.

– Elle s'est installée à Lunapolis... précise-t-elle néanmoins. Elle est très occupée depuis quelques temps.

J'ai comme l'impression d'être de trop dans cette conversation. Même si Thomas ne fait rien pour nourrir la discussion, je n'aime pas être mise à l'écart de la sorte.

– Comment va Poussifeu ? je demande avec impatience.

La jeune femme se tourne vers moi et semble presque surprise que je l'interrompe, comme si elle avait oublié ma présence dans la pièce.

– Beaucoup mieux ! répond-elle avec enthousiasme. Ses jours ne sont plus en danger. Tu peux aller le voir, si tu veux !

Je me tourne spontanément vers Thomas.

– Tu viens avec moi ? je demande en plantant mon regard dans le sien.

Mon ami hoche immédiatement la tête. La perspective de parler plus longtemps de cette Alice ne l'enchante visiblement pas.

– On prendra aussi une chambre pour deux, j'ajoute à l'adresse de l'infirmière. Avec pension complète.

La jeune femme esquisse un sourire énigmatique avant de nous laisser tranquilles. Le rouge me monte aux joues lorsque je croise à nouveau le regard de Thomas, mais je détourne rapidement les yeux avant de rejoindre la salle des urgences où se trouve Poussifeu.

Le Pokémon entrouvre ses yeux noirs en m'entendant approcher.

– Coucou, toi ! je souffle avec émerveillement. Je suis tellement contente de te voir !

Le pauvre petit doit probablement se demander qui je suis. Il était déjà inconscient lorsque nous l'avons trouvé – c'est donc la première fois qu'il voit mon visage. Pourtant, je crois distinguer dans son regard une lueur de reconnaissance, comme s'il était conscient de tout ce que j'avais fait pour lui venir en aide.

– Voilà au moins une bonne nouvelle aujourd'hui... commente sombrement Thomas en s'asseyant sur une chaise près d'une fenêtre.

Je me tourne vers mon ami avec une mine sincèrement inquiète. Dans d'autres circonstances, je lui en aurais probablement voulu du plomber l'ambiance de la sorte, mais la situation est extrêmement grave.

Un homme s'est donné la mort devant moi. Et bien que je n'en sois pas directement responsable, je ne peux m'empêcher de penser qu'il serait encore en vie s'il n'avait jamais eu le malheur de croiser ma route.

– Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? je demande d'une petite voix.

Thomas hausse les épaules avec indifférence.

– Pas grand-chose... répond-il d'un ton détaché. Au mieux, l'affaire sera étouffée. Au pire, Steve Erzat trouvera un moyen de me faire porter le chapeau.

Les dernières paroles du champion me reviennent brusquement en tête.

– Tony a dit qu'il travaillait pour lui... je réalise en écarquillant les yeux. Et qu'il voulait à tout prix me récupérer.

Mon ami ne semble pas surpris. Encore une fois, je réalise qu'il en sait plus qu'il ne veut bien l'admettre, et ça me met hors de moi.

– Je te dirai tout le moment venu... promet-il avant que je ne commence à protester. Je te demande juste d'être patiente et...

Il s'interrompt avant de laisser échapper un nouveau soupir.

– Et ? j'insiste avec impatience.

Thomas croise mon regard et apparaît vulnérable pour la première fois.

– Et de me faire confiance... ajoute-t-il faiblement.

Je le fixe longuement et finis par acquiescer en silence. Cette région abrite de lourds secrets, et j'ai déjà eu mon lot d'émotions pour les semaines à venir. La perspective de me retrouver mêlée à tout ça est terrifiante, mais je suis certaine de pouvoir endurer les épreuves avec mon ange gardien à mes côtés.

– Je crois que je peux faire ça... je susurre avec un léger sourire. Mais j'aurais quand même une petite question à te poser...

Thomas lève les yeux au ciel.

– Alice est la petite sœur d'une amie avec qui j'ai voyagé il y a dix ans... répond-il sans que j'aie besoin d'en dire plus. Et ça fait au moins autant de temps que je ne l'ai pas vue.

Je hoche doucement la tête. La réponse n'est pas aussi complète que je l'espérais, mais je devrai m'en contenter pour le moment.

Rien ne l'obligeait à me répondre, après tout.

– Ne va pas t'imaginer que je suis jalouse... je bougonne en gonflant mes joues. Je suis curieuse, c'est tout.

Mon ami esquisse un sourire, mais je sens bien que le cœur n'y est pas. Ces derniers événements l'ont affecté bien plus que je ne l'imaginais, et révèlent une fragilité que je ne lui connaissais pas.

– Pou... Poussi ?

Je sursaute légèrement en me tournant vers Poussifeu. J'avais presque oublié le petit pensionnaire, qui a fait l'effort de se redresser malgré tous les fils attachés à son corps.

– Ne force pas ! je murmure avec douceur en me rapprochant de lui. Il faut encore que tu te reposes, d'accord ? Je passerai te voir demain matin avant de partir, c'est promis.

Le Pokémon m'observe avec beaucoup de curiosité, mais je ne saurais dire s'il comprend ce que je lui raconte.

L'infirmière fait irruption dans la pièce au même moment. Elle nous gratifie d'un sourire et consulte ensuite les écrans de ses machines pour vérifier les constantes de Poussifeu.

– Il sera complètement rétabli demain... assure-t-elle en préparant une seringue. D'ici là...

Elle administre un sédatif au petit Pokémon qui se laisse faire sans broncher.

– Fais de beaux rêves, mon grand.

La jeune femme lui caresse la joue avec son index, puis se tourne vers nous pour nous faire signe de sortir. Les horaires des visites étant règlementés, nous ne pouvons pas nous éterniser à son chevet.

– Votre chambre est prête... ajoute-t-elle avec un air malicieux. Vous pouvez aller vous reposer, avant l'heure du déjeuner.

– Bonne idée ! je lance en faisant fi du sous-entendu. Je suis crevée.

Thomas se montre quelque peu hésitant, mais je l'invite à me suivre d'un signe de tête. Il ne va quand même pas commencer à faire des manières, après toutes les nuits passées ensemble à la belle étoile !

Je récupère les clés et me dirige d'un pas vif vers la chambre. Les gendarmes ont certainement retrouvé le corps du champion à l'heure qu'il est, et il n'est pas exclu que quelqu'un m'ait aperçu aux abords de l'arène – l'infirmière pourrait d'ailleurs nous avoir balancés aux autorités.

– Whaouh... je m'exclame en écarquillant les yeux. C'est... grand.

Je ne m'attendais pas à trouver des chambres aussi spacieuses dans un Centre Pokémon. Celle-ci semble avoir été conçue pour accueillir une famille, avec un grand lit au milieu et deux petits lits superposés pour les enfants.

Nous ne risquons pas de souffrir de claustrophobie.

– Ça fait tellement du bien... je soupire en me laissant tomber sur le grand matelas.

Je relève légèrement la tête pour accrocher le regard de Thomas, qui se tient raide comme un piquet devant la porte.

– Tu peux venir me rejoindre... je lance d'un air taquin en désignant la place à côté de moi. Je ne vais pas te manger.

Je ne sais pas ce qui me pousse à le provoquer de la sorte, d'autant plus que je suis morte de trouille à l'idée qu'il accède à ma demande. Mais j'aimerais pouvoir aussi lui changer les idées et comprendre ce qui le tracasse à ce point.

– Je vais aller prendre ma douche... répond-il après un instant.

Je ne compte plus les fois où il repousse mes avances, mais je sais que je finirai par l'avoir à l'usure.

Thomas a beau feindre l'indifférence, je sais qu'il tient à moi plus qu'il ne veut l'admettre. Il a consacré des jours entiers à l'entraînement de mes Pokémon. Il a reçu une flèche à ma place lorsque je me suis fait agresser après ma victoire contre Iona. Il m'a libéré de l'emprise de Steve Erzat après qu'il nous ait trouvés dans la source chaude.

Et il se tenait encore à mes côtés ce matin, alors que nous étions supposés ne plus nous revoir.

– Il a des sentiments pour moi... je murmure en esquissant malgré moi un sourire niais.

Je récupère mon smartphone et navigue quelques instants sur la toile en attendant qu'il termine sa douche, mais je sens mes paupières se fermer malgré moi.

– C'est pas le moment, Lucille ! je râle d'une voix éteinte en me donnant des petites claques.

Rien n'y fait. Ma fatigue est trop importante pour que je puisse lutter indéfiniment, et je finis par sombrer dans un sommeil tourmenté.

Je me retrouve à nouveau prise au piège dans cette caverne. Je suis désespérément accrochée au cou d'un Pokémon Dragon que je ne parviens pas à identifier, et ce dernier vole à toute vitesse dans un tunnel beaucoup trop étroit pour lui.

Je risque un regard en arrière et aperçois avec horreur le gigantesque reptile couleur émeraude. Sa forme longiligne lui permet d'évoluer plus rapidement que moi dans son environnement, et il ne devrait plus tarder à me rattraper.

Le monstre ouvre alors sa gueule en grand pour laisser apparaître une boule d'énergie menaçante.

Je n'ai plus aucun espoir de m'en sortir.

– LAISSE-MOI !

Je me redresse brusquement sur mon lit, le corps en sueur. Thomas me rejoint aussitôt pour me prendre dans ses bras, et je sens mon angoisse se dissiper d'un seul coup.

– C'est rien... souffle-t-il pour me rassurer. Je suis là.

J'aimerais lui répondre que tout va bien désormais, mais le sommeil m'emporte à nouveau sans que je puisse prononcer le moindre mot.

Mes lèvres s'étirent néanmoins en un sourire paisible lorsque je sens les siennes se poser sur mon front.