Chapitre 6 : Seuils
Sans guère savoir pourquoi, Omani se rappellerait ce moment. La première fois qu’il aurait eu le réflexe de porter sa main gauche à sa ceinture au lieu de la droite, pour être prêt à libérer Saïyenn de sa Poké Ball plutôt qu’à s’emparer de sa hache.
L’hostile ne le justifiait absolument pas. Ce n’était qu’un petit Scalpion, accroupi sur un renflement au-dessus du sentier rocailleux et qui les regardait approcher d’un air drôle. Bien sûr, le Pokémon était entièrement composé d’Acier et aurait pu tenir un bretteur en respect pendant au moins quelques minutes ; mais son armure le laissait sensible aux coups violents. Et une hache de bois solide et correctement coupée était largement en mesure d’en asséner, sans même avoir besoin d’être munie de ses lames.
Siebtze s’avança de quelques longues enjambées assurées, déliées, et une impression retint le Garde Royal. Il avait déjà vu ça. Il n’avait pas à intervenir.
Le petit corps métallique se détendit souplement et bondit tout droit dans les bras tendus de la contrebandière, qui le réceptionna sans paraître sentir ses dix kilogrammes et le serra brièvement contre elle. Sa posture était étrange, retenue, et Omani devina que c’était pour éviter de se planter une demi-douzaine de lames entre les côtes ; mais ce qui l’étonna le plus fut le visage du Scalpion, qui ferma les yeux et enroula ses bras tranchants autour du cou de Siebtze.
« Tu es une Dresseuse, nota platement Omani.
— On dirait bien, sourit Siebtze en reposant le Scalpion au sol. Mais je n’aime pas emmener Lanius sur la côte… j’espère ne pas avoir besoin d’expliquer ?
— Non, je crois deviner le problème. »
Le Garde Royal s’autorisa un mince sourire. Lui aussi, certains jours, aurait souhaité que tous les Dresseurs ne soient pas enrôlés dans la Garde Royale. Quand bien même Zalan lui avait donné une seconde maison, une seconde famille et une nouvelle vie, quand bien même son pays le considérait comme un héros ; il aurait bien aimé pouvoir continuer de vivre simplement et se contenter de pêcher de quoi nourrir une famille ou deux. Saïyenn à ses côtés, toujours, sa présence non négociable — Saïyenn mais pas le reste du monde.
Le Scalpion lui jeta un regard rapide, un peu hautain, à peine suffisant pour évaluer ce qu’il valait, et puis se retourna vers le Col des Siroccos qui s’ouvrait devant eux. Le sentier montait de la Cecladar, ce qui en faisait une route indirecte, mais il était inutile d’approcher le Col de face : un éboulis instable, en contrebas, demandait du matériel d’escalade ou beaucoup de sang-froid pour être passé. Aussi avaient-ils longé les pics de la Barrière du Désert depuis deux jours, avant d’arriver à ce point où le versant de roche pouvait plus aisément être surmonté. Une route parsemée de détours, mais jamais vraiment difficile.
Une pensée étrangère effleura l’esprit d’Omani, suscitée d’une façon ou d’une autre par la vue de la porte des montagnes proprement dites dans lesquelles ils passeraient les prochains jours.
« Il n’y a pas de Dresseurs dans le désert non plus, pointa-t-il.
— Lanius est un compagnon de solitude, énonça Siebtze. Je le cache de plus ou moins tout le monde, et nous ne nous retrouvons que dans les endroits les plus arides.
— Eh bien, enchanté de faire ta connaissance, Lanius, » conclut Omani.
À sa propre surprise, le Scalpion se retourna brièvement pour lui faire un signe de main à hauteur du torse. Le Garde Royal ne s'était pas attendu à ce qu'il réagisse à une autre voix que celle de sa maîtresse — mais il fallait reconnaître que cette dernière devait lui tenir la bride très courte pour qu’il se retienne d’attaquer un étranger sans jamais avoir vu d’autre humain. Sans parler du fait qu’il était resté seul dans ces montagnes pendant des jours, abandonné en apparence, et qu’il avait attendu le retour de Siebtze.
« On quitte le sentier, annonça cette dernière. J’ai une cache un peu plus haut sur la paroi, on y laissera les affaires côtières. »
Omani accentua un peu plus le jugement qu’il portait sur le duo. Lanius avait servi à monter la garde : il était raisonnablement dangereux, et Siebtze était une Dresseuse aussi compétente que lui. En quelques jours, il avait déjà eu le temps de deviner l’acier sous le velours de ses manières directes et amicales, et voilà maintenant qu’elle révélait qu’elle aurait eu sa place dans la Garde Royale et n’en voulait pas.
La contrebandière s’était lancée dans la pente sans attendre de réponse, et le Scalpion invita du bras Omani à la suivre. Le Garde Royal perçut avec acuité son désavantage, puisqu’il serait entre les deux. Mais n’étaient-ce pas des alliés ? Il remercia le Pokémon d’un signe de tête et suivit l’ascension de Siebtze.
La cache était astucieusement dissimulée, une toile lâche et couverte de graviers et de poussière recouvrant un large coffre de bois encastré dans le sol en pente. Siebtze replia le tissu sans perdre plus d’une poignée de poussière que le prochain sirocco rembourserait largement, et ouvrit le couvercle plat. Omani n’eut besoin que d’un coup d’œil pour savoir qu’il n’apprendrait rien en étant indiscret : toutes les possessions de la contrebandière étaient enveloppées dans des sacs de tissu. Ils n’étaient même pas fermés. Il la vit tout de même ôter la broche qu’elle avait transféré de ses vêtements de la côte à ceux du désert. C'était la façon côtière d'indiquer sa religion, après tout. Le pêcheur ne connaissait pas ce symbole-ci, et prit note de poser la question un jour.
« C’est parti, commenta Siebtze. Je dois te demander de me passer tout ce qui vient de la côte. Si les Gardes Royaux partagent un bracelet distinctif ou je sais pas quoi sous votre uniforme, et que vous avez pour ordre de ne jamais l’enlever, tu l’enlèves et tu le mets dans le sac.
— On est vingt, ironisa Omani. On fera peut-être ça le jour où on récoltera un idiot, mais tu as déjà tout avec le bleu-djinn et la chemise.
— Mm-hmm. Mais je veux aussi ta hache. »
La main du pêcheur se referma involontairement sur l’arme. S’aventurer dans le désert sans même en avoir une semblait pour le moins… hasardeux. Et puis Siebtze tourna la tête avec un sourire malicieux.
« Tu pourrais bronzer pendant trente ans et on verrait encore au premier coup d’œil que tu viens de la côte. Comme tu es blond, je vais pouvoir te faire passer pour un albinos sans te raser, mais tu n’auras pas le droit de porter d’arme, donc elle sera dans mon paquetage. Et d’accord, si tu veux, je m’arrangerai pour qu’elle soit de ton côté. Chaque fois que j’y penserai.
— Je… vois, accepta Omani. Et je risque de me faire caillasser pour ça, ou ça va ? »
La contrebandière éclata d’un rire cristallin et sincère, et le pêcheur se rendit compte après-coup qu’il n’y avait pas de cailloux dans le désert. Ou seulement très peu ? Il lui semblait qu’il y avait quelques étendues rocheuses.
« Non, aucun risque ! l’assura enfin Siebtze. Tu as remarqué cette pièce rouge cousue à ton col ?
— … Oui. Bien sûr.
— Elle signifie que tu es en paix avec les dieux. Les albinos étaient sous leur regard à leur naissance, donc il peut leur arriver des choses étonnantes. Tu seras censé être pieux, donc inoffensif. Et pendant que tu y es, sois aussi muet, parce que tu ne parles pas la bonne langue.
— Ça tombe sous le sens, grommela-t-il.
— Enfin, conclut la contrebandière en refermant le coffre. Les lances. »
Elle plongea la main dans les graviers le long de la paroi de sa cache, et en tira une demi-douzaine de bâtons en bois ornés d’un éclat d’os plus ou moins convaincant au bout. Ils semblaient cabossés par le temps et la montagne, et les cordages qui tenaient les pointes en place étaient vieux et usés.
« C’est des lances, ça ? persiffla Omani. Belles pièces, dis donc.
— Je sais, je sais. Il faudra que j’en refasse. Mais c’est pas bien grave ; de toute façon tu as ta hache si besoin.
— Donc je prends la mauvaise.
— Non, je prends la mauvaise. Ça te donnera un peu plus de crédibilité, et ce n’est pas comme si j’allais me servir de ce truc. »
Le pêcheur haussa les épaules. Il n’avait jamais apprécié les lances, trop fragiles et trop maladroites : il était de l’avis qu’une bonne arme ne devait pas être plus longue que le bras.
La hache termina dans un carré de tissu que Siebtze replia et accrocha dans son dos avec deux bandes de tissu. Omani s’admit impressionné : elle les avait nouées symétriquement, mais un seul nœud était porteur, et l’autre servait à déployer le tissu pour libérer la hache d’un mouvement. Le tout dans son propre dos, sous le regard amusé de Lanius.
Ils avaient peut-être passé une dizaine de minutes depuis qu’ils avaient rencontré le Scalpion, et en redescendant de la cache vers le sentier menant dans les montagnes, Omani s’aperçut qu’il y avait une question qu’il avait oubliée de poser.
« Avandras sait ? Que tu es Dresseuse ?
— Avandras ? Évidemment, qu’il le sait ! »
***
Les corps les attendaient peu avant d’entrer dans le désert.
Ils étaient sept, des côtiers habillés de loques. On avait du mal à imaginer qu’ils étaient un groupe ; les uns portaient des toiles solides et le bleu-djinn des travailleurs, pas encore déteint par la pluie, quand les restes de riches vêtements de soie s’effilochaient autour d’un autre. Quelques cheveux volaient dans le vent, çà et là, et l’un des cadavres était réduit à un squelette rougi et enrobé de lambeaux poussiéreux de peaux et de vêtements, alors que le plus récent avait à peine été entamé par les Vaututrice venues du désert. Omani réalisa avec stupeur que c’était une femme.
Les corps avaient été empalés sur de solides pieux de bois, et on avait pris un soin maniaque à ce que les pointes sortent, systématiquement, par l’épaule gauche. Les têtes penchaient sur la droite, imitant dans la mort ce qui aurait pu être une légère révulsion dans la vie.
On les avait certainement exécutés avant de les mettre là, afin qu’ils n’aient plus l’idée de tourner le regard et de regarder la mort en face. Omani discerna une tache de sang au niveau du cœur sur une chemise de lin. Ces meurtres n’avaient pas été aussi cruels qu’ils le prétendaient, mais il n’était pas certain que ce soit une bonne chose.
« Quel plaisir de rentrer chez soi, ironisa Siebtze. Elle n’était pas là la dernière fois que je suis passée, elle.
— C’est… Je ne savais pas que…
— Quoi, que les Guerriers entretenaient ces piquets ? Tu m’étonnes, les rares côtiers à passer par là sont assez malins pour ne pas piper mot.
— Mais… Les réfugiés ?
— Est-ce que tu en as déjà entendu un seul raconter son voyage ? »
Le Dresseur y réfléchit un instant. Lui-même, s’il était poussé un jour à fuir Mazaïkan et à se réfugier quelque part où on l’accepterait — n’importe où —, raconterait-il le voyage à quelqu’un ?
« On ne peut pas les décrocher ? demanda-t-il avec dégoût. Leur offrir une sépulture décente, au moins.
— Tu ne ferais qu’en condamner sept de plus. Ces pieux sont là depuis cinq siècles, et je ne serais pas étonnée qu’il y ait déjà eu des petits malins pour avoir l’idée de faire ça.
— Cinq siècles, hein… L’invasion ratée de Karpanjar XVII.
— Tout juste ! La légende raconte que les sept premiers pieux ont été plantés pour ses sept généraux… mais entre nous, je suis plutôt d’avis que les Guerriers ont pris sept soldats au hasard.
— Avançons. Avançons, je ne veux pas rester là. »
La contrebandière partit d’un rire franc, mais elle calqua son pas sur les enjambées nerveuses qui éloignaient Omani du lugubre spectacle. Et elle montra vite qu’elle n’avait pas l’intention de le laisser tranquille avec ça.
« Mais dis-moi, tu es Garde Royal ? demanda-t-elle d’une voix épicée d’une trace de moquerie mielleuse. Tu as certainement déjà combattu ?
— Mes compagnons d’armes. Mes instructeurs. Une poignée de bandits, d’émeutiers, mais aucun soldat de métier n’est assez idiot pour chercher des noises à un Léviator, et même un poivrot ne reste pas pour se faire casser la gueule s’il a ça en face, ou une hache, je pense… »
La main posée sur son épaule ne le calma pas vraiment, mais lui fit comprendre que Siebtze n’avait pas initialement eu l’intention de le faire parler en flot continu pour toute la journée. Et sans doute voulait-elle arrondir un peu les angles, mais Omani ne se rendait même pas compte qu’elle le titillait doucement. Pas encore.
« Saïyenn n’a pas toujours été un Serpent de Sang. Est-ce que tu ne t’occupais pas toi-même des ennuis quand elle n’était qu’un petit poisson ?
— Je n’étais pas Garde Royal en ce temps-là, grogna Omani. N’importe quel idiot peut recueillir un Magicarpe ; c’est de le faire évoluer, qui fait le Dresseur. »
Il avait parlé rudement, mais Siebtze ne s’en offusqua pas et garda la même intonation sobrement provocatrice. Il se rendit compte qu’il n’aurait pas voulu qu’elle se taise, parce qu’il voulait continuer de parler — ils ne faisaient que changer de sujet et chasser la vision sanglante qui s’éloignait derrière eux — et soupira sèchement en acceptant qu’elle en profite pour le narguer. Tant pis, il ne répondrait pas aux piques.
« Je suppose que je ne prends pas bien en compte ton âge, sourit Siebtze.
— Oui, bon, admit Omani en grinçant des dents. Je suis le plus jeune, je sais, et je n’aurais peut-être jamais l’expérience du feu pour ce que ça vaut. Si les frontaliers avaient voulu envahir Mazaïkan, ils ont laissé passer l’occasion et sont allés s’occuper de leurs autres voisins. Et maintenant Saïyenn est en train de devenir trop puissante pour le leur permettre, et je resterai un planton toute ma vie. Je sais !
— Ça, c’est loin d’être sûr, affirma la contrebandière d’un ton soudain sérieux. Tu crois qu’il va servir à quoi, le Guerrier que tu veux ramener du désert ? »
Le pêcheur sentit son cœur rater un battement. Il avait eu l’impression de se figer complètement, mais ils marchaient toujours : il était simplement revenu à un rythme de marche tranquille, celui qu’ils avaient adopté tout le long des jours précédents.
Le Guerrier servirait à la guerre, bien sûr. Lui devait comprendre comment en vaincre un, et le ramener à Taezïoud pour qu’on comprenne comment en vaincre plusieurs. Après quoi il accompagnerait les armées mazakines dans une nouvelle invasion, que Zalan espèrerait être plus réussie que celle de son lointain prédécesseur.
Siebtze avait calqué son pas sur le sien. Il se prit soudain d’une colère noire pour cette étrangère qui se moquait de lui, et au lieu de se plaindre qu’il allait s’opposer aux adversaires les plus redoutables qu’il ait affrontés comme il avait failli le faire, il opta pour une rebuffade agressive.
« Tu t’improvises psychiatre, ou qu’est-ce qu’il se passe ? »
Le sourire de la contrebandière était sincère et un peu triste. Pas une séduction factice qui aurait ricoché sur l’irritation du pêcheur, non plus qu’une moquerie ouverte, mais quelque chose de plus dérangeant que ça.
« À ton âge, j’avais déjà vu et fait ce genre de choses, affirma-t-elle avec un geste vers les cadavres qu’ils avaient laissés derrière une paroi de roche. Le désert va te mettre à l’épreuve, Omani. Le temps que nous trouvions un Guerrier, tu seras fort ou tu seras mort. »
Le Garde Royal se sentit déglutir avant d’avoir pu y penser. Il savait qu’elle était dangereuse, c’était une chose ; c’en était une toute autre qu’elle affirme être une meurtrière de sang-froid.
Dans un silence lourd, les pas de Lanius produisant un tintement étouffé contre le gravier, ils passèrent un dernier virage et débouchèrent sur un chaos rocheux descendant vers le désert. Ce n’était aucunement une surprise, ils sentaient son souffle chaud et sec depuis un moment, mais Omani fut soufflé par l’immensité dorée qui s’étendait jusqu’à l’horizon. Ils avaient à peine une centaine de mètres à descendre dans la rocaille, et puis il n’y aurait plus de gravier ni de poussière, rien que le sable uniforme. Un océan de dunes, telles des vagues immobiles, tellement étranger et pourtant résonnant d’une familiarité lointaine, d’une parenté.
« Couvre ta bouche, commenta Siebtze en relevant le foulard de son habit. Et économise tes mots. Dans les montagnes, ça allait, mais maintenant, si tu parles trop le jour, tu vas t’abîmer la voix. »
Il acquiesça. Elle l’avait prévenu à l’avance, quand ils avaient rempli leurs larges outres pour la dernière fois.
« Maintenant, on va voir comment tu te débrouilles dans le sable, continua la contrebandière. Lanius ira chasser dans la soirée, et d’ici deux ou trois semaines, on arrivera à un village. Ça va être une belle promenade, non ? »
Le pêcheur roula les yeux au ciel, et secoua la tête. Mais il attendrait le soir pour poser des questions. S’il devait se couler dans cette discipline, autant commencer sans attendre.
La Barrière du Désert avait complètement disparu derrière l’horizon dentelé, plusieurs heures plus tard, quand ils montèrent le campement. Lanius ramena un couple de Sapereau aux oreilles ébouriffées, dont l’un finit tout entier dans la large gueule de Saïyenn. La Léviator s’était déployée avec une attitude protectrice autour d’eux, enserrant la tente dans ses anneaux bleus.
« À quelle distance est le village le plus proche ? demanda alors Omani.
— Du calme, se moqua Siebtze d’un air revêche. Avandras t’a donné un délai ?
— Non, mais ce n’est pas… Il aura l’air malin s’il nous voit ressortir au bout d’un an.
— C’est le temps de la traque. Cette mission prendra le temps qu’il faudra et il le sait. Même si tu te fais rapidement à la marche constante, nous n’atteindrons pas Kaktise avant deux semaines. Et nous n’y irons que pour nous procurer un Excavarenne.
— Parce qu’il y aurait tant d’autres choses à y faire, ironisa le pêcheur.
— C’est un village abrité par un Arbre à contes et défendu par un Guerrier, andouille. Et nous ne l’attaquerons pas.
— Quoi ? Mais… pourquoi ?
— Eh bien, si tu veux expliquer aux villageois pourquoi ils ne doivent parler à personne de notre petite conversation en tête-à-tête avec leur protecteur, libre à toi. Je suis plutôt d’avis d’aller chercher un des solitaires qui patrouillent dans le désert, et il y a aussi de vieilles ruines où on peut tenter notre chance.
— Je vois, murmura Omani. Dans ce cas, pourquoi ne commence-t-on pas déjà par là ?
— Un Excavarenne de bât, c’est toujours utile. Lanius pourra chasser des proies plus grosses et lui faire porter un peu de réserves de viande, d’eau, ou de sang pour que Saïyenn puisse nous abreuver… et naturellement, on appréciera d’avoir un Guerrier à mettre dessus. »
Le Dresseur se renfrogna, conscient de la justesse de l’argument. Avandras avait dit vrai ; il n’aurait jamais réussi sans guide.
« Je suppose que je te dois des excuses, alors.
— Je suis là pour ça. »
Un souffle de vent passa, arrachant aux dunes un gémissement plaintif qu’Omani eut envie de partager. Le soir avait fait fraîchir l’air, et ces vêtements stupides auxquels il n’arrivait pas à s’habituer n’avaient l’air conçus que pour le jour.
« Rentrons, sourit Siebtze en constatant son inconfort. Je ne devrais pas non plus te faire rester tard dehors, mais les traditions ont la vie dure… »