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Un monde ouvert de Feather17



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» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 15/09/2022 à 23:32
» Dernière mise à jour le 15/09/2022 à 23:42

» Mots-clés :   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life   Suspense

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Ruine de l'âme
Shop’n’Go
— ‘ello !

Génial, des touristes. J’aime pas les touristes. ‘ttention hein, je suis pas raciste. J’ai plein d’amis étrangers. Je chatte souvent avec mes potes gamers de Kanto. Mais juste que quand je bosse au shop, j’aime pas les touristes.

Ils touchent à tout, ils déplacent tout, ils posent plein de questions, et moi après je suis obligé d’aller bosser dans les rayons alors que je pourrais être pénard derrière mon comptoir.

— ‘ello !

Elle vient de Kanto, celle-ci. Elle arrive pas à faire les « h » aspirés. C’est comme ça qu’on voit qui vient d’Unys et qui vient d’ailleurs. Le « h » aspiré. Pas grand monde qui sait le faire, celui-là. Surtout pas à Kalos ! Ni à Kanto, apparemment.

— Je cherche un produit qui permettrait à mon Leveinard de gagner en défense spéciale pendant un combat. Vous avez cela en magasin ?
— Attendez ici, je vais vous le chercher.

C’est pas compliqué quand même. Allée cinq, « Objets de combat », stands des « boosters ». Suffit de regarder les étiquettes : le petit pot bleu, c’est le « Déf. Spé. + », merci la Sylphe SARL. Pas rouge, c’est « l’Attaque + ». Comment je le sais ? La putain d’étiquette !

Je tousse. Ça me fait toujours ça quand je m’énerve, je tousse. Par contre, ça me gratte un peu au fond de la gorge. J’espère que c’est rien de grave. J’essuie le petit bout de mollard qui a giclé sur le « Déf. Spé. + », ça fait pas professionnel.

— Et voilà.
— O’, merci ! Vous êtes bien brave !

C’est mon job, en même temps. La touriste le prend, elle me paie et me laisse glander en paix. Comme sur notre enseigne, « Shop’n’Go » : « consomme et barre-toi ! »

Je tousse à nouveau. Je vais me prendre ma demi-journée de congé maladie, ça va pas me faire de mal.

Boîte pleine
— Franchement, c’est des bâtards ! Comment ils veulent qu’on fasse nous avec tout notre bordel dans notre sac ? Nan mais allez, regarde ça ! J’ai ma Carte, ma Bicyclette, ma Mégacanne, ma Boite Jetons, mon Cherch’objet, ma Pokéflûte, et je te parle même pas de toutes les conneries qu’on a besoin pour nos Pokémon.

— Des Poké Balls, des Potions, de l’Huile,…

— Ben tiens, comment ils veulent qu’on se trimbale ça sur le dos toute la journée ? Le soir, t’as des épaules comme ‘as et tu t’es niqué le dos, y’a pas !

— Ben attends, je vais te dire, l’autre jour, je vais voir l’infirmière Joëlle, je lui dis « y a pas moyen d’avoir une extension de boîte dans ton pécé de merde, là ? » Tu sais pas ce qu’elle me répond ? « Si, mais faut payer. » La bolosse, elle a cru que j’allais payer ?

— Oh ! C’est un droit, ok ? Pourquoi on devrait payer pour juste avoir le droit de déposer notre matos dans notre pécé ? C’est vraiment une bande d’enculés quand même.

— Vas-y comment ça me soule, là !

— Genre t’as juste vingt places, et c’est tout ! Bah quand t’es en plein rush que tu veux aller déglinguer le boss à l’arène, t’es bon pour t’arracher les cheveux. Regarde, l’autre jour, un truc de ouf, j’ai failli tout péter au Centre Pokémon tellement j’avais la haine ! Je me dis, wesh, viens, j’achète deux-trois Rappels histoire de pas faire la gonzesse à l’arène, genre tranquille, tu vois ? Bah j’ai plus de place dans mon sac à dos !

— Tssss !

— Mais attends, t’as pas encore vu le pire ! Tu me crois que j’ai dû bolosser plein de trucs à la poubelle ? Genre j’ai viré un Antidote pour pouvoir caser un Rappel, puis j’ai viré une CT de mes deux qui sert à rien, style « Jet de sable », pour pouvoir caser le deuxième Rappel, et vas-y que je t’embrouille jusqu’à que tout rentre !

— Technologie de mon cul, ces sacs.

— Mec, j’ai dû tout bolosser ! Tout ! Ils croivent quoi, qu’on nage dans la moullah ? Genre ma mère c’est la reine de Kanto !

— Wesh, vas-y, je suis sûr, c’est voulu tout ça.

— De quoi ?

— Ben genre y nous font des sacs trop petits exprès pour après qu’on essaye de caser dans notre pécé, tu vois ? Puis y a plus de place dans le pécé et y nous forcent à acheter l’extension. Mec, c’est voulu j’te dis !

— Frère, déconne pas !

— Cousin ! L’autre jour, j’ai passé le plus clair de mon temps…

— Vas-y comment tu parles, frère ? Tu t’es inscris en fac de poésie Pokémon ou bien ?

— Vas-y, laisse-moi tranquille, cousin, je m’exprime comme je le souhaite, casse-moi pas les couilles ! J’disais, l’autre jour, je voulais récupérer ma CT « Laser Glace », tu sais pour Rocky, mon Lockhlass ? L’enfer, cousin ! Vas-y, je te jure, j’ai vu Satan, y me faisait coucou par la fenêtre !

— L’abus !

— J’te jure, y avait la mort qui m’attendait ! Un vrai périple, l’histoire. J’avais plus de place dans mon sac, je regarde dans ma boîte du pécé. Bismillah, y a plus de place de libre non plus. Comme toi, obligé de jeter aux détritus un vieux bout de Pierre Eau sorti du cul, pour que ça me fasse de la place au pécé, t’as vu ?

— Ouais ?

— Bah après, j’ai dû troquer un truc genre PP +.

— Mec, t’as pas fait ça !

— Frère, PP +, y a personne qui utilise ça ! Les mecs qui l’ont inventé, y savent même pas ce que ça veut dire « PP » !

— Abuse !

— Vas-y, laisse-moi finir mon récit, là ! Cousin, tu me crois ou pas ? J’ai dû troquer le PP + de mes couilles dans la boîte, là, puis après j’ai dû retirer la CT que je cherchais. Mec, je me suis planté, j’ai pris « Lance Flames » et pas « Laser Glace » ! Maman, j’ai vu toute ma vie défiler devant mes pupilles. Après, tu vois, y te demandent ton avis ? « Presse le bouton vert qui sourit si tu es satisfait, presse le bouton orange mi-figue mi-confiture si t’es middle satisfait, presse le bouton rouge qui fait la gueule si t’es pas satisfait ta mère ! » Frangine, tu veux mon avis ? Viens, je vais te le donner, mais de vive-voix !

— Sheh !

— Wallah, je tiens les gars qui ont inventé ce système, ils terminent en… en pizza quatre-saisons, qu’y terminent. Heuh heuh !

— Vas-y, frère, tousse-moi pas dessus ! Je pars à Alola demain, je dois être frais !

— Mec, j’ai mal à la gorge depuis deux jours. Ça va, y a pas mort d’hommes !

Multi-Exp
labonnedresseuse : « Alors c'est simple, le débat porte sur le multi exp OBLIGATOIRE et non sur le Multi.exp en lui même. Bisous. »

Suicune0732 : « A la limite oui pour les sado ils auraient dû l’activer. Puis bon quand on voit des gens qui gueulent pour le multi exp en disant qu’il n’y a plus de difficulté tout en gueulant car on ne trouve plus que la ct unique en magasin ça me fait doucement rire. »

bourdue : « Non mais je crois que tu vois pas le vrai problème. En soit avoir le multi exp ce n'est pas la pire des choses si et seulement si les niveaux des adversaires sont adapté à ça. Ici, à Alola ce n’est pas le cas. En gros tu exp toute ton équipe mais le lv des adversaires est trop bas. »

Aramyl : « Concernant le fait qu’ils l’ont rendu obligatoire c'est un faux débat puisqu'il est toujours contournable d'une façon ou d'une autre (en stockant les poké par exemple, litéralement 2 minutes pour rendre votre aventure plus difficile et vous sentir puissants les gamins). »

labonnedresseuse : « @Suicune0732 Ce ne sont pas nécessairement les mêmes personnes, ne force pas le trait. Ensuite c'est simplement une question d'équilibre.
Le petit soucis avec le multi.exp actuel c'est qu'il ne divise pas l'expérience, au contraire l'expérience est multipliée et donne dans les derniers jeux un gain d'expérience trop important par rapport à la progression des ennemis, mais aussi que le multi.exp distribue des ev aux pokémons qui ne combattent pas.
Il y a de bonnes raisons à le vouloir; mais il y a aussi de bonnes raisons à vouloir le désactiver ... ce que la Sylphe SARL se refuse à faire, à laisser le choix. »

Suicune0732 : « @labonnedresseuse Ça pour le coup je suis totalement d’accord, mon post vise plus les gens qui disent que le multi exp c’est nul car ils aiment faire exp leur pokemon 1 a 1. »

labonnedresseuse : « @Aramyl Si si , c'est le débat. »

Suicune0732 : « @labonnedresseuse L’exp oui c’est clairement abusé, j’ai été 3 jours à Galar et mon pokemon qui passe niveau 17 juste en faisant un combat contre un type à l’ecole des dresseur a moins que je me trompe c’était du jamais vu. »

Alohalola322 : « D'une part le problème, c'est que cette option devient obligatoire.. Preuve qu'ils n'ont pas écouté les retours des avis clients à Alola...
Puis bon.. Je sais pas si j'étais naturellement doué, mais depuis mes débuts à Kanto, j'ai jamais eu de soucis... Même en ne faisant que les dresseurs sur la route et pas de combats dans les hautes herbes, avec 5-6 poké j'me retrouvais quand même à devoir switch régulièrement leurs places parce qu'ils prenaient déjà trop d'EXP.
Le multi-EXP, pour moi, n'a jamais été qu'un outil pour monter un Aspicot lvl3 qui doit rattraper une team lvl40 alors qu'il ne pouvait pas tomber un lvl10 à coup de Dard venin. Et même alors, je préférais encore le switch tour 1 pour un plus fort que me faire chier avec le multi-EXP.
Vraiment.. A part pour l'argument tout à fait légitime d'aider un gosse de 5 ans à suivre son père Kevin de 15 ans sur les routes de la Ligue, je ne conçois même pas qu'un dresseur puisse défendre cette option obligatoire.
En tous cas pour moi c'est vraiment LE détail qui me fait dire non à la Ligue.. j'aurais pu passer sur n'importe quel défaut mais ça.. Ca touche vraiment à notre stratégie en elle-même, c'est pas du chipotage, c’est notre identité ! »

labonnedresseuse : « Tu soulignes le problème, encore une fois : LE CHOIX. Chacun peut gerer sa difficulté.
Le multi.exp obligatoire COUPLÉ au gain d'experience trop important , ne permet plus de choisir sa difficulté; ou alors comme notre ami le souligne il faut s'handicaper volontairement.
Sans cesse ranger puis sortir ses pokémons des boites, après puis avant combat ...
C'est vrai que c'est un faux débat de mettre une option pour le désactiver; c'est tellement sympa de faire autrement. :sarcastic: »

bourdue : « Oui vous voulez rien comprendre au débat en fait. On prend du plaisir à monter nos pokémons nous même, point. Pouvoir désactiver le multi exp c'est deux clics, comme une bicyclette. »

Pseudo supprimé : « @Alohalola322 Dis-le tout de suite que t'aimes pas les pokémon ça ira plus vite. Rentre chez toi et laisse nous entre dresseurs »

ptitbrindiboulove : « y a que chez nous que tout le monde tombe malade ? Genre ils vont fermer notre île à Ula-Ula. D’autres sont concernés ? Comment je fais, je suis censé partir en vacances à Kalos la semaine pro … »

Suicune0732 : « Hors sujet. »

ptitbrindiboulove a été éjecté du forum de discussion.

Travail à la chaîne
On nous l’a transférée pas plus tard que la semaine dernière. La pauvre, elle était dans un de ces états. C’est moi qui m’en suis occupée. Ah oui, tout de suite, j’ai tenu à ce que ce soit moi qui en prenne soin ! J’ai dit « les gars, les filles, il faut que ce soit moi qui le fasse ! » D’ailleurs, tout le monde était d’accord pour me la laisser. « Y a que Rachel Képé qui sait remettre un Pokémon sur pied », qu’ils disaient. C’est pas faux ! Vu comment je me suis occupée de Pompon, mon Ponchien, quand on l’a recueilli. Mais je pense qu’ils disaient ça pour ne pas avoir à s’en charger eux-mêmes. Faut pas me prendre pour un Ramoloss !

En fait, on ne savait pas qu’on allait recevoir un nouveau Pokémon pour l’usine. C’est au matin que le chef m’a appelé dans son bureau. Paraît que le patron a envoyé un mail au RH qui a appelé le sous-chef sur son deck, qui a fait un communiqué au chef pour qu’il m’appelle dans son bureau. C’est là qu’il me l’a annoncé :

— Madame Rachel, je vous annonce que nous allons recevoir une jeune Lockpin pour l’usine, qu’il m’a annoncé.

En ce moment, ça bouge beaucoup à l’usine. Ils nous ont remplacé toute la hiérarchie en à peine un mois : un départ à la retraite, une mutation, un plan de je-ne-sais-pas-quoi social. Bref, on ne sait plus qui est qui maintenant. Ils nous ont même changé les noms. On ne doit plus dire « chef », mais « N+1 », question de politesse. Je crois que ça les dérange qu’on s’appelle tous « chef » entre nous. Ils veulent garder ça pour eux. « Patron », c’est fini aussi. On doit l’appeler « Responsable ». Responsable de quoi, je ne sais pas, mais ce que je sais, c’est que c’est toujours lui qui nous paie notre salaire en fin du mois. Je suis pas dupe comme un Insolourdo ! Ce qui est drôle, c’est que nous on utilise leur mot tout le temps, même quand c’est pas au bon endroit qu’on doit les dire. L’autre fois, j’ai dit au chef qu’il fallait qu’il « manage » mieux parce qu’il va grossir aussi non. Il m’a regardée de travers, mais moi et les filles on a bien rit !

Tout change… Y a que ma chaîne de production, la ligne S4 avec mes G.I. Balls, qui n’a pas bougé. Enfin, maintenant oui vu qu’on a un nouveau Pokémon. « Une jeune Lockpin », qu’il m’a dit. Mon œil ! La pauvre a dû en voir passer des horreurs vu l’état dans laquelle ils nous l’ont envoyée. Je n’ai aucune idée de tout ce qu’elle a traversé, tout ce que je peux dire c’est que j’ai dû bosser pas mal pour qu’elle ait confiance en moi.

Déjà, j’ai commencé par la ramener à la maison. Pompon s’est très bien occupé d’elle. Heureusement que je l’ai, mon bon vieux Ponchien, je saurais pas quoi faire sans lui. Faut voir l’état de mes gamins ! Tous malades ! Je sais pas où ils sont allés trainer, tous, mais j’en ai bavé ce mois-ci. Entre le tout petit qui m’a fait une fièvre qui a piqué à trente-huit, celui du milieu qui tousse à en recracher ses poumons, et puis la pauvre Lockpin qui tremble de terreur même quand c’est pas l’heure de dormir, pas évident à suivre pour moi ! Même mon grand, qu’est parti en Erasmus à Kanto, il a attrapé ce virus. Je sais pas ce qu’il se passe, mais tout le monde tombe comme des mouches. Heureusement, j’ai pas la santé d’un Sapereau. Comme on dit, que Zygarde m’en garde !

Et Lockpin nous a fait une belle frayeur, d’ailleurs ! Après lui avoir soigné ses éraflures et ses infections, après l’avoir fait prendre quelques kilos, et puis après que son poils a repoussé un peu, elle nous a fait une crise de panique, dis donc ! J’en avais plus vu depuis que mon grand était tout petit et qu’il me faisait des crises d’angoisse à la pelle. Une chance que je sais comment bien réagir. En un mois, je l’avais retapée, la petite ! Et en deux mois, elle acceptait enfin que je la touche juste pour lui faire des dou-douces.

Je sais bien que nous, les humains, on leur fait subir des horreurs parfois, à nos Pokémon. Quand je vois les jeunes d’aujourd’hui qui se tapent dessus dans des arènes, ça me glace le sang. J’espère que c’est pas ça qu’elle a vécu, la pauvre. Au moins, à l’usine, sous mon aile, elle sera protégée la petite. Foi de Rachel Képé !

Tout de suite, elle s’est bien plu sur ma ligne de production. Tout le monde la regardait, c’était une petite célébrité ! Rapport à son pelage tout rose et mimi. Je crois que ça lui a fait du bien d’avoir un peu de chaleur humaine. Je l’ai dit à mes filles, je l’ai dit tout de suite : « Vous me la mettez à l’aise, hein ! » que j’ai dit, « vous lui dites bonjour, vous lui faites des caresses, vous la présentez aux autres Pokémon. Pas de gestes brusques, hein ! » que j’ai prévenu. Un soir, Lockpin s’est blottie tout contre moi. Je crois qu’elle voulait me dire merci.

Et puis, faut voir comment elle bosse bien ! Tout à l’heure, j’irai quand même trouver le chef pour demander si on peut pas lui filer un petit quelque chose. Je sais bien qu’on paie pas les Pokémon, mais au moins on peut leur donner de la nourriture ou des confiseries, ou je ne sais pas. Nous, on vient travailler pour le patron et c’est normal qu’il nous paie. Alors pourquoi ça le serait pas pour eux ? Ils font le même job que nous ! Il peut pas refuser, le chef.

N+1, N et N-1
J’ai été foudroyé d’une sensation que je ne connaissais pas. J’ai beau y réfléchir, je n’ai toujours pas identifié ce que j’ai ressenti ce jour-là. C’était à mon nouveau travail.

Mon bureau est doté d’une fenêtre en plexiglass qui donne sur un immense atelier de production. Le hangar est si large qu’on n’en voit pas l’autre bout de là où je suis. Deux étages en-dessous de moi sont alignés des unités de production, des tapis-roulants reliés à des machines dont émargent des centaines de Poké Balls à la minute. Hommes et Pokémon travaillent conjointement dans ce boulot aliénant. Je le reconnais : il n’y a rien de pire que de travailler à la chaîne. Eux-mêmes le savent, mais ils n’ont pas le choix. Certains ont fait les mêmes études que moi. Mais ils coutent trop chers à leur employeur et finissent au bas de l’échelle.

J’ai été muté. Encore. Me voilà à Kalos, à présent. À Romant-sous-Bois, pour être exact. À l’Usine de Poké Balls, pour être plus précis. Après le rachat de l’entreprise par la Corporation Devon, j’y ai été envoyé en tant que consultant. Mon travail est simple : j’analyse les performances des « numeric engins », je dresse des diagnostics sur les « break downs » qui peuvent survenir, je donne des conseils « d’upkeep » pour les garder en bon état, et parfois je « manage » aussi le « staff » pour « libérer les énergies » de la « startup ». J’ai beau tourner tous ces mots dans ma tête, depuis que je les ai lus sur ma fiche de mission, je me rends bien compte que ce sont de nouveaux concepts qui ont débarqué dans l’entreprise avec le changement de patron. En gros, ça ne veut rien dire de plus que ce que j’aurais fait si j’avais signé un contrat « d’ingénieur-directeur ».

Pourtant, ici, le changement a l’air d’être bien passé auprès des ouvriers. C’est drôle, mais j’aime bien me balader du côté des lignes de production des femmes. Elles y conçoivent des Safari Balls. Ça me rappelle mon Momo. Et il y a une bonne ambiance, là-bas. Ça rigole sans cesse.

— Bonjour, N+1 ! elles me disent.
— Bonjour, mesdames, je réponds.

Et elles rigolent. Je n’ai jamais compris la réaction des femmes à mon égard, mais j’ai appris à la reconnaitre. Je sais que mon physique est attirant et cela me gène parfois dans mes relations sociales.

— Vous avez fait bon voyage, « manager » ? elles me demandent.

Question classique, réponse classique.

— Oh oui !
— Ça va, vous vous plaisez à Kalos, « responsable » ? elles m’interrogent.
— Je dois dire que je suis agréablement surpris par le climat.
— Allez, les filles, on se remet au boulot ! rappelle leur cheffe de production, une dame noire de la même génération que moi. Les N+1 n’ont pas de temps à perdre avec les N-1 !

Je suis interloqué par cette expression. Se considèrent-elles si inférieure à moi ? Nous sommes tous deux des travailleurs. Je n’ai même pas de statut hiérarchique supérieur au sien dans mon contrat.

— Ça fait longtemps que vous travaillez ici ? je lui demande.
— Oh oui, hein ! J’ai toujours connu que ces grands hangars vides dans ma vie !

Quelle tristesse.

— Germain Manoz, je lui dis en lui serrant sa main pleine d’huile de moteur.
— Rachel Képé, mais vous pouvez m’appelez « N ».

Je ne sais pas comment réagir. Il n’y a pas de lettre « N » dans ses initiales. Je n’ai pas compris la référence. Ou peut-être était-ce une blague ? Basée sur un détail que j’ignore dans l’organisation de l’usine, ou sur une coutume très célèbre de Kalos ? Dans le doute, je souris poliment. Elle, elle éclate de rire et retourne à sa chaîne de production. Je fais un bref signe poli à la Lockpin chromatique qui la suit à la trace, et je retourne à mon nouveau bureau.

C’est là que j’ai été foudroyé. Pas par une attaque de Magnéton qui travaille ici. Par quelque chose de tout à fait anodin : un jeune homme se trouve devant la vitre en plexiglass et semble m’attendre. Il tient en main un dossier et il sursaute en me voyant entrer. Il m’observe de la tête aux pieds et hésite avant de parler.

Je ne saurai pas vous dire pourquoi, mais j’ai été foudroyé par un sentiment que je ne connais pas. Un mélange d’essoufflement et de fatigue, comme si je venais de terminer un marathon, doublé d’une surprise béate, comme lorsqu’on retrouve un vieil ami qui nous a manqué. Et une intrigue : j’avais envie d’en savoir plus sur ce garçon. Je ne savais pas pourquoi, mais j’ai tout de suite eu envie de tout connaître sur lui.

Non, je ne me l’explique pas. Je ne sais pas ce que j’ai ressenti. Pourtant, il n’avait rien de spécial ce garçon. À peine un sourire discret dessiné sur ses lèvres fines, encadrées par une barbe brune naissante. Une mèche peignée dans ses cheveux blond vénitien à l’odeur de rose, un torse tracé à la latte et moulé dans une chemise un peu trop serrée, qui laissait à peine échapper quelques poils naissants depuis le premier bouton dégrafé. Un regard transperçant, dont le vert de ses rétines invitait à se laisser plonger en son sein.

Un garçon jeune, élégant, probablement très intelligent. Je n’ai pas compris pourquoi mon cœur s’est emballé.

Quoi qu’il en soit, il n’a rien dit. Il s’est ravisé. Il a toussé dans sa main, a déposé le dossier sur mon bureau, et a quitté le local en m’effleurant au passage. J’en garde un souvenir ému, et je ne sais absolument pas pourquoi.

Tous fichés
J’ai toujours aimé enfreindre les règles. Toute petite déjà, on me disait « Lise, retiens-toi, on ne peut pas faire pipi n’importe où », et moi, la première chose que je trouvais à faire, c’était de pisser contre le mur d’un bâtiment public. Mon endroit préféré, c’était les églises. Un jour, on a appris à l’école l’échelle des sanctions : contraventions, amendes, toute la panoplie. J’ai voulu tester la théorie : je me suis rendue dans le premier magasin de vêtement de Kikenham et j’ai volé un chapeau de haute-couture. Je n’ai rien reçu : ni PV, ni amende, ni rien du tout. Ils ne m’ont jamais rattrapée. Je crois que mon plus bel exploit, ce fut de voler une magnifique pépite dans un musée. Là aussi, l’alarme a retentit, il y a eu une brigade entière de policiers,… Rien de rien. J’ai filé en douce. Je ne suis même pas dans leurs bases de données !

C’est comme ça que j’en suis venu à participer à l’occupation de l’entreprise où je travaille. C’était un genre de défi. Ça faisait longtemps que ça n’allait pas bien au boulot : la boîte a été rachetée, ils ont viré des gens, il y a eu des pertes de salaires, et les syndicats d’ouvriers ne bougeaient pas. Ils étaient trop copains avec les patrons. J’ai dit aux autres que s’ils voulaient, je pouvais faire le boulot à leur place. Alors, on a bloqué l’usine et on s’est enfermées dedans. Moi, je n’en avais rien à faire du combat social et de toutes ces inventions pour faire passer le temps aux prolétaires. Ce que je voulais, c’était trouver la caisse du patron, avec tout l’argent en blacos qu’il se fait dans l’arrière-boutique de l’usine.

Cette fois-là aussi, il y a tout eu : la police, les pompiers, ils ont même envoyé quelques gars de l’armée pour essayer de nous évacuer. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’ai rien eu non plus ! Pas même une arrestation administrative ! Rien !! Ils ont pas compris que c’était moi qui était à la base du mouvement. Tout le monde s’est fait virer et l’usine a fermé.

Même la fois où j’ai écrasé un Pokémon par mégarde, je n’ai rien eu. Je bossais pour une entreprise de transport et je faisais une livraison à Sinnoh. Je faisais pas gaffe, et le camion a percuté un Pokémon sauvage qui trainait dans le coin. J’ai vite filé, comme d’habitude. Et bien, ma stratégie fonctionne. Je n’ai jamais été retrouvée ! Une pure génie !

J’ai donc décidé de me reconvertir, de faire de mon talent une véritable profession. J’ai organisé des formations pour tous les gars et toutes les filles qui veulent participer à des actions d’insurrection. Je leur filais des conseils pour ne jamais se faire prendre et pour détecter le moment où il fallait filer avant de se faire arrêter. Ça a vraiment bien marché, comme business, parce que j’avais de plus en plus de monde qui venaient aux réunions.

C’est mon succès qui m’a plombée. Finalement, on m’a retrouvée. Ce jour-là, j’avais un petit groupe sympa. Deux-trois mecs cagoulés qui voulaient faire un sitting devant une arène pour protester contre la Ligue Pokémon de Kalos. Un couple de lesbiennes qui sont restées silencieuses tout du long. Y avait un jeune, un peu en retrait parce qu’il reniflait et toussait. J’ai cru que j’allais choper la crève, moi. Et puis, il y avait une noire qui se plaignait de ses patrons dans son usine à elle.

— Le chef a refusé ! elle nous expliquait. Je trouve ça tellement injuste. Nous, mes filles et moi, on bosse huit heures par jour, sept heures trente payées. Nos Pokémon, ils sont là plus longtemps que nous, et y z’ont pas droit à un seul Pokédollar. Même pas de compensation en journée de congé en plus, ou en croquettes, ou je ne sais quoi. Rien ! Tu bosses et tu te tais ! Ça tombe bien, ils peuvent pas parler.

— Ça me débecte, avait commenté le jeune en retrait.

— Ces patrons, ils exploitent tous les Pokémon qu’ils peuvent pour se faire un maximum de thunes ! s’était scandalisé un des trois mecs révolutionnaires.

— C’est pour ça que je suis venue, avait avoué la black. J’ai besoin de savoir comment je peux organiser un peu mes filles pour qu’on s’unisse un peu et qu’on essaie de tenir tête pour que mes patrons à l’usine cèdent un peu pour les Pokémon, quoi.

On a marqué une pause, juste le temps pour moi de préparer mes astuces et leur proposer de m’acheter des boissons. La renoi est allée aux toilettes en attendant. Et c’est là que les policiers ont débarqué. On s’est tous fait embarquer. Il paraît que c’est interdit de tenir ce genre de meeting. Je ne savais pas. Je me suis fait arrêter pour un crime que je ne connaissais pas. Quelle ironie du sort. Depuis, je suis dans toutes leurs bases de données, du PokéNav à Hoenn à l’Info Dresseur à Kanto.

Je crois que c’est parce que le type malade, il avait un Motismart sur lui. J’ai vu un reportage une fois sur les espions étrangers qui utilisent le Motismart pour écouter nos conversations. Résultat, on est tous fichés à présent.

Enfin, sauf la noir qui bosse à l’Usine de Poké Balls. Personne ne pense à fouiller des toilettes.

Maladie
Parmi les concepts que j’ai le plus étudié, il y en a un tout récent qui m’expose encore aujourd’hui a des difficultés de compréhension. La maladie. C’est quelque chose qu’on expérimente dans la nature, rarement car notre terrier nous protège de la plupart des maladies, mais aucun Laporeille ne peut dire qu’il n’a jamais été malade. Évidemment, en langage de Laporeille, on ne différencie pas le virus de la bactérie. Pour nous, un « squick » reste une « squick », quelle que soit la longueur d’onde à laquelle le Laporeille a crié.

Mais on part du principe que c’est naturel, que c’est ainsi que la vie est faite, et on ne l’identifie pas comme un mal. Ce n’est pas une erreur, ce n’est pas un problème. C’est un évènement aléatoire qui apparaît parfois dans un des cycles de la vie d’un Laporeille. Moi-même je n’ai jamais été malade, jusqu’à ce que je sois au contact des êtres humains, et plus particulièrement après ma Transcendance.

J’étais alors une Lockpin recueillie par la seule humaine de confiance que j’ai croisé dans ma vie. Sans elle, j’aurais sombré dans ce que les humains appellent la dépression. Elle m’a requinquée. Elle m’a remise debout. En un mot, elle m’a sauvé la vie. Ma vie n’a pas changé, j’étais toujours prisonnière des chaînes des humains, j’étais toujours à leur service. Pire, je subissais toujours leur perversité : on m’avait collé dans un de leur terrier où ils confectionnent ces sphères rouges dans lesquelles ils nous emprisonnent. Vous voyez le côté vicieux ?

Mais, je ne sais pas ce qu’il y avait avec cette humaine, comme un esprit de pure noblesse. Elle prenait soin de moi parce que c’était ce qu’il lui paraissait juste de faire. C’est à cette époque que j’ai été frappée par le concept de maladie.

Comme je l’expliquais, une maladie n’est pas un problème dans la conception du monde d’un Laporeille. Pour les humains, oui. Je l’ai bien compris à ce moment-là. Ils en parlaient dans tous leurs appareils technologiques. C’est d’ailleurs à cette époque que j’ai commence à comprendre, un peu, pas trop, mais comprendre tout de même que le monde était beaucoup plus vaste que le terrier auquel j’ai appartenu jadis.

Il semblerait qu’il y a ait eu une espèce vivante qui est tombée malade à l’autre bout du globe et qui a contaminé le reste des espèces dans le monde entier. J’utilise des mots dont je n’arrive pas encore à bien concevoir la réalité, mais c’est comme si à un bout du terrier, un Laporeille tombait malade, et que cela se propageait à tous les terriers de tous les Laporeille de tous les territoires imaginables.

Le plus étonnant, c’est que nous, comme les humains, sommes tombés malades. En même temps. De la même intensité. Qu’est-ce que j’ai souffert ! Mal de gorge, mal de tête, du mal à respirer. Quelle que soit la syntaxe, j’avais mal ! Peu d’individus en ont péri, quelle que soit l’espèce. Mais la perte qui m’a le plus touchée, c’est celle du Ponchien avec qui je partageait le terrier de l’humaine qui me recueillait à l’époque. Oh ! il était en fin de vie, mais tout de même, ça m’a attristée. J’avais vraiment l’impression qu’il était de ma harde, tellement nous nous entendions.

Il est parti, il est parti. Je ne vais pas en faire tout une cueillette. Ça a dévasté l’humaine qui m’accueillait et toutes ses progénitures. Ils ont fait une cérémonie funéraire pour lui rendre hommage. Il faudra un jour que j’analyse ce concept, aussi.

Ça l’a changée, mon humaine. Elle est devenue plus forte, plus déterminée. C’était comme si on lui avait ôté sa boussole. Alors, quand ils ont décidé de nous enfermer dans nos terriers, humains comme Pokémon, pour nous protéger de la maladie, mais qu’ils ont demandé à ceux qui travaillaient dans leurs terriers où ils confectionnent les sphères rouges de retourner travailler malgré la maladie, là, elle a laissé sa colère exploser.

Ça se sentait, qu’elle retenait cette colère depuis très longtemps. Comme si après la pluie, son terrier intérieur avait débordé. Elle a refusé de se soumettre. Elle m’a demandé si elle acceptait de la suivre dans son combat. J’ai attendu pour lui donner ma réponse, car je n’ai pas tout compris tout de suite. Mais quand j’ai vu qu’elle avait décidé d’empêcher nos exploiteurs de rentrer à l’endroit où on travaillait, et qu’elle leur a annoncé qu’elle allait arrêter notre exploitation, là j’ai compris. Elle était en train de se battre pour rompre nos chaînes.

Alors, je l’ai suivie.

Patient zéro
— Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la zoonose ?

— C’est un concept assez pointu en étiologie. Pardon, encore mon jargon scientifique. La zoonose, c’est une maladie infectieuse qui est passée de l’animal à l’être humain. Les agents pathogènes, c’est-à-dire le facteur à l’origine de cette maladie, peuvent être d’origine bactérienne, virale ou parasitaire. Ils se propagent à l’être humain par le contact direct par l’environnement, l’eau que nous buvons, les aliments que nous ingérons.

« En Pokémonologie, et particulièrement en Étiologie Pokémon, c’est-à-dire dans la science qui étudie les maladies au sein des Pokémon, la zoonose a aussi été détectée. Par exemple, dans les années trente du siècle précédent, la grippe du Gruikui a décimé des villages entiers de paysans à Unys. Elle était issue du taux très importants de Gruikui domestiqués qui étaient tombés malades à la suite de contacts rapprochés avec des Pokémon sauvages malades. Les maladies ont été transmises aux Gruikui, la bactérie a muté et a été transmise aux paysans qui les élevaient.

« C’est un risque connu lorsqu’on est en relations avec des animaux ou des Pokémon et la zoonose a toujours existé depuis que nous sommes devenus sédentaires et que nous élevons nos Pokémon. Plus nous avançons sur le territoire des Pokémon sauvages, plus nous mettons en contact des Pokémon domestiques qui ne sont pas habitués aux maladies portées par les Pokémon sauvages, plus nous augmentons les risques que cette maladie nous soit transmise.

« Dans le cas précis de nos Kecleon, il s’agissait d’un virus au départ. Nous n’avons aucune idée ni même aucune possibilité de savoir de quel Pokémon sauvage était issu le virus appelé VRES-4, la quatrième mutation du très documenté Virus Respiratoire à Expectoration Saccadée. Tout porte à croire qu’il s’agirait de Chovsourir sauvages à la base de cette zoonose, mais sans plus de certitudes.

« Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un effet boule de neige impossible ni à prédire, ni à empêcher. Le Kecleon sont originaires de Hoenn, ce qui signifie que leur métabolisme est adapté à la vie à Hoenn. En étant sauvé de l’extinction et réintroduit dans notre Réserve Naturelle à Unys, ils ont été en contact avec toutes sortes de bactéries et de virus inconnus. Dans ce cas, il peut se passer deux choses différentes : soit les Kecleon s’adaptent et survivent à la maladie en développant des anticorps, soit ils ne s’adaptent pas et meurent. Dans le cas des espèces Pokémon présentes avant l’introduction des Kecleon, c’est le deuxième effet qui a eu lieu. En étant soumis aux maladies courantes chez les Kecleon, les autres espèces ont tous péris en cinq ans.

« Nos Kecleon n’ont pas péris, mais ils ont servi d’hôtes pour le VRES-3 qui a pu muter en VRES-4 pour s’adapter au métabolisme de son hôte. C’est cette mutation qui a affecté l’être humain.

— Et vous avez été la première à tousser, commente la juge de son œil sévère. Expliquez-nous comment ce virus s’est propagé au reste du monde.

Je me sens fébrile, j’ai soupiré, baissé les yeux, plein de larmes, et j’ai repris mon récit.