Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Un monde ouvert de Feather17



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 15/09/2022 à 23:32
» Dernière mise à jour le 15/09/2022 à 23:42

» Mots-clés :   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Dangereux bienfait
Première génération
Il entre dans l’amphithéâtre. L’audience, composée essentiellement de jeunes adolescents boutonneux et dopés aux hormones, fait silence. C’est qu’il est extrêmement célèbre, à la hauteur du génie scientifique qu’il incarne. Un Mélofée l’amène à son pupitre et déroule l’écran en toile qui lui servira de support de cours.

Je sens l’excitation monter. J’ai économisé toute ma vie pour intégrer la prestigieuse Université de Céladopole. J’ai accumulé les jobs les plus pourris, les horaires les plus aliénants, j’ai frotté des sols, récurés des toilettes, nettoyé des rues toute ma vie pour enfin suivre un cursus universitaire. Je tenais absolument à étudier en fac de Technologie Pokémon. Cette année, j’ai enfin réussi à m’y inscrire. Quelle chance de pouvoir assister à la dernière année de cours du Professeur Chen !

— Nous sommes le treize septembre mille neuf cent cinquante-six.

Il marque une pause. Nous comprenons tous qu’il n’y aura pas d’introduction à la matière. On entre tout de suite dans le vif du sujet. Tout le monde se met à taper sur son clavier.

— Les machines à calculer n’existent pas encore, les ordinateurs ne sont même pas envisageables. La vidéo commence à peine à entrer dans nos ménages via la télévision. Tout ce que l’on sait des Pokémon est dispersé dans de nombreux ouvrages aux quatre coins du monde : des papiers scientifiques, des encyclopédies biologiques qui mêlent toutes sortes d’êtres vivants, plantes, animaux, et ce que l’on appelle toujours à l’époque des « téras ». L’invention de la Pokéball au début du vingtième siècle ne fera une percée historique dans nos habitudes que lors de ces trente dernières années. Si vous vouliez connaître l’habitat d’un Papillusion, ou les règles sociales dans un nid de Dardargnan, il fallait traverser Kanto de long en large et en travers, visiter toutes les bibliothèques des plus grandes villes, éplucher des centaines de bouquins, et croiser les doigts pour tomber sur l’information que vous recherchiez.

Le Professeur Chen active son appareil à diapositives et marque une pause en observant le premier cliché qui s’affiche sur la toile. On y voit un jeune adolescent aux lunettes rondes, dans un environnement en noir et blanc, couché sur le ventre dans l’herbe d’un sentier, occupé à observer un Rattata.

— Je vous disais que nous sommes en mille neuf cent cinquante-six, date à laquelle je commence ma dernière année d’étude dans cette même université. Un brillant scientifique entre dans ce même amphithéâtre et nous toise du regard. Nous sommes quinze étudiants dans une faculté qui n’a pas encore de légitimité et qui s’appelle encore à l’époque la faculté de « Cultures du téra ». Cet éminent professeur me sélectionne pour faire partie de son équipe de recherche. Mon travail de fin d’étude portera sur son sujet de recherche : recompiler toutes les informations connues jusqu’alors au sujet de nos amis les monstres. Le treize septembre mille neuf cent cinquante-six, je démarre le chantier de ce qui deviendra quarante ans plus tard ce que vous avez tous dans vos poches : « le Pokédex ».

La deuxième diapositive nous dévoile une image en couleur, vieillie toutefois, de la première version du Pokédex. Elle est très célèbre, mais cela ne m’empêche pas d’être émerveillé. Je la compare avec celui que j’ai en poche, que l’on appelle même plus un « Pokédex », et qui n’a presque plus aucun rapport avec cette première version, hormis son indémodable couleur rouge. Comment cette pièce de technologie a pu subir une telle évolution en si peu d’années, alors qu’il aura fallu quarante ans à une équipe de scientifiques pour la mettre au point ? L’histoire de nos appareils technologiques est fascinante !

Le Professeur Chen répond d’ailleurs à ma question au cours de notre première séance de cours.

— Le secret, c’était évidemment le nombre. Notre professeur l’avait compris bien avant tout le monde : plus nous étions nombreux à nous partager les informations, plus vite nous étions en mesure de fabriquer cette encyclopédie révolutionnaire. C’est pourquoi chaque année, il recrutait parmi les plus passionnés de ses élèves de nouveaux scientifiques à intégrer dans son équipe de recherche. Lorsque le flambeau m’est revenu de terminer son chef-d’œuvre, après sa mort, le monde avait déjà bien changé.
« En réalité, c’est dans les années septante qu’a eu lieu la première véritable transformation technologique qu’a subi le Pokédex, que nous appelions encore à l’époque « l’Encyclopédie Pokémon ». Avec la naissance de la Ligue de Combat quelques années plus tôt, et la commercialisation à très bas prix de la marque « Pokéball », le mot « téra » a été remplacé par le mon « Pokémon » dans l’usage. C’est à la même époque que se développe aussi la technologie du réseau sans fil. Oh ! pas tout de suite, et pas partout ! Mais l’Université de Céladopole a toujours contribué à nos recherches et nous avons été une des premières équipes à la pointe de cette nouvelle technologie.
« C’est ainsi qu’en mille neuf cent nonante-six, reprenant l’idée de génie qu’avait eu mon maître à penser, j’ai moi-même eu l’idée de connecter les gens entre eux. Avec le succès grandissant de la Ligue de Combat, récemment renommée « Ligue Pokémon », j’ai mis à profit des dizaines de nouveaux dresseurs chaque année en les connectant sur un appareil que nous avons baptisé alors « le Pokédex », l’Encyclopédie Pokémon de poche.

Le Professeur Chen s’arrête un instant et esquisse un sourire amusé en laissant ses souvenirs l’envahir.

— Vous devez trouver tout cela bien ridicule, vous qui êtes nés dans une génération où chaque objet connecté de votre quotidien subit une transformation technologique par mois. Mais figurez-vous que c’était une véritable révolution que l’invention de cet objet. Je restitue le cadre.
« Imaginez qu’à partir de cette année-là, si vous vous baladiez dans la rue et que vous y croisiez un Nidoran, vous étiez en mesure de pianoter sur un petit clavier toutes les informations que vous observiez au sujet de ce Nidoran : sa taille, son poids, le type de ses attaques, une description physique, ou que sais-je encore. L’appareil était doté d’un petit objectif, pas très développé, mais juste assez que pour prendre le Pokémon en photo. Automatiquement, toutes ces données étaient envoyées dans une base de données accessible à tout moment grâce au réseau sans fil de votre boitier.

Nouvelle diapositive : cette fois-ci, le Professeur Seko est un quinquagénaire qui se tient fièrement devant de longues rangées de tours d’ordinateurs, dans ce qui ressemble à son laboratoire de Bourg-Palette.

— Et si vous n’aviez jamais croisé de Nidoran, vous pouviez le scanner et sur l’écran de gauche s’affichait toutes les informations déjà récoltées ! Une perle de la technologie ! Avant cette date, comprenez bien, vous deviez chercher l’information dans des bouquins partout dans Kanto ! En trois jours à peine, nous avions déjà découvert cinquante nouvelles espèces de Pokémon, et dissocié les Nidoran mâles des Nidoran femelles ! Allez-y, plongez votre main dans votre poche, et trouvez-moi une évolution technologique de votre version contemporaine qui soit aussi révolutionnaire que cette première génération que nous avions inventée. Je vous mets au défi !

Bug
Se faire du blé est un jeu d’enfant, aujourd’hui ! Faut investir un peu au début, mais si on est bien rodé, on peut très vite gagner un max de thunes. Suffit d’avoir un Pokédex, quelques notions en codage, et quand même s’assurer d’avoir un stock de Pokémon en back up. Avec un seul, c’est suffisant, mais plus, c’est mieux. On sait jamais !

L’astuce, c’est qu’y a un bug dans le système du Pokédex. Les codeurs le connaissent mais ils y prêtent pas attention parce qu’il leur parait anodin. Le bug pose aucun soucis, c’est juste au niveau du codage, enfin, bref, je vous passe les détails parce que vous allez pas capter grand-chose.

Donc, l’astuce, pour du fric, c’est simple. D’abord, faut aller se renseigner à la bourse pour savoir quel Pokémon vaut quoi. En ce moment, la tendance est au Maganon. Normal : plus c’est rare, plus c’est cher. T’as des dresseurs, ils seraient prêts à mettre des fortunes pour obtenir des Pokémon qui ont des évolutions chelous comme Maganon. Parfois, c’est pas très compliqué de l’avoir en version légale, faut juste être bon au lancer de Poké Ball et se renseigner un minimum sur sa zone d’habitat. Mais t’en as, t’as l’impression qu’il leur faut tout sur un plateau d’argent. Moi, ça me dérange pas, c’est eux qui font mon biz.

Quand t’as sélectionné le Pokémon que tu vas revendre, faut encore que tu le trouves. Pas évident, vu que la raison pour qu’il soit cher, c’est qu’il est rare. Ici, le but, c’est de trouver une solution pour passer le moins de temps à l’obtenir et dépenser le moins d’argent. Pour ça, j’ai un plan rodé !

Le Pokémon qui coute le moins cher à capturer pour moi qui habite Argenta, c’est le Racaillou. Y en a partout, tellement qu’ils vont peut-être faire un grand plan de sauvegarde de la nature pendant l’été pour les empêcher de bouffer toutes les plantes d’Argenta. Du coup, en une soirée, je peux avoir capturé une bonne vingtaine de Racaillou. Je les dope au Super Bonbon (j’ai un dealer) et en un claquement de doigt, j’ai une vingtaine de Gravalanch.

Une fois que j’ai mon stock, direction le Centre Pokémon, premier étage, deuxième porte à gauche. Ils ont construit un local d’échange en ligne pour tous les glands qui veulent pas chercher leurs Pokémon dans la nature et qui préfèrent les échanger avec ceux qui font le taffe pour eux. Devinez qui vient pour faire du business avec ces glands ? C’est bibi !

Ce qui est bien avec ces « Red Rooms », comme j’aime bien les appeler, c’est que t’as pas besoin d’une pièce d’identité pour y entrer. Tu dois juste scanner ton Pokédex. Bon, c’est là qu’ils ont toutes tes infos. C’est pas un problème, parce que justement, le bug dont j’ai parlé juste avant sera très utile après pour couvrir mes arrières.

Du coup, je scanne mon Pokédex, je rentre, et je m’isole dans la « Red Room ». Là, je suis tranquille pour la suite, personne vient me déranger. Au préalable, y a quand même fallu que je me trouve un pigeon avec un Magmar. Ça court pas les rues, mais c’est facilement trouvable. Suffit d’analyser un peu qui a envoyé des infos dans le Pokédex sur la page de Magmar, et t’en trouves très vite un qui est prêt à vendre sa mère pour avoir un Maganon. Tu le contactes, tu lui fixes un jour et une heure de rendez-vous, et tu te retrouves comme moi dans la « Red Room », prête à le pigeonner. Faut pas avoir d’hésitations, un pigeon, c’est fait pour être pigeonné.

Du coup, quand il se connecte depuis sa Red Room de son bled pourri, tu fais comme t’as promis : tu connectes ton Pokédex pour procéder à l’échange, tu envoies ton Gravalanch qui va devenir un Grolem parce que c’est comme ça qu’ils évoluent, et en contrepartie lui il te donne son Magmar avec le Magmariseur qu’il s’est acheté. Magmar évolue en Maganon une fois qu’il est dans ta Pokéball. Bim, t’as ton Maganon.

Après, c’est là où c’est quand même plus chaud pour tes fesses. Faut aller vite, parce que le pigeon, il a accepté seulement à la condition que tu lui rendes son Maganon. Il croit que tu tiens à récupérer ton Grolem. Le bouffon !

Là, suffit de bidouiller un peu ton Pokédex et d’utiliser le bug dans son codage. Je vais pas te donner l’astuce, faut pas rêver. Je suis gentille, mais je suis pas conne. Je garde ma formule secrète pour moi. Du coup, quand j’ai fini de bidouiller mon truc, je me déconnecte, je récupère mon Pokédex (au passage, toutes mes infos personnelles disparaissent de la base de données du Centre Pokémon) et je me tire avec son Maganon.

J’attends une semaine, et je retrouve vite un acheteur. Bim, Maganon est revendu, et terminé bonsoir ! Le meilleur dans tout ça, c’est que neuf fois sur dix, j’arrive à le revendre au type à qui je l’ai volé à la base ! Bah oui, lui il veut toujours un Maganon !

Un jeu d’enfant !

Génération 3
— Il faut attendre l’année deux mille deux pour avoir un nouveau changement important dans l’histoire du Pokédex.

Le cours commence cette semaine avec une introduction vidéo. Le Professeur Chen a eu à nouveau une idée brillante : il nous montre les vieilles publicités qui passaient à la télévision à l’époque pour introduire le nouveau chapitre de son syllabus.

On y voit une comédienne qui incarne le personnage d’une dresseuse en quête de la Ligue Pokémon. J’étais trop jeune à l’époque, mais je sais que les community managers des marques avaient l’habitude au début des années deux mille d’engager des comédiens adultes pour jouer des personnages adolescents. Le résultat est tout le temps le même : c’est super gênant !

La dresseuse, habillée dans un uniforme cliché composé d’une casquette, d’un jeans troué et de mitaines, scanne les empreintes d’un Pokémon au sol et mène une recherche sur son Pokédex pour identifier le Pokémon en question. Le tout n’est pas mal fait, il faut le reconnaître, mais le scénario est peut-être un peu trop épique pour le message de la publicité : il s’agissait simplement de vendre les nouveautés ajoutées au Pokédex en ces années-là.

— Outre l’actualité sociale et géopolitique de cette époque qui fera l’objet du prochain chapitre en termes de conséquences sur les Technologies Pokémon, reprend le Professeur Chen en rallumant les lumières, il y a un aspect économique qui a toute son importance lorsqu’on étudie l’évolution du Pokédex. Qui peut me rappeler le contexte de fabrication de l’appareil initial, le premier modèle ?

Regards hésitants dans l’amphithéâtre. Nous n’avons pas l’habitude d’avoir des professeurs qui nous font participer à leurs cours à l’université. Je lève discrètement la main, un peu pour venir en secours au Professeur Chen qui semble déçu de ne pas susciter plus de motivations de la part de ses étudiants.

— Oui, jeune homme ?
— Le Pokédex a été conçu par trois équipes qui collaboraient au projet, je réponds avec mon accent étranger.

Le Professeur Chen plisse un peu des yeux, mais ne dit rien.

— La première équipe est celle des scientifiques de l’Université de Céladopole qui collectaient les informations au sujet des Pokémon dans le monde entier pour compiler une première base de données encyclopédique. La deuxième, c’était des ingénieurs de l’ASBL des Techniciens Pour le Futur, dirigés par le Pokémaniac Léo. Ils s’occupaient entre-autre de concevoir le codage du programme du Pokédex et tout ce qui est aspect technique de l’appareil. Et le dernier, c’était l’entreprise Sylphe SARL de Safrania qui finançait le projet et mettait ses usines à disposition pour la production et la distribution de l’objet en tant que tel.

Le Professeur Chen acquiesce pendant que je parle et sourit à la fin. Je suis tellement fier de moi ! Mon idole reconnait mon travail !

— Erasmus ? il me demande.
— Oui, je viens de Kalos.
— Monsieur ?
— Képé. Benjamin Képé.

Il me salue du regard, sa manière à lui de me féliciter silencieusement.

— Alors, dites-moi Monsieur Képé, que se passe-t-il une fois que le Pokédex est lancé sur le marché ?

J’hésite. On n’a pas vu ça au cours passé. J’ai manqué une information ? Je ne pense pas, ce cours me passionne tellement !

— Euh… J’imagine que vous êtes devenu riche ?

L’audience éclate de rire. Le Professeur Chen se joint aux rires.

— Exactement ! Très, très, très riche !

Nouvelle salve de rires, mais plus discrets. On ne sait plus s’il va plus loin dans ma boutade ou s’il dit la vérité.

— Tellement riche que j’ai pu avoir mon propre laboratoire dans un coin reculé de Kanto. Et si l’on suit votre résonnement, Monsieur Képé, pouvez-vous imaginer à quel point la Sylphe SARL s’est enrichie ?

J’acquiesce. Mais le Professeur Chen continue de me fixer du regard. Il attend une réponse de ma part. Je ne sais pas quoi lui dire, moi. Oui, j’imagine bien. Qu’est-ce qu’il attend de moi ?

— Euh…

Il affiche une nouvelle image : il s’agit de la version suivante du Pokédex. Il n’est pas bien différent, à ceci prêt qu’il se tient désormais à l’horizontal, qu’il n’a plus qu’un seul écran, et que son clavier est tactile.

— La Sylphe SARL, répond le Professeur Chen, dépasse pour la première fois la barre du milliard de bénéfices net en un an et devient l’entreprise la plus puissante du monde, tout secteur confondu. Elle écrase toutes les autres entreprises par un monopole féroce. Elle rachète les parts que détiennent l’Université de Céladopole et celles de l’ASBL des TPF. Elle n’engage que ses propres techniciens et scientifiques, à une exception près : ils me supplient d’être leur consultant. Savez-vous pourquoi ?

Cette fois, il s’adresse à toute l’assemblée. Je n’en ai aucune idée. De l’autre côté de l’amphithéâtre, une jolie rousse semble avoir la réponse :

— Parce que vous avez un réseau de scientifiques dans le monde entier ?
— Ce qui fait que je suis le seul à pouvoir les aider à exporter la technologie à l’internationale, confirme le Professeur Chen. La publicité que nous venons de voir est issue de la chaîne de télévision nationale de Hoenn, lors de la sortie du Pokédex alors renommé « Génération 3 » pour essayer de lui donner une nouvelle image de marque. En vain, car il ne s’agit pas d’une révolution technologique. Tout au plus, les Hoennois seront capables de rechercher dans la base de données un Pokémon selon des critères variés. Retenez simplement ceci : aucune amélioration notable n’a eu lieu avant un très long moment.

p1_code = 2333392257121
box_7 = data_code
{ s0 = data[src_idx];
{ s1 = data[src_idx + 1];
{ s2 = data[src_idx + 1];
{ s3 = data[src_idx + 1];

Je n’y comprends rien. Mes yeux se ferment par la fatigue. Je jette un coup d’œil à l’écran de mon Holokit. Il est trois heures du matin. Pile. Sans retard et sans avance. On peut toujours avoir confiance dans un appareil technologique, même s’il s’agit d’un vieil Holokit d’occasion que l’IT Guy vous a refilé le premier jour de votre nouveau contrat.

Je me frotte les yeux et je vide le contenu de ma tasse. Le café est froid. Depuis combien de temps suis-je en train d’éplucher cette liasse de documents ? Probablement sept heures ? Huit heures ? Cinq cent quarante minutes ? C’est plus précis quand l’unité, c’est la minute. Sauf quand l’horloge sur laquelle vous vous fier est en retard parce qu’elle n’a plus de pile. Mon cerveau divague, il n’est plus concentré. Je repense à un vieil entretien d’embauche qui me semble provenir d’un passé lointain. Il faut que j’arrête. Je demanderai demain à mon N+1 de vérifier les chiffres de ces documents avec moi.

Je me lève et étend mes muscles. Dehors, les rues d’Illumis sont étonnamment calmes pour une capitale, même plongée au cœur de la nuit. Du septième étage où je me trouve, je distingue nettement les contours du Centre Pokémon d’où proviennent ces dizaines de pages de code informatique.

Mon N+1 me les a déposés ce matin sur mon bureau. Cadeau de bienvenue après ma mutation, je présume ? Comme il sait que j’aime les énigmes, il a pensé que la recherche d’un bug dans le code du programme du système de Stockage de Pokémon serait une activité passionnante pour moi. Il n’a pas eu tort : mon cerveau d’ingénieur a tout de suite été conquis par le défi. Cinq cent quarante minutes plus tard, je suis toujours réveillé et j’ai toujours le nez fourré dans ces lignes de code.

box_7 = data_code
{ p0 = data[src_idx];
{ p1 = data[src_idx + 1];
{ p2 = data[src_idx + 1];
{ p3 = data[src_idx + 1];

Ça n’a pas de sens ! Pourquoi la même ligne se répète-t-elle à cet endroit ? Je sais que ce n’est pas issu du codage initial, personne ne commettrait cette erreur de débutant. Pour autant, ça ne peut pas être un bug. Mon N+1 est mal informé. Qu’est-ce que je rate ? Qu’est-ce que je ne vois pas ?

— Raaaaaah !

Je me plaque les mains sur la bouche. Quand je perds patience, je peux parfois laisser la colère monter. C’est la voisine du dessous qui va encore venir râler : « Monsieur DocManoz, pas bien vous comme ça pendant la nuit crrrier … ». Elle ne parle pas très bien la langue, elle vient de Sinnoh.

Je suis encore en train de me perdre dans mes pensées ! Il faut vraiment que j’aille dormir. Et pourtant, ces lignes de code me trottent dans la tête. Non, c’est décidé, je dois aller enquêter sur place !

box_7 = data_code
{ p0_code = 6203118825993
{ p1_code = 2333392257121
{ p2_code = 2333392257121
{ p3_code = 2333392257121

Ce sont les lignes qui s’affichent dès que je connecte mes appareils à l’ordinateur branché au Centre Pokémon. Étrange, n’est-ce pas ? Je commence à percevoir le problème. Même si je ne sais pas d’où il vient, j’ai cet étrange sentiment que mon cerveau est sur la bonne voie.

Chaque ligne représente un Pokémon stocké dans un boîte du Système de Stockage de Pokémon. Chaque Pokémon étant différent, il devrait y avoir un code différent par ligne, mais s’il s’agit de deux espèces identiques. Chaque individu reste biologiquement différent et est retranscrit sous forme de code lié à sa singularité génétique. Si deux codes sont identiques, il s’agit que l’individu est physiquement présent deux fois. Et cela, les lois de la physique l’interdisent. Il ne peut exister deux Motisma les mêmes comme il ne peut exister deux Germain Manoz les mêmes.

Or, d’après le code sous mes yeux, il y a bel et bien quatre Pokémon présents dans cette boîte, dont trois d’entre eux exactement identiques.

— Momo, rentre dans la Boîte 7 de l’identifiant chez qui tu te trouves et affiche son contenu à l’écran.

Mon Motisma poursuit son voyage dans l’appareil informatique et bientôt, j’ai accès au contenu de la septième boîte de stockage. Un Braségali et trois Chapignon. Je pianote sur mon clavier afin d’afficher les données d’identification de ces trois Chapignon. Même nature. Rien d’affolant, c’est possible. Même niveau, même points de pouvoir, mêmes attaques, mêmes statistiques de combat. Étrange. Je plonge plus loin dans les données. Mêmes codes d’identification de la Pokéball. Inquiétant.

La vérité que je lis sous mes yeux est impossible. Comment peut-il y avoir trois Chapignon dans une seule Poké Ball ?

— Ou alors, trois Chapignon dans trois Poké Balls identiques ?

Je vais encore plus loin et je cherche le code génétique des Chapignon. Identiques à la virgule près ! Incroyable !

— Oh… Je crois…

Je crois avoir compris, mais je ne peux me résoudre à y croire.

— Il faut que j’en ai le cœur net !

C’est amusant comme on se met à se parler à soi-même quand on est seul au milieu de la nuit.

Je cherche dans l’historique des manipulations de l’appareil le chemin qui a été suivi pour arriver à ce code. Si j’arrive à répéter les manipulations qu’a effectué le propriétaire de la boîte 7, peut-être arriverai-je à comprendre ce phénomène.

Et ça ne manque pas ! En quelques minutes, je me retrouve avec un deuxième Motisma. Après vérification, lui aussi a le même code génétique que Momo et exactement le même code d’identification de sa Poké Ball.

— Je viens de te cloner, Momo ! Mais alors, ça veut dire que…

J’arrache hors de mon sac à dos le dossier que j’ai étudié toute la journée, et j’en feuillette les pages. J’ai identifié une cinquantaine de passage qui relèvent de ce code piraté, avec au total plus de mille codes de Pokémon identiques.

— C’est un véritable trafic de Pokémon !

Gen Five
— De deux mille deux à deux mille treize, le Pokédex a subi une succession d’améliorations toutes indispensables.

J’aime le sarcasme ! Le Professeur Chen fait défiler son PowerPoint et ne s’embête même pas de le commenter : il ne fait que le lire. On sent l’amertume dans sa voix.

— Les habitants de Sinnoh peuvent à présent comparer le poids d’un Pokémon avec celui d’un dresseur moyen, observer les différences de forme en fonction du sexe du Pokémon, réaliser une recherche en fonction de sa morphologie, ou en fonction de sa zone d’habitat et de l’heure à laquelle il peut s’y trouver.

Il passe au PowerPoint suivant et soupire. Ça rigole un peu dans l’amphithéâtre : on a bien compris qu’il joue la comédie pour accentuer le fait qu’il est déçu de ce qu’est devenue son invention.

— Les Unyssois ont été ravi de découvrir la révolution majeure apportée au Pokédex de toute son histoire : ils peuvent, dès deux mille dix, comparer leur Pokémon avec la forme d’un individu chromatique de la même espèce. Youhou ! Vive la « Gen Five » !

Le Professeur Chen lève les bras en l’air et imite avec moquerie la tête que prendrait un supporter de match de combats Pokémon. Tout l’auditoire éclate de rire.

— À cette époque, tout le monde s’attend donc, reprend-il, à ce que la prochaine nouveauté soit la possibilité de comparer un Kecleon avec sa version invisible.

Nouveaux éclats de rire.

Programme de Réinsertion
— Le rachat de la régionale de Hoenn de l’ASBL des TPF par la Corporation Devon a été une véritable boucherie sociale. En deux mois, chacune des filiales a été contrainte de fermer boutique dans la région encore en activité. L’excuse soulevée était la perte de bénéfices nets produits suite à l’Accident Nucléaire survenue il y a quelques années au Mont Chimnée. La véritable raison est qu’il n’existe pas de profits sans pertes d’emploi !

« Aucun de mes collègues à Hoenn n’a survécu à ce plan de licenciement massif. Aujourd’hui, la régionale de Hoenn n’existe plus. Sa technologie, en revanche, a été largement pillée et intégrée aux entreprises Devon SARL et toutes leurs succursales. Grâce aux subsides donnés par la Confédération Johto-Kanto, la régionale de Kanto a réussi à survivre à ce rachat, et a pu sauver quelques-uns de ses anciens collaborateurs en leur proposant une mutation.

« J’ai fait partie des chanceuses qui ont bénéficié de ce plan de sauvetage. C’est comme ça que je me suis retrouvée à Unys et qu’on a pu reprendre le Programme de Protection des Kecleon. La première phase avait franchement bien fonctionné, mieux que ce qu’on avait prévu initialement !

« Au lieu de dix ans, on a réussi à avoir un delta de onze mille pourcents dans l’espèce en à peine un lustre. Pardon, encore mon jargon. Ce que je veux dire, c’est qu’en à peine cinq ans, on a réussi à augmenter le nombre d’individu de Kecleon de onze mille pourcents. Vous avez un peu de bases mathématiques ? Alors, je m’explique.

« Une femelle Kecleon a une portée moyenne de douze œufs. Comme dans toutes les espèces vivantes, tous les fœtus n’arrivent pas à terme. Statistiquement, seulement cinq Kecleon sur douze survivent au processus de gestation et d’éclosion. Protégés dans nos laboratoires, nous avons réussi à atteindre une moyenne de dix par portée ! C’est ce qui explique que nous avons eu une augmentation de naissance beaucoup plus élevée qu’espérée. Mais nous savions que dans la nature, ce nombre allait retomber à cinq. Il fallait donc ne pas se précipiter et continuer le Programme tel qu’il était conçu.

« À cela, il faut aussi ajouter le temps naturel de fécondité des femelles. Les femelles Kecleon creusent des trous dans la terre pour pondre trois fois par an. En suivant cette logique, on en vient à la conclusion qu’un couple de Kecleon peut engendrer quinze de leurs progénitures par an dans la nature. Dans nos laboratoires, bien monitorés, nous avons réussi à provoquer trois cent vingt-deux naissances en cinq ans. Une augmentation, comme je vous le disais, de près de onze mille pourcents !

« Ce n’est pas tout. Il faut que je vous explique tous les détails si vous voulez bien comprendre la suite. Pour survivre dans la nature et s’assurer une reproduction efficace, en prenant en compte les risques de maladies ou d’attaques de prédateurs, et le fait qu’on ne connaissait pas les chances de survie de nos individus non-acclimatés au milieu naturel, on a calculé qu’il fallait réintroduire au moins deux mâles et cinq femelles dans quarante zones du monde. Ainsi, en cinq ans, chaque zone serait repeuplée de trois cent septante-cinq individus en cinq ans. Nous, on en garderait quarante-deux dans nos laboratoires pour s’assurer la survie de l’espèce et continuer leur étude.

« C’était parfait, comme plan ! Les Kecleon survivent bien dans n’importe quel biotope grâce à leur capacité à se camoufler dans la nature. Aucun prédateur ne pouvait être en état de faire disparaître l’espèce, où que ce soit. À l’issue des premières années d’observation, nous avons été agréablement surpris par l’efficacité du Programme de Protection des Kecleon. Non seulement l’espèce avait réussi à se repeupler en milieu naturel, mais en plus elle avait gardé sa moyenne de dix naissances par femelle ! Un exploit !

« Le contre-coup a été observé à l’issue de la cinquième année. Notre laboratoire d’observation se situait dans la Réserve Naturelle que nous avions créée à Unys, au nord de Parsemille. Au lancement de la Phase de Réinsertion du Programme de Protection de Kecleon, nous avions observé douze espèces de Pokémon différentes dans la Réserve Naturelle, parmi lesquelles des Nanméouie, Insolourdo, Pifeuil, Mustébouée et Akwakwak. Après cinq ans, nous n’en observions plus qu’une : nos Kecleon.

« Ils étaient devenus des super-prédateurs.

— Pouvez-vous nous expliquer comment vos Kecleon ont provoqué l’extinction de ces espèces dans Unys, et ensuite le génocide de centaines d’autres à travers le monde ? a alors demandé la juge d’un ton impérial.

J’ai soupiré, baissé les yeux, plein de larmes, et j’ai repris mon récit.

Génération Six
On entre vraiment dans la partie ennuyante du cours. Le Professeur Chen nous avait prévenu.

— On entre vraiment dans la partie ennuyante du cours.

La fin du premier semestre approche, il reste à peine quelques séances, l’hiver est à nos portes, et nous sommes enfermés dans un amphithéâtre à peine éclairé par l’écran lumineux devant le tableau. Je surligne avec monotonie sans trop prêter attention à la leçon.

— Le « Génération Six », comme on l’appelait à Kalos, est à nouveau décevant. Sur le plan technique, un chef d’œuvre, évidemment. En revanche, sur les propositions innovantes, on repassera. La seule amélioration proposée est celle d’un classement des Pokémon par zone géographique limitée à la région de Kalos. À ce moment de l’histoire, les profits sont en bernes pour la Sylphe SARL, toujours propriétaire du Pokédex, qui ne sait plus quoi faire pour retrouver l’intérêt de ses premiers clients.

Pokérécré
Chez les Laporeille, il existe une tradition qui ne peut pas être contournée : celle de la cueillette. C’est une tradition qui a toujours existé dans notre civilisation, et qui ne cessera jamais. Nous nous la transmettons de générations en générations, car il s’agit d’un comportement de survie. En règle générale, tout avantage évolutif survit dans les générations suivantes.

Il faut bien comprendre : il s’agit d’un rituel bien rodé. Chacun sait ce qu’il a à faire, chacun s’en tient à son rôle et tout le monde a sa place dans ce rituel. Tout le monde, sauf moi : rapport à mon handicap et ma couleur de pelage. Il y a les Laporeille éclaireurs, dont la mission est de trouver le champ où nous pratiquerons la cueillette. Il y a les Laporeille cueilleurs, et les Laporeille protecteurs, au cas où un prédateur nous attaquerait. Puis, il y a les Laporeille stockeurs et les Laporeilles nourrisseurs, en charge de l’organisation de la nourriture au sein du terrier. Tout le monde a sa place, tout le monde sait ce qu’il a à faire. Nous le faisons depuis la nuit des temps, nous le ferons jusqu’à la fin des temps. Parce que c’est un bienfait et qu’il aide notre survie.

Les humains, eux, sont différents. Ils ont des traditions mais ils n’en sont pas conscients. Une des traditions qui participe à leur survie est l’invention d’outils de plus en plus performants. Parce qu’il faut bien se rendre compte, un être humain seul dans la nature ne survie pas bien longtemps rien qu’à l’aide de ses pattes. Alors, l’humain a besoin de créer des outils. Ils appellent cela de la technologie.

Sauf que cette technologie n’est en rien un bienfait. Ni pour eux-mêmes, ni pour les autres espèces. Quand nous cueillons, nous les Laporeille, nous faisons de la place aux Cheniti qui peuvent alors créer leurs cocons sur les branches vides des arbres. Les humains sont différents. Ils utilisent leur technologie pour assujettir les autres espèces sans aucun avantage évolutif pour la leur.

C’est de cette manière que j’ai été forcée à Transcender, à devenir ce qu’ils appellent une « Lockpin ». Ils ont inventé une machine qui se substitue à eux. Après m’avoir enfermé dans une de leurs sphères rouges, ils m’ont aspirée dans un monde fictif. Je sais qu’il était fictif parce qu’il n’avait pas d’odeur. On aurait dû une plaine, en bordure de forêt, comme chez moi. Mais les humains ne se fient qu’à leur vue et pas à leur odorat. Ils n’ont pas pensé à recréer les odeurs dans leur monde fictif.

Au départ, je n’ai pas compris pourquoi m’avoir enfermé dans une reproduction quasi exacte de mon milieu naturel. S’ils voulaient me rendre à la nature, pourquoi ne pas me libérer de mes chaînes ? J’ai cru que les humains étaient de véritables êtres vicieux. Je m’étais trompé, ils sont pires que cela.

À un moment donné, il y a eu une patte qui est apparue de nulle part. Une fausse patte. Car elle n’était reliée à aucun corps et n’avait aucune odeur. Une nouvelle reproduction de la réalité. Et la patte m’a caressée. J’ai ressenti les mêmes libérations d’endorphines que l’on ressent quand on se frotte à un autre être humain. C’était une vraie caresse dans un faux monde.

Pourquoi m’enfermer dans un monde fictif pour me caresser ? Pourquoi ne pas me caresser dans le monde réel ? Les humains sont vicieux ! Car leur torture ne s’arrête pas là ! Ils ont joué avec moi. Ils m’ont nourrie ! De véritables mets sucrés dans un faux monde insipide. Vicieux, pervers !

Et moi, j’y ai ressenti du bonheur. Un bonheur inexplicable. Pour la première fois de mon existence, on s’est intéressée à moi. Pas en tant qu’esclave, mais en tant qu’individu. On m’a caressée, on m’a nourrie, on m’a montrée de l’affection. Une fausse caresse, une fausse affection. Mais un vrai bonheur. Les humains sont vicieux, pervers, déséquilibrés !

C’est là que j’ai Transcendé. Mon corps a changé. Dès que j’ai ressenti de l’amour pour la femelle humaine qui me retenait prisonnière, je suis devenue autre chose. Plus une Laporeille, mais une Lockpin.

Alors, on m’a extraite de ce monde fictif. Puis de la sphère rouge qui me retenait prisonnière. Puis, de mes chaînes. Et on m’a abandonnée. Au bord d’un lac. Comme si j’étais capable de survivre dans une zone naturelle inconnue. Comme si j’étais capable de survivre seule. Comme si j’étais capable de survivre dans ce corps de Lockpin.

Sept et Huit
L’ambiance est impalpable dans l’amphithéâtre. Aujourd’hui, c’est notre dernier cours « d’Introduction à l’Histoire du Pokédex » avec le Professeur Chen. Dans deux heures, nous aurons fini le syllabus, nous serons prêts à passer l’examen, et le Professeur Chen prendra sa pension. Ça me fait tout chose. Je ne suis pas le seul à me sentir nostalgique. Le semestre est passé si vite.

— Chers étudiants, chères étudiantes, je vais vous demander de vider vos poches intégralement sur votre bureau.

Quelques regards inquiets parcourent l’auditoire. Le Professeur Chen patiente. Comme il voit que nous sommes craintifs, il applique son propre exercice. Il dépose sur son pupitre un paquet de mouchoir, un trousseau d’énormes clés, un petit calepin, un crayon et une boîte à lunettes.

La jolie rousse, de l’autre côté de la salle, l’imite. Son mouvement en a inspiré d’autres et je finis par céder. J’ôte de mes poches de jeans un portefeuille, une Poké Ball, des clés, ma carte d’étudiant et mon Motismart. Je lance un œil aux autres bureaux. Les objets sont relativement les mêmes : des Poké Balls, quelques badges d’arène, des cartes de dresseur, et des Motismart. Je rougis à la vue d’un emballage de préservatif devant mon voisin mais lui à l’air d’en être fier. Il me fait un clin d’œil en croisant mon regard.

— Qu’est-ce que vous constatez ? demande le Professeur Chen.

Nous étudions nos possessions respectives mais nous ne savons pas ce que nous cherchons. Définitivement pas le préservatif qui me fait de l’œil à ma droite.

— Voyez plutôt, alors.

Le Professeur Chen affiche à l’écran une vieille photo datée de ses années d’étude, lorsque son propre enseignant leur avait fait faire cet exercice. Les objets sont relativement similaires, à l’exception près que les Poké Balls sont très rares, qu’il n’existe aucun badge d’arène et aucun appareil technologique.

Puis, le Professeur Chen fait défiler une série de photos, quinze au total : une par année d’enseignement dans cette fac. Plus les années passent, plus les Poké Balls et les badges sont nombreux. Quant aux Pokédex, je comprends enfin où il veut en venir, et je lève la main.

— Monsieur Képé ?
— Nous avons tous chacun un Motismart tandis que les années précédentes, il est rare de posséder un Pokédex ?
— Précisément.

Il me sourit et me fait un clin d’œil. Le sien me rend beaucoup plus à l’aise que celui de mon voisin de droite.

— J’irai même plus loin, reprend le Professeur Chen tandis que nous nous rasseyons. Chaque année, le nombre de Pokédex est faible par rapport au nombre total d’étudiants, et chacun a une version différente. Que se passe-t-il depuis l’année deux mille dix-neuf ?
— Nous avons tous, ou presque, un Motismart.

J’ai répondu sans attendre l’autorisation. Il acquiesce avec plaisir.

— En deux mille seize, la marque « Pokédex » chute en bourse. Il n’est plus attractif, ne fait plus rêver. De plus, tout le monde en possède un. La Sylphe SARL décide donc de revendre ses brevets, pensant à juste titre que cette technologie appartenait au passé. C’est la Fondation Æther qui rachète tout, à un prix si ridicule que la Sylphe SARL s’en mord encore les doigts aujourd’hui. Pour redynamiser le produit, la Fondation Æther décide d’y allier une technologie qui lui appartient déjà grâce à un Pokémon qu’ils ont beaucoup étudié.

Une photo d’un Motisma apparaît sur la toile.

— Depuis cette date et l’implantation d’un Mostisma dans le cœur de l’appareil, le Pokédex, ou plutôt le « Motisma-Dex » dans sa première version et le « Motismart » tel qu’il l’est maintenant, est capable d’indiquer où vous vous trouvez et où vous devez vous rendre en écoutant chacune des conversations que vous tenez avec votre entourage où qui se déroulent autour de vous. Le Motismart est capable de vous comprendre, de vous analyser, de penser à votre place et de vous suggérer la meilleure des choses à faire pour votre plan de vie.

Je vois mon Mostismart du coin de l’œil. Est-ce qu’il m’écoute en ce moment ?

— Il existe aujourd’hui trois cents millions de Motismart dans le monde. Chaque année, le chiffre augmente et atteindra l’année prochaine, si la Fondation Æther continue sur le même rythme de production, le chiffre de cinq cent millions d’unités.

Le Professeur Chen marque une pause, nous observe, et poursuit sur un ton qu’on ne lui connait pas.

— Mais alors, comment ont-ils fait pour implanter un Motisma dans chacun des Motismart vendus ?

Bonne question. Il répond, d’une voix froide, presque cruelle :

— En s’alliant avec la Macro Cosmos qui leur propose un plan de production à la chaîne efficace : la Fondation Æther s’occupe de la capture de Motisma dans la nature, partout où cette espèce se reproduit. De son côté, la Macro Cosmos Logistique rachète le stock de Métamorph disponible dans les Parcs Safaris et, via la Macro Crosmos Air Cargo, fait venir dans ses usines des milliers d’individus Métamorph. Grâce à la Macro Cosmos Finance, la Macro Cosmos Construction et la Macro Cosmos Assurance, des centaines d’usines poussent sur les continents de Galar et d’Alola. Dans ces usines, les Motisma et les Métamorph sont… « priés » de se reproduire. Les Motisma issus de cette fécondation non-consentie sont transplantés dans les Pokédex de septième, puis de huitième génération. Il ne reste plus qu’à la Macro Cosmos Lifestyle d’inventer un mode de vie basé sur l’utilisation de leurs Motismart, à la Macro Cosmos Media de produire de la publicité intensive, et à la Macro Cosmos Tech de produire assez de Motismart pour faire face à la demande. Oh ! Et à la Macro Cosmos Banque d’empocher le pactole.

Nous échangeons tous des grimaces de dégoût. Devant mes yeux, mon Motismart me semble aussi froid que la mort.

— Vous pouvez rangez vos effets personnels. Le cours est terminé.

Personne ne touche à son Motismart. Lorsque je quitte l’auditoire, le Professeur Chen me rattrape en toute hâte.

— Monsieur Képé, un instant ! Que diriez-vous de décrocher une bourse qui vous permette de rester encore un peu à Kanto ?

Je reste stupéfait et bégaye :

— Je… je… euh, oui… mais… comment ?
— J’ai un sujet de recherche que j’aimerais vous proposer pour votre thèse. Vous comptez bien vous inscrire à un doctorat après l’obtention de votre master ?
— Euh… oui… ?
— Que diriez-vous d’étudier avec moi le phénomène de zoonose entre Pokémon et humains ?

Je m’effondre. Mon cœur n’a pas tenu le coup. Je vais travailler avec le Professeur Chen.