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Un monde ouvert de Feather17



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» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 15/09/2022 à 23:30
» Dernière mise à jour le 15/09/2022 à 23:30

» Mots-clés :   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life   Suspense

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L'enfer n'est pas climatisé
G.I. Balls
Ils nous ont entreposés dans le noir le plus complet. Je n’ai jamais aimé être enfermée dans le noir, même à l’époque où je vivais dans mon terrier et où j’y restais le plus clair de mon temps. Je n’aimais pas, rapport au fait que personne ne me voit dans le noir à cause de mon pelage rose. Et ici, dans cet espace gigantesque et froid, il fait encore plus sombre que dans n’importe quel terrier de Laporeille !

Heureusement, mon espèce se repose essentiellement sur l’odorat pour survivre dans la nature hostile. Nous avons de très bons yeux, là n’est pas la question, mais comme toute espèce, nous avons une préférence pour un de nos sens. Nous, c’est l’odorat. On ne l’a pas choisi, c’est comme ça, c’est tout. Les humains, ils aiment bien tout analyser avec la vue, si bien qu’ils ne voient généralement pas le danger qui les guette, eh bien nous c’est l’odorat.

Il est si développé qu’on peut sentir un prédateur à plus de cinq cents pas de nous ! Une fois, Laporeille et moi, on était de corvée nettoyage (de temps en temps, il faut évacuer nos crottes, sinon le terrier se transforme en véritable fumier et on ne sent plus le danger approcher), et bien on l’a senti arriver à plus de six cents pas cette fois-là ! Un véritable exploit ! C’était une de ces espèces qui vous pique leur dard au fond du derme et vous aspire votre énergie sans votre consentement. Un Ningale, que vous appelez ça — je l’ai appris plus tard, quand j’étais esclave d’un dresseur. J’y reviendrai. C’est vous dire à quel point le voyage en cage nous a rendus malades, enfermés avec des centaines d’espèces vivantes différentes, qui déféquaient et mouraient tout autour de nous. À y repenser, j’en ai la digestion qui tremble.

Dans ce local gigantesque et dans le noir complet, une odeur infestait les lieux. La même que j’ai repérée pour la première fois sur le territoire des Rozbouton. Un arôme acre et pimenté. Celui de l’humain. Partout, dans toutes les directions, aussi loin que mes glandes nasales pouvaient capter les molécules odorantes : ça puait l’humain !

Je ne sais pas combien de temps on est resté enfermés dans le noir, moi et la demi-douzaine de Laporeille survivants de ma harde. Principalement parce que le temps est un concept humain que j’ai toujours eu du mal à concevoir. Les humains le calculent de manière très étrange : ils tracent une ligne de départ le jour de leur naissance, une ligne d’arrivée le jour de leur mort, et ils découpent cet espace en unité de temps sur base de leurs activités routinières. Je pense que leur principale erreur est de penser qu’ils mourront tous à peu près au même état de développement de leurs cellules. Nous, les Laporeille — enfin, plutôt moi, car la seule fois où j’ai essayé d’en « discuter » avec un semblable, il m’a répondu « squick », ce qui se traduit par « éjection d’excrément imminente ». Donc, moi, une Laporeille rose, je vois le temps de manière cyclique. À intervalle régulier, le soleil se lève — c’est ma ligne de départ —, puis se couche puis se lève de nouveau — c’est ma ligne d’arrivée. Et ça recommence en boucle.

Je ne sais donc pas combien de temps on est resté enfermés dans le noir, ni même combien de temps a duré notre périple en cage, étant donné que dans le noir, on ne voit pas le cycle du soleil. Néanmoins, je sais qu’ils ont fait entrer la lumière d’un coup. Ils ont crié, dans leur langage d’humain, et ils nous ont appâté avec des baies. Moi, je suis restée prudente parce que j’avais déjà associé leur odeur au danger. Mais pas les autres Laporeille. Ils ont bondi tout de suite vers la lumière et les baies, premier vrai repas délivré comme un espoir à un retour à la civilisation.

Ça a fonctionné un certain temps. On y a vraiment cru. On a vraiment pensé qu’on était de retour chez nous. Liberté retrouvée ! Mais c’était bizarre : pourquoi nous retirer de notre territoire si c’est pour nous y ramener après un long moment en cage ? Il y avait un terrier, tout comme chez nous, de l’herbe, tout comme chez nous, et même une source d’eau, tout comme chez nous. À quelques étranges exceptions près. Les baies que nous trouvions n’apparaissaient qu’à des moments ponctuels réglés en fonction du soleil. En-dehors de ces moments, pas une seule trace de nourriture. Et puis l’odeur, toujours cette fidèle alliée pour comprendre la réalité qui nous entoure.

Ça ne sentait pas comme chez nous. Déjà, ça sentait le sec, l’aride, le chaud. Et nous avions chaud. Très chaud. Jamais je n’ai eu aussi chaud. Est-ce que ce nouveau territoire était plus proche du soleil ? Je ne sais pas, je n’ai jamais compris comment fonctionnait la température. Quand on grimpe sur un arbre, il fait plus frais et pourtant on se rapproche du soleil. Et dans le même temps, quand le soleil se couche, il fait plus frais et pourtant on est plus loin du soleil. Un mystère que je n’ai jamais su résoudre.

Ça ne sentait pas comme chez nous, hormis une fois. Une seule fois. J’ai même cru que je rêvais ! Une fois, ça a senti exactement comme chez nous ! Un encens typique de notre territoire. C’était la fête chez mes camarades Laporeille. On est tous sortis du terrier en une seule harde et on s’est précipité vers cette odeur. Même moi, j’étais persuadée que notre territoire était à nouveau là. Parce qu’en plus de cet arôme, j’en ai senti un autre familier. Celui que je n’ai senti que quand j’étais toute jeune, à peine née, qui m’est restée gravée dans ma mémoire : celui de la femelle qui m’a pondue. Je l’ai sentie. J’en étais certaine. Elle était là, ma parente !

On s’est fait avoir. On a couru vers le danger sans le voir. Normal, on se fie à l’odeur. Et les humains, ils le savaient. J’ai appris plus tard qu’ils nous étudiaient et qu’ils savaient que notre odorat était notre alliée la plus précieuse. Ils ont même confectionné un tas de petits paquets aux odeurs différents pour attirer d’autres espèces qui se basent aussi sur l’odeur. On s’est fait avoir.

Il y a eu une nouvelle pluie de boules, vertes cette fois. « Plof ! » ça tombait. « Paf ! » ça cognait. « Tchiouf ! » ça disparaissait. Et puis je l’ai vu, mon premier humain. Je l’ai vu avant de le sentir, parce que mes glandes nasales étaient saturées en arôme de chez moi. Je l’ai vu, parce qu’il a masqué la lumière du soleil. Et puis il a disparu dans un flash rouge. Ou plutôt j’ai disparu. Et mon concept de liberté s’est affiné.

Technicien Pour le Futur
— T’aurais pas vu une farde bleue avec beaucoup de documents dedans ?

Je perds tout le temps mes affaires. Ça finira par me poser des problèmes dans mon boulot. Le temps que je perds à chercher mes affaires, je pourrais l’exploiter à faire des découvertes révolutionnaires. Mais non, je suis bordélique et je suis condamnée à être une ingénieure de seconde zone. Parce que je perds mon temps à chercher mes affaires.

— Un jour, tu perdras ta tête.

Il m’a dit ça avec tout l’amour qu’il me porte. Il me tend ma farde sans même me regarder. J’enjambe une pile de livres qui trainent au sol, entre un tas de feuilles froissées et une boîte à outils ouverte, et je récupère ma farde. J’en profite pour lui déposer un baiser sur la joue, et il se remet à bosser sur son écran.

— T’oublies pas qu’on a rendez-vous avec notre plus gros client ? il me rappelle.
— Non, non, je le rassure en me souvenant à l’instant de ce rendez-vous. Mais c’est la folie aujourd’hui, y a le petit nouveau qui va débarquer, je dois le briefer avant le rendez-vous et j’ai même pas bu mon café !
— Il arrive à quelle heure ?
— Midi, je crois.
— T’auras pas le temps pour ton café.
— Pourquoi ?

Mon amoureux me tend mon Pokénav — il était donc sur mon bureau, celui-là ! — et je m’aperçois qu’il est déjà midi. Où est passée la matinée, nom de Groudon !

— Avec un peu de chance, il sera en retard, je dis en croisant les doigts.

On toque à la porte. Je me retourne. Un homme, même génération que nous, barbe mal rasée qui lui donne un style attirant, cheveux poivres et sels bien répartis sur son crâne, se tient dans l’encadrement de la porte.

— Bonjour, j’ai rendez-vous avec une certaine Annette ?
— Germain Manoz ?

Il acquiesce.

— Vous êtes ponctuels, dites donc !

Il ne sait pas quoi répondre. En même temps, ce n’était pas une question. Il regarde autour de nous et évalue notre laboratoire qui est une véritable porcherie, je dois bien avouer. Pas le côté de mon amoureux, mais le mien, c’est un vrai dépotoir. Je suis confuse.

— Je suis confuse, je lui dis, je ne m’attendais pas à ce que vous arriviez si vite. Vous avez fait bon voyage ?

Il hésite un dixième de seconde et je vois passer dans ses yeux une foule de pensées qui m’aurait noyée si c’était mon cerveau qui avait dû les traiter.

— L’océan était agité, mais oui, dans l’ensemble. J’aime bien le climat ici.

Je ne sais pas pourquoi il me parle de météo. J’imagine qu’on parle toujours de météo quand on ne sait pas quoi dire. Il est confus.

— Et vous avez pas encore vécu l’été à Hoenn. Un vrai plaisir !

J’ai pas mis assez de sarcasme dans le ton de ma voix, parce qu’il ne rigole pas. Mon amoureux fait semblant de se râcler la gorge sans quitter des yeux son écran et je vérifie l’heure. On va bientôt avoir rendez-vous avec notre client, et j’ai tellement de choses à faire !

— Je suis désolée, mais on est un peu pressés par le temps, j’avoue à notre nouveau collaborateur. J’imagine qu’on vous a déjà un peu expliqué votre boulot ?
— Pas du tout.

Et merde.

— Ah zut ! Euh, on vous a briefé un peu sur le concept de notre assoce ?
— Non.

Quelle bande de débiles, l’équipe de Kanto, quand même !

— Ils devaient être forts occupés, j’imagine. Bon, très rapidement. L’ASBL des TPF, c’est « Techniciens Pour le Futur » en abrégé. Ça veut bien dire ce que ça veut dire : on a créé un collectif de techniciens, d’ingénieurs, de scientifiques en tout genres pour bosser sur le développement technologique de nos régions. Léo, l’ingénieur qui vous a engagé, est à la base du projet. Et il a très vite développé l’assoce à l’internationale pour étendre nos capacités à voir plus loin que la technologie actuelle. Et puis, pour essayer de ne pas laisser le privé tout seul dans le domaine. Donc, en gros, comme vous avez coché la case « je suis un aventurier et ça me dérange pas de voyager », vous allez principalement bosser pour la Régionale d’Hoenn. Je suis la responsable, Annette, enchantée, et ça c’est mon mari qui bosse sur une adaptation du système de stockage de Pokémon pour permettre de naviguer plus facilement entre les boîtes. Alors, par contre, je suis un peu confuse parce que le client du projet sur lequel vous allez bosser principalement a avancé l’heure de notre rendez-vous et c’est genre maintenant et je dois vous demander si ça vous dérange pas de travailler tout de suite alors que vous venez d’arriver.

Je prends une grande inspiration. J’ai dit tout ça aussi vite que je pouvais, pour pas perdre de temps. J’ai toujours espoir d’avoir le temps de boire mon café. Je suis persuadée qu’il n’a pas retenu une seule information, c’est toujours comme ça le premier jour de travail.

— Ça marche ! il accepte. J’ai déjà un peu potassé le sujet pendant le trajet, je suis paré.

Cet homme est un héros !

— Super ! Ben, je vous propose de pas perdre de temps et d’aller en salle de réu, je crois qu’ils nous attendent déjà.

J’évite une montagne de classeurs et je tape sans le faire exprès dans une pile de livres qui s’effondrent au sol. Pas le temps de ranger pour l’instant. Pas le temps de ranger, de manière générale d’ailleurs.

Sur le chemin, c’est lui qui me fait la conversation.

— Donc, le projet « Meteor 3000 », si je comprends bien, c’est d’arriver à trouver une manière d’exploiter l’énergie géologique en évitant un maximum de production de déchets radioactifs ?

Un vrai cerveau sur pattes, ce bonhomme. J’ai hâte de travailler avec lui !

— Tout juste.

J’entre dans notre salle de réunion et notre client est déjà là avec toute son équipe. Je suis en retard, comme toujours. La poisse. Il ne m’en tient pas rigueur et nous salue d’une poignée de main ravie. Je m’excuse. Il veut absolument que je ne m’excuse pas. J’accepte en lui demandant pardon.

— Monsieur Degré, je vous présente Monsieur Manoz, notre nouvel ingénieur qui va diriger les opérations au sujet de votre commande.
— Monsieur Degré, je dois dire que je suis plutôt excité de vous rencontrer, avoue notre nouveau collègue. En lisant le dossier de ce projet, pendant mon voyage vers Hoenn, j’ai tout de suite été inspiré. Je vois déjà le moteur qu’on va pouvoir construire ensemble.
— Annette, vous m’avez trouvé là un homme fort agréable, s’amuse notre client, ravi.
— C’est notre qualité, chez les TPF !
— Cependant, reprend notre ingénieur, j’ai une tonne de questions à vous poser quant à la source principale de cette énergie, vos météorites.
— Eh bien avec autant d’enthousiasme, je ne peux que vous inciter à m’appeler par mon prénom : Kelvin.

Les deux hommes se serrent la main.

— Je suis déjà impatient d’arriver au bout de notre projet.

Voleurs, terroristes, brigands
Le Pokénav sonne. Satané objet, je ne sais jamais où je l’ai rangé ! Il sonne toujours. Il est si petit, on ne pense jamais aux vieillards comme moi qui ne voient pas plus loin qu’une coudée ! Ça sonne encore et toujours. Par Kyogre, je vais finir par retourner mon salon !

Ça y est, ça ne sonne plus. Évidemment, c’est maintenant que je le trouve. Il était à charger. On va bien me laisser un message, histoire de me dire pourquoi c’est si important de troubler la soirée d’un vieux marin.

J’attends. Pas de message. C’était un numéro inconnu. Tant pis, c’est que c’était pas si important. Je retourne sur mon fauteuil. Moi et ma pipe, y a que ça de vrai !

Ça resonne. Boudiou, juste quand je me rassieds ! Cette fois-ci, je vais pas me laisser avoir par ces brigands ! Je sais où il est !

— Allô !

Ouais, je l’ai dit sèchement. On m’embête pas deux fois dans ma soirée !

— Allô !!

« Crzzzz »

— C’est un canular ?! Allô !!!
— Papy ?

« Crzzzz »

— C’est toi, Rachel ?

Je crie plus fort. J’entends rien, ça fait « crzzzz ».

— J’entends rien, ça fait « crzzzz » !
— …ttends, deux secon… vais bouger… passe mal à la cantine…
— Allô ! Rachel, c’est toi ? J’entends rien !

C’est pénible ! De mon temps, nos communications radios passaient mieux que ces engins de marins d’eau douce ! Même à la vieille époque du morse, on captait mieux un message qu’avec cet appareil de malheur. Et en pleine tempête ! Je me souviens d’un Wailord qui…

— Ça va, tu m’entends mieux, Papy ?
— Ah oui ! Rachel, c’est toi ?
— Oui, Papy, ça va ?
— T’as oublié mon adresse ? Pourquoi tu ne viens plus me voir ?
— Papy, tu sais bien que je ne peux pas me permettre un voyage aussi long…
— Pourquoi ? Moi je l’ai bien fait toute ma vie.

Les jeunes, ils peuvent plus supporter trois vaguelettes pour venir voir leurs vieux. Ils partent dans une autre région exotique pour devenir riche et ils nous abandonnent tous seuls en prétextant qu’ils habitent trop loin. Mais on n’a rien demandé, nous ; c’est eux qui sont partis !

— Comment vont les petits ?
— Ils vont bien, ils vont bien.

« Crzzzz »

— C’est le Ponchien que j’entends aboyer derrière ? J’entends rien, ça fait « crzzzz » !
— Désolée, je suis à l’usine, je te sonne pendant ma pause et ça capte mal ici.
— Ah oui, d’accord.
— Dis, Mamy m’a dit que tu étais encore bien de mauvaise humeur en ce moment. Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Il se passe que je me suis fait voler mon sous-marin !

À tous les coups, elle va pas me croire.

— Mais enfin Papy, comment on peut voler un sous-marin ? Avec tout le système de sécurité que t’as au port, en plus.

Je l’avais bien dit.

— C’est pas vraiment mon sous-marin qu’ils m’ont volé, mais ça fait tout comme ! C’est le radar, enfin un genre de radar, c’est compliqué à t’expliquer. Ça permettait de scanner dans les fonds sous-marins et de distinguer à plus d’un mille nautique les espèces de Pokémon qui vivent là-dessous.
— C’est ton fameux bazar que t’as attendu trois mois pour recevoir ?
— Ouais, ces imbéciles de chez Devon l’ont fait livrer par voie terrestre.

Les jeunes, ils ont plus confiance dans la mer. Alors que c’est la mer qui les a tous nourris au biberon salin ! Si notre bon vieux Kyogre voyait ce que ça devenait, un Hoennois…

— Alors tu m’étonnes, quand t’utilises la voie terrestre, que ça prend des plombes à arriver.
— Mais je ne comprends toujours pas, maman m’a dit que tu t’étais battu ? T’as combattu contre les voleurs ?
— Ouais, ouais, on me l’a fait pas à moi ! Je leur ai envoyé Békille, ils sont vite retournés dans les jupes de leur mère !
— Ton Békipan ? Il est toujours vivant ?
— Ouais, ouais… Ça vit vieux, quand ça vit dans l’eau ! Humain comme Pokémon !
— Mais alors, ils l’ont volé ou pas ton radar ?
— J’entends rien, ça fait « crzzzz » !
— Papy ! Ils l’ont pas volé ton radar, si ?

Jamais ils te croient, les jeunes. Ça a vécu moins longtemps que toi, ça a pêché moins de Barbicha que toi, mais c’est eux qui ont inventé la Méga Canne !

— C’est comme si !
— Pfff… Papy, qu’est-ce qui s’est passé avec ton radar ?
— Ils me l’ont racheté, voilà ce qu’ils m’ont fait !
— T’es toujours dans l’abus, Papy.
— J’y peux rien, c’est comme ça ! J’ai jamais supporté les bobos écolos qui pensent sauver la terre alors qu’ils consomment plus de gazole que tous les autres réunis ! Bande d’hypocrites ! Bande de voleurs de Gobou ! Sous prétexte qu’ils veulent les protéger, ils se permettent de se les approprier !
— Bon, Papy, je vais devoir retourner bosser, j’ai que cinq minutes de pause normalement.
— Tu me crois pas, hein oui ! T’es comme ta mère.
— Papy, tu m’as fait croire que tu t’étais battu contre des voleurs alors que t’es juste de mauvaise fois et que tu regrettes la vente de ton radar après coup ! J’ai d’autres choses à faire que de t’écouter inventer toutes ces histoires.

Ça, les jeunes, ça a toujours autre chose à faire que d’écouter les histoires des vieux. Pfff !

— Je l’ai pas vraiment vendu non plus.
— Papy !
— Je me suis pas laissé faire, voilà ce que j’ai fait ! La bonne femme voulait me l’acheter vingt mille Pokédollars ! Vingt mille, c’est pas assez ! Je l’ai pas vendu !
— Mais, je ne comprends rien à ton histoire, tu l’as ou tu l’as plus ton putain de radar ?!
— Je l’ai plus. C’est eux qui l’ont. Mais en échange, je bosse pour eux maintenant. C’est moi qui chapeaute leurs recherches dans le fond de la mer, au large d’Atalanopolis, et c’est que moi qui peux utiliser mon radar.

« Crzzzz »

— J’entends rien, ça fait « crzzz » !
— Non, c’est moi qui soupire, Papy. Tu me fatigues.
— C’est moi qui vais travailler avec des climato-terroristes, et c’est toi qui es fatiguée ? Va faire trois mille lieues en mer, tu vas voir ce que c’est la fatigue !

Génération de fainéants !

— Bon Papy, je te laisse. Je dois y retourner, mon chef me fait des grands yeux. Bisous.
— C’est ça, bisous.
— Et arrête de partir du principe que les écolos sont tes ennemis. Tu vas voir, tu vas sauver les Pokémon marins avec eux et ça va devenir tes potes, comme toujours.
— Meh !
— Comment tu dis qu’ils s’appellent ?
— La Team Aqua, ou une connerie du genre.

« Crzzzz »

— Allô ? Rachel ? J’entends rien, ça fait « crzzzz » !

« Crzzzz »

Simples statistiques
Laporeille est peut-être bien jolie, mais elle est surtout drôlement façonnée. Quand je capture un Pokémon, il passe toujours par la phase de scannage avec mon Pokédex, histoire de voir ce qu’il vaut. Je ne combats jamais sans m’assurer d’une bonne stratégie avec une équipe de Pokémon au point sur leurs statistiques.

De base, le tier stratégique de Laporeille est « Little Cup », avec un pourcentage de 0,04 dans son utilisation. En Lockpin, il passe en « PU » à un 0,25 pourcent d’utilisation. Il a une très bonne Vitesse et son Attaque n’est pas trop mauvaise. Il a un bon Movepool offensif ainsi que de support. Son meilleur talent est « Échauffement », et pour bien faire, sa nature la plus optimale serait « Jovial », ce qui permet d’augmenter sa Vitesse et de diminuer son Attaque Spéciale qui, de toute manière, ne sera pas exploitée. En revanche, son plus gros défaut est d’être très faible face au type Combat. C’est d’ailleurs sur ce genre d’adversaire que je vais tester le Movepool que je lui ai concocté.

Par contre, je vais attendre un peu parce que le dernier Hariyama qu’on a croisé lui a bien briser les os. Laporeille n’est pas prête.

Et pourtant, en voyant ses stats, je ne peux que bondir de surprise : on dirait que Laporeille a été conçue spécifiquement pour le combat en tournoi ! Nature : « Jovial ». Talent : « Maladresse », ce qui n’est pas si mal car je peux utiliser ma stratégie favorite une fois que je l’aurai fait évoluer en Laporeille. Il faut juste que je l’entraîne bien.

Et je pense l’avoir bien fait, parce que j’ai passé la journée entière à voyager entre la Route 118 et la Route 120 pour faire grimper ses EVs Vitesse et Attaque. Couplée avec le joli Bracelet Macho, ça a bien dû la booster dans ses EVs.

Reste plus qu’à tester le set : je l’équipe d’un Bandeau Choix pour augmenter une de ses attaques de cinquante pourcents, et je l’exploite en Pokémon de support offensif. J’applique le Bandeau Choix sur son « Ultimawashi », je le maintiens un maximum sur le terrain avec « Vampipoing », si mon adversaire utilise un objet trop claqué, je le lui pique avec « Passe-passe » et je le termine avec un autre Pokémon en sacrifiant Laporeille à l’aide de « Vœu Soin ». Simple.

Ou bien je pourrais jouer un set avec « Bluff » et « Dernier Recours », mais c’est tout de même hautement déconseillé car difficile à mettre en place…

Je vérifie un truc avec le Pokédex.

Ah ben oui, mince ! J’avais oublié que Laporeille avait le talent « Maladresse », ce qui m’empêche d’utiliser son Bandeau Choix. Et si justement je l’entraînais pour quand elle sera une Lockpin. Je l’équipe d’un Orbe Flamme, son talent « Maladresse » désactive la nocivité de l’Orbe, je le refile à l’adversaire avec « Passe-passe », je lui marave la gueule avec « Retour » qui sera rudement efficace une fois qu’elle aura évoluée avec tout le bonheur que je vais lui faire bouffer, un « Pied Voltige » au cas où il y ait un Pokémon de type acier ou roche, et je termine avec la strat du « Vœu Soin ». Efficace.

Par contre, qu’est-ce que je fais si son adversaire est un Pokémon de type spectre ? Je pourrais toujours l’associer avec un Moufflair pour piéger le type spectre avec l’attaque « Poursuite ». Mais où je vais me trouver un Moufflair à Hoenn ? Je n’en ai pas vu un seul au Parc Safari… Mon Poké Multi-Navi, dernier cri, va bien m’aider à en trouver un. Au pire, s’il n’y en pas, tant pis pour Laporeille, je la fous au PC et je change de strat.

Simple, efficace.

Dix bombes atomiques
Ils ne se sont pas moqués de nous, les TPF, quand ils nous ont parlé de leur nouvel ingénieur. En plus d’être redoutablement intelligent, qu’est-ce qu’il est beau ! J’en ferais bien mon goûter, de ce grand daddy.

Kelvin me lance un regard excité. Ça me fait froid dans le dos. Pas du tout mon style, celui-là.

Je sors de mes rêveries et me concentre sur la conversation en cours. Mon daddy a ôté un long tissu opaque de sa machine complexe et nous montre fièrement une ampoule allumée à l’extrémité de l’engin. Je n’y comprends pas grand-chose, mais le sourire émerveillé des scientifiques derrière lui nous enjoint à le féliciter.

Toute l’équipe applaudit, et mes gars et moi on les rejoint.

— Pour vous donner une idée, reprend mon mec sexy, l’ampoule est allumée depuis exactement cent septante-deux heures et seize minutes, ce qui équivaut à peu près à une semaine et quatre heures, mais je préfère parler en minutes, c’est plus précis.
— Et… c’est bien ? demande Kelvin, quelque peu perplexe.
— Évidemment que c’est bien, Kelvin ! je réplique, excédée par son manque de compréhension.

En réalité, moi-même je ne vois pas bien en quoi c’est un exploit, mais je préfère que mon grand daddy me voit au même niveau intellectuel que lui.

— Ce n’est pas forcément bien, répond mon ingénieur tout en nuance, c’est simplement pour vous donner un ordre d’idée. On a calculé qu’elle devrait s’éteindre dans le courant de la semaine prochaine au vu de l’intensité de… enfin, je vais vous passer les détails.
— Je ne comprends pas bien cet ordre d’idée, justement, insiste Kelvin.

Je soupire. Qu’il est con, ce Kelvin !

— C’est normal, rassure mon scientifique, je ne vous l’ai pas encore expliqué. Il vous manque une donnée. Nous avons utilisé un gramme de la météorite que vous nous avez fournie. Et encore, elle était en très mauvais état et je ne pense pas qu’elle contienne autant de matière qu’une météorite du Site Météore, au vu de sa porosité.

Je n’ai rien compris.

— Mais c’est génial ! s’exclame Kelvin en bondissant de sa chaise.
— Plutôt, oui.

Mon daddy s’autorise un sourire satisfait. Son équipe derrière lui applaudit de plus belle. Je les imite, il ne faut pas que je passe pour plus bête que Kelvin. Il faut absolument que j’intervienne.

— Excusez-moi ? Pour vous, quelle quantité d’énergie générerait l’exploitation totale de toutes les météorites découvertes sur le Site Météore ?

Le silence tombe. Tout le monde me regarde. Kelvin fait la grimace, du genre de celles qui montrent qu’il me prend pour une idiote devant tout le monde. S’il savait à quel point c’est lui qui n’y comprenait rien… Mon bel ingénieur, lui, considère ma question à sa juste valeur et ses yeux fixent quelque chose en haut à droite. Il réfléchit sérieusement à ma question. Je vois toutes les données d’un calcul complexe passer derrière sa rétine.

— C’est une question compliquée, se permet d’intervenir sa supérieure, il faudrait savoir à combien s’élève le poids de toutes les ressources du Site Météore.
— On peut l’estimer, j’imagine ?

Je pousse. Je veux une réponse. Pas simplement pour briller devant tous ces incapables en uniformes rouges. Mais pour impressionner mon beau mâle. Ah oui, et il y a la mission aussi…

— Ça reste compliqué, s’entête la scientifique.

Mon ingénieur, lui, a fini ses calculs. Ses yeux me fixent à nouveau.

— Ce n’est qu’en théorie, histoire de se faire une idée des ressources de notre bonne vieille Hoenn.

Je veux une réponse.

— Eh bien, intervient enfin mon ingénieur, en théorie, et en faisant de gros raccourcis parce que je ne connais pas la quantité exacte de météorite disponible…
— Soyons fous, imaginons.
— Probablement l’énergie contenue dans dix bombes atomiques modernes.

Il a dit ça si simplement, ça m’a glacé le sang.

Son équipe se crispe. Sa supérieure ne sait plus où se mettre. Les miens sont impressionnés par cette réponse. Pas moi. Je ne dois pas me montrer impressionnable. Ça les attire, les femmes qui ne se laissent pas impressionner.

— Mais il faudrait une machine probablement aussi imposante que le Mont Chimnée, s’empresse d’ajouter mon ingénieur après avoir croisé le regard terrifié de sa collègue.
— Dix bombes atomiques, je répète aussi froidement que possible. Fascinant.
— En théorie.
— De quoi réveiller un volcan, je suggère.

Je lui ai fait un clin d’œil. Ça y est, j’ai enfin réussi à le déstabiliser. Il se râcle la gorge et se gratte machinalement les doigts.

— De quoi détruire toute notre bonne vieille Hoenn, il répète pour faire passer un message subtil.

J’acquiesce. J’ai les flammes dans les yeux. Il est prêt à se laisser cuir.

Dans la boîte
Le temps est une notion complexe, même pour une Laporeille. Je ne saurai dire quand je suis née, par exemple. Entendons-nous bien. Je suis capable de me souvenir plus ou moins fidèlement du temps qui me sépare de l’instant présent à celui où je suis née, mais je ne saurai pas le quantifier. Tout simplement parce que nous n’avons pas d’unités de mesure à notre disposition. La seule unité que nous avons, à savoir le cycle du soleil, est une unité complète qui se répète de manière périodique. C’est comme si les humains parlaient de périodicité de ce qu’ils appellent leur « vie ». A priori, ils n’ont qu’une seule vie. Difficile d’imaginer qu’elle soit cyclique. C’est pareil pour ma construction du temps. Enfin, plus ou moins.

Si je sais à quel moment dans ma vie je me suis retrouvée enfermée dans cette réalité immatérielle, je suis bien incapable de mesurer la quantité de temps que j’y suis restée. J’y étais depuis je ne sais pas combien de temps, et pendant je ne sais pas combien de temps. Je suis désolée, je ne peux pas être plus précise.

Comment vous expliquer l’endroit où je me trouvais ? C’est comme si le monde réel n’existait plus. Prenez votre territoire. Il n’existe plus. Votre terrier ? Disparu. Les odeurs ? Envolées. La nature ? Volatilisée. Tiens, le temps ? Inconnu. Un peu comme quand vous vous retrouvez bloqués dans une de leur boules, verte ou rouge, peu importe. Vous voyez ce que ça fait ? Eh bien, c’est pareil ici.

Mon dresseur, après m’avoir rouée de coups, après m’avoir forcée à me battre avec d’autres espèces, après m’avoir fait prendre du muscle, après des cycles de torture, a décidé que je n’en valais finalement pas la peine. Alors il m’a renfermée dans la boule verte. Mais j’ai su que j’étais ailleurs, cette fois-ci. Je ne sais pas comment l’expliquer, c’est encore un concept nouveau. Mais j’ai su que je n’étais plus un flash rouge, mais… un « code ». C’est le seul mot que j’ai trouvé. Un « code ». Je n’étais plus un être biologique, mais une succession d’informations placée — vous dites « stockée », il me semble ? — dans une espèce de boîte qu’on peut ouvrir et fermer en échange d’énergie… Oh, je n’y comprends rien !

Je ne suis plus une Laporeille, voilà ! Je suis un monstre qu’on a dressé pour être transformé en énergie et enfermé dans une boîte. Et puis cette boîte, elle peut voyager dans l’espace. Je suis sincèrement désolée, je n’y comprends pas plus que vous. Elle peut voyager dans l’espace, je le sais parce que quand on m’a sortie de là, quand j’ai retrouvé mon corps, le vrai, mon corps physique, je n’étais plus au même endroit. Il faisait beaucoup moins chaud. Et mon dresseur n’était plus mon dresseur, c’était une femelle humaine. Elle a crié quelque chose dans son langage humain qui ressemble au bruit : « Oh trop bien, un Shiny ! ».

Je suis désolée, je n’y comprends pas grand-chose.

Mont Chimnée
Je vais étouffer. Je vais mourir ici, couché sur ce sol désertique, la peau brûlée par la chaleur du magma, les poumons vidés de leur air. Je vais mourir étouffé ici à quelques secondes d’accomplir mon plus grand rêve. Ma quête. Ma contribution. Je vais mourir ici et tout cela n’aura servi à rien.

Je dois me concentrer. Je dois trouver un moyen de m’extraire de sa poigne vigoureuse. Il est en train de m’asphyxier. Ses yeux bleus, nervurés de veines rouges, sont plongés dans les miens. Mon frère, mon sang, mon semblable est en train de m’ôter la vie. Arthur, pourquoi m’infliges-tu ce supplice ? Que t’ai-je fait ? J’essaie de sauver notre région de la catastrophe climatique, et toi, tu t’adonnes à un fratricide. Je vais mourir ici et je n’aurai même pas le temps de te pardonner. Tout cela n’aura servi à rien.

Une explosion retentit, elle est lointaine mais assez robuste pour me sortir de ma torpeur. De ce qu’il me reste de la vue, je vois autour de nous les détails d’une guerre destructrice. Un bras en uniforme bleu déchiré par la mâchoire d’un Grahyèna. Une tête sous un bandana bleu tranchée net par la nageoire dorsale d’un Carvanha. Il pleut des cadavres en paquet. Il pleut sur notre conscience la mort de dizaines de pauvres âmes, aveuglées par l’espoir d’un avenir meilleur. Mais vous n’avez plus droit à votre conscience quand vos mains s’affèrent à écraser la gorge de votre frère.

Un corps s’envole dans les cieux. Je ne saurai dire s’il est Humain ou Pokémon. Je sais simplement qu’il s’est envolé sous le coup de poing féroce d’un Hariyama surentraîné. Je sais simplement qu’il tombe dans le cratère du volcan, juste derrière moi, dans un dernier cri de désespoir. Et en le suivant de mes yeux, mon regard flou tombe sur l’énorme machine fixée au-dessus du cratère. Ma machine.

Je ne sens plus rien, je ne goute plus rien, je ne sais même pas si je suis toujours en vie, mais je la vois. Ma machine. Elle est toujours en fonction. La Team Aqua ne l’a pas encore arrêtée. Mes sbires font du bon boulot. Moi, je vais mourir, mais mon plan aura été un succès. Si et seulement si quelqu’un arrivait à actionner la commande.

— Tu vas crever, espèce de monstre ?!

Arthur s’impatiente. Je ne suis pas assez rapide à son goût. Patience mon frère, nous t’appellerons bien vite meurtrier. Encore quelques secondes. Je te comprends. Le temps s’étire lorsque l’on se languit qu’il passe. Dans ton cas, encore quelques minutes de patience.

D’ailleurs, la mort se fait aussi attendre. Je peux peut-être en profiter pour tenter une dernière chose, un dernier mouvement, peut-être en vain, sûrement inutile, plus que probablement inefficace, mais un dernier mouvement d’espoir tout de même. Ma Poké Ball est à portée de main.

Je l’active. Camérupt en sort.

— S… Sé… Séi…
— NOOOOOOOOOON ! s’enrage Arthur.

Il pousse plus fort sur ma gorge. Ma vue vacille. Camérupt n’a pas besoin de mes ordres pour obéir. Le sol se met à trembler. Le volcan se met à vrombir. Tout le monde tombe au sol, sauf Arthur et moi qui y sommes déjà. Ma machine se rompt. Elle tombe dans le cratère. Avec la météorite. Avec la puissance de son énergie.

Ma vue se trouble, ça y est, je n’ai plus d’air. Tu as gagné, Arthur. Mais j’ai gagné avant toi.

Champignon nucléaire
Momo navigue dans l’ordinateur tandis que je navigue dans mes pensées. J’aime les laisser tournoyer pendant que mes bras travaillent. Lorsque je n’ai pas besoin de réfléchir, et que mon corps est capable de travailler sans mon cerveau, je m’autorise une baignade dans mes pensées les plus chaotiques. C’est généralement à cet instant que j’ai les idées les plus brillantes.

— Oh ! Excusez-moi, je ne vous avais pas vu.

On m’arrache de mon état de transe. L’infirmière Joëlle est passée devant son comptoir et me domine de tout son corps. Moi, à genoux entre les câbles du PC du Centre Pokémon, je me suis laissé surprendre par son arrivée.

— Je ne pensais pas que vous arriveriez aussi vite, vous avez fait bon voyage ?

Qu’est-ce qu’ils ont tous à me demander si j’ai fait bon voyage ? Mérouville n’est pas si loin de Nénucrique en comparaison avec ma région de Kanto.

— J’étais dans le coin, je me suis dit que je passerais jeter un coup d’œil à votre PC plus tôt que prévu.
— C’est très gentil de votre part.

Elle m’octroie un sourire rayonnant et replace ses boucles rouges derrière une oreille. Elle n’avait pas l’air de la gêner cette mèche, pourtant.

— En tout cas, vous êtes drôlement efficace les TPF, un coup de téléphone et vous débarquez pour tout réparer ! Je ne sais pas ce que feraient mes dresseurs sans vous. Il y a des Pokémon qui sont bloqués dans le PC depuis une bonne journée.
— Je dois encore vérifier que ma réparation était efficace, mais normalement, tout devrait rentrer dans l’ordre.
— Quel professionnalisme !

Rassurée, elle me touche la cuisse amicalement et je lui réponds par le sourire. Je ne sais jamais me comporter quand on me félicite pour mes compétences. Réparer un PC, c’est vraiment un jeu d’enfant.

Je lui fais comprendre que j’ai encore pas mal de boulot, et elle me quitte en m’assurant qu’elle accourrait pour n’importe lequel de mes besoins. Je la remercie poliment.

Pour vérifier que tout fonctionne bien, je demande à un gamin qui patiente dans un coin de s’approcher. J’ai besoin d’accéder à un compte de dresseur pour vérifier que les Pokémon stockés n’ont pas été effacés par le bug — c’est un phénomène complexe, mais parfois il arrive que le code, c’est-à-dire la succession de 0 et de 1 qui définit l’identité du Pokémon stocké, s’efface. Rien de bien dramatique, il faut simplement récupérer la dernière sauvegarde automatique du PC avant le plantage de l’appareil. Mais cela demande plus de temps et aujourd’hui, je suis épuisé. Et comme je n’ai que Momo comme partenaire (merci la « Safari Experience » !), j’ai besoin d’accéder au compte d’un dresseur qui a stocké des Pokémon dans notre système.

— C’est une fameuse collection de Laporeille que tu as !

J’ai dit ça sur le ton de la conversation, mais le gamin a souri fièrement. Je peux comprendre pourquoi : ça doit demander pas mal d’énergie d’arpenter chaque centimètre carré du Parc Safari à la recherche d’un Pokémon rare. C’est pour cette raison que je préfère payer plus cher pour me les faire livrer directement chez moi.

— Et… ma parole, c’est un Shiny !
— Ouaip.

Cette fois, pas de trace de fierté chez lui. Le gamin a l’air blasé. C’est très rare, un Shiny. Il devrait être ravi.

— C’est pas le seul que j’ai.

Il accède à la Boîte 6 qui est remplie de Laporeille Shiny.

— Je suis un Shasseur.

Je n’ai aucune idée de ce que ça veut dire, mais je souris bêtement pour le féliciter.

— Fameuse collection.
— Je m’en fous de les collectionner, je veux juste trouver le Pokémon parfait pour ma strat en combat. Et les Laporeille, franchement, c’est pas ouf en combat. Même pour du PU en Lockpin.

Je n’ai rien compris. Je continue de sourire bêtement. De son côté, l’infirmière Joëlle sourit bêtement elle aussi en me regardant. J’imagine que, comme moi, elle ne veut pas paraître vieille et dépassée.

— Vous en voulez un ?
— Oh, je n’ai que mon partenaire Motisma. Je n’ai rien à t’échanger.

Il est déçu.

— C’est réparé ? il me demande.

J’acquiesce.

Il récupère un Laporeille Shiny au hasard dans sa Boîte 6, une femelle, talent « Maladresse », nature « Jovial ». Puis, il ouvre son Poké Multi-Navi, accède au Navi-Fun, une de nos récentes améliorations de l’appareil, et allume l’outil « Échange Miracle ».

— J’espère que j’vais pas recevoir un bête Chenipotte niveau deux.
— Au pire, tu l’échangeras à nouveau.

Je fais semblant de faire un roulement de tambour dans le vide. L’infirmière Joëlle rigole de son côté.

— Un Gravalanch, il annonce en lisant son écran.
— Eh, c’est cool ! Tu vas avoir un Grolem !
— Bof, j’en ai déjà quatre.

Et Grolem finit dans la Boîte 6 à la place de son ancienne Laporeille.

À cet instant précis, le sol se met à trembler. Une petite secousse, pas violente, mais assez inquiétante. Car par la fenêtre, en direction de l’imposante montagne à l’ouest de Hoenn, un nuage lumineux a pris sa place dans le ciel. Comme une forme de champignon.