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Team Rocket X-Squad de Malak



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» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 11/09/2022 à 09:19
» Dernière mise à jour le 30/10/2022 à 10:20

» Mots-clés :   Action   Fantastique   Organisation criminelle   Présence d'armes   Présence de Pokémon inventés

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Chapitre 438 : Veluba et Spiritomb ( 2nde partie )
L'arrivée d'un nouveau Mélénis au Refuge était toujours une grande occasion, tant leur nombre décroissait dangereusement au fil des ans. Mais cette fois, il s'agissait en plus de l'enfant d'Elohius. Jamais le Dieu des Mélénis n'avait encore fait don de quelqu'un de son sang au Refuge, alors même qu'il existait depuis des millénaires. Personne, pas même les Maîtres successifs du Refuge, n'avaient osé l'interrogé à ce sujet. On en était même venu à croire que, peut-être, le premier des Mélénis ne pouvait pas engendrer.

La venue de Veluba était donc autant une joie qu'un soulagement pour eux. La Maîtresse du Refuge actuelle, Dame Nimufreya, accueillit la jeune fille avec grandes effusions, jusqu'à préparer un banquet pour elle. Assise à la droite de la Maîtresse et à la gauche de son père au bout d'une grande table, elle fut la vedette de la soirée, tous les Mélénis cherchant à lui parler. Elle n'avait jamais connu pareille attention et en fut mal à l'aise, elle qui avait délaissé la compagnie des humains pendant plus d'une année.

Mais tous les Mélénis ne voyaient pas sa présence d'un bon œil. En fait, c'était même son existence que certains rejetaient. Il existait au Refuge un petit groupe de Mélénis très conservateurs, fiers de leur longue lignée de purs Mélénis et méprisant les humains. Pour eux, même si Veluba était la fille d'Elohius, elle avait un gros défaut : c'était une demi-Mélénis. Son ascendance humaine du côté de sa mère la rendait en quelque sorte impure aux yeux des Mélénis les plus traditionalistes, qui refusaient que les Mélénis se reproduisent avec les humains, même des Favorables.

Ils étaient en minorité au sein du Refuge, aussi Veluba n'eut aucune difficulté à ignorer leurs médisances. Elle avait connu bien pire dans son village natal, où on l'avait rejeté pour être du sang de Maleval l'Obscur. Ici, au Refuge, les Mélénis, autant les sympathiques que les conservateurs, se contrefichaient totalement de quel humain elle était la descendante.

On lui fit l'honneur, sans doute du fait de son statut de fille d'Elohius, d'être la disciple de Maîtresse Nimufreya en personne. C'était une grande dame, sage et puissante, qui descendait d'une lignée particulièrement longue et célèbres de Mélénis. Sa grand-mère n'était autre que la légendaire Viviane, surnommée la Dame du Lac, qui avait longuement dirigé les Mélénis à l'époque où le Refuge se trouvait encore sur l'île d'Avalon, non loin de la région Galar. Mais il y a quatre cent éclata un schisme entre les Mélénis. La propre nièce de Viviane, la tristement célèbre Morgane la Fée, se plongea dans les arts interdits du Flux Noir, et à la tête de ses partisans Mélénis Noirs, elle tenta de prendre le contrôle d'Avalon, tandis que son fils bâtard et incestueux tenta de même avec le monde des humains.

Ce fut ce qu'on appelle aujourd'hui la Guerre de la Grande Magie. Elle fut un traumatisme pour les Mélénis, causant de nombreuses pertes tandis qu'ils se battaient entre eux. Au final, les Mélénis survivants durent quitter leur île ancestrale d'Avalon pour fonder un nouveau Refuge dans le Royaume de Johkania.

Protégé et dissimulé par plusieurs sortilèges de Flux, le Refuge se trouvait quelque part dans le sud de Johto. Veluba ne sut dire où avec précision, du fait qu'elle ne s'était jamais éloigné de son village natal ou de sa forêt voisine. On l'avait encouragé à ne pas sortir du Refuge pour l'instant ; une règle tacite et commune à tous les apprentis Mélénis, apparemment. Non pas que Veluba eut envie de quitter la protection du Refuge pour aller se mêler aux humains, de toute façon. Mais l'absence de Pokemon lui manquait. Il y en avait très peu, dans le Refuge. Ils semblaient se tenir naturellement éloignés des Mélénis.

Elle tenta d'oublier ses amis Pokemon en se plongeant corps et âme dans l'étude du Flux. Elle suivait plusieurs coups avec différents professeurs ; la plupart des Maîtres, mais aussi certains disciples plus âgés, spécialistes dans un domaine en particulier. Outre l'utilisation normale du Flux via ses différents niveaux, elle apprenait aussi l'histoire du peuple Mélénis, les sortilèges de Flux, ainsi que son usage dans divers domaines, comme la médecine, le partage de pensées entre Mélénis, ou encore la Marche du Temps, qui consistait à se plonger si profondément dans le Flux que l'on pouvait discerner des visions du futur.

Il apparut bien vite que Veluba n'était clairement pas destinée à devenir une Mélénis guerrière, ni une érudite. Son usage du Flux dans les six niveaux était passable, et elle n'avait aucun talent spécial dans l'usage de sort, de la médecine, ou dans d'autre branches obscures du Flux. Elle excellait en une chose, cependant : c'était le partage de pensées. Grâce au Flux, les Mélénis pouvaient communiquer mentalement entre eux, s'il y étaient entraînés. Veluba y était arrivée naturellement, sans aucun entraînement préalable.

Et ce n'était pas tout. Elle pouvait transmettre ses pensées, lire celles des autres, mais faire pareil avec les sentiments. C'était ça, son don : créer des liens grâce au Flux. Le problème, c'est que ça nécessitait une confiance et une ouverture d'esprit de la part des autres. Si Veluba était naturellement empathique, ce n'était pas le cas de tout le monde. Beaucoup de jeunes Mélénis refusèrent de se lier à un tel niveau avec leur camarade, que ce soit par pudeur, par gène ou par méfiance.

- Il faut les comprendre, lui dit un jour Maîtresse Nimufreya quand Veluba lui avait fait part de sa frustration. La plupart d'entre eux ont grandi en apprenant à se méfier des humains qui leur feraient du mal s'ils découvraient leur Flux. Ils ont appris à garder leurs pensées et leurs émotions pour eux. Les ouvrir en grand, même pour une condisciple Mélénis, demande du temps.

- Me feraient-ils plus confiance si je n'étais pas à moitié humaine ? avait demandé la jeune fille avec rancœur.

- Cela n'a rien à voir avec ça, mon enfant. Ils agiraient de même si tu étais une Mélénis pure sang. Tu es gentille, Veluba. Tu t'ouvres facilement aux autres. Tu vois le bien en eux avant de voir vos différences. C'est un état d'esprit admirable que bien peu possède. Mais j'ose espérer qu'au fil du temps, toutes les barrières tombent, et qu'un jour, tu sois capable de te lier en temps direct avec tous les Mélénis existants. Car ton pouvoir est un don, celui qu'Elohius nous a confié. Si un jour nous devons sortir au grand jour et nous battre pour notre survie, la possibilité que tu nous offres d'être toujours en contact les uns les autres nous apporterai un avantage crucial.

Veluba avait froncé les sourcils.

- Je ne veux pas m'en servir pour être une messagère de guerre !

- Moi non plus. Qu'Arceus nous préserve d'un autre conflit qui réduirait encore plus nos rangs. Mais si cela doit arriver malgré tout, nous devrons utiliser tout ce que nous avons à disposition pour survivre.

Plus le temps passé au Refuge, et plus Veluba se disait qu'elle n'y avait pas vraiment sa place. Elle s'était fait beaucoup d'amis, certes, et elle aimait Maîtresse Nimufreya comme une mère. Mais les Mélénis raisonnaient en terme de groupe avant de raisonner individuellement. Ils mettaient leur Flux et leur vie au service de l'avenir des Mélénis, dans l'attente d'une hypothétique guerre contre les humains, ou leurs rivaux, les Mélénis Noirs. Ils étaient incapables d'appréhender un futur qu'ils auraient eux-même choisi, une vie qu'ils vivraient pour eux, et non pour le collectif Mélénis.

Veluba ne se sentait pas liée à leur idéal. Peut-être justement parce qu'elle n'était qu'une demi-Mélénis ? Elle avait leurs pouvoirs, certes, du fait du sang de son père, mais elle ne se sentait pas Mélénis à part entière. Et plus cette certitude lui envahissait l'esprit, plus ses liens mentaux avec ses condisciples en pâtissaient.

Il n'y avait qu'un seul disciple Mélénis avec qui elle partageait un lien fort. Un garçon de deux ans son aîné, qui se nommait Merlwin. Peut-être parce qu'il était un demi-Mélénis comme elle ? Peut-être parce que lui aussi aimait les Pokemon ? En tout cas, il devint son seul confident, et lui aussi lui partagea des choses qu'il n'aurait pas osé dire à son propre maître.

Ensemble, ils explorèrent le partage de pensées de Flux bien plus loin et plus profondément que tout ce que Veluba avait pu faire avec sa maîtresse ou ses autres condisciples. Ils allèrent si loin dans l'intimité de l'autre qu'au bout d'un moment, ils n'auraient même plus su dire où s'arrêtait leur corps et leur esprit et où commençaient ceux de l'autre. Ils s'adonnèrent à des expériences que les Maîtres du Refuge, conservateurs et prudents au possible, n'auraient jamais accepté.

Quand Veluba atteignit sa quinzième année, ses rapports avec Merlwin, alors uniquement basés sur l'amitié, la confiance et la curiosité quant à savoir jusqu'où son lien de Flux pouvait aller se transformèrent naturellement en quelque chose de plus profond, et aussi de plus physique. Ils étaient déjà si liés mentalement, leurs esprits en si parfaite harmonie, qu'unir leur corps ne leur paraissait pas seulement évident, mais indispensable.

Bientôt, Veluba ne fréquenta plus d'autres Mélénis que Merlwin. Elle n'avait pas besoin des autres, qui hésitaient à s'ouvrir pleinement à elle, alors elle s'était trouvée une âme sœur avec qui elle partageait tout. Le couple devint peu à peu des parias au sein du Refuge, considérés comme trop amoureux et trop snobs pour rechercher la compagnie des autres. Quand Maîtresse Nimufreya lui en fit la remarque, Veluba haussa les épaules et répondit :

- Je ne me suis jamais souciée de l'opinion des autres, maîtresse. Je ne vais pas commencer maintenant, surtout sur un point de ma vie où j'ai enfin trouvé la plénitude.

- Tu es trop jeune pour affirmer cela avec tant de conviction. La première amourette de jeunesse nous paraît toujours incroyable et destinée à durer jusqu'à la fin des temps.

- Ce n'est pas une « amourette », avait répliqua l'adolescente. Je suis l'âme sœur de Merlwin, et il est la mienne. Le Flux ne saurait mentir à ce sujet. Pas au niveau si profond auquel nous nous sommes liés. Et nous l'étions bien avant que nous commencions à avoir des rapports physiques.

- Si tu le dis... Je ne vais pas argumenter avec toi dans ton propre domaine d'expertise, et tu es bien sûr libre d'avoir le compagnon que tu veux. Mais pourquoi cela devrait-il vous couper tous deux des autres ?

- Peut-être bien que ce sont les autres qui nous évitent, et non le contraire ?

- Ça ne t'a jamais empêché d'insister et de revenir vers eux, jadis. Tu étais si empathique avec tout le monde, que personne ne pouvait refuser ton amitié. Même ceux qui te méprisaient à cause de ton ascendance humaine, tu as fini par les charmer comme tout le monde.

- C'était mon Flux qui agissait. Il se liait à ceux des autres sans que j'ai mon mot à dire. C'est fini, désormais. Je le contrôle, et je me lies à qui je veux. Et je me rends compte que je n'ai nulle envie de me lier aux autres Mélénis. Je ne les déteste pas... mais nous avons des modes de pensée très différents. Je ne pense pas que je sois destinée à devenir une Mélénis.

- Et pourtant, tu l'es, et tu le resteras.

- Avoir le Flux et être un Mélénis sont deux choses différentes, pour moi. En dépit de ces trois ans ici à vivre avec vous tous, à étudier et contrôler le Flux et à apprendre notre histoire, je me rend compte que c'est bien ma part humaine qui prédomine en moi. Celle de mon ancêtre, Alexandros Deleval, qui voulait lier l'humanité aux Pokemon. C'est à eux que je suis destinée à me lier. Je le sais. Je le sens.

Veluba s'inclina alors profondément devant sa maîtresse.

- Je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi durant ces trois ans, et pour tout ce que vous m'avez appris. Mais je vais quitter le Refuge, avec Merlwin.

Nimufreya la jaugea du regard un petit moment sans rien dire, comme si elle mesurait sa détermination.

- Nous n'avons jamais retenu personne de force au Refuge, mon enfant, fit-elle enfin. Mais je pense que tu devrais au moins en discuter avec ton père et...

L'adolescente balaya la proposition d'un geste de la main.

- Mon père n'est venu me voir que deux fois depuis qu'il m'a amené ici, et n'ai jamais resté plus d'une semaine. Ça m'étonnerai qu'il ait de grands projets pour moi. Présentez-lui mes respects et mes excuses la prochaine fois qu'il viendra...

Veluba en voulait un peu à Elohius d'avoir été si absent. Elle lui aurait pourtant laissé sa chance d'agir en vrai père. Mais faut croire que le dieu tout puissant des Mélénis avait des trucs plus importants à faire que s'occuper de sa bâtarde demi-Mélénis qu'il avait sans doute engendré dans un moment de faiblesse. Mais qu'à cela ne tienne. Veluba avait décidé qu'elle n'avait besoin de personne pour vivre sa vie. Personne à part Merlwin.

Comme promis, les deux jeunes Mélénis quittèrent le Refuge le lendemain. Leurs adieux à leurs camarades et professeurs ne dura pas bien longtemps, tant ils s'étaient mis en retrait de la communauté ces derniers mois. Ils ne s'installèrent nulle part, se contentant de voyager à travers la région pour y découvrir le monde hors du Refuge. Un monde bien dangereux, sauvage et parfois cruel, mais véritable, sans filtre, et que les deux amants pouvaient espérer changer à leur manière.

Veluba renoua avec les Pokemon, et avec le désir, peut-être écrit dans son sang, de tenter de les rapprocher avec les humains. Merlwin l'y aida de bonne grâce, lui aussi se sentant proche de ces créatures. De villages en villages, ils cherchèrent des gens qui partageaient leurs espoirs. Ils furent la plupart du temps très mal reçus bien sûr, mais ils n'abandonnèrent pas, et petit à petit, un groupe se monta.

Ils étaient une vingtaine, de tout âge et de tout horizon, souhaitant prouver que les humains et les Pokemon pouvaient devenir des partenaires, qu'ils pouvaient unir leur force et progresser ensemble. Au fil de leurs voyages, certains d'entre eux parvinrent à se lier avec un Pokemon en particulier, qui rejoignait ainsi leur groupe. Merlwin fut l'un des premiers à trouver son Pokemon : un Typhlosion au collier de flammes violet, qui devait être originaire de l'île d'Hisui à l'est, sans qu'on sache comment il était arrivé à Johkania.

Le groupe se fit peu à peu connaître en se servant de leur union humain-Pokemon pour résoudre les problèmes des gens, bien avant que l'armée royale n'intervienne. Ils aidaient lors des catastrophes naturelles, ils arrêtaient les brigands, ou jouaient les médiateurs quand il y avait des conflits entre des villages humains et des groupes de Pokemon. Malgré toutes leurs bonnes actions bénévoles, on les considérait surtout avec dédain et mépris comme des amoureux des Pokemon ou des doux dingues. Mais, aussi lentement que ce fut, leur renommé progressa, et ils recrutèrent encore plus de monde.

Veluba était reconnue comme étant la meneuse, et n'avait pas caché son lien avec Alexandros Deleval. Elle et Merlwin se servaient parfois du Flux quand la situation l'exigeait, et pour cela, ils avaient droit à la quasi-vénération de leurs membres. Mais Veluba n'avait pas encore son propre Pokemon. C'était triste, alors qu'elle était la cheffe officieuse, et que Merlwin lui avait son puissant et rare Typhlosion depuis le début. Mais elle n'avait pas été capable de se lier à l'un d'entre eux. Elle se disait que c'était parce qu'elle n'avait pas encore trouvé le bon, celui qui lui était destiné. Pourtant, avec le Flux, et la grande empathie qui l'avait toujours rapproché des Pokemon durant son enfance, c'était bizarre...

Mais Merlwin lui disait que ce n'était pas grave, qu'on gardait juste le meilleur pour la fin, et qu'elle allait rencontrer un Pokemon incroyable qui accepterait d'être son partenaire. Et comme Merlwin disait cela, personne au sein du groupe ne fit de réflexion, alors que quasiment tout le monde avait désormais un Pokemon.

Les mois passèrent, et avec eux la célébrité du groupe explosa dans les environs. Ils avaient désormais un nom : les Rassembleurs. Ils bénéficiaient du soutient de certains villages ou petits nobles locaux à qui ils avaient rendu service, et disposaient désormais de liquidités. Même si l'armée royale ne les reconnaissait pas officiellement, elle tâchait de les laisser tranquille. D'une, parce qu'elle n'avait pas envie de se frotter à un groupe organisé de Pokemon menés par des humains, avec en plus deux sorciers reconnus à leur tête. Et deux, parce que les Rassembleurs s'occupaient des tâches souvent ingrates que l'armée royale n'avait pas le temps – ou l'envie – d'accomplir.

Chez les Rassembleurs, tout le monde était égaux. Un Pokemon avait autant de droit qu'un humain, et les décisions étaient prises démocratiquement, avec Merlwin dans le rôle d'arbitre si besoin est. Ce dernier avait totalement éclipsé Veluba, à présent. Il se présentait comme le seul véritable meneur et fondateur du groupe, et sa puissance au combat, renforcée par celle de son Typhlosion hisuien, le plus fort Pokemon des Rassembleurs, le laissait invaincu.

Veluba lui avait laissé ce rôle sans se plaindre, elle qui n'avait toujours pas de Pokemon. Elle était la seule, désormais. La seule parmi les 55 humains de leur groupe. Elle en avait honte, et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle avait toujours adoré les Pokemon, elle avait toujours été capable de les comprendre... et maintenant, c'était comme si ils la fuyaient, et qu'elle était devenue aveugle et sourde à leur contact. Elle n'en avait plus vu depuis trois ans quand elle se trouvait au Refuge, certes, mais elle n'aurait jamais pu perdre cela en si peu de temps. C'était tout son être. C'était son sang, son héritage !

Ses pathétiques tentatives pour trouver un Pokemon partenaire lui attirèrent pitié et moquerie de la part des autres. Elle en était venue à tenter de soudoyer des Rattata en leur offrant à manger, mais même là, ces derniers dédaignaient sa présence. Elle en pleurait souvent la nuit, seule. C'était elle qui avait la première porté ces idéaux. Elle qui avait eu l'idée de fonder ce groupe... alors pourquoi ?

Le pire dans tout ça, c'est que si Merlwin l'avait soutenu au début, il était clair qu'il s'éloignait progressivement d'elle désormais. Finies les démonstrations d'affections et promesses d'amour éternel. Il était devenu le fer de lance des Rassembleurs et ne voulait peut-être plus être vu en compagnie d'une esseulée qui n'était pas fichu de se trouver un partenaire. Veluba l'avait même surpris, plus d'une fois, à conter fleurette à d'autres femmes du groupe.

Mais ça aussi, elle l'avait accepté. Aussi douloureuse que fut cette trahison, elle se disait que c'était sa faute à elle, parce qu'elle n'avait pas de Pokemon, parce qu'elle était le vilain petit Couaneton du groupe. Si elle trouvait un Pokemon puissant, elle regagnerait le respect de tout le monde et sans doute l'amour de Merlwin. C'est ce qu'elle s'efforçait de croire pour ne pas sombrer dans une dépression profonde.

Mais même si elle voulait conserver espoir, cela finissait par la ronger de l'intérieur, et ça se voyait physiquement. Toujours très belle, joyeuse et bien entretenue, l'adolescente ne se coiffait plus, avait de grosses cernes sous les yeux et ne souriait plus. Les autres Rassembleurs en vinrent à l'éviter, puis à ne plus lui parler. Jusqu'à que finalement, Merlwin vienne la voir, et, gêné, lui balança comme une brique sur la figure :

- Veluba... Je crois qu'il serait souhaitable, pour toi comme pour le groupe, que tu quittes les Rassembleurs.

Tous les autres étaient là ce jour ci, derrière Merlwin. Les 108 humains et Pokemon, qui faisaient face à Veluba comme pour lui indiquer qu'elle n'était plus la bienvenue. La jeune femme ne put que dévisager Merlwin d'un regard vide.

- Tu comprends... J'ai attendu aussi longtemps que possible... Mais il est clair que les Pokemon ne t'aiment pas, Veluba. Cela fait plus d'un an, on a croisé des milliers de Pokemon, et aucun n'a désiré te suivre.

- Je ne... je ne comprends pas... ne put que murmurer Veluba en cherchant à se défendre. Ce n'était pas comme ça, avant... Je pouvais devenir amie avec eux d'un simple regard. J'arrivais à comprendre ce qu'ils me disaient ! Je... je pouvais même en contrôler plusieurs inconsciemment avec le Flux ! C'est la vérité !

- Je te crois. Tout le monde au Refuge connaissait ton histoire, comment tu as vécu dans cette forêt avec pour seule compagnie des Pokemon pendant plus d'un an. Mais c'était avant, Veluba. Il s'est peut-être passé quelque chose au Refuge. Peut-être qu'en éveillant ton Flux et ton empathie avec les Mélénis, tu as perdu la possibilité de te lier à nouveau avec les Pokemon ? Je ne sais pas, Veluba. Mais sincèrement... je crois que tu n'as plus rien à faire avec nous. Tu souffres d'être la seule à ne pas avoir de Pokemon. Je le vois bien. Retourne au Refuge et devient la puissante Mélénis que tu étais destinée à devenir. Ou bien vas vivre chez les humains et fonde-toi une famille aimante.

Les autres derrière Merlwin hochèrent la tête. Certains avaient l'air compatissants, d'autres seulement pressés de la voir partir. Veluba, heurtée par la profondeur de la trahison de Merlwin, ne put que lui dire :

- Je pensais que c'était toi, ma famille... C'est ce qu'on s'était promis. Le fait que je ne puisse pas me lier à un Pokemon est plus important que notre amour ?

- C'étaient des paroles de jeunesse, entre deux gamins qui découvraient tout juste l'amour, relativisa Merlwin. Je t'aime toujours, Veluba, et ça ne changera jamais, mais j'ai un but désormais. Et j'ai les Rassembleurs. Ils passeront avant tout le reste. Nous réaliserons l'idéal d'Alexandros Deleval pour toi, Veluba. Je t'en fais le serment.

Le serment... Veluba se retint d'éclater de rire. Comment pouvait-elle croire au serment d'un menteur ? Et comment osait-il prononcer le nom de son ancêtre devant elle après l'avoir délesté de tout ce qu'elle avait ? Pas seulement Merlwin, mais aussi tous les autres derrière. Humains comme Pokemon. Ils la regardaient comme on regardait un étranger indésirable. Quelqu'un de différent de nous dont on ne voulait pas de la compagnie. Et ils osaient se nommer les Rassembleurs ?

La colère ne cessa de monter en Veluba et prit bientôt la place de la tristesse et de la honte. Pourquoi vaudrait-elle moins que ces gars-là ? Elle avait le Flux, et jusque-là, toujours eu le don de s'entendre avec n'importe quel Pokemon. Elle était la fille d'un dieu et la dernière descendante de Maleval l'Obscur. Non... elle valait mieux qu'eux. Que n'importe lequel d'entre eux. Et elle allait leur prouver.

Elle se plongea dans le Flux aussi profondément qu'elle l'avait jamais fait. À ce tel niveau de concentration, le tout sublimé par la rage et la détermination, elle pouvait voir les liens mentaux autour d'elle comme jamais. Ceux qui liaient les Rassembleurs entre eux, les humains à leurs Pokemon partenaires, et même les liens entre la terre et l'herbe, entre toutes les particules microscopiques qui flottaient partout.

Veluba était au centre de ce cosmos, avec des ficelles de toutes les couleurs autour d'elle. Elle avait l'impression qui lui suffisait de tirer sur une pour s'approprier ce lien. Mais ce qu'elle voulait, actuellement, s'était se lier aux Pokemon, pour leur prouver qu'elle en était bien capable. Elle allait s'attirer l'empathie des 54 Pokemon des Rassembleurs, même s'ils avaient déjà tous des partenaires.

Elle « tira » sur les liens unissant humains et Pokemon jusqu'à les dérouler pour les attirer à elle. Ils résistèrent bien sûr, mais elle était plus puissante. Toute la confiance, l'amitié et même l'amour qu'ils réservaient à leurs partenaires humains, elle pouvait les décortiquer avec le Flux et s'en emparer. Ce qu'elle fit, avec aucune grâce ni précision, mais avec une rage aveugle et un désir de possession incontrôlé.

Ce fut comme un viol mental collectif. Quelque chose de contre-nature, à tel point que même le Flux sembla protester. Mais Veluba n'en eu cure, pas plus que les cris de détresses et de souffrances des Rassembleurs, Pokemon comme humains. Ces derniers retenaient inconsciemment de force leurs liens envers leurs Pokemon, et furent donc également « entraînés » par Veluba. Elle allait se lier à eux tous, de gré ou de force. Elle allait s'imposer à eux, pour qu'ils ne doutent jamais plus d'elle.

Mais Veluba ne put s'arrêter aux seuls liens mentaux. Le cœur embrumé par la toute-puissance que le Flux lui offrait sur les autres et par cette extase d'asservir plusieurs esprits à la fois, la jeune femme continua d'aspirer tout ce qu'elle pouvait. Elle ne remarqua pas que les 108 Rassembleurs hurlaient à présent, se convulsant au sol, en proie à une terrible souffrance. Ou bien elle le remarqua, mais en fut totalement indifférente. Elle ne le savait pas elle-même.

Veluba mit un moment à recouvrer ses esprits, bien après n'avoir plus rien à attirer à elle. Son corps était en sueur et la brûlait en divers endroit ; d'une chaleur enivrante, comme celle d'un orgasme. Quant à son esprit, il avait l'impression d'être enfin complet et entier, sans aucun souci pour l'obscurcir. Mais quand Veluba reprit enfin conscience d'elle-même, elle vit, allongés par terre devant elle, les cadavres de tous les Rassembleurs. Tous, humains comme Pokemon, éternellement figés par terre avec une expression d'agonie terrible.

Veluba ne saurait dire ce qui s'était passé avec précision. Mais une chose était sûre : elle s'était servie du Flux sur eux, et avait perdu le contrôle. Voulant s'attirer leur sympathie, elle leur avait tous aspiré leurs vies. Même à Merlwin, qui était pourtant tout aussi Mélénis qu'elle. Son corps était celui le plus près d'elle, la main tendue vers elle comme s'il avait voulu l'arrêter ou la supplier.

- AHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!

Ça, c'était le cri inarticulé de Veluba après qu'elle soit tombée à genoux, horrifié par ce qu'elle avait fait. Les membres tremblants, elle se griffa le visage, s'arracha plusieurs cheveux, et manqua s’étouffer après avoir momentanément perdu la capacité de respirer normalement.

C'était déjà de sa faute si sa mère était morte, et voilà qu'elle venait d'éliminer son propre groupe entier. Elle détruisait tout ce à quoi elle tenait. Il y avait vraiment quelque chose qui clochait chez elle. Quelque chose de pourri. Prostrée à terre, elle n'osait pas regarder les yeux morts accusateurs de ses camarades, mais ne voulait pas bouger de là. Ses doigts la démangeaient, comme si elle rêvait de se les enfoncer dans la poitrine pour s'arracher le cœur. D'ailleurs, pourquoi ne pas le faire ? Rien qu'avec le Premier Niveau du Flux, elle pouvait facilement s'ouvrir le thorax. Pourquoi ne pas en finir maintenant ? Elle n'avait plus rien de toute façon. Autant que les Rassembleurs restent tous ensemble jusqu'à la toute fin...

- Oh ? Eh bien eh bien... Voilà un bien joli carnage.

Alors qu'elle avait les doigts crispés devant sa poitrine, Veluba remonta lentement la tête pour voir d'où venait cette voix veloutée et joyeuse. Un homme venait d'apparaître de nulle part à ses côtés. Il avait l'air assez jeune, avec de longs cheveux blonds soyeux, et avec une peau extrêmement pâle. Il portait une toge blanche qui était tout ce qu'il y avait de plus Mélénis. Mais Veluba n'avait pas eu besoin de ça pour l'identifier comme tel ; elle pouvait sentir son Flux sans aucun effort. Un Flux étrange, comme s'il était réprimé et cadenassé, n'osant pas se dévoiler pleinement. L'homme avait un sourire amical plaqué sur son visage, mais ses yeux gris et froids, eux, n'avaient rien de chaleureux.

- Vous êtes qui, vous ? demanda Veluba d'un ton morne, comme si la réponse ne lui importait aucunement, au final.

- Un simple Mélénis errant, répondit-il. Tu peux m’appeler Volo. J'ai senti une grande perturbation de Flux et je suis venu ici aussi vite que possible. C'est toi qui a tué tous ces gens et Pokemon ? Ils t'importunaient ?

- Non... Oui... Je ne sais pas... C'était un accident. Je ne voulais pas les tuer...

Même à ses propres oreilles, ces excuses sonnaient de façon pitoyables. Mais le dénommé Volo haussa les épaules, sans se départir de son sourire.

- Peut-être que ton Flux le voulait à ta place alors. Il est toujours bien plus sincère que nous. Aller contre ses désirs est stupide.

Malgré son état, la curiosité gagna vaguement l'adolescente. L'une des premières règles, au Refuge, était de ne jamais être esclave de son propre Flux, mais au contraire de le maîtriser. Il n'y avait qu'un groupe de Mélénis pour aller à l'inverse de cet enseignement. Et la façon dont Volo avait à peine sourcillé en voyant ce carnage, alors que tout bon Mélénis aurait été horrifié, ne laissait guère de doute sur son appartenance à ce groupe.

- Vous êtes un Mélénis Noir ? demanda Veluba.

Il n'y avait nulle hostilité dans sa question. Les maîtres du Refuge avaient appris à leurs élèves de craindre ces déviants Mélénis qu'ils affrontaient depuis des millénaires, mais Veluba n'avait plus rien à faire avec l'enseignement Mélénis ni avec leur religion.

- Je n'aime pas ce terme, répliqua Volo, toujours aimable. Nous sommes seulement les vrais Mélénis, ceux qui ne musellent par le désir de leur Flux et qui utilisons tous son potentiel. Tiens, selon la définition du Refuge, tu viens juste d'en devenir une, de Mélénis Noire.

- Parce que j'ai tué tous ces gens avec le Flux ?

- Non. Pas parce que tu les a tués. Mais à cause de la façon dont tu l'as fait. Tu t'es servi du Haut Flux... ce que les pleutre du Refuge qualifie de Flux Noir avec ignorance. Tu as aspiré leur Flux.

Volo la remit sur ses pieds avec bienveillance avant de tourner autour d'elle tout en lui expliquant :

- Tous les êtres vivants ont un Flux naturel en eux, et pas seulement les Mélénis. Tu peux appeler ça « l'énergie vitale ». Et jadis, avant la Guerre Civile des Mélénis, nous aspirions le Flux de nos ennemis pour les mettre à mort. C'était là un art de haut niveau et très dangereux, qui fut baptisé « Haut Flux ». Regarde... Celui-là, c'était un Mélénis aussi hein ?

Il désigna le cadavre de Merlwin, et Veluba ne put que hocher la tête en gardant les yeux baissés.

- Tu n'ignores sans doute pas que quand un Mélénis meurt, son corps est désintégré sous la pression de tout le Flux en lui qui est libéré des entraves de sa chair. Mais là, son cadavre est intact. La seule raison, c'est que tu lui as aspiré tout son Flux, qui n'a donc pas détruit son corps en le quittant à sa mort. C'était courant à l'époque. Les Mélénis s'entre-tuaient de la sorte, et il existait encore des tombes pour eux. On enseignait même le Haut Flux à la grande académie des Mélénis. Mais après la guerre civile, les pleutres Mélénis qui préféraient lécher le derrière de leur maîtres humains ont déclaré le Haut Flux interdit et l'on qualifié de Flux Noir, et tous ceux qui s'en serviront de Mélénis Noir. Alors que c'est totalement absurde ; ce n'est pas l'utilisation du Haut Flux qui influe sur la lumière ou les ténèbres...

Veluba aurait pu trouver cela vaguement intéressant si on lui avait raconté durant sa formation au Refuge, mais là, le distinguo Flux Noir/Haut Flux l'indifférait totalement.

- Vous êtes là... pour me recruter, ou quelque chose comme ça ? demanda-t-elle. Parce que si c'est le cas, vous pouvez repartir immédiatement. Je ne veux plus être avec qui que ce soit. Je n'apporte que le malheur, où que j'aille...

- Les Mélénis Noirs ne recrutent pas, ricana Volo. À l'inverse de ce qu'ont pu vous raconter les maîtres du Refuge, nous n'avons rien d'une organisation structurée. Nous vivons tous à notre guise, allons où nous voulons, pour faire ce que nous voulons. Non très chère. Je suis juste venu te rencontrer, pour t'assurer de mon soutient. Et peut-être t'aider d'une certaine façon...

- Si vous connaissez un sort de Flux capable de me tuer d'un coup sans me faire souffrir, alors je suis preneuse, affirma Veluba d'un air las.

- Oh, j'en connais oui. Mais pourquoi renoncer à la vie, alors que tu peux la modeler selon tes souhaits ?

- Il ne me reste plus rien à modeler...

- Tu te trompes, ma chère enfant. Rien qu'autour de toi, il y a cent huit choses que tu peux modeler à ta guise.

Volo écarta les bras, et dut se servir du Flux pour faire quelque chose, car la luminosité de la prairie dans laquelle ils se trouvaient baissa soudainement. Ce fut comme si la nuit venait de tomber, mais sans aucune étoile et sans lune. Mais ce n'était pas le noir total non plus, car une étrange lumière violette, morbide et anormale, éclairait tous les environs. Cette lumière provenait de plusieurs petites flammèches violettes qui se tenaient un peu partout autour d'eux, et qui flottaient lentement dans le vide

- Qu'est-ce que c'est que ça ? balbutia Veluba, guère rassurée.

- Les âmes de tes 108 compagnons, répondit Volo. Attendant d'être amenées dans le Royaume des Esprits par les serviteurs spectraux de Giratina. Il se trouve que je maîtrise un sort de Flux pour pouvoir les rendre visible aux yeux des mortels.

Si Veluba avait du mal à soutenir la vision des corps sans vie de Merlwin et des autres, là, devant leurs âmes qui l'encerclaient impitoyablement, elle avait envie de rentrer sous terre pour leur échapper à jamais. Ils n'avaient beau être que de petites flammes violettes, elle avait l'impression qu'ils lui criaient toute leur colère et leur accusation.

- Je ne veux pas les voir ! s'exclama Veluba en se couvrant les yeux. Que Giratina les emporte, vite !

- Il finira par le faire, mais ce serait dommage, fit Volo. Tu pourrais en disposer avec le Flux avant. Tu pourrais les accueillir en toi pour que tu vives à jamais avec elles... ou bien tu pourrais aussi les fusionner et en faire ce que tu souhaites le plus.

- Fusionner... des âmes ? répéta Veluba, perplexe.

- Les âmes ne sont rien de plus que de l'énergie spirituelle avec une conscience. Et l'énergie, on peut en faire plusieurs choses. Le Flux peut la modeler à sa guise. C'est là un des nombreux dons qui ont été offert aux Mélénis. Sers-t-en, Veluba. Regarde...

Comme un chef d'orchestre, il bougea les mains et les doigts, et alors, deux des cent-huit flammèches violettes se rencontrèrent, pour devenir une flammèche un peu plus grosse.

- Le Flux touche le matériel comme l'immatériel, le corps comme l'esprit, poursuivit Volo. Tu peux contrôler les âmes avec lui. Rassemble-les toutes, puis je t'apprendrai à les modeler pour concevoir une autre existence.

Empreint de curiosité et trop bouleversée pour réfléchir à ses actes, Veluba fit ce que Volo lui dit. Avec le Flux, elle se mit à faire bouger les âmes selon sa volonté, pour les faire se rencontrer entre elles. Mais elle n'entendit pas, à chaque fois, le bref cri de désespoir avant que la conscience des âmes ne disparaissent à jamais, alors que leur corps spirituel était forcé de fusionner avec un autre. Sans le savoir, Veluba était en train de tuer les Rassembleurs une seconde fois.

Quand elle eut terminée, il n'y avait plus qu'une seule flamme : grosse et vivace, elle était violette elle aussi, mais avec des reflets verts et une aura noire. Elle bougeait de droite à gauche avec des fluctuations puissantes, comme si quelque chose voulait sortir de la flamme. Veluba, qui la maintenait avec le Flux, avait toutes les peines du monde de la garder en un seul morceau.

- C'est... dur... fit-elle, les dents serrés. Elle se débat. Qu'est-ce que je suis censée faire maintenant ?

- Scelle là en quelque chose, lui conseilla Volo. Un objet physique. Ce sera plus simple ensuite de la retransformer. Tiens, utilise ça...

Il fit léviter vers elle un petit rocher d'allure rectangulaire. Veluba força l'agglomérat d'âmes à y rentrer, tandis que Volo, avec un sort de Flux, y apposa un sceau pour qu'elle ne puisse pas en sortir. La pierre avait maintenant des traits curieux à sa surface, comme si un visage y avait été gravé.

- Maintenant, tu peux lui donner la forme que tu veux. Et par forme, j’entends tout : son existence, ses pensées, son but. Tu peux recréer la vie comme tu le souhaites, Veluba. N'est-ce pas là le pouvoir d'une véritable déesse ?

Pendant près d'une heure, et avec l'aide de Volo, Veluba se servit du Flux pour « façonner » l'agglomérat d'âmes. C'était une tâche très compliquée qui nécessitait une grande précision d'esprit. Veluba n'avait jamais été une experte dans le maniement du Flux, mais son partage de pensée, dans lequel elle excellait, fut ce qui fit le plus de travail. Elle parvint à se lier à ce semblant de vie qu'elle était en train de modeler. Elle partagea tout son être avec lui ; ses pensées, ses peurs, ses espoirs. Ce qu'elle était en train de créer, ce n'était pas tant une nouvelle existence que le reflet de la sienne.

Pendant qu'elle œuvrait, elle sentait parfois les effluves de ce qui étaient les esprits de ses compagnons. Tous rassemblés qu'ils étaient, ils n'avaient plus de conscience propre, et leurs pensées voguaient ci et là sans aucun sens ni but. Mais ils étaient bien là. Merlwin, Typhlosion, et tous les autres. Ses 108 compagnons, qui allaient renaître en ne faisant plus qu'un. Un être qui partageait déjà le cœur et les pensées de Veluba. Quelqu'un avec qui elle n'aurait pas besoin de se lier, car elle l'était déjà de base.

- Mes félicitations, fit finalement Volo avec un grand sourire. C'est une créature un peu brouillonne et distordue, mais pour un premier essai, et avec autant d'âme à la fois, c'est plus que satisfaisant.

Un nouveau Pokemon se tenait devant eux, sortant de la pierre d'où il avait été scéllé. Un Pokemon Spectre, de toute évidence. Il avait l'allure d'un tourbillon de fumée violet avec des yeux et une bouche verts. Son œil gauche avec une étrange pupille en forme de spirale, et des lumières vertes, comme des lucioles, qui tourbillonnaient sur elles-mêmes. D'aucuns l'aurait trouvé effrayant, repoussant ou carrément maléfique. Mais pour Veluba, qui l'avait créée en y mettant tout son Flux, tout son esprit, et tout ce qui restait de ses 108 compagnons, c'était la plus belle chose au monde.

- C'est ton Pokemon, Veluba. Le tiens. Il n'appartient à personne d'autre, et te seras toujours loyal. Avec lui, tu pourras accomplir ton rêve.

- Mon Pokemon... répéta Veluba en regardant la créature spectrale.

- Oui. À toi de lui trouver un nom. Il est le premier de son espèce.

À compter de ce jour, Veluba devint officiellement la seconde dresseuse Pokemon au monde, après son ancêtre Alexandros Deleval. Elle devint la dresseuse de Spiritomb, le Pokemon Interdit.