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Pokémon : L'étoile d'Arkephyr de Arkephyr



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Informations

» Auteur : Arkephyr - Voir le profil
» Créé le 03/09/2022 à 22:21
» Dernière mise à jour le 03/08/2023 à 06:52

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Région inventée   Romance

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[L] Son vrai visage
– Laisse-moi y retourner.

Thomas me tient fermement par le bras et m'entraîne à l'écart des ruches – et par extension du champ – pour mettre le plus de distance possible entre le champion et moi.

– Tu me fais mal... je gémis avec exagération pour l'inciter à desserrer son emprise. Lâche-moi !

Mon subterfuge ne fonctionne pas. Je pourrais très bien utiliser une technique de Taekwondo pour me libérer et le neutraliser par la même occasion, mais mon instructeur serait furieux d'apprendre que je détourne son enseignement à des fins personnelles.

Je pense avoir déçu suffisamment de monde comme ça.

– Il connaît ma mère... je soupire en ralentissant le pas. C'est peut-être la seule personne au monde qui pourra me dire où la trouver.

Thomas finit par lâcher mon bras en comprenant que je n'essaierai plus de faire demi-tour. Son visage grave témoigne d'une certaine empathie à mon égard, et cela suffit à m'apaiser un peu.

– Joseph ne te dira rien... déclare-t-il en plongeant son regard sombre dans le mien. Pas après la ruse que tu as utilisée pour le vaincre.

Je baisse légèrement les yeux en m'efforçant de réprimer le sentiment de honte qui m'envahit.

Mon ami est bien gentil d'appeler ça une ruse. C'était à mon sens une véritable trahison. Un coup bas – et le mot n'est sans doute pas assez fort pour illustrer cette perfidie.

"Il se pourrait qu'elle soit encore pire que sa mère."

Les mots du vieil homme tournent en boucle dans mon esprit. Maman a quitté la maison du jour au lendemain sans donne d'explications, et je découvre aujourd'hui qu'elle n'a pas laissé que des bons souvenirs sur son passage.

Qu'est-elle devenue ? Qu'est-ce qui peut justifier l'abandon d'un mari et d'une petite fille de quatre ans ?

Je n'arrêterai jamais de me poser ces questions.

– Pourquoi t'a-t-il dit ça à toi ? je demande à Thomas. Tu l'as déjà rencontrée ?

Mon ami soutient un instant mon regard avant de froncer les sourcils.

– Je... Je ne sais pas... répond-il finalement avec un haussement d'épaules. C'est possible. À quoi ressemble-t-elle ?

Je sens naître un sentiment d'espoir à l'idée que mon compagnon de route l'ait déjà croisée quelque part – même de loin.

Un rocher attire mon attention non loin de nous, et je décide de m'asseoir dessus avant de lui répondre.

– Elle était comme moi à mon âge... je murmure en cherchant la photo du cadre dans la poche intérieure de mon sac. Regarde.

On pourrait presque croire que nous sommes jumelles. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai jamais cessé de penser à elle. Il y a cette petite voix au fond de moi qui me dit que nous finirons tôt ou tard par nous retrouver.

– Elle a trente-six ans aujourd'hui... j'ajoute avec une moue songeuse. J'imagine qu'elle doit avoir une ou deux rides en plus. Mais elle est sûrement toujours aussi belle !

Thomas observe la photo un long moment. J'aimerais savoir ce qu'il pense en cet instant précis, mais son visage demeure indéchiffrable.

Il finit par esquisser un sourire amusé en se tournant vers moi.

– Je crois bien que je m'en souviendrais, si j'avais croisé une femme aussi charmante.

Je sens le rouge me monter aux joues et détourne malgré moi les yeux. Même si le compliment ne m'est pas directement destiné, je ne peux m'empêcher de faire le parallèle et d'y voir un million de sous-entendus.

– Tu aurais pu tomber amoureux ? je taquine en reprenant rapidement ma photo pour la ranger à sa place.

– Je suis déjà tombé amoureux... répond-il de but en blanc. On ne peut pas dire que ça m'ait réussi.

Ses mots me font l'effet d'une douche froide. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se livre d'une manière aussi brute, lui qui est habituellement si secret avec ses sentiments.

Et encore moins avec un tel détachement.

– Tu veux en parler ? je demande d'une petite voix.

Je connais sa réponse sans qu'il ait besoin de la formuler à voix haute.

– Pas du tout ! lance-t-il avec énergie en réajustant son sac sur ses épaules. Tu es prête à repartir ?

Je gonfle mes joues en affichant une mine boudeuse et me lève de mon rocher pour poursuivre ma route en direction de Vulcanor.

Nous marchons ainsi en silence pendant plus d'une heure. Mon cerveau est en ébullition et concentre toutes ses ressources sur les révélations récentes de Thomas. Qui aurait pu imaginer que ce garçon taciturne et socialement inadapté ait déjà pu entretenir une liaison amoureuse avec qui que ce soit par le passé ?

Je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de jalousie en songeant à cette fille – en admettant qu'il s'agisse bel et bien d'une fille.

– Tu es gay ? je demande spontanément tandis que nous traversons une charmante vallée.

Thomas hausse un sourcil. Il ne s'attendait probablement pas à ce que je rompe le silence pour parler de sa sexualité.

– Pas que je sache... me répond-il avec un air perplexe. Mais je devrais peut-être y songer.

Je laisse échapper un léger rire. Je ne me pensais pas capable d'une telle audace, mais je dois bien admettre que je me sens mieux.

Me transformer en garçon aurait été compliqué – il faut dire que je tiens à ma féminité. Mais faire oublier à mon ami sa déception amoureuse est tout à fait à ma portée.

– Reste près de moi... souffle-t-il à voix basse tandis que notre environnement change brusquement.

Une étrange fumée s'élève autour de nous. Je saisis machinalement la main de Thomas et observe les alentours avec méfiance pour guetter le moindre mouvement suspect.

– C'est un Pokémon ? je demande en réprimant un frisson.

Mon ami étudie les environs dans un silence pesant. Il finit néanmoins par se détendre et reprend la route comme si de rien n'était.

Je constate avec plaisir qu'il ne m'a pas lâché la main.

– Non... répond-il en secouant doucement la tête. C'est un phénomène naturel assez récurrent, par ici.

Je hoche la tête d'un air entendu. Papa m'a suffisamment mise en garde contre les alentours de Vulcanor. Ces épaisses nappes de brouillard font le bonheur des brigands qui profitent de l'inattention des dresseurs novices pour subtiliser leurs Pokémon.

Et la ville serait encore pire.

– Où est-ce qu'on va dormir ? je demande avec appréhension.

Thomas m'a appris à apprécier les nuits à la belle étoile. Mais c'était toujours avec une météo clémente et dans un cadre rassurant.

Je ne suis pas certaine de pouvoir fermer les yeux dans un endroit pareil – j'aurais bien trop peur qu'il nous arrive quelque chose. Il y a bien des kidnappeurs qui n'hésitent pas à attaquer les dresseurs en plein jour !

– Je connais un endroit... murmure mon ami en désignant les reliefs du menton. Il y a une grotte éloignée du sentier. Nous y serons à l'abri.

Évidemment. Thomas a peut-être été cartographe dans une autre vie – ça expliquerait pourquoi il connait autant de choses sur cette région. J'ai moi-même un bon sens de l'orientation, mais je serais bien incapable de mémoriser autant d'informations.

Mon ami a quand même passé ces dix dernières années à l'écart de la civilisation. Bien sûr, il s'est régulièrement rendu dans les villes pour se réapprovisionner en produits d'hygiène et en vêtements, mais il n'est jamais resté plus de quelques jours au même endroit.

– Tu ne penses pas qu'ils t'ont oublié, depuis le temps ? je demande avec une moue inquiète. Ceux qui te poursuivaient, il y a dix ans.

C'est une vraie question. Thomas a réussi l'exploit d'échapper à ses ravisseurs, et il n'a jamais cessé d'être en cavale depuis ce jour. Pourtant, il a été forcé d'abandonner son voyage initiatique et s'est naturellement éloigné de la Ligue Pokémon.

Pourquoi voudrait-on encore s'en prendre à lui ?

– Ces gens-là n'oublient rien... grommelle-t-il en libérant ma main.

Je préfère ne pas insister. Mon ami est assez sensible sur la question, et je ne veux pas lui laisser penser que je le trouve paranoïaque – même si c'est totalement le cas.

Il finira peut-être par baisser sa garde un jour.

Nous continuons notre route pendant plus de deux heures sans croiser âme qui vive. Même les Pokémon semblent avoir déserté ces montagnes entourées de brume.

Mes pieds me font un mal de chien. Nous avons quitté le sentier depuis plusieurs minutes, et devons à présent marcher sur des grosses racines entremêlées et des amoncèlements de roches pointues qui détruisent littéralement les semelles de mes baskets.

– On arrive bientôt ? je gémis en essayant d'ignorer ma douleur. Je rêve d'un lit douillet, d'un bain chaud et d'un bon repas.

Au lieu de quoi j'aurai un sol de pierre, de la poussière et des pommes. Mais rêver ne coûte pas grand-chose, et ça permet surtout de ne pas trop déprimer.

– Tu vas être exaucée... soupire Thomas.

J'écarquille les yeux en apercevant une véritable source d'eau bouillonnante située à quelques pas seulement de la caverne.

Même dans un endroit aussi inhospitalier, mon ami est parvenu à trouver un petit coin de paradis.

– Je... On peut se baigner ? je demande avec émerveillement.

Je serais prête à me mettre toute nue et à plonger sans perdre une seconde, mais je ne suis pas certaine que la température de l'eau soit vraiment supportable.

Et puis la pudeur me l'interdit.

– Évite simplement la partie à gauche... me conseille Thomas en désignant un coin en ébullition. Ça devrait aller pour le reste.

Il n'en faut pas plus pour me décider. J'ôte mes chaussures et mes chaussettes en hâte et les plonge doucement dans la source en poussant un soupir de contentement.

Je crois bien que je vais passer toute ma soirée ici.

– Retourne-toi pendant que je me change... dis-je en lançant un regard par-dessus mon épaule, au cas où mon ami serait déjà en train de me reluquer discrètement.

Mais il n'est même plus là. Cet idiot se fiche pas mal de me voir en petite tenue, et il a déjà regagné la grotte pour installer le camp.

– Tant pis pour lui...

J'ôte mes vêtements en hâte et les laisse au bord de la source avant de me glisser enfin dans l'eau. Mes muscles se détendent les uns après les autres, et mes soucis s'envolent comme s'ils n'avaient jamais existé.

– Tu rates vraiment quelque chose... je soupir en fermant les yeux.

– Je n'en doute pas une seconde.

Je me redresse brusquement et croise les bras devant ma poitrine. Un homme au crâne rasé et aux allures de colosse se tient à seulement quelques mètres de moi, juste devant la source chaude.

Son uniforme de capitaine et la cicatrice qui traverse son œil gauche ne laissent planer aucun doute quant à son identité.

– Je veux que les unités deux et trois se déploient autour de cette foutue grotte... déclare-t-il d'un ton autoritaire à son talkie walkie. Unité un, préparez-vous à l'assaut. Il ne doit surtout pas nous échapper.

Je regarde autour de moi et remarque alors la présence de plusieurs gendarmes qui se dispersent tout autour de la caverne avant de dégainer leur arme. Plusieurs d'entre eux s'engouffrent directement dans la grotte avec la ferme intention d'en découdre.

– Que... Que se passe-t-il ? je demande d'une voix tremblante.

C'est sûrement un malentendu. Thomas se cache pour échapper aux malfrats qui ont voulu s'en prendre à lui lors de son voyage initiatique – sans doute les mêmes qui ont tenté de m'enlever.

Comment se fait-il que les forces de l'ordre déploient de tels moyen pour lui mettre la main dessus ?

– Tiens-toi tranquille... m'ordonne calmement le capitaine. Sais-tu qui je suis, gamine ?

Je hoche la tête sans le quitter une seconde des yeux. J'ai vu son visage de trop nombreuses fois dans les médias pour ne pas en avoir mémorisé les traits.

- Vous êtes Steve Erzat... je réponds d'un ton méprisant. Vous n'aimez ni les dresseurs, ni les Pokémon.

Mon interlocuteur lève les yeux au ciel comme si ma réponse était celle d'une enfant capricieuse. Même si cet homme est un représentant de la loi, je ne peux pas me forcer à être aimable avec lui.

Mais ce débat autour du dressage peut bien attendre.

– Qu'est-ce que vous allez faire de mon ami ?

Le capitaine esquisse un sourire mauvais.

– Ton ami ? raille-t-il avec incrédulité. Thomas Gray est recherché depuis presque dix ans pour le meurtre de plusieurs dizaines de personnes. L'attentat du Centre Commercial de Lunapolis, ça ne te dit rien ?

Je secoue la tête avec horreur. Je n'étais encore qu'une gamine à l'époque, mais l'événement avait fait la une de toutes les chaînes de télévision pendant près d'un mois. Un brillant dresseur de Pokémon avait pété les plombs du jour au lendemain et causé une terrible explosion dans l'endroit le plus fréquenté de la capitale.

Le responsable a été traqué pendant des mois sans que les forces de l'ordre parviennent à l'appréhender. Dès qu'un habitant pensait enfin l'apercevoir, il disparaissait dans la nature sans laisser la moindre trace.

Thomas Gray.

– C'est le frère du Maître... je lâche dans un murmure.

Les détails de l'enquête me reviennent peu à peu en mémoire. Les deux frères voyageaient ensemble quand le drame s'est produit. Michael Gray a été déclaré Maître Pokémon suite à l'abandon forcé de son jeune frère, mais l'événement a été complètement étouffé par le retentissement de ce scandale sans précédent.

Tous les proches de Thomas ont été longuement interrogés. Finalement, il s'est avéré que mon soi-disant ami était seul responsable des chefs d'accusation retenus contre lui.

Comment diable ai-je pu passer autant de temps à ses côtés sans me douter un seul instant de sa véritable nature ?

Comment ai-je pu le désirer ?

– Il n'y a personne, Capitaine... déclare une voix grave depuis le talkie walkie. La cible a creusé un tunnel pour s'échapper.

Steve Erzat crispe sa mâchoire avant de presser le bouton latéral de son appareil.

– Et les balises de nos Steelix placés en sous-sol ?

– Négatif... répond une autre voix quelques secondes plus tard. Nous avons perdu le signal. Elles ne répondent plus.

Le capitaine prend une profonde inspiration pour contenir sa colère. Cette homme me fait peur, et je réalise en cet instant que je suis plus vulnérable que je ne l'ai jamais été.

Malgré tout ce qui lui est reproché, Thomas a toujours veillé sur moi. Mais maintenant que les forces de l'ordre ont retrouvé sa trace, il s'est éclipsé en me laissant seule derrière lui.

– Dépêche-toi de t'habiller... m'ordonne Steve. Tu vas gentiment nous suivre au poste pour un interrogatoire.

L'homme croise les bras sans me quitter des yeux. S'attend-il vraiment à ce que je sorte nue de cette source chaude devant lui ?

– Ne fais pas de manières... grogne-t-il en remarquant ma gêne. Tant que nous t'aurons pas interrogée, tu seras considérée comme une complice de ce fumier.

Une fine poudre blanche commence à se répandre autour de nous. Je lève machinalement les yeux en songeant qu'il s'agit de l'une de ces fameuses pluies de cendre, mais un sentiment de fatigue s'empare brusquement de moi.

– Ce n'est pas très gentil... répond sombrement Thomas.

Je reporte mon attention sur le capitaine et distingue la silhouette de mon ami juste derrière lui. Son visage est complètement fermé, et je perçois en lui une rage contenue que je ne lui connaissais pas.

À ses côtés se tient un majestueux Florizarre.

– Bonne nuit, Steve.

Le capitaine porte aussitôt une main à sa ceinture pour dégainer son pistolet, mais la Poudre Dodo du Pokémon Plante le neutralise bien avant qu'il ne lève son arme.

– Ne t'approche pas de moi... je supplie alors d'une voix faible en m'approchant du rebord pour ne pas me noyer. S'il te plait...

Thomas se jette dans la source tout habillé et me retient juste avant que mon corps ne m'affaisse. J'aimerais avoir la force de le repousser, mais le sommeil m'emporte sans que je puisse l'en empêcher.