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Les bons conseils de mon grille-pain de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 16/08/2022 à 17:59
» Dernière mise à jour le 15/09/2022 à 14:40

» Mots-clés :   Amitié   Humour   Kanto   Slice of life

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Chapitre 2 : Expédition express
— Un Blizzi, deux Blizzis, trois Blizzis, quatre Blizzis…

Augustin, couché sur le dos, fixait son plafond et s’imaginait ce petit Pokémon dodu détaler à toutes jambes. Il aurait aimé que cette vision répétitive l’endorme, mais les « Wizu wizu » de ce Blizzi imaginaire ne cessaient de le hanter.

Et le rai de lumière habituel s’apprêtait à lui retomber sur le coin de la figure.

Il était réveillé, depuis longtemps. Il ne réussissait pas à se calmer.

En fait, c’était l’objectif qu’il s’était fixé la veille au soir qui l’angoissait. Il s’était promis, devant Frigo et Grille-pain, de sortir pour un footing express autour du pâté de maison, dès son réveil. Comme ça, plus il serait tôt, moins il risquait de croiser du monde.

Il avait réglé Réveil sur 7h, mais bon, connaissant son lève-tard de Motisma, il valait mieux ne pas compter dessus. Heureusement que sa phobie lui avait fait ouvrir les yeux. Il préférait se lever trop tôt que trop tard !

« La nuit porte conseil », soi-disant. Augustin regrettait pourtant sa décision de la veille ! Il avait remué l’idée dans son crâne, l’avait retournée dans tous les sens, et en avait conclu une chose : il n’avait aucune envie d’aller courir dehors dans ce monde rempli de fous furieux assoiffés de sang !

Il aurait mille fois préféré devenir amnésique et être jeté en pâture à des Pokémons sauvages dans un univers apocalyptique.

Pourtant, quand il apparut dans la cuisine pour un petit-déjeuner léger, il sentit le regard plein d’espoir et de bienveillance de Grille-pain, et celui, sceptique, de Frigo. Le premier se méfiait d’un changement de décision, et le deuxième ne croyait pas une seconde qu’Augustin allait tenir sa promesse.

— Alors, que vas-tu faire ? s’enquit Grille-pain, intrigué.
— Ce que j’ai dit, rétorqua Augustin, vexé de n’être pas pris au sérieux.
— Heureusement que tu as ton côté tsundere, lâcha le Frigo. Gros lâche.
— Euh, pardon ? L’insulte était nécessaire, là ?

Augustin se dressa face à Frigo, qui parut se ratatiner dans son coin de la cuisine.

— Pardon, maître, pas de remplacement s’il vous plaît !
— Mouais. C’est pas encore exclu que je t’abandonne, j’te préviens.
— Promis juré je mangerai plus les barres au chocolat !
— Plus jamais ?
— Je peux même t’en offrir une en cadeau à ton retour.

Le jeune homme, irrité, fronça les sourcils.

— Comment ça, « une » ? Elles sont toutes à moi, j’te signale.
— Il se pourrait que j’en ai gobé une partie dans la nuit… sans faire exprès bien sûr… je suis somnambule, je te l’avais dit, non ? Non ? Non…

Le regard assassin du garçon convainquit Frigo de ne plus ouvrir la bouche. Augustin se rassit et attrapa au vol les tartines grillées préparées par Grille-pain, avant de les manger avec appétit.

— Tu vas vraiment courir, alors ? questionna de nouveau Grille-pain.
— Je ne suis pas un lâche, donc oui, je vais faire ce que j’ai dit que je ferai.
— Bien, bien. Je suis fier de toi, Augustin.
— Oh ça va, t’es pas mon père.
— C’est ton grille-pain, c’est un peu pareil non ? rétorqua Frigo.


***


Il ne se souvenait même pas de la dernière fois qu’il avait enfilé des chaussures à ses pieds. Heureusement, ses baskets étaient encore à sa taille. Il les trouva confortables, et, satisfait, il s’approcha de la porte d’entrée de son appartement. D’habitude, il ne venait là, à cet endroit, qu’une fois par semaine à chaque livraison Delibird par les drones de Motismax.

Autant dire qu’il était déjà un peu nerveux de se tenir à un mètre de la porte, avec la poignée à portée de main.

Il s’avança encore, et posa les pieds sur le tapis.

— Aïe ! s’écria une voix aigüe.

Augustin sursauta. Il baissa les yeux par terre. Son dernier meuble Motismax était là. Un vulgaire paillasson avec des yeux globuleux le fixait avec horreur.

— … que… bégaya le tapis. Quoi ? Un… UN VOLEUR ! J’APPELLE LES FLICS ! BELADONIS, AU SECOURS !

Un tapis-alarme. Augustin avait failli oublier son existence. D’ordinaire discret, il ne se réveillait que quand on marchait dessus. Et ce prototype, un vieux modèle, avait toujours eu des soucis d’identification. Il n’avait aucun mal à reconnaître Augustin en chaussettes quand il ouvrait la porte pour tirer à lui les sacs de courses déposés dans le couloir. Mais là, des baskets… pour lui, c’était impensable.

— Mais non, abruti, c’est moi, Augustin !
— TU MENS ! Je ne reconnais pas ces empreintes ! Sale petit voleur… grogna le tapis.

Augustin tapa des pieds.

— Aïe aïe aïe… ! Non, aïe, pitié… aïe, pas ça aïe ! Me piétine pas !
— Alors arrête de me traiter de voleur ! C’est moi, espèce de bigleux !
— Pardon ! Oui ! Pardon !

Le garçon se calma. Tapis reprit ses esprits, et leva les yeux vers lui. Il n’était pas aidé par ses problèmes de vue. Un Motisma myope dans un tapis, c’était à se demander s’il ne s’agissait pas d’une blague montée de toute pièce par le grand patron de l’entreprise ! Bon, la boîte le vendait surtout comme une alarme discrète, mais…

— Augustin, c’est vraiment toi… s’étonna Tapis dans un soupir.
— Bah oui. Je sors courir et je reviens direct.
— Compte sur moi pour appeler la police au premier voleur qui débarque !
— Dis pas ça, tu vas me porter la poisse…

« Si un type rentre un jour de force chez moi, je ne serai plus à l’abri nulle part… » frémit intérieurement Augustin.

Il posa la main, lentement, sur la poignée de la porte. Avec un geste encore moins vif, qui lui prit dix bonnes secondes, il l’abaissa jusqu’en bas.

Il tira le battant, craignant de voir la face hideuse d’un de ses voisins apparaître dans l’entrebâillement, comme dans un ancien film d’horreur.

Sur le palier obscur, personne. Pas un bruit, pas un mouvement. Il avala sa salive, la bouche sèche. Pour l’instant, ce n’était pas si terrifiant qu’il l’avait cru. Si le couloir était toujours calme comme ça, alors… c’était un peu comme une extension de son propre appartement, non ?

Essayant de s’en convaincre, il posa un pied à l’extérieur. Ses genoux se mirent à trembler. Ses jambes, prêtes à se dérober, lui permirent pourtant de se tenir debout. Entièrement hors de son appartement.

Il voulait faire ça le plus vite possible. Il cessa de réfléchir, claqua la porte en entendant la serrure électronique se refermer derrière lui, et il dévala les escaliers quatre à quatre.

Il fut abasourdi par la longueur de ces horribles escaliers. Il était au cinquième étage ! Cinquième ! Comme il n’était venu là qu’une fois, pour le déménagement, il avait toujours été persuadé d’être au deuxième !

« Quand je raconterai ça à Grille-pain, il sera sans mots ! » songea-t-il.

La peur lui donnait des ailes presque littéralement. Il bondit par-dessus les dix dernières marches d’une seule enjambée, glissa sur le carrelage du rez-de-chaussée et passa près d’une plante en pot surveillée par un gros Empiflor assoupi.

Puis il jaillit dehors, sur le trottoir.

Il fut assailli par de l’air frais qui ne sortait pas directement d’un climatiseur. C’était… du vent.

Du vrai vent !

— Trop bizarre, constata-t-il sans s’arrêter de trembler.

Il n’y avait personne en vue. Le soleil était encore très bas, les rues fraîches, les voitures absentes et les employés du matin invisibles. Il était temps. Temps de faire le tour de ce pâté de maisons !

Il courut, comme s’il avait la mort aux trousses, ignorant les limites de son corps et celles, naturelles, qui décrétaient qu’un être humain ne pouvait pas aller à 80 kilomètres par heure sans aide motorisée.

Il tourna à un angle, au suivant, à l’avant-dernier, sans même regarder le paysage et les bâtiments inconnus qui défilaient… sauf qu’à cinquante mètres de son immeuble, alors qu’il touchait au but après ces quelques secondes de sprint intense…

Quelqu’un.

Un autre être humain, là, habillé d’un costume-cravate, sortait d’une petite cour et se mettait à marcher d’un pas vif sur le même trottoir. Il venait dans sa direction.

Augustin écarquilla les yeux, horrifié. Son instinct lui hurla qu’il était en danger de mort. S’il ne fuyait pas, il était fini. S’il n’évitait pas le monstre d’assurance qui se tenait à quelques mètres, les yeux rivés sur sa montre, il allait mourir dans d’atroces souffrances.

Il convient de préciser qu’il ne s’agissait que de l’impression subjective et biaisée d’Augustin, et qu’en aucun cas cet employé de la Sylphe SARL ne dégageait quoi que ce soit de louche ou de menaçant. Sa seule excentricité était d’avoir un lointain cousin scout qui adorait porter des shorts, car ça gardait ses genoux bien au frais. Rien de plus !

Augustin hurla pour se donner du courage, et traversa la rue sans regarder, en courant comme un zombie détraqué, la bave aux lèvres. Il fit un large cercle pour éviter l’inconnu — qui, désormais, était aussi terrifié que notre héros — et bondit par-dessus un banc pour se glisser sous un fourré pour se tapir contre un mur pour ramper devant la porte de l’immeuble…

Pouf ! En deux-trois bonds plein d’adrénaline, Augustin franchit cinq étages d’escaliers, et rejoignit sa porte, pantelant, le visage rouge et une expression de soulagement pure sur les traits.

Il voulut ouvrir la porte.

Elle resta fermée.

Il secoua la poignée, en vain.

Et se souvint soudain qu’il n’avait pas pris ses clés pour sortir.

Alors qu’il tambourinait contre le battant comme un détraqué — sans percuter qu’il allait attirer tous les voisins sur le palier ! — la porte s’ouvrit brusquement de l’intérieur. Augustin, bouche bée, baissa les yeux sur Grille-pain, dont la main plasmatique avait saisi la poignée pour le sauver.

Les larmes aux yeux, Augustin se jeta dans son entrée et referma derrière lui, avant de se laisser glisser au sol.

Tapis paniqua :

— Oh, oh, oh ! Les semelles, d’accord, mais ça c’est un fessier, si je ne m’abuse ! Augustin, tu cherches à me torturer, c’est ça ? C’est du harcèlement sexuel, je vais appeler les flics !
— Grille-pain, tu m’as sauvé la vie… déclara Augustin en ignorant Tapis.
— J’ai eu la sagesse d’esprit de penser que dans ton envie de sortir, tu allais oublier deux ou trois petites choses essentielles. Dont le système de verrouillage électronique de ta porte.

Augustin se rendit compte que sa sortie avait visiblement été suivie de près par ses appareils Motismax. Derrière Grille-pain, dans l’entrée, s’entassaient Armoire, Commode et Frigo. Même Réveil, l’air grognon, observait la scène, en retrait.

— Voir que vous n’êtes pas à votre place, c’est bizarre, lâcha Augustin, en tremblant encore. Des fois j’oublie même que vous n’êtes pas que des meubles.
— Sympa… ronchonna Réveil.
— Oh toi, hein ! répliqua Frigo. T’es même pas un meuble, juste un objet !

Réveil, vexé, retourna dans la chambre pour y disparaître. Il hésita à claquer la porte et estima sans doute que ça ne valait pas le coup après sa bourde de la veille. Il ne voulait pas être remplacé, après tout.

Augustin regarda Grille-pain droit dans les yeux.

— Hé, Grille-pain…
— Oui ? Ce footing t’a donné envie, alors ?

Plein d’espoir, le sage appareil de cuisson attendit, un peu excité. Augustin allait-il enfin comprendre que le monde extérieur valait plus que ce qu’il croyait ?

— Je ne sortirai plus jamais de chez moi. C’était horrible. Tu savais qu’on était au cinquième étage, toi ?
— Euh, bah oui ça se voit quand on regarde dehors, quand même… commenta Armoire.
— On t’a pas sonné, grand dadais, répondit Commode, l’air pas commode.

Il fallait comprendre Commode : il était jaloux de n’être pas assez grand pour regarder par les fenêtres de l’appartement.

Grille-pain, inquiet, comprit que la promenade d’Augustin n’avait pas eu l’effet escompté. En fait, ça paraissait même être le contraire.

Augustin se redressa et essuya son visage trempé avec sa manche. Il claudiqua vers le salon, prêt pour une journée moins mouvementée de télétravail.

— Je ne sortirai plus jamais, répéta-t-il, sidéré. C’est décidé, plus jamais !

Sa bande de Motismax le regarda avec peine, ne sachant pas trop comment réagir.

Aucun d’eux n’avait l’option « psychologue » ou « ami virtuel » pour trouver les bons mots de réconfort…


***


Armoire lorgna du côté de Commode, l’air méprisant. L’ennui le poussait parfois à provoquer son voisin, surtout en journée, quand Augustin était hors de vue dans le salon, occupé à son travail.

Rien de tel qu’un peu de piment pour faire passer le temps plus vite !

Commode remarqua presque aussitôt qu’Armoire le toisait avec dédain. Il se mit immédiatement sur la défensive.

— T’as un problème, le plouc ? vociféra Commode.
— Moi ? Non. Toi, par contre…
— Tu rigoles ? C’est toi, le problème, placard obèse.

Armoire rougit, outré.

— « P-placard » ? Tu… tu oses me rabaisser au rang de placard ?
— Bah quoi, t’es juste un placard XXL, non ? Même forme, mêmes portes, même utilité de rangement à deux-trois détails près…
— Je ne suis pas un PLACARD !

Parfois, les provocations d’Armoire dérapaient et se retournaient contre lui. Voilà qu’il perdait son calme face à son éternel ennemi. Commode émit un ricanement bref :

— C’est qu’on est susceptible, dis donc !
— Tu vas voir de quel bois je me chauffe ! répliqua vivement Armoire, furieux.
— Du bois de chêne, je parie ? Héhé, c’est pour ça que tu pèses deux tonnes… placard obèse !
— T’es grossophobe, en plus ?

Ce fut au tour de Commode de rougir de honte.

— N-non, je plaisantais !
— Fais pas la langue de bois, vulgaire table de nuit !
— Table de… de…

Commode, choqué par l’insulte, ne trouvait même plus les mots. Armoire et lui se jetèrent des regards noirs. Heureusement, leur dispute idiote fut interrompue par l’arrivée d’Augustin dans sa chambre.

— Vous avez bientôt fini tout ce raffut ? lança-t-il, mécontent.
— Pardon, Augustin, répondirent-ils en chœur.

Le garçon s’assit au bord de son lit, et riva le nez sur son téléphone. Armoire, éternel bavard, lança la conversation.

— Tu as déjà fini ta journée ?
— Ouais, j’ai résolu le problème des lave-linges. Mon boss était tellement content qu’il m’a permis d’arrêter plus tôt.
— Bonne nouvelle ! s’écria Commode. Vive Augustin !
— Sois pas hypocrite, s’il te plaît, râla le garçon. T’es pas un Excelangue !

Oui, Commode était un peu lèche-bottes sur les bords. C’était dans sa nature, car il craignait tout particulièrement d’être remplacé, dans un monde où les commodes étaient absentes de bien des maisons. Pour le plus grand bonheur des armoires !

Mais Augustin n’était pas facile à duper lorsqu’il s’agissait de lui faire des compliments. Il avait un radar sensoriel pour ça, développé après des années passées à subir du harcèlement et des moqueries. En fait, les félicitations et les remerciements, il les voyaient surtout comme des mensonges éhontés ou de fourbes stratagèmes.

C’était pourquoi il était un peu perturbé par le comportement amical de son chef. Il s’était senti obligé de venir s’asseoir là, loin des discussions philosophiques de Grille-pain. Il voulait méditer, mais…

— Tu ne vas plus sortir, alors ? questionna Armoire.
— … toi aussi, tu vas m’emmerder avec ça ?
— Je demande, c’est tout !
— Je crois qu’Augustin n’est pas intéressé par la reproduction, commenta Commode avec maladresse.

Augustin redressa soudain la tête, et son regard enflammé croisa celui de son interlocuteur.

— Pardon ? Tu peux répéter ?
— Les humains sont des êtres sexués, pas vrai ? expliqua Commode, un peu fébrile. Tu… toi et les tiens, vous êtes sociables, même que c’est Grille-pain qui l’a dit. Moi je me demandais juste si tu comptais un jour sortir, trouver une femelle, copuler avec, puis nous pondre un ou deux œufs avec des bébés humains dedans.

Armoire fronça les sourcils, incertain.

— Des œufs ? Je suis à peu près sûr que les humains comme Augustin n’en pondent pas… Tu ponds des œufs, Augustin ?
— Une femelle humaine, ça ressemble à quoi ? renchérit Commode, curieux.

Le jeune homme, abasourdi par les propos déplacés de ses meubles « intelligents », émit un rire nerveux.

— Vous êtes cons à un niveau que je n’imaginais même pas ! Y’en a pas un pour rattraper l’autre… maugréa-t-il, désemparé.

Soudain, un hurlement déchira l’air, provenant de la cuisine. Un hurlement chargé de peur, si fort qu’Augustin sauta sur place et atterrit dans les bras tendus d’Armoire.

— Que… qu’est-ce c’était ? s’affola Commode.
— On aurait dit Frigo, lâcha Augustin à mi-voix. Le con, il m’a fait peur ! Il a sûrement mangé un truc périmé. Quel abruti, il va m’entendre !

Augustin sauta à terre et franchit en quelques enjambées les mètres qui le séparaient de la cuisine.

Là, un désolant spectacle se présenta à lui.

Frigo était couché à plat ventre, assommé.

La fenêtre était ouverte sur l’extérieur et la rue où passaient quelques horribles voitures puantes.

Et surtout…

Grille-pain avait disparu.